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Modélisation des processus de nitrification

1.4.1 Modèles dynamiques de type ASM

Les modèles ASM (Activated Sludge Model) sont des modèles déterministes dont les

équations, issues d’un consensus scientifique, permettent de représenter les principaux

processus biologiques et chimiques qui se déroulent au sein des systèmes de traitement. Il en

existe plusieurs versions : ASM1, ASM2, ASM2d, ASM3 et des modèles dérivés.

Le premier modèle publié (ASM1, par Henze et al. (1987)) est le plus fréquemment utilisé,

car des paramètres par défaut adaptés ont été proposés. En outre, les utilisateurs peuvent se

référer à un plus grand nombre d’applications publiées que pour les autres modèles.

1.4.1.1 Description générale

Les variables du modèle ASM1 sont les concentrations en composants organiques (en

mg

DCO

/L) ou azotés (en mg

N

/L), classés en trois catégories : solubles (notés S), particulaires

(notés X), et vivants. Les composants « vivants » incluent la biomasse hétérotrophe (X

BH

) et

la biomasse autotrophe (X

A

) responsable de la nitrification.

Les réactions biologiques sont exprimées par des équations qui conduisent à chaque pas de

temps, au calcul des nouvelles valeurs de chaque variable. Ces équations font appel aux

paramètres de cinétique bactérienne ou aux caractéristiques techniques du système

(notamment l'aération). Le modèle est généralement présenté par une matrice de Petersen. La

matrice du modèle ASM1 est reportée en Annexe 2.

Les autres modèles ASM s’inspirent du modèle ASM1 et proposent des améliorations qui

permettent de représenter de nouvelles réactions ou de mieux représenter la réalité. Par

exemple, les modèles ASM2 et ASM2d (Henze et al. 1999) permettent de modéliser les

réactions de déphosphatation biologique et physicochimique, et le modèle ASM3 (Gujer et al.

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1999) prend en compte (entre autre) les phénomènes de stockage de la matière organique et il

intègre le concept de respiration endogène au lieu de la mort régénération considérée par les

autres modèles ASM.

Les modèles ASM classiques représentent la nitrification par une réaction unique, réalisée par

une biomasse unique : la biomasse autotrophe (X

A

), qui transforme l’ammonium (S

NH

) en

nitrates (S

NO

). Cette approximation ne présente pas d’inconvénients pour la modélisation de

procédés pour lesquels on n’observe pas d’accumulation des nitrites, comme dans les stations

d’épuration en aération prolongée fonctionnant normalement.

1.4.1.2 Description de la nitrification en deux étapes

Pour certains procédés, la nitratation est susceptible de devenir limitante, par exemple lorsque

la biomasse est soumise à de fortes concentrations qui peuvent être inhibitrices (Boursier 2003

; Jubany 2007). Ces procédés doivent alors être modélisés à l’aide d’un modèle représentant la

nitrification en deux étapes (Béline et al. 2007), qui doit parfois inclure les effets d’inhibition

par l’ammonium ou les nitrites (Jubany 2007).

Les modèles représentant les deux étapes de la nitrification sont inspirés des modèles ASM

existants (Petersen et al. 2001 ; Boursier 2003).

Trois biomasses distinctes sont considérées dans ces modèles : la biomasse hétérotrophe

(X

BH

), la biomasse nitrosante (X

BA

) et la biomasse nitratante (X

BN

). Le fractionnement de

l’azote correspond au fractionnement classique des modèles ASM, excepté les nitrites qui sont

distingués des nitrates. La Figure 15 présente le fractionnement de l’azote pour le modèle

« Two step Mantis ».

Azote total

Azote ammoniacal

S

NH

Nitrites

S

NO2

Nitrates

S

NO3

Azote

organique

Biodégradable Inerte

Soluble

S

ND

Particulaire

X

ND

Soluble

S

NI

Particulaire

X

NI

Figure 15 : variables décrivant le fractionnement de l'azote dans le modèle "two step Mantis" d'après

(Boursier 2003)

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Les notations peuvent varier selon les auteurs, ainsi que certains détails (omission des

fractions inertes, inclusion de l’alcalinité, etc.) mais la structure des modèles représentant les

deux étapes reste globalement identique en ce qui concerne les réactions de nitrosation et de

nitratation.

