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DÉLÉGATION, DÉPENDANCE, DOMINATION 197 obscurcie par la forme conventionnelle de la technologie sociale

Dans le document Repères pour une sociologie (Page 197-200)

Troisième partie Discussions

7.2. DÉLÉGATION, DÉPENDANCE, DOMINATION 197 obscurcie par la forme conventionnelle de la technologie sociale

(p.268).

Les médias se font régulièrement l'écho d'indices qui tendent à conforter l'idée d'une avancée vers l'égalité formelle entre les sexes. Cela s'applique aux sociétés occidentales mais que dire de ce que nous montrent certaines autres cultures. Si mon hypothèse d'un attracteur cognitif est juste, c'est un combat permanent qui sera nécessaire, avec nalement un faible espoir d'éradiquer des cultures, et en particulier des religions, l'attracteur cognitif

de domination et d'appropriation du corps des femmes par les hommes.28

J'ai pris cet exemple de la manière dont la société diérencie les genres pour gérer et justier une opposition irréductible entre les femmes et les hommes dans leur capacité à produire les enfants des deux sexes. Il y a justication de la dépendance par référence à une inégalité naturelle, vraie ou fausse, peu importe. Cette inégalité permet l'instauration d'un ordre social qui peut prendre des formes très diverses. Dans le paragraphe suivant, c'est l'expertise, souvent traduite en professionnalisation, qui est à la base de la dépendance.

Conclusion

Ma proposition vise à dénir et à articuler dans une méthode sociologique diérents éléments : le premier est un parti pris dynamique. Je ne pars pas d'états mais de faits, c'est-à-dire d'évènements. C'est à partir de ces évène-ments que j'appelle des scènes sociales et du sens que les acteurs, collectifs ou individuels leur donnent que des formes sociales émergent. Le second parti pris est de donner toute son importance au temps. On ne peut comprendre l'émergence des formes sociales qu'en introduisant diérents rythmes. Par-fois, il s'agit d'un temps court, comme lorsque apparaît une nouvelle asso-ciation, une nouvelle entreprise ; parfois le rythme est celui de la vie humaine comme lorsqu'émerge une nouvelle institution structurante, par exemple la médecine moderne ; parfois enn, et c'est un aspect auquel j'attache une grande importance, le rythme est celui de l'évolution qui transforme les opé-rateurs cognitifs et rend certains attracteurs héritables.

Cette manière de concevoir les faits sociaux, leur émergence, leur évo-lution, ne permet pas de donner à la causalité au sens le plus courant, une place centrale. Elle devient au mieux une lecture résultante, le produit de l'analyse en termes de processus. Ce n'est plus la méthode d'analyse mais la rhétorique d'exposé des résultats.

Je pars de ce que nous orent les matériaux sur lesquels s'appuie la ré-exion : les récits. Quelle que soit leur origine et leur forme, nous ne disposons pas d'autre source d'information. Les récits que nous utilisons dans le cadre de la sociologie dite empirique, c'est-à-dire celle qui confronte ses hypothèses et ses analyses aux faits, concernent des scènes sociales. Les scènes sociales sont des moments d'interaction entre des personnes dans un contexte donné,

moments auxquels on attribue un sens. Les scènes se transforment ou se suc-cèdent sans arrêt, les personnes les quittent, entrent dans d'autres scènes etc. Toutes ces scènes, nous les regroupons en classes quand on leur attribue des sens équivalents. Les récits portent sur des scènes ou des classes de scènes, les individus qu'elles concernent, ce qu'ils y font, la nature de leurs inter-actions. Ils peuvent aussi décrire leurs contextes. Bien sûr les participants d'une scène sociale lui attribuent un sens ; il peut apparaître dans le récit, mais il peut aussi bien se faire que la scène soit retransmise par une autre personne, un enquêteur, un témoin ou celui qui en a initialement recueilli la trace. Il peut lui aussi avoir attribué un sens à cette scène et ce sens a pu orienter la manière dont il en rend compte.

Je m'intéresse à deux grandes catégories de classes de scènes :

- les scènes dont le sens principal est le fait d'appartenir à un même collec-tif. Ce collectif peut être très large - une entreprise, une nation, une religion - ou étroit - une bande de copains, une réunion de famille, les supporters d'une équipe.

- les scènes qui impliquent deux types de personnes dans des rôles com-plémentaires visant la réalisation d'un objectif déléguée à l'une des parties par l'autre, par exemple des enseignants et des élèves, des médecins et des patients etc. Ces scènes sont caractérisées par l'expression d'une dépendance corrélative, c'est à dire d'une complémentarité dans une action. Le sens est alors l'objectif poursuivi.

Ces deux types de scènes peuvent se produire séparément ou se combiner dans des formes d'échange plus complexes. La coopération, la division du travail en sont des expressions.

Si l'on peut observer ces deux catégories de scènes sociales, c'est parce que des personnes, au cours de l'histoire, ont pris conscience du fait qu'il fallait pouvoir les reproduire parce qu'elles leur attribuaient de la valeur. Sous des formes très variables en fonction des contextes, elles ont donc fait émerger des opérateurs cognitifs qui visent à les reproduire non pas à l'identique car cela n'est jamais possible, mais de manière à ce que le sens soit conservé.

Les collectifs, s'ils perdurent, se donnent des règles d'appartenance et de conduite qui permettent d'en devenir membre et de le rester. Ils ont

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