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QUATRE FORMES D'HÉRITAGE : 141 elles s'expriment grammaticalement varie de langage en langage

Dans le document Repères pour une sociologie (Page 141-145)

Ex-cursus sur l'évolution

5.2. QUATRE FORMES D'HÉRITAGE : 141 elles s'expriment grammaticalement varie de langage en langage

De plus, des langages diérents distinguent structurellement des catégories qui ne sont pas distinguées dans d'autres.

Cette vision du langage tient ainsi compte à la fois de l'universalité et de la diversité qui caractérise le langage.

Comment le langage change-t-il les gènes ? Dor et Jablonka voient l'évolu-tion du langage comme le résultat d'interacl'évolu-tions continues entre les systèmes culturel et génétique

Remarquons que toute l'évolution du langage que nous avons décrite s'est produite à travers des changements culturels. Nous devons maintenant examiner l'impact de ces changements sur le système génétique car il est raisonnable de penser que l'aptitude à apprendre, à comprendre et à utiliser le langage est inuencée par les gènes. Certains individus ont une constitution génétique qui les rend plus aptes à acquérir et à utiliser le système lin-guistique culturellement vaste et, à travers l'avantage, en termes de sélection que cela leur confère, la proportion de ces individus dans la population va s'accroître. Ils vont être les individus avec une meilleure intelligence, une meilleure mémoire, une meilleure aptitude à contrôler leurs verbalisations et une perception sociale plus élaborée. [...]

Ceux qui seront capables de faire ces choses bien auront un avantage dans l'apprentissage du langage et se développeront et se multiplieront à cause de cela .[...] Le processus de l'évolution linguistique a été ainsi un processus interactif en spirale dans le-quel l'évolution culturelle a guidé et dirigé l'évolution génétique en construisant une niche culturelle soumise à de constants chan-gements tout en capturant certains aspects stables. Ce sont ces aspects stables qui ont été partiellement génétiquement assimilés et ont produit des langages caractérisés par un mélange d'uni-versalité et de variabilité. (p. 308).

asso-ciée à d'autres évolutions épigénétiques et il en résulte qu'elles deviennent

aussi transmissibles. C'est ce que l'on appelle l'eet Baldwin.10 C'est tout

un système qui évolue et qui crée des dispositions. L'important est que les diérents systèmes sont imbriqués.

J'admets donc que les groupes les plus fortement cohésifs disposent d'un avantage évolutif. C'est ce qui m'a incité à placer l'aliation comme un présupposé fondamental car il résulte logiquement de l'histoire longue : c'est

ce comportement qui a été favorisé.11

Au départ, plusieurs présupposés idéologiques, qui sont mon-naie courante dans les sciences de l'homme doivent être décons-truits ; première opposition réductrice, la dualité corps-esprit. Le programme de la neuroscience contemporaine est d'abolir cette distinction archaïque fondée sur une ignorance délibérée des pro-grès de la connaissance scientique : il est précisément d'établir une relation de causalité réciproque entre l'organisation neurale et l'activité qui s'y développe et se manifeste par l'actualisa-tion d'un comportement (ou d'un processus mental) déni. L'ex-trême complexité de l'organisation fonctionnelle de notre cerveau, jusque-là insoupçonnée, doit être prise en compte, qui inclut les multiples histoires évolutives passées et présentes, emboîtées les unes dans les autres : génétiques et épigénétiques, développemen-tales, cognitives, mentales et socioculturelles, chacune déposant une trace matérielle singulière dans cette organisation. (p. 105) On arrive ainsi à faire l'hypothèse d'une coévolution des comportements, des aptitudes du cerveau, de l'expression par le langage et des aptitudes héri-tables, quelle que soit la forme que prend l'inscription de ces aptitudes dans le cerveau. La place et le rôle du langage dans cette évolution fait encore dé-bat entre les spécialistes. En eet, si l'évolution biologique a laissé des traces archéologiques (ossements, outils etc.), l'évolution du langage elle, n'en a pas

10. Kull K., 2000, Organism can be proud to have been their own designers, Cybernetics and Human Knowing, 7-1, 45-55.

11. Changeux Jean-Pierre , 2008, Du vrai, du beau, du bien. Une nouvelle approche neuronale. Paris, Odile Jacob.

5.2. QUATRE FORMES D'HÉRITAGE : 143 laissé. On est donc réduit à des hypothèses. Dans l'ouvrage qu'ils consacrent

à cette évolution,12 Jean Marie Hombert et Gérard Lenclud retracent

l'his-torique de ces recherches :

