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CHAPITRE I : « Des informés » aux « S’informants »

2. Production

2.2 La qualité du produit

Pour mieux parler de la qualité des produits de la presse communautaire congolaise en Europe, une analyse de contenu s’imposait. Cette analyse aurait permis de nous éviter d’être victime de l’ «illusion de la transparence » des faits sociaux, au danger de l’évidence ou encore des conclusions dues à l’intuition.

Nous n’avons pas procédé à cette analyse. Et nous avons certainement tort. La raison principale est que nous avons dès le départ de notre travail choisi de nous appesantir sur le dernier segment de la chaîne de communication, à savoir : les lecteurs.

Qu’à cela ne tienne, nous espérons que nos travaux futurs et ceux de chercheurs intéressés par cette problématique des médias de la diaspora congolaise nous éclaireront un jour sur ce pan de la « parole immigrée ».

Le manque de professionnalisme, l’absence des moyens financiers et surtout l’inexistence des structures d’encadrement ont ouvert la voie à un certain amateurisme qui lutte contre le rayonnement de ces organes « fait par des immigrés,

pour les immigrés ». Pourtant, quand on décide d’éditer un organe de presse, on s’inscrit dans un corps professionnel qui a ses exigences et ses rigueurs.

Nous allons illustrer cet amateurisme par deux cas.

Nous avons été sollicité par Monsieur Phillip M. TSHIANANGA, Manager Directeur de TMT Express Ltd, société œuvrant en UK, pour donner un avis motivé sur l’opportunité d’insertion publicitaire dans « PYRAMIDES MAGAZINE ».

La question posée par ce responsable était la suivante : doit-on ou pas insérer de la publicité de TMT dans « PYRAMIDES MAGAZINE » ?

Beaucoup de facteurs étaient défavorables au magazine : l’absence d’un public bien ciblé, la mauvaise présentation qui ne pousse pas à la lecture, les couleurs fortes qui fatiguent le lecteur, le papier au grammage élevé qui ne permet pas la bonne maniabilité.

Le 28 août 2008, nous avons été à nouveau sollicité par TMT-EXPRESS, qui venait de recevoir une offre du magazine LA RENAISSANCE et, en l’absence d’une appréciation objective dudit magazine, le responsable de l’agence ne savait pas quelle réponse réserver à l’éditeur.

Un exemplaire du magazine, daté de Juillet – Août 2007 et portant le N° 33 de la série, nous a été donnée pour un rapide avis.

Après analyse dudit magazine, nous nous sommes rendu compte que près de 90 % du contenu était un « copier –coller » des articles postés dans les différents sites de l’Internet. Ces articles ont été publiés dans une nouvelle mise en page, sans signatures de leurs auteurs, mais agrémentés des illustrations dont une bonne part provenait aussi du Web.

CHAPITRE

TROIS :

VISAGE

ACTUEL

DES

MEDIAS

ECRITSDE

LADIASPORA

CONGOLAISE

Dans sa présentation du site de l’IREC (Institut d'études et de recherches sur la communication), Francis BALLE donne une approche très intéressante du concept « média » : « Un média est d'abord un moyen, - un outil, une technique, un intermédiaire,

qui permet aux hommes d'exprimer leur pensée, et de communiquer à autrui l'expression de cette pensée, quels qu'en soient l'objet et la forme. Mais un média se définit également par un usage, lequel désigne tout à la fois un rôle déterminé, qui a fini par prévaloir, et la façon de remplir ce rôle ; à tel point qu'un média échappe difficilement à l'usage qu'au fil du temps ou lui a assigné, organe d'information, moyen de divertissement, d'évasion et de connaissance, support ou vecteur d'œuvres et de chefs-d'œuvre de l'esprit ou de l'imagination ».

Cette approche fournit, ainsi, les deux possibilités d’analyse que peuvent prendre les recherches sur les médias.

Dans ce chapitre, nous nous proposons d’aborder les médias de la diaspora en tant qu’outils. Et par la suite, dans la dernière partie, à travers l’enquête auprès des lecteurs, nous cernerons les usages de ces médias.

Les médias de la diaspora congolaise naissent le matin et disparaissent le soir : une vie éphémère qui ne se justifie pourtant pas. Ils naissent dans un environnement qu’ils trouvent pourtant bien défriché : les grandes guerres pour la conquête de liberté d’expression et d’impression ont été gagnées. Les techniques de reproduction ont très considérablement évolué : les vieilles rotatives, les linotypes et ces impressionnantes machines pour la composition ont été rangées au placard s’ils ne servent pas des pièces de musée. Aujourd’hui, les micro-ordinateurs sont tellement puissants et financièrement accessibles pour alléger la tâche.

Au niveau de la circulation de l’information, les carrosses ont fait place aux divers moyens rapides et accessibles pour tous.

