Les procédés épuratoires sont décrits en modélisation par des équations théoriques dans
lesquelles la biomasse nitrifiante est généralement considérée comme un ensemble unique
représenté par la variable X
BA. Une bonne connaissance des données de fonctionnement d’un
système permet d’estimer la concentration théorique en biomasse nitrifiante du milieu, par la
modélisation du système, ou par l’application de l’équation 32 (page 43) si le système
fonctionne en régime stabilisé.
Cependant, les concentrations de biomasse ainsi estimées ont rarement été validées par des
mesures directes sur des échantillons prélevés dans les bassins biologiques. La quantification
des biomasses nitrifiantes dans les boues activées représente un enjeu majeur, car elle
permettrait de valider les résultats de modélisation, voire même le suivi et le contrôle des
procédés (Hall et al. 2003).
Par ailleurs, les activités nitrosantes et nitratantes maximales mesurées par respirométrie et/ou
par le biais d’analyses chimiques peuvent permettre de calculer des taux de croissance
bactérienne à condition de connaître les concentrations respectives des populations nitrosantes
et nitratantes. Pour des solutions bactériennes issues de cultures pures, la quantité de bactéries
dans le milieu peut facilement être déterminée, mais pour des échantillons issus de
l’environnement, la quantification des populations est beaucoup plus complexe.
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1.5.1 Méthodes culturales
Les premières méthodes de dénombrement des bactéries nitrosantes ou nitratantes utilisées
étaient des méthodes culturales, comme l’étalement sur milieu sélectif ou la méthode
statistique du nombre le plus probable (MPN pour Most Probable Number). Cependant, ces
méthodes requièrent un temps de culture assez long à cause du faible taux de croissance de
ces bactéries. De plus, elles conduisent souvent à une sous-estimation de la population ciblée
(Konuma et al. 2001), due notamment à la faible adaptation de certaines espèces aux
conditions de culture. En particulier, ces méthodes conduisaient généralement à un
enrichissement des populations de type N. europaea, alors que celles-ci sont minoritaires dans
les boues activées de station d’épuration à faible charge.
Le développement des outils d’immunologie, puis de la biologie moléculaire a ouvert de
nouvelles possibilités pour identifier et quantifier les populations nitrifiantes.
1.5.2 Méthode immunologique
Un kit de détection des bactéries nitrifiantes « immuno latex ‘Kenshutsukun’ » (Yakult
Central Institute for Microbiological Research, Yakult Honsha Co. Ltd.) propose de quantifier
les bactéries grâce à leur fixation par des anticorps polyclonaux spécifiques des bactéries
nitrosantes et nitratantes, combinés avec des particules de latex, qui provoquent la coagulation
des bactéries nitrifiantes. La dilution maximale de l’échantillon pour laquelle une coagulation
est observée permet de déterminer la concentration des bactéries nitrifiantes dans l’échantillon
(Konuma et al. 2001). Les principaux désavantages de cette méthode sont la liaison non
spécifique des anticorps avec les impuretés du milieu, et l’absence de distinction entre les
bactéries mortes et vivantes (Chung et al. 2007).
1.5.3 Méthodes moléculaires
1.5.3.1 L’ARNr-16S et l’ADNr-16S
Les ribosomes sont des complexes ribonucléoprotéiques qui ont pour fonction de synthétiser
les protéines en traduisant l’information contenue dans les ARN messagers. Ils sont donc
présents en grande quantité dans les cellules vivantes, notamment lorsqu’elles sont actives.
Les ribosomes sont structurés en deux sous-unités, une grande et une petite. Chez les
procaryotes, la grande sous-unité est composée des ARNr 23S (2300 nucléotides) et 5S (120
nucléotides) et de trente-et-une protéines. La petite sous-unité est constituée de l'ARNr 16S
(1500 nucléotides) et de vingt-et-une protéines.
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Les ARNr sont très utiles pour l’étude des parentés entre les espèces, car ils sont présents chez
tous les êtres vivants, et leur séquence nucléotidique se modifie très lentement au fil de
l’évolution des espèces. L’analyse de leurs séquences a mis en évidence l’existence de régions
hautement conservées entre tous les êtres vivants (Woese et al. 1975), et de régions variables
au sein desquelles des séquences signatures des familles, des genres ou des espèces pouvaient
être identifiées. La séquence signature d’un groupe phylogénétique particulier apparait chez la
plupart ou tous les membres de ce groupe ; et elle n’est jamais ou rarement présente chez les
autres groupes.
L’étude et la comparaison des gènes codant pour ces ARN (désignés par ADNr 16S)
permettent alors une identification taxonomique des espèces par analyse phylogénétique.
Grâce à leurs particularités (universalité dans le vivant, alternance de régions conservées et
variables), les ARNr 16S et les ADNr 16S sont des cibles privilégiées pour l’étude de
populations spécifiques dans des environnements complexes. Ils sont en particulier utilisés
dans plusieurs méthodes de quantification présentées ci-dessous.
1.5.3.2 PCR quantitative ou en temps réel (QPCR)
La QPCR permet la quantification du nombre de copies d’une séquence d’ADN cible d’un
échantillon après extraction de l’ADN. La méthode consiste à amplifier la séquence cible d’un
échantillon jusqu’à atteindre une concentration limite, détectable grâce à un marqueur
fluorescent des ADN double brins. Le nombre de copies initial de la séquence est alors
déterminé à partir du nombre de cycles (Ct) nécessaire à l’obtention du signal fluorescent
défini et par comparaison avec une courbe étalon de cible connue.
La séquence ciblée peut appartenir à l’ADNr 16S, ou à un gène codant pour une protéine
spécifique de la population. Par exemple, pour les bactéries nitrosantes, le gène amoA qui
code pour l’ammonium monooxygénase (AMO) est souvent ciblé (Harms et al. 2003 ; Kuo et
al. 2006 ; LaPara et Ghosh 2006).
Cette méthode présente plusieurs biais : d’une part, le nombre de copies par cellules d’une
séquence n’est pas toujours connu, et peut varier entre une et trois copies selon la phase de
croissance des bactéries (Ludwig et Schleifer 2000) ; d’autre part, le rendement de
l’extraction d’ADN peut varier, ce qui induit une erreur aléatoire sur la mesure (Mumy et
Findlay 2004). Enfin, le nombre de copies de la séquence ciblée est doublé à chaque cycle, et
une erreur d’un cycle lors de la détermination de Ct résulte en un résultat de mesure deux fois
plus grand/petit. Au total, l’incertitude sur le résultat de la QPCR est approximativement de
l’ordre de l’unité logarithmique.
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Remarque : la QPCR peut également s’appliquer à l’ARN, grâce à l’enzyme reverse
transcriptase (rt-QPCR), ce qui permet de cibler uniquement les bactéries actives.
1.5.3.3 Dot Blot
La technique de Dot blot consiste à détecter une séquence cible dans un échantillon d’acides
nucléiques (ADN ou ARN) déposé sur une membrane, en l’hybridant avec une sonde
spécifique marquée. L’hybridation est révélée après lavage par mesure de la radioactivité ou
par une réaction enzymatique colorée selon le type de marquage utilisé. La quantification est
obtenue par le marquage de différentes dilutions de l’échantillon, et comparaison avec une
courbe étalon d’échantillon témoin. Les biais de la méthode proviennent également de
l’efficacité de l’extraction des ARN, et des différences de quantité d’ARN par cellule selon
les conditions du milieu (Konuma et al. 2001).
1.5.3.4 FISH
L’hybridation fluorescente in-situ (FISH) est une technique permettant de marquer les
bactéries d’un groupe phylogénétique par des sondes oligonucléotidiques fluorescentes ciblant
les ARN ribosomaux 16S (Amann et al. 1990), sans dégrader physiquement l’échantillon
analysé. Elle est fréquemment utilisée pour déterminer la fraction d’une population spécifique
dans une biomasse totale à partir de la comparaison des surfaces marquées par une sonde
spécifique et par une sonde généraliste. Comparé aux méthodes basées sur la PCR
quantitative, le marquage FISH est moins sensible car les bactéries en très faible proportion ne
sont pas détectées. En revanche, l’observation microscopique offre les avantages de la
visualisation, qui permet l’élimination des artefacts par l’observation des images (Daims et
Wagner 2007). La quantification par marquage FISH peut parfois permettre la mesure de
l’abondance exprimée en nombre de cellules, mais sert plus généralement à la détermination
du biovolume.
Cette technique a été mise en œuvre au cours de ce travail de thèse, et son utilisation est
discutée plus en détail dans la partie 3.2
1.5.4 Conclusion
Différentes méthodes ont été développées pour mesurer expérimentalement les quantités de
bactéries nitrifiantes dans différents milieux. Cependant, à l’heure actuelle, aucune n’est
suffisamment fiable et pratique pour être utilisée en routine pour le suivi des stations
d’épuration. Les niveaux de réussite de chaque méthode dépendent de nombreux facteurs
comme la nature de l’échantillon, les cibles utilisées (ARNr 16S, ADNr 16S, gènes
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spécifiques, …), les conditions d’utilisation, etc. Chaque méthode présente des avantages et
des inconvénients, dont il est difficile de faire la part. Toutefois, les deux techniques les plus
utilisées actuellement sont le marquage FISH et la QPCR.
Dans le document
Bio-augmentation de l'activité nitrifiante des boues activées
(Page 70-74)