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CHAPITRE I : « Des informés » aux « S’informants »

1. Médias d’une minorité « oubliée »

1.3. Journalistes autrefois demandeurs d’emplois aujourd’hui !

Pour revenir aux médias de la diaspora congolaise, objet de notre étude, d’emblée, une question se pose : ceux qui écrivent et animent lesdits médias sont-ils journalistes ?

Il est difficile, à l’heure actuelle, de répondre à cette question pour deux raisons majeures. D’abord, il y a l’absence de recensement dans ce secteur. Les animateurs de ces œuvres, tout comme ceux qui y collaborent ne sont pas encore disposés à participer, pour des raisons évidentes, à cette entreprise de clarification. Les médias communautaires sont des activités complémentaires, des loisirs et ne permettent pas de les nourrir. Ils relèvent, pour la plupart d’entre eux, de l’assistance publique.

Ensuite, la tenue non transparente de la comptabilité ne nous permet pas aussi de déterminer combien sont des pigistes qui travaillent dans ce secteur.

Mais, au vu de la loi organisant les activités des médias dans nos pays d’observation, nous pouvons remarquer que nous n’avons pas – à proprement parlant – affaire à des entreprises de presse, et par conséquent à des journalistes.

En effet, au terme de la législation, qui peut se prévaloir du titre de « journaliste » ? L’article L. 761.2 du code du travail dispose : « Le journaliste professionnel est celui

qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession, dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodique ou dans une ou plusieurs agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources. » (François

CAZENAVE, 1995, 52).

aux journalistes chômeurs ou victimes d’atteintes à la liberté d’opinion chaque fois que les intéressés en manifesteront le désir et tant qu’ils n’auront pas changé de profession » (P. PARISOT et D. PERIER, 1980,6). Plus loin, les mêmes auteurs

reconnaissent que « Les journalistes exerçant leur activité professionnelle dans un

pays étranger, que ce soit comme journaliste accrédité, en tant que correspondant en poste dans le pays d’accueil ou en qualité de reporter ou grand reporter ou envoyé spécial pour une enquête particulière limitée dans le temps, doivent bénéficier d’une protection contre l’arbitraire, contre des mesures discriminatoires ou des abus administratifs » (Idem, 7).

Pour déterminer qui est le journaliste et qui ne l’est pas, les mêmes auteurs affirment :« les professionnels de la presse et de l’information sont les mieux placés,

voire seuls qualifiés, pour dire qui est et qui n’est pas journaliste ».

Cette pratique est la même en France, en Belgique et au Royaume-Uni, pays sur lesquels porte notre étude.

En France, tout journaliste professionnel, dont la situation correspond aux prescrits de la loi, adresse sa demande de carte professionnelle auprès de la Commission de la Carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJ) instituée par le décret de janvier 1936 et qui est composée de façon paritaire de représentants des directeurs de journaux et de représentants des journalistes (François CAZENAVE, idem). En Belgique, la tâche est dévolue à la Commission d’agréation ayant qualité d’autorité morale, dans laquelle siège des représentants des journalistes et des représentants des responsables des médias nommés pour quatre ans par le Roi. Au Royaume Uni, c’est la « National Union of Journalists » qui est chargé de délivrer les cartes de presse. C’est un syndicat constitués des journalistes.

Qu’en est-il des journalistes congolais de l’étranger

A considérer la définition du journaliste, force est de constater que les journalistes congolais, à quelques exceptions près, n’entrent plus totalement dans les critères et sont, par conséquent, loin de justifier vivre de leurs métiers. Beaucoup d’entre eux relèvent de l’assistance publique.

Ils ont été certes journalistes dans leurs pays. Mais actuellement, ils sont sans emplois. Quand bien même ils en ont un, ce dernier ne correspond pas à leurs qualifications. Ils se contentent de petits boulots pour survivre.

Curieusement, bon nombre d’entre eux possèdent la carte de presse. Par une stratégie de contournement, ils se sont faits correspondants des organes nationaux pour obtenir cette carte professionnelle malgré le fait que tout travail pour lesdits organes relève du bénévolat. Les organes nationaux ont difficile à mener leurs activités et à entretenir un correspond à l’étranger ne peut relever que du virtuel.

Malgré leurs compétences et expériences, les journalistes congolais en exil ont difficile à s’insérer dans les organes occidentaux.

Ce problème, lié à l’emploi, n’est pas spécifique aux journalistes. Il se pose à toutes les communautés des étrangers qui arrivent en Europe et qui ont besoin d’une intégration dans les sociétés d’accueil. Cette question est développée dans beaucoup d’études spécialisées que nous recommandons aux lecteurs qui voudraient l’approfondir.

Mais d’une manière générale, on peut retenir que le taux de chômage des immigrés est deux fois plus élevé que celui des autochtones, selon un rapport de l’OCDE (cité par LIBREMENT, N°79, décembre 2008, 10). Selon toujours ce rapport, les « immigrés ont été plus affectés par le chômage structurel du déclin des centres

industriels où ils travaillaient. Les réseaux de relations sont moins étendus. Ils éprouvent des difficultés pour faire reconnaître un diplôme obtenu à l’étranger. Leur niveau de qualification est moins élevé. En plus de tout cela il existe maintenant des discriminations à l’embauche »(Idem).