Ainsi, une fois admis que la faculté de langage est un carac-tère biologique soumis dans ses expressions initiales à la sélection naturelle, on peut raisonnablement poser que le langage a évo-lué à partir d'un système de communication animal, aux prix d'un certain nombre d'adaptations neurologiques, physiologiques et cognitives ; que cette évolution inscrite dans la très longue du-rée, a été marquée par un épisode ayant eu pour conséquence de déclencher assez précocement, un processus de changement irré-versible transformant ce système de communication en ancêtre lointain du langage humain. (p. 399).

Terrence Deacon aboutit à la même conclusion13 :

Bien qu'on ne puisse trouver une réponse au problème des origines du langage en termes de transition du simple au com-plexe ou du passage d'une intelligence faible à une plus forte, il est clair que ce qui en est résulté est un incroyable développement des activités intellectuelles et une aptitude à utiliser des modes de communication très complexes. [...] La clé de cette question est la perspective co-évolutionniste qui reconnaît que l'évolution du langage n'a pris place ni dans, ni à l'extérieur du cerveau mais à l'interface, là où le processus d'évolution culturelle inuence le processus d'évolution biologique.

Pour Wittgenstein, les frontières de mon langage sont les frontières de

mon monde 14 . De son point de vue, le langage tel qu'il est maîtrisé par

12. Hombert J.-M., Lenclud G., 2014, Comment le langage est venu à l'homme, Paris, Fayard.

13. Although the problem of language origins cannot be answord in terms of a transition from simple to complex or from inintelligent to more, it is clear that what has resulted is both an incredible enhancement of intellectual activities and a competence to use very complex mode of communication. Terrence Deacon, The symbolic species, the coevolution of language and the brain, New York, W.W. Norton & Company, 1997, p. 409

une personne constitue donc le cadre de ce que cette personne peut penser. Il délimite ce que cette personne peut se représenter et donc contraint et oriente ses actions. Steven Pinker critique cette position, car il considère que tout ce qui est perçu n'est pas nécessairement verbalisé ; cette critique rejoint le débat entre deux conceptions du langage : sert-il principalement à communiquer ou principalement à penser.

Steven Pinker15 parle d'instinct du langage, parce que l'aptitude à

l'ap-prentissage du langage résulte de l'évolution. Il est le résultat d'un appren-tissage qui consiste à séparer parmi tous les bruits que nous entendons, ceux que notre cerveau est capable d'interpréter et c'est par une co-évolution avec son environnement que notre cerveau s'est structuré et est devenu capable de manipuler ce langage. On peut donc penser qu'au cours de l'histoire, certains bruits furent d'abord interprétables comme par exemple ceux qui préviennent d'un danger. On sait que de nombreux animaux ont ainsi des signaux qui leur permettent de prévenir leurs congénères de l'apparition d'un danger. Petit à petit, la co-évolution du cerveau, des facultés d'énonciation et du système symbolique a permis d'avoir un langage plus évolué. Toute énonciation d'un message conduit dans le cerveau du récepteur à une simu-lation à partir de ses propres schémas, qui lui permet de donner un sens à ce message. Si le message ne peut pas conduire à cette reconstruction, il n'est pas interprétable. C'est ce qui se passe lorsque le locuteur emploie une langue que le destinataire ne connaît pas. Il se peut aussi bien sûr que la simulation engendrée par le message dans l'esprit du destinataire soit éloignée de ce que le locuteur a voulu dire, d'où, là encore une incompréhension. Toutes ces choses nous sont familières.

La vision de Noam Chomsky est diérente. Noam Chomsky a développé sa théorie de la grammaire transformationnelle dans les années 50. Son ap-proche nous interpelle parce qu'il conçoit la langue comme une compétence universelle et statique. Il pose l'existence d'une grammaire universelle et im-muable. Cette grammaire serait un héritage génétique qui nous permet d'ap-prendre toutes la langues. Dans l'esprit de cet auteur, le langage n'est pas vu prioritairement comme un outil de communication, il sert fondamentalement

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