La circulation de l’information elle-même a, grâce au Web, amené une véritable révolution qui profite aux animateurs des publications de toutes sortes … sauf aux médias de la diaspora.

Pourquoi dès lors cette méforme ? A quoi est dû ce mal congénital qui ne dit pas son nom ?

Certes, le maître a affirmé, et il ne se trompait nullement pas : « l’influence des

médias dépend, dans sa rapidité comme dans sa durée, dans sa nature comme dans sa durée, dans sa nature comme dans sa densité, de ce que chacun fait de l’information qui lui est offerte, de ce qu’il en attend, de ce qu’il en perçoit et de ce qu’il en pense » (Francis BALLE, 197, 82).

Le décor est ainsi planté qui, tel un miroir, nous renvoie cette image réaliste des lecteurs africains en général, congolais en particulier, responsable de ce curieux virus dont souffre nos médias.

Nous avons ainsi une presse qui nous ressemble, presse « faite à notre image » : rachitique, moins performante, ne reflétant … pourtant pas la qualité professionnelle de ses animateurs – ces professionnels résignés !

La plus belle femme du monde, se dit-on, ne peut donner que ce qu’elle a. Ici, nous avons une démonstration du contraire. La plupart de tous ces professionnels qui se sont lancés dans cette aventure médiatique en Occident n’ont pas investi suffisamment d’efforts pour sortir du ghetto. Les annonces publicitaires sont presque exclusivement … tribales. Les grandes sociétés européennes n’y communiquent que très rarement : les sociétés Western Union et parfois RIA le font sûrement mais cela n’est qu’une exception qui ne fait que confirmer la règle.

La gestion des supports, nous avons eu à le souligner, appartient à une période à jamais révolue pour la grande presse. Il y a des siècles passés, au début même de la presse, où on pouvait voir l’éditeur, mieux le promoteur s’accaparer de tous les postes et ramenait la survie de l’organe à sa modeste personne. Pourtant, c’est ce mode qui caractérise encore, en ce 21ème siècle, la gestion des médias de la diaspora congolaise.

La grande malédiction est ce nivellement par le bas. Au moment où ailleurs, on discute modernisation, amélioration de la production, diversifications des produits, en face, on en est encore à chercher à régulariser la périodicité de tout ce qui a l’air d’œuvre … artisanale !

Autrefois, nous étions nous-mêmes convaincu que ce sous-développement endémique qui affectait ces supports de communication était dû à la faiblesse du pouvoir d’achat de ses lecteurs. Les faits ont prouvé le contraire : les concerts des musiciens congolais se produisant en Europe, quelque soit le prix d’entrée, étaient pris d’assaut par ces héritiers et nostalgiques de la société de l’oralité.

Ce public (mieux ces usagers) est aussi responsable de la méforme de nos médias. Pourquoi l’en absoudre quand on sait que les sciences de la communication lui reconnaissent le statut de coproducteur. « Les études d’usage des techniques, par

exemple, montrent combien l’utilisateur n’est pas « en bout de chaîne », mais déjà présent dans la conception du produit : le producteur se le représente, les paramètres de l’ouvrage se construisent ensemble indissociablement. Mais l’utilisateur n’est réduit à cette prise en compte incorporée dans l’appareil : il est coproducteur car, au bout du compte, le produit, la machine a toujours besoin de lui pour fonctionner. Le service sans usager, le message sans récepteur sont aussi inconcevables. Les recherches en théorie de la réception mettent notamment en avant l’activité de réinvention, de réinterprétation du message par le récepteur ou de braconnage chez le lecteur, disait Certeau. Elles permettent d’abandonner les modèles simplifiés de l’influence. » (Dominique BOUILLER, in André VITALIS (sous le dir.), 1994, 65).

Il est dès lors difficile de comprendre la désaffection de ces « réinventeurs » congolais de la diaspora. Pourtant, personne n’ignore l’importance de l’information, ce ferment de toute société.

Face à cette situation marquée par une presse rachitique, condamnée à la disparition, et à la désaffectation du public, que dire au sociologue BOUTHOUL, qui a toujours soutenu que « Le fonctionnement de la démocratie est lié à l’éducation politique des

masses, à leur information (c’est nous qui soulignons – NDLR) et à leur degré d’aisance économique. Elle réussit dans la mesure où il s’y forme une opinion libre

et bien informée » (in Philippe BOEGNER, Presse, Argent, Liberté. Le journaliste

face au capital et à la publicité. Ed. Fayard, 1969, 16).

La situation est ainsi révélatrice de l’existence des ghettos à l’ombre de grandes démocraties et de cet enfermement identitaire des immigrés.

3.1. Répertoire provisoire des médias écrits de la diaspora