3.3 Activités nitrifiantes
3.4.1 Gain d’activité nitrifiante
3.4.1.1 Analyse approfondie d’une expérience
3.4.1.1.2 Modélisation des respirogrammes
Le modèle ASM_N, présenté dans la partie « Matériel et méthodes » (§ 2.5.1.2.1) permet de
modéliser un système contenant deux populations nitrosantes (X
BAet X
SA) et deux
populations nitratantes (X
BNet X
SN). Il permet ainsi de différencier les populations des boues
activées et celles de la solution NB. A partir de ce modèle, les processus biologiques en place
dans les respiromètres témoin et de bio-augmentation ont été modélisés. La procédure de
calage utilisée est décrite dans la partie « Matériel et méthodes » (§ 2.5.1.2.2).
Valeurs initiales :
Les ratios oxygène / substrat consommés (OC/N) obtenus se sont avérés plus faibles que la
valeur théorique, comme pour toutes les mesures respirométriques réalisées en boues activées
(cf. § 3.3.3.1). Ainsi, les respirogrammes expérimentaux ne pourront pas être reproduits avec
les quantités de substrat réellement ajoutés à partir des rendements de croissance théoriques
(Y
BA= Y
SA= 0.14 g
DCO/g
Net Y
BN= Y
SN= 0.08 g
DCO/g
N). Or, ces rendements théoriques ont
été vérifiés par les ratios OC/N de la solution NB diluée (cf. § 3.3.3.2). Ainsi, les rendements
de croissance théoriques ont été utilisés pour la modélisation et la quantité de substrats
introduit dans les respiromètres modélisés a alors été modifiée en conséquence. L’adaptation
est effectuée uniquement sur l’ammonium, dont la quantité injectée est transformée selon
l’équation 64, et les ajouts de nitrites simulés correspondent à la valeur réellement introduite.
26
,
4
OC
-)
NO2
*
1,06
NH4
*
(4,26
NH4
NH4simulation injecté injecté + injecté total
−
= équation 64
où OC
totalcorrespond à l’aire sous la courbe expérimentale.
Les autres paramètres ont été initialement fixés aux valeurs expérimentales lorsque celles-ci
ont pu être obtenues (§ 3.3.4), ou à des valeurs issues de la littérature pour des populations
similaires.
CemOA : archive ouverte d'Irstea / CemagrefLes constantes d’affinité pour l’oxygène ne sont pas calées car les mesures ont été réalisées en
fort excès d’oxygène ([O2] >5 mg
O2/L). Elles sont fixées à 0,1 mg
O2/L pour les quatre
populations.
Les valeurs utilisées sont reportées avec les résultats de calages dans le Tableau 21.
Résultats :
La Figure 60 présente les respirations respectives correspondant à chaque population des deux
réacteurs obtenues par la modélisation.
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 0 1 2 3 4 5 6 temps h. O U R m gO 2 .L -1 . j -1
OUR exp (témoin)
OUR exp(BA)
OUR total (témoin)
OUR total (BA)
OUR Xba (témoin)
OUR Xba (BA)
OUR Xsa (BA)
OUR Xbn (BA)
t0
NO2
t1 = 25 min
NH4
Figure 60 : OUR
totalet respiration des différentes populations dans les respiromètres témoin et de
bio-augmentation (BA) modélisés avec le modèle ASM_N.
Le plateau du respirogramme expérimental témoin présente une diminution progressive qui
n’est pas reproduite par la modélisation (Figure 60) car la cause de cette diminution n’a pas
été identifiée, donc pas incluse dans le modèle. Tant que de l’ammonium est présent dans le
milieu, la respiration simulée se maintient au niveau du plateau de respiration maximale et
une légère augmentation est même observée, reflétant la croissance de la biomasse nitrosante.
Les populations X
BAet X
BNétant identiques dans les deux réacteurs, leurs respirations
maximales sont également identiques au temps initial, mais la diminution de l’ammonium
étant plus rapide dans le réacteur BA, la respiration des X
BAdiminue 45 minutes plus tôt que
dans le réacteur témoin (cf. Figure 60).
L’allure de la courbe expérimentale du réacteur de bio-augmentation semble indiquer qu’un
temps de latence est nécessaire à la population X
SAavant qu’elle n’atteigne sa vitesse
maximale de nitrosation. Pour modéliser cet effet, un facteur d’accélération de la vitesse de
CemOA
: archive
ouverte
d'Irstea
nitrosation pourrait être inclus dans le modèle, avec un terme exponentiel pour représenter le
temps de latence, telle que proposée par Vanrolleghem et al. (2004).
Cette amélioration du modèle permettrait de reproduire plus fidèlement le respirogramme
expérimental, mais elle ne présente pas un intérêt majeur pour la simulation d’une application
de la solution NB sur site, car le régime auquel serait soumise la biomasse serait alors continu.
La Figure 61 présente les évolutions expérimentales et modélisées des concentrations des
formes solubles d’azote minéral expérimentales et modélisées.
Remarque : les nitrates n’ayant aucun effet sur les cinétiques de réaction, la concentration
initiale en nitrates a été fixée manuellement à la valeur de la première mesure expérimentale
afin de faire correspondre les points initiaux.
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 0 1 2 3 4 5 6 m gN /L Temps h.
NH4 model (témoin) NO3 model (témoin) NO2 model (témoin) NH4 exp (témoin) NO3 exp (témoin) NO2 exp (témoin) NH4 model (BA) NO3 model (BA) NO2 model (BA) NH4 exp (BA) NO3 exp (BA) NO2 exp (BA)
t0 NO2 t1 = 25 min NH4 t1 = 25 min NH4
Figure 61: évolution des formes d'azote minéral, mesurées et modélisées, au cours des mesures
respirométriques témoin et de bio-augmentation (BA)
Les paramètres ont été calés sur les données d’OUR ; et la comparaison avec le suivi des
formes solubles d’azote minéral (Figure 61) permet de valider le calage réalisé. Les deux
principaux écarts observés entre la simulation et les données expérimentales sont les suivants :
• les concentrations de NH
4mesurées sont supérieures aux valeurs simulées au moment
de l’injection (t
1), car la quantité d’ammonium injecté en simulation a été diminuée par
rapport à l’injection réelle.
• la production de nitrates simulée est inférieure à celle mesurée, en raison d’une part de
la plus faible quantité d’ammonium ajoutée en simulation, et d’autre part de la
sous-estimation de l’OUR exogène observé pour les échantillons de boues activées (cf. §
3.3.2.1.3).
CemOA : archive ouverte d'Irstea / CemagrefGlobalement la corrélation entre la modélisation et les données expérimentales est
satisfaisante.
Le Tableau 20 récapitule la répartition des activités respiratoires, et les activités nitrosantes et
nitratantes mesurées et modélisées.
Tableau 20 : activités et respirations des différentes populations pour les respiromètres témoin et BA
Modélisation Expérimental Unité
OUR
max(témoin) 21,9 24,1 mg
O2.L
-1.h
-1OUR
max(BA) 30,6 32,0 mg
O2.L
-1.h
-1OUR
BA-max17,44 (57%)
*- mg
O2.L
-1.h
-1OUR
BN-max4,69 (15%)
*5,0 mg
O2.L
-1.h
-1OUR
SA-max8,09 (26%)
*- mg
O2.L
-1.h
-1OUR
SN-max0,39 (1%)
*0,36 mg
O2.L
-1.h
-1N
OxPR (témoin) 5,35 6,79 mg
N.L
-1.h
-1N
OxPR (BA) 7,65 8,53 mg
N.L
-1.h
-1NtPR (témoin) 4,43 5,32 mg
N.L
-1.h
-1NtPR (BA) 4,81 5,93 mg
N.L
-1.h
-1*pourcentage de l’OUR
max(réacteur BA)
La sous-estimation des N
OxPR et N
tPR est de 10 à 21 %. La respiration des X
SAatteint
initialement 8,09 mg
O2.L
-1.h
-1(194 mg
O2.L
-1.j
-1), ce qui représente 26 % de l’OUR
maxatteinte
par les boues bio-augmentées (dans un milieu à 20 mg
N-NH4/L). La respiration des X
SAdiminue cependant plus rapidement que celle des X
BA(cf. Figure 60) en raison de sa plus
faible affinité pour l’ammonium, dont la concentration décroît à mesure de sa consommation
par ces deux populations.
L’accumulation des nitrites est plus importante dans le réacteur de bio-augmentation que dans
le témoin (Figure 61), car les vitesses de nitratation (consommation des nitrites) sont presque
identiques alors que la vitesse de nitrosation (production de nitrites) est augmentée dans le
réacteur BA.
Le Tableau 21 récapitule les variables et les paramètres initiaux ainsi que les valeurs obtenues
après calage.
CemOA : archive ouverte d'Irstea / CemagrefTableau 21: concentrations des biomasses et valeurs des paramètres cinétiques et stœchiométriques
utilisés pour la modélisation des respiromètres témoins et de bio-augmentation.
Paramètre-Variable Valeur initiale Valeur calée Unité
[X
BA] - 31,6 mg
DCO/L
[X
BN] - 17,2 mg
DCO/L
[X
SA] - 4,01 mg
DCO/L
[X
SN] - 0,71 mg
DCO/L
µ
BA0,59
*- j
-1µ
BN0,50 - j
-1µ
SA2,09 - j
-1µ
SA1,00
$-
K
NHB0,10
#0,35 g
N-NH3/m
3K
NOB0,10
#0,03 g
N-NO2/m
3K
NHS3,67
*3,32 g
N-NH3/m
3K
NOS0,41
$0,41 g
N-NO2/m
3Y
BA– Y
SA0,14 - g
DCO/g
NY
BN– Y
SN0,08 - g
DCO/g
N* : Valeur expérimentale, cf. § 4.3.4
# : Valeur standard de modélisation (Choubert et al. 2005, Marquot 2006)
: Kindaichi et al. (2006)
$ : Prosser (1989)
Les boues activées utilisées pour cette expérience présentaient une concentration en boues de
4162 mg
DCO/L. Les populations nitrosantes et nitratantes des boues activées (X
BAet X
BN)
obtenues par calage représentent donc 0,8 et 0,4 % de la biomasse totale respectivement. Ces
fractions sont très faibles, mais correspondent aux fractions mesurées par marquage FISH
([X
BA] = 0,5 - 3,4 % et [X
BN] = 0,5 - 3,0 %., cf. § 3.2.2.1). Les populations de la solution NB
obtenues ne sont pas représentatives, car le taux de croissance a été fixé
estimées par modélisation correspondent à [X
SA] =19,8 mg
DCO/L et [X
SN] = 3,6 mg
DCO/L, soit
7,7 et 2,6 % respectivement de la valeur estimée par la mesure de DCO et par marquage FISH
([X
SA] = 256 mg
DCO/L et [X
SN] = 135 mg
DCO/L, cf. § 3.2.2.4).
La constante d’affinité pour l’ammonium de la population nitrosante des boues activées (K
NHB= 0,35 mg
N-NH4/L) est supérieure à la valeur standard de la modélisation (valeur initiale). En
revanche, elle est de l’ordre de grandeur des valeurs reportées dans la littérature pour le genre
Nitrosomonas oligotropha : 0,07 – 1,05 (cf. Tableau 2 page 48 dans la partie « Synthèse
bibliographique »). Les points de la fin de la nitrosation totale sont correctement reproduits,
mais l’incertitude sur la valeur réelle de la vitesse de nitrosation (sous-estimée en raison de la
nitrification endogène) ne permet pas de valider cette valeur.
CemOA
: archive
ouverte
d'Irstea
La constante d’affinité pour les nitrites de la population nitratante des boues activées (K
NOB=
0,03 mg
N-NO2/L) semble être sous-estimée. En effet, la fin de la nitratation expérimentale est
plus lente que celle simulée. Cependant, cet écart n’est observé que sur les deux points finaux
des respirogrammes, et la sous-estimation de ce paramètre aurait un impact très modéré sur la
vitesse simulée de nitratation des boues. Celle-ci est maximale lorsque la concentration en
nitrites s’élève légèrement, mais elle est généralement limitée par la vitesse de nitrosation
(production de nitrites) lors du fonctionnement normal d’une station d’épuration à très faible
charge. Les valeurs reportées dans la littérature pour cette constante sont également plus
élevées (> 0,11 mg
O2/L, cf. Tableau 3 page 55 dans la partie « Synthèse bibliographique »).
La constante d’affinité pour l’ammonium de la population nitrosante de la solution NB (K
NHS= 3,32 mg
N-NH4/L) est similaire à la valeur mesurée directement pour le même échantillon (C)
de solution NB diluée dans des eaux de sortie filtrées (K
NHS= 3, 35 mg
N-NH4/L ; cf. Tableau
18 p. 175). En revanche, la constante d’affinité pour les nitrites de la population nitratante de
la solution NB n’a pas été modifiée de sa valeur initiale (K
NOS= 0,41 mg
N-NO2/L), mais ce
paramètre n’est pas identifiable car la vitesse de nitratation de cette population est trop faible,
et que ses variations ne sont pas détectables.
Dans le document
Bio-augmentation de l'activité nitrifiante des boues activées
(Page 184-189)