Quand bien même ils posséderaient un bon niveau de qualification, à cause de cette discrimination à l’embauche, ils ne se contentent que des emplois peu qualifiés, appelés communément « Jobs ». « De manière générale, les « Jobs sont des activités

professionnelles se déroulant au noir, c’est-à-dire dans l’économie souterraine (…) ; ces activités ne garantissent aucune protection sociale. Le plus souvent, ce sont des

tâches ingrates que la plupart des migrants n’accepteraient pas d’accomplir dans leur pays d’origine » (MAYOYO Bitumba Tipo-Tipo, 1995, 108). Et l’Etat, qui est

un grand pourvoyeur en emplois, n’arrive pas, à cause des restrictions d’accès des ressortissants étrangers à certains postes, d’inverser la sous - représentation des immigrés

Cette situation de précarité d’emplois est durement ressentie en Europe par les journalistes africains en général, et congolais en particulier. M. GNIMDEWA ATAKPAMA, dans son article intitulé : « Les plumes de la galère », publié le 24 mars 2005 par le journal Gri-Gri, affirme que ces journalistes ont des fins de mois difficiles, des salaires de misère, des tracasseries administratives, etc. Ils n’ont finalement, pour reprendre son expression, « que leurs plumes pour panser leurs

plaies ».

Sur 1300 journalistes étrangers recensés par la direction de la communication et de l’information du ministère des Affaires étrangères de la France, 5 seulement représente l’Afrique subsaharienne. Pourtant, affirme Vincent GARRIGUES, correspondant de la chaîne sud-africaine Channel Africa et journaliste à RFI : « Aux

réunions de l’Association des correspondants de la presse africaine, je rencontre au moins une trentaine de confrères. Les uns sont mal payés, les autres pas du tout. Pour tous, c’est une manière de se donner un statut social » Et de conclure : Les médias africains recrutent en général leurs correspondants au sein de la diaspora ans pour autant les rémunérer » (cité par GNIMDEWA ATAKPAMA, idem).

Dans ce cas, l’obtention de la carte de presse peut s’avérer un casse-tête. Et l’auteur de poursuivre sur un ton quelque peu ironique en décrivant ces journalistes africains en Europe: « Cela dit, si vous voulez voir à qui ressemble un journaliste persécuté,

faites un tour à la Maison des journalistes (MDJ) où à « L’Ambassador », un bar du 19ème arrondissement, le quartier général des journalistes exilés à Paris ».

Par ailleurs, pour éviter ce qu’on appelle « arnaque au journalisme », les efforts sont de plus en plus déployés pour fixer des critères discriminant permettant de démêler les vrais journalistes professionnels de ceux qui ne peuvent pas, légalement, prétendre

l’être (Yannick ESTIENNE, 114). C’est le cas de la Commission de la Carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJ), en France, qui se montre de plus en plus vigilante. Un de ses membres, cité par Yannick ESTIENNE, reconnaissait que : « il y a des centaines des gens qui sont à côté, qui ont toutes les apparences de

journalistes mais qui n’en font pas ». Il en est ainsi des journalistes exilés qui

relèvent, pour leur survie, de l’assistance publique, et qui, muni des attestations de représentations des organes de leurs pays d’origine, essaient d’obtenir la qualité de journaliste dans le pays d’accueil

Fort heureusement, la Commission de la Carte d’identité des journalistes

professionnels (CCIJ) reconnaît aussi : « Mais il existe des cas de figure litigieux qui

ne relèvent pas d’intentions malhonnêtes et qui ont mis en exergue les limites de l’action de la commission » (Idem, 115).

Tous ces efforts obéissent à une logique : « Le groupe professionnel doit donc

s’efforcer de contenir hors de lui tous ceux qui ne peuvent prétendre au statut, au risque de perdre de son crédit et parfois même de sa dignité » (Yannick

ESTIENNE,117). Plus loin, le même auteur affirme que « La valeur de la carte tient

principalement au pouvoir qui lui a été conféré d’assigner une identité à son détenteur. Il s’agit bien d’une « carte d’identité » qui marque l’appartenance à une communauté professionnelle, l’adhésion à ses codes et à ses valeurs » (Idem, 119).

Que dire de ces journalistes de la diaspora congolaises qui sont à la base de nos médias ? Sinon qu’au moment où ils cessent d’exercer et que, par des circonstances que nous déplorons tous, ils quittent les pays où ils exerçaient, ils cessent de ce fait d’être journalistes. Et ce, d’autant plus qu’ils n’exercent plus et qu’ils n’arrivent non plus à prouver qu’ils vivent de ce métier.

Il faut souligner que « rares sont les journalistes qui arrivent à arrondir les fins de

mois en collaborant à plusieurs médias. Car la presse africaine installée en France n’a pas son pareil pour plumer les pauvres journalistes qui cumulent plusieurs mois d’arriérés d’un salaire déjà miséreux » (M. GNIMDEWA ATAKPAMA, idem). En

les médias … français comme bouée de sauvetage Or, ici aussi, c’est les portes sont bien ouvertes : « un préjugé bien partagé fait croire que les journalistes africains

seraient moins compétents que leurs confrères européens ». (M. GNIMDEWA

ATAKPAMA, ibidem).

Se trouvant entre les eaux et ne sachant certainement à quels saints se vouer, beaucoup se font vigiles, livreurs … Ceux qui ont un certain courage se lancent dans l’édition – nostalgie aidant – sans fonds de démarrage.

CHAPITRE

DEUX :

LAPRODUCTION

ET

LE

PRODUIT