Dans les systèmes où la nitrosation est l’étape limitante, le taux de croissance maximal de la

biomasse nitrifiante du modèle en une étape et correspond à celui de la biomasse nitrosante

dans le modèle à deux étapes (voir la démonstration en annexe 3).

1.4.2 Détermination des paramètres des biomasses nitrifiantes

Les cinétiques des réactions sont généralement représentées par des équations de type Monod,

incluant des constantes d’inhibition dans certains cas particuliers (Jubany 2007).

Un jeu de paramètres représentant les caractéristiques cinétiques des différentes biomasses

(hétérotrophe, nitrosante et nitratante ou autotrophe) doit être déterminé pour permettre

l’utilisation de ces modèles. Le jeu de paramètres initial du modèle ASM1 a été modifié et des

jeux sont proposés pour différentes conditions. Par exemple, le Cemagref propose un jeu de

paramètres adapté aux stations d’épuration municipales à très faible charge en aération

prolongée (Choubert et al. 2005 ; Marquot 2006, Spérandio et al. 2007).

Pour les modèles incluant les deux étapes de la nitrification, les biomasses nitrosantes et

nitratantes présentent chacune leurs propres paramètres cinétiques et stœchiométriques, qui

permettent d’exprimer l’influence des différents paramètres (température, concentrations en

substrats) sur chacune des deux étapes de la nitrification.

Les paramètres cinétiques de biomasses nitrifiantes uniques (Stricker 2000 ; Choubert 2002 ;

Marquot 2006) ou de biomasses nitrosantes et nitratantes respectivement (Boursier 2003), ont

été obtenus par le calage des modèles ASM1 et « two step Mantis » respectivement sur les

données tirées d’un suivi à long terme d’une station d’épuration ou d’un pilote.

Une quantité de données importante sur une durée assez longue est nécessaire pour permettre

le calage d’un modèle complet et la validation de l’ensemble des paramètres du modèle. Cela

nécessite donc une importante campagne d’étude d’un site en particulier. De plus, les valeurs

théoriques de certains paramètres doivent être admises comme par exemple les rendements de

croissance (Y

BA

et Y

BN

).

Des protocoles d’essais en laboratoire hors ligne ont par ailleurs été proposés afin de

déterminer les paramètres cinétiques d’échantillons de boues.

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1.4.2.1 Tests en réacteurs

Trois protocoles sont proposés par la WERF pour déterminer expérimentalement les taux de

croissance de la biomasse autotrophe d’un échantillon de boues activées (Melcer et al. 2003).

Les taux de croissance y sont estimés par suivi de l’évolution de l’activité nitrifiante au cours

d’expériences conduites en réacteur. Par ailleurs, la mesure du taux de mortalité est proposée

par la conduite d’un réacteur « de dégénérescence » maintenu sans substrat durant 7 à 35 jours

(Melcer et al. 2003 ; Salem et al. 2006).

Ces méthodes requièrent le maintien de la biomasse dans des conditions inhabituelles pendant

plusieurs jours (réacteurs continus contrôlés, fortes charges, jeûne), ce qui implique

nécessairement une modification des communautés présentes dans l’échantillon d’origine. Les

paramètres ainsi déterminés ne correspondent donc pas à la biomasse nitrifiante de

l’échantillon d’origine.

1.4.2.2 Mesures respirométriques

Plusieurs auteurs proposent de déterminer certains paramètres stœchiométriques et cinétiques

des biomasses nitrosantes et nitratantes à l'aide de méthodes respirométriques (Dochain et al.

1995 ; Chandran et Smets 2001 ; Marsili Libelli et al. 2001 ; Petersen et al. 2001). Ces

méthodes consistent à mesurer la respiration bactérienne après ajout de substrat (ammonium

et/ou nitrites) aux boues que l'on cherche à caractériser. Des inhibiteurs sélectifs de l'une ou

l'autre des deux étapes de la nitrification peuvent également être employés lors de ces mesures

(Jubany, 2007).

