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CHAPITRE I : « Des informés » aux « S’informants »

2. L’émigration congolaise

2.1. L’Evolution

L’émigration congolaise en Europe, principalement en Belgique (ancienne métropole) et en France, s’est faite en trois vagues.

La première vague va de l’immédiat après première guerre mondiale jusqu’à 1960 avec les indépendances des pays africains. Les originaires de pays d’Afrique au sud du Sahara, dont les Congolais de Kinshasa, étaient certes présents en Europe mais en petit nombre. « Avant la Seconde Guerre mondiale, très peu d’Africains furent en

effet recensés et inscrits dans les registres officiels. Il faut dire que cette présence fut somme toute faible, par rapport à l’ensemble de la population totale étrangère »

(Bonaventure KAGNE, 2001, 7).

La deuxième s’est constituée vers les années 1960 et 1980 (Bonaventure KAGNE, 2001, 9 ; Zana ETAMBALA, 2010, 24 ; et Gabriel MOBA M’BWILU, 1997, 14). A l’origine, cette communauté est formée des diplomates des pays nouvellement indépendants et surtout des étudiants.

A partir de 1988 à ce jour, on assiste à la troisième vague avec l’arrivée des demandeurs d’asiles et des réfugiés. « En cause, premièrement, la gravissime crise

économique qui touchait leur pays d’origine, ensuite, le faux départ, à partir de 1990-1991, qu’a pris le processus politique de démocratisation » (Zana

2.2. Les causes

Il existe une abondante littérature scientifique sur l’immigration et moins sur son pendant naturel qu’est l’émigration. Pourtant, l’immigration est l’aboutissement d’un acte fondamental qu’est l’émigration et le fait de ne se concentrer que sur l’immigration a pour conséquence que beaucoup d’études n’entrevoient les migrations internationales que dans l’optique des pays d’accueil (Jean-Baptiste DOUMA, 2003, 7).

Plusieurs raisons sont à la base de l’émigration des congolais vers l’Etranger, principalement en Europe. « Parmi les raisons qui poussent des Africains, et

notamment des Congolais, Angolais ou Zaïrois, jeunes ou vieux, malades ou en bonne santé, étudiants ou travailleurs à quitter leurs pays, on cite : la pauvreté, le chômage, la fuite loin des guerres civiles, la quête d’hôpitaux et universités nantis, la demande d’asile politique, la quête d’un eldorado »(Aurélien MOKOKO GAMPIOT, 2010,

27).

Nous avons regroupé ces raisons, évoquées par plusieurs auteurs (Gabriel MOBA M’BWILU, 1997 ; MAYOYO Bitumba Tipo-Tipo, 1995 ; FWELEY Diangitukwa, 2008 ; Anne MORELLI, 1994) en ces catégories : les raisons socio-historiques, politique, culturelle, économique et liée à la fuite des cerveaux.

2.2.1 Les raisons socio-historiques

Les raisons socio-historiques sont à épingler d’une manière primordiale dans ce phénomène de l’émigration. En effet, les pionniers de l’émigration, nous venons de le voir dans la section précédente, sont des étudiants et autres stagiaires qui, pour des raisons de formation, ont atterri dans les métropoles. On reconnaîtra, à la suite de J. SALT (cité par Jean-Baptiste DOUMA, 2003, 30) que la direction prise par les flux d’étudiants est souvent fonction d’un ou plusieurs des trois facteurs suivants :

- La proximité géographique ;

- Les affinités culturelles, notamment la langue ; - Les anciens rapports entre colonisateurs et colonisés .

Cela est d’autant vrai pour l’émigration congolaise en Belgique, pays colonisateur et proche psychologiquement des immigrés congolais. Quant à la France, son choix est dû à la langue. Le Français est une des langues officielles au Congo-Zaïre et le pays lui-même a un poids considérable dans la Francophonie. Il est deuxième par le nombre de ses locuteurs, et donc a, à lui seul avec ses plus ou moins 50 millions d’habitants, le tiers de 169 millions de locuteurs de cette neuvième langue parlée dans le monde.

2.2.2 La raison politique

Pour Gabriel MOBA M’BWILU (1991, 41), la raison politique est la plus importante de toutes. En effet, le premier coup d’Etat de Mobutu, un an après l’accession du pays à l’indépendance, et l’installation du Collège des Commissaire généraux, son deuxième coup d’Etat en 1965, puis l’instauration d’un parti politique unique, les répressions et le musellement des opposants et étudiants, et surtout l’échec dans les années 1990 du processus de la démocratisation sont à la base de la fuite vers l’étranger de beaucoup de nos compatriotes. A ces motifs, il faut ajouter la politique de répression de Laurent Désiré KABILA et de son successeur Joseph KABILA.

2.2.3 La raison économique

Les trente ans du règne de Mobutu ainsi que les régimes qui lui ont succédé ont laissé des marques indélébiles : le pays est ruiné. Les routes sont en mauvais état et ne sont plus entretenues. Le service en eau potable et en électricité est devenu un luxe. L’instabilité monétaire n’est pas du genre à encourager les investissements. C’est une véritable descente en enfer. « Dans tous les classements de revenus par habitant ou

de développement humain, le Zaïre est la lanterne rouge, pauvre parmi les pauvres »

(Le Soir, idem, p.5).

Tous ces facteurs ont contribué à la paupérisation de la population dont une partie a trouvé dans l’asile à l’étranger une façon d’échapper à ces conditions de vie si précaires.

2.2.4 La raison culturelle

Concernant cette raison, il faut parler de la fascination que les congolais ont de l’Europe. Produit de la colonisation – déjà – la fascination est entretenue par les médias et les artistes. Ces derniers ne cessent de louer la vie en Europe qu’ils qualifient du reste de « Lola », c’est-à-dire « paradis » (Elie GOLDSCMIDT in Temps Modernes 2002, 226). « Réduite à la pauvreté, la jeunesse zaïroise, surtout

celle désœuvrée et urbaine, refuse de supporter plus longtemps cette situation. Au lieu de rester les bras croisés et d’avoir l’impression d’être venue sur terre pour admirer les riches zaïrois, elle émigre en grand nombre, légalement ou non, vers l’Occident et vers les pays africains plus prospères que le sien. Dans l’espoir d’être comme les modèles que lui offre sa société, c’est à dire les colonisateurs internes, les ‘mindele-ndombe’ (Blancs à peau noire) » (MAYOYO Bitumba Tipo-Tipo, 1995,

57).

2.2.3 La fuite de cerveaux

L’émigration la plus préoccupante est celle constituée par la fuite des cerveaux. On assiste de plus en plus au départ massif des cadres et diplômés d’universités privant ainsi le pays de ressources humaines qualifiées. « Des milliers de cadres africains,

parmi lesquels des médecins, des infirmières, des comptables, des ingénieurs, des gestionnaires et des enseignants quittent leur patrie chaque année en quête de meilleures perspectives dans d’autres pays – tant à l’intérieur du continent qu’outre- mer. Si ces mouvements peuvent avoir certains effets bénéfiques en certains endroits, cet « exode des cerveaux » constitue pour de nombreux pays un obstacle au développement durable. C’est particulièrement vrai lorsque cela touche des secteurs prioritaires du développement (par exemple dans la santé et l’éducation) dans des pays qui ont du mal à attirer et garder les travailleurs qualifiés. L’émigration peut induire une dégradation des services sociaux, ralentir le développement du secteur privé et accroître la dépendance des économies africaines à l’égard de la main- d’œuvre étrangère qualifiée qui coûte cher » (Mida, document ronéotypé,s.d.).

Selon MIDA, « Migration pour le développement en Afrique », qui est un programme de l’OIM (Organisation Internationale des Migrations), les principaux facteurs de « l’exode des cerveaux » peuvent être synthétisés dans le tableau suivant :

2.3. La diversification de la figure de l’immigré congolais

D’une manière générale, « On émigre pour rejoindre sa famille, mais aussi bien pour

la fuir ; pour occuper un emploi supposé plein d’avantages, mais aussi par lassitude d’un autre, qui était peut-être plus stable et tout aussi lucratif ; pour s’intégrer dans un groupe ou pour n’avoir pas pu se faire accepter par un autre … Comment peser exactement ces motivations alternées, parfois contradictoires, parfois conjuguées ? Comment estimer aussi la part, dans la décision de migration, d’éléments sans doute importants, mais impondérable par leur nature : l’attrait de la grande ville, l’entraînement collectif, l’exemple de ceux qui partent et les sollicitations épistolaires auréolées du prestige du lointain, de ceux qui sont déjà partis, le « coup de foudre » éprouvé pour un pays ou une ville à l’occasion d’un voyage ou d’un récit, le coup de tête …? » (THUMERELLE P.J. cité par Jean-Baptiste DOUMA, idem, 29-30).

Aujourd’hui, il faut reconnaître que la présence congolaise est bien diversifiée. Pour son approche, nous adoptons la démarche de Bonaventure Kagne (2001, 21) qui se permet une distinction sur base du statut administratif. En se basant sur ce critère, il nous est donné de constater que les immigrés congolais en Europe se répartissent en étudiants, demandeurs d’asile, réfugiés, fonctionnaires, etc.

- Pauvreté, manque d’opportunité - Mauvaise gouvernance - Instabilité politique / conflits - chômage … migration à l’intérieur et en dehors de l’Afrique : exode des cerveaux

- Manque de personnel qualifié

- Mauvaise utilisation des compétences

Insuffisante capacité pour atteindre un développement durable

DEUXIEME PARTIE : EVOLUTION DES MEDIAS DE LA

DIASPORA CONGOLAISE A BRUXELLES, PARIS ET

LONDRES

CHAPITRE

PREMIER :HISTOIRE

DESMEDIAS

DELA

DIASPORACONGOLAISE

S’il existe un domaine social qui n’a pas été observé de près, et dans son ensemble, c’est celui de la communication de la diaspora congolaise. A ce jour, il y a en tout et pour tout qu’un mémoire de licence dressant ni plus ni moins qu’un tableau général de cette forme d’expression journalistique en Belgique (Aline WAVREILLE, 2005). Et puis, plus rien.

Les médias de la diaspora congolaise sont ainsi les plus grands absents de réflexion sociologique sur la communication. Pourtant, ils existent … malgré la précarité de leurs productions.

Que sont-ils ? Comment sont-ils produits ? Où se distribuent-ils ? Qui les consomment ?

Autant d’axes intéressants pour des études susceptibles de permettre, au-delà des aspects purement scientifiques, de cerner la réalité de cette composante de la diaspora africaine en Europe.

Le champ d’investigation étant ainsi extrêmement large, nous avons choisi de nous appesantir sur les médias écrits de cette production journalistique.