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Quantités dénombrables

1.3 Systèmes frustrés articiels

2.1.1 Quantités dénombrables

Populations de vertex L'analyse des populations (ou fréquences) de vertex est un outil commode pour visualiser l'état d'un réseau. La gure2.1a rappelle les quatre types de vertex existant dans le réseau carré. À partir d'une conguration de spin, il est aisé d'identier et de dénombrer les diérents vertex. Le nombre de vertex de type i est noté ni. Par exemple, sur la conguration de la gure 2.1b, n1=6, n2=8, n3=9 et n4=2. La population de vertex de type i, notée ρi, s'exprime :

ρi = ni

P4 i=1ni

Si les interactions dans le réseau sont à courte portée, alors l'énergie du réseau s'obtient directement à partir des populations de vertex. L'énergie par maille unité s'exprime dans ce cas : E = 4 X i=1 ρiEi

où Ei représente l'énergie du vertex de type i. La mesure des populations ρi permet de caractériser rapidement un réseau, par exemple pour savoir si la règle de la glace est vériée (ρ1+ρ2 = 1). Mais mis à part les cas triviaux où le réseau est composé d'un seul type de vertex (∃ i tel que ρi = 1), elle apporte peu d'information sur l'ordre ou le désordre magnétique. Sur les schémas et les graphes de ce manuscrit, les couleurs bleu, rouge, vert et jaune seront

Type 1 Type 2 Type 3 Type 4

Figure 2.1 Rappel des quatre types de vertex du réseau carré. Les vertex T3 et T4 portent respectivement une charge magnétique ±2q et±4q. À droite, les vertex ont été identiés sur une conguration de spin aléatoire.

respectivement associées aux vertex T1, T2, T3 et T4.

Tailles de domaines Nous serons parfois confrontés à des réseaux plus ou moins ordonnés. Dans ce cas, mesurer la taille moyenne des domaines permet de quantier jusqu'à quel point l'ordre s'est établi. Nous distinguerons par la suite deux états ordonnés :

L'état antiferromagnétique (AF) composé de vertex T1 ;

L'état de lignes de spins alternées, dit Manhattan (M), composé de vertex T2. Nous expliquerons au Ÿ2.4.2 dans quels cas il apparaît.

Ces deux états et leur maille unité sont représentés en gure 2.2a et b. Nous considérons qu'une région ordonnée constitue un domaine si elle contient au moins une maille unité. La convention de comptage pour les domaines AF est simple : s'il existe au moins deux vertex

T1 jointifs, alors ils forment un domaine. Le cas des domaines M est plus complexe : la maille unité est constituée de quatre vertex T2, qui doivent avoir la bonne conguration locale. Tout vertex T2 jointif ayant la bonne conguration est inclus dans le domaine, même s'il ne fait pas partie d'une maille unité. Dans les deux cas, la taille d'un domaine correspond au nombre de vertex qui y sont impliqués. La gure 2.2c montre un réseau avec plusieurs domaines de diérentes tailles, indiquées par les chires noirs. Remarquons qu'un système est parfaitement ordonné s'il n'est composé que d'un seul domaine de la taille du réseau.

4 4 6 11 2 2 a) b) c)

Figure 2.2 a) Portion de réseau dans l'état AF. La maille unité est dénie par quatre spins (en noir) appartenant à deux vertex (en bleu). Elle se propage sur un réseau triangulaire. b) Portion de réseau dans l'état M. La maille unité est cette fois dénie par huit spins (en noir) appartenant à quatre vertex (en rouge). Elle se propage sur un réseau carré. c) Portion de réseau présentant des domaines AF et M de tailles variées. Les vertex blancs n'appartiennent à aucun domaine.

Ces tailles de domaines seront utiles pour analyser des réseaux partiellement ordonnés. Intéressons-nous maintenant aux corrélations qui existent entre les spins.

Aimantation rémanente Un réseau est systématiquement saturé avant un processus de désaimantation en champ ou de recuit thermique. Cela permet de partir d'une conguration initiale connue et reproductible. Si le processus a amené avec succès le réseau dans un état de basse énergie décorrélé de l'état initial, plus aucune trace de cette saturation ne doit subsister. Calculer l'aimantation globale du réseau est un moyen commode de vérier cela. L'aimantation M du réseau deN spins Si est donnée par la relation :

M = Mx My = 2 N N X i=1 Si (2.1)

Le facteur 2 permet d'avoir Mx = My = 1 pour un réseau saturé. Rappelons qu'avec nos dénitions, chaque sous-réseau se compose de 1

2N spins (selon les axes x et y, cf. g. 2.1). À première vue, une conguration désordonnée devrait avoir une rémanence nulle. Cette armation est vraie pour un réseau quasi-inni, à la limite thermodynamique. Mais pour un réseau de quelques centaines ou milliers d'aimants, la présence d'une rémanence nie est normale. Prenons l'exemple d'une conguration de N spins aléatoires. 1

2N spins se trouvent dans chaque direction du réseau. Par mesure de simplicité, nous ne raisonnons que sur un

seul axe du réseau. Son aimantation M s'exprime : M = 1 2N X i=0 Si (2.2)

Elle s'exprime comme la somme de 1

2N variables aléatoires Si prenant les valeurs ±1. La situation est analogue à une expérience de Bernoulli renouvelée 1

2N fois. Dans la loi de Bernoulli, la variable aléatoire Xi prend les valeurs 1 ou 0 avec des probabilités respectivesp et1−p. En l'absence de champ magnétique, les deux orientations de spin sont équiprobables donc la probabilité de succès p vaut 1

2. Dans le cas de l'aimantation, la variable aléatoire Si prend les valeurs +1 et -1. Les variables Si etXi sont liées par la relation :

Si = 2Xi−1 (2.3)

Les relations (2.2) et (2.3) permettent de relier les sommes M et X des variables aléatoires Mi et Xi : M = 1 2N X i=0 Si = 1 2N X i=0 2Xi−1 = 2X−1 2N (2.4)

D'après la loi binomiale et l'équation (2.4), la probabilité P(M = k) que l'aimantation M prenne une valeur k s'exprime :

P(M =k) =P(X = 1 2k+ 1 4N) = 1 2N 1 2k+14N 1 2 12N (2.5) La fonction de masse de cette loi de probabilités discrète est représentée sous forme d'his-togramme en gure 2.3a, pour 1

2N = 20. En vertu du théorème de la limite centrale, P(M =k) doit converger vers une loi normale pour un réseau de grande taille :

f(x) = r 2 N πexp1 2 x √ N 2 (2.6) La courbe sur le graphe2.3a montre la densité de probabilité de cette fonction, pour 1

2N=400

(ce qui correspond aux réseaux expérimentaux de cette thèse). Il apparaît qu'en moyenne, l'aimantation d'un réseau doit être nulle. Mais pour une réalisation donnée de taille nie, une rémanence peut subsister pour des raisons purement stochastiques.

Intéressons nous maintenant à la rémanence absolueR qui apparaît en moyenne dans une assemblée de 1

2N spins. Cette variable aléatoire est dénie, pour la loi discrète (2.5), par :

R= m=12N X m=−1 2N |m|P(M =m) (2.7)

où |m| fait référence à la valeur absolue de m. Dans le cas continu de la loi normale (2.6), l'expression deR(2.7) prend la forme d'une intégrale. La rémanence absolueRest représentée en fonction de la taille du réseau en gure 2.3b dans les cas continu et discret. Pour des

a) b) 0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.14 0.16 0.18 -30 -20 -10 0 10 20 30 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 1 10 100 1000 R M P(M)

Figure 2.3 a) En bleu, fonction de masse de la loi binomiale (2.5) calculée pour 1

2N = 20.

En rouge, densité de probabilité de la loi normale (2.6) pour 1

2N = 400. b) Rémanence absolue moyenne d'un sous-réseau en fonction de son nombre de spins 1

2N.

valeurs de 1

2N inférieures à 10, les lois (2.5) et (2.6) ne concordent plus. D'après ce graphe, dans un réseau de taille N = 800 (taille expérimentale) la rémanence attendue est de 4%. Soulignons que le raisonnement précédent est vrai pour une conguration de spin aléatoire. Cette hypothèse est fausse dans le cas d'un réseau réel, dans lequel les spins sont corrélés. Par exemple, un réseau carré dans l'état AF possède une rémanence nulle. Mais le cas d'un réseau composé de vertex T2 est aussi intéressant. Ses corrélations locales sont de type ferromagnétique et chaque sous-réseau est constitué de lignes de spins. Un sous-réseau de 400 spins a dans ce cas les mêmes degrés de liberté qu'un sous-réseau de 20 spins isolés. La rémanence attendue pour un tel état est singulièrement plus élevée (17.6%). Nous pouvons donc nous attendre à observer une rémanence plus ou moins importante dans les réseaux expérimentaux, en fonction des corrélations de spin. Celle-ci n'est pas pour autant le signe d'un biais expérimental. Il s'agit d'un eet de taille nie qui doit disparaître avec des réseaux plus larges.