Le signal obtenu, appelé respirogramme, est analysé afin de déterminer les paramètres

recherchés, parfois à l'aide de modèles simplifiés, qui ne considèrent pas de croissance ou de

mortalité des bactéries (Gernaey et al. 2001 ; Checchi et Marsili-Libelli 2005). Cette

hypothèse est justifiée par la faible durée des expériences réalisées et la faible quantité de

substrat ajouté.

Ce type de mesures présente l’avantage de pouvoir être automatisées, contrairement à la

plupart des protocoles pour lesquels des analyses chimiques sont nécessaires à la

détermination de paramètres cinétiques. De plus, l’automatisation de la mesure permet de

s’affranchir des erreurs de manipulation liées à l’échantillonnage et l’analyse manuels.

Toutefois, les vitesses mesurées concernent la consommation d’oxygène, qu’il faut convertir

en vitesses de réaction à l’aide de facteurs de conversion dépendants des rendements de

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croissance Y

BA

et Y

BN

, dont la détermination induire des erreurs importantes sur les

paramètres estimés (Chandran et Smets 2001).

A partir des données respirométriques, les rendements de croissance Y

BA

et Y

BN

sont

déterminés grâce au ratio entre l’oxygène et le substrat consommés au cours de la mesure

(Marsili Libelli et al. 2001 ; Jubany et al. 2005). Par ailleurs, la mesure respirométrique

permet théoriquement de déterminer les constantes d’affinité (K

NHB

et K

NOB

pour

l’ammonium et les nitrites respectivement), ainsi que les vitesses maximales de nitrosation et

de nitratation, avec une fiabilité qui augmente avec la quantité de données relatives à chaque

étape (Checchi et Marsili-Libelli 2005).

Enfin, les vitesses de chacune des deux réactions sont liées aux taux de croissance (µ

BA

et

µ

BN

) des biomasses nitrosantes et nitratantes suivant les équations 21 et 22 respectivement

présentées précédemment (page 39) et rappelées ci-dessous :

BA

BA

BA

A

Y

]

X

[

µ ⋅

=

ρ (équation 21)

BN

BN

BN

N

Y

]

X

[

µ ⋅

=

ρ (équation 22)

Ainsi, on pourra déterminer théoriquement les taux de croissance de chaque biomasse à partir

d’un essai respirométrique à condition de connaître les concentrations de chacune des

biomasses et leurs rendements de croissance (Y

BA

et Y

BN

).

Chandran et Smets (2005) ont analysé l’identifiabilité des paramètres d’un modèle de

nitrification en deux étapes à partir d’essais respirométriques. Ils ont mis en évidence que la

corrélation entre les paramètres déterminés pour la biomasse nitrosante et pour la biomasse

nitratante diminue lorsque l’étape de nitratation est plus limitante (donc que des nitrites

s’accumulent). Les paramètres déterminés pour l’une et l’autre biomasse sont alors plus

précis. Les modèles de nitrification en deux étapes calés sur les respirogrammes permettent

donc de décrire correctement les cinétiques de nitrification seulement si le profil

respirométrique contient suffisamment d’information relative à chaque étape

indépendamment, c’est-à-dire si le respirogramme permet de distinguer la respiration due à

chaque étape de la nitrification.

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1.4.3 Conclusion

La modélisation des procédés épuratoires peut être un outil important dans l’étude des

stratégies de bio-augmentation, qui permet d’étudier différents cas de figure par la simulation

sans devoir les expérimenter sur site. Cependant, afin que les simulations réalisées

représentent fidèlement les comportements des différentes populations impliquées

(hétérotrophes, nitrifiantes, autochtones ou d’origine externe), il est nécessaire de déterminer

les paramètres cinétiques de chaque population considérée.

La méthode respirométrique semble être adaptée à la détermination de ces paramètres.

L’analyse des respirogrammes peut être réalisée par la modélisation à l’aide de modèles

simplifiés représentant la nitrification en deux étapes.

La fiabilité des paramètres ainsi estimés dépend de la quantité de données obtenues, liée aux

substrats introduits lors de l’expérience (nombre de substrats et quantités), et de la possibilité

de distinction entre les deux étapes de la nitrification.