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CHAPITRE I : « Des informés » aux « S’informants »

4. Des effets aux Usages : la réception active

Nous l’avons déjà fait remarquer : il existe plusieurs études sur ce phénomène social qu’est la communication de masse. Les recherches effectuées ont permis la saisie des processus de communication mis en œuvre. De tous ces processus, il est à reconnaître que celui de l’usage de l’information a été jusqu’à ce jour le moins exploré. « On a

en effet fini par découvrir que l’on avait des usagers : lecteurs, visiteurs, auditeurs, etc. Jusqu’alors, on s’intéressait plus au donneur (à la source) du message qu’au récepteur (l’usager). C’est ce que l’on appelle, en reprenant une analogie implicite dans le secteur des mass media, l’approche orientée récepteur, usager » (Serge

CACALY et alii, 2008, 228).

Cette approche permet, ainsi qu’on peut bien l’apercevoir, de mieux appréhender les pratiques informatives. Ainsi, on pourrait déterminer si les besoins en information ont été bien satisfaits par l’offre médiatique. Cela ne peut être affirmé que si l’on a la conviction que l’usage de l’information donnée a réellement eu lieu.

Ces recherches sur la réception, l’usage et l’usager de l’information ont fini par déboucher sur la naissance d’un nouveau paradigme dans lequel s’inscrit la présente étude, à savoir : la réception active.

Ce paradigme est la suite logique de toutes ces études sur la réception qui ont pour objet de cerner la réaction du public, denier moment névralgique du processus de communication.

La réception, dans le domaine de communication est un phénomène sociologique peu et mal connu pour la simple raison, reconnaît Roger CLAUSSE, que nous sommes démunis : « Les enquêtes ne le saisissent pas au moment du choc, quand les nouvelles

frappent l’homme de plein fouet, mais plus tard, quand il a perdu son originalité »

(Roger CLAUSSE 1967, 252-253). Mais Roger CLAUSSE termine son approche de la question de réception par un certain pessimisme, à savoir : « Le moment n’est pas

encore venu d’une description valable de la réaction du public à l’information d’actualité ou, tout simplement, à la nouvelle » (Roger CLAUSSE 1967, 253). C’était

en 1967. Aujourd’hui, les points de vue divergent sur la question. Sans pour autant cesser au pessimisme qui caractérise la conclusion de Roger CLAUSSE, nous

constatons que de plus en plus il y a des recherches tant quantitatives que qualitatives sur la réception qui en ont fait un axe important de recherche en communication.( Serge PROULX et alii (Accusé de réception), Simone BONNAFOUS (L’immigration

prise aux mots), Pascal DAUVIN, Jean Baptiste LEGRAVE et alii (Les publics des journalistes), Emmanuel DREYER, Patrick LE FLOCH et alii (Le lecteur), Antigone

MOUCHTOURIS (Sociologie du public dans le champ culturel et artistique), Aurélie AUBERT (La société civile et ses médias), Vincent COULET (Médias et classes

populaires), Rémy RIEFFEL (Que sont les médias), Cécile MEADEL (La réception) ,

Jean-Pierre ESQUENAZI (Sociologie des publics), Jean CAZENEUVE (L’homme

téléspectateur), Chantal HORELLOU-LAFRANGE et Monique SEGRE (Sociologie de la lecture), Jacques GOUËL (Le journal tel qu’il est lu), Brigitte Le GRIGNOU

(Du côté du public), Jean BIANCHI et Henri BOURGEOIS (Les médias côté

public)… ).

Dans l’avant-propos à leur ouvrage devenu un bonne référence aux études de réception, les animateurs du groupe de recherche Mediathec, Henri Bourgeois et Jean Bianchi, vont jusqu’à affirmer que la pénétration de la sphère médiatique dans notre existence personnelle est spectaculaire. Ils saisissent ce « spectacle » par un indicateur, à savoir : les heures de réception qu’ils définissent comme étant « les

heures de votre semaine où vous vous placez dans la position de récepteur des medias et de leurs messages » (Henri BOURGEOIS et Jean BIANCHI, 1992, p.6).

Les heures de réception n’est qu’une variable parmi tant d’autres qui permettent l’approche de la réalité du récepteur qui a un rôle dynamique dans le processus de communication.

La théorie de la réception active permet de mieux saisir la signification de la communication en mettant en exergue la dynamique de la réception (« dynamique du rôle du récepteur ») (Seon-Sook YIM, 2000, 12).

Pour Seon-Sook YIM, en prenant l’exemple des immigrants coréens face aux natifs tant francophones qu’anglophones du Québec., le récepteur « agit et réagit non

seulement selon la définition de la situation, mais aussi et surtout sous l’influence peu contrôlable de sa culture de niveau primaire, qui joue un rôle d’autant plus significatif que les deux parties de la communication ont des cultures d’origine éloignées ».

Cette théorie de la réception active, reconnaît Seong-Sook YIM, a contribué à l’introduction du changement des paramètres dans des recherches sur la communication. En effet, elle participe à la démonstration que « le sens d’un acte

communicationnel » est déterminé par le décodage et l’interprétation du message

plutôt que la production et diffusion du dudit message. Seon-Sook YIM fait un constat intéressant : «En effet, suivant la manière d’interpréter et de décoder ce qui

est communiqué dans une interaction, les interlocuteurs poseront, chacun à son tour, une action plutôt qu’une autre ».

Le sens produit par les interlocuteurs en communication pouvant permettre d’influencer et de recadrer le rapport entre eux, la communication est donc considérée comme un processus de « coerséduction », pour reprendre le terme de Seong-Sook YIM.

Mais qu’entend-t-il par «ce terme de « coerséduction » ?

L’auteur emprunte le concept de R.-J RAVAULT qui l’a forgé en rapprochement de cœrcition de Durkheim et de « séduction » de Tarde.

Le terme traduit le fait que « les individus son en socialisation par une voie à la fois

cœrcitive et incitative », un processus au moyen duquel, affirme C.-Y CHARRON,

s’échangent des désirs de « négocier le sens de la vie avec les autres sur une base

égalitaire pour le présent et pour l’avenir ».

Le récepteur est souvent considéré comme un passif qui reçoit un message sans pour autant intervenir dans la détermination des significations,(Seong-Sook YIM, la théorie de la réception active corrige cela en démontrant « le pouvoir virtuel du

récepteur ». Pour les défenseurs de cette théorie, le changement résultant d’une

communication est davantage déterminé par le sens produit par le récepteur plutôt que par le message de l’émetteur.

Nous pouvons synthétiser le processus de communication selon la théorie de réception active dans ce schéma :

.

Signification du message par l’Emetteur

Codage Récepteur Décodage Signification du message par le récepteur

Pour Seong-Sook YIM, « On peut même penser qu’en dernière analyse,

l’interprétation, la signification subjective et la réaction du récepteur sont les premiers éléments dont il faut tenir compte pour comprendre une situation de communication » (Seong-Sook YIM, 2000, 50). Il va de soi, reconnaît Seong-Sook

YIM, que l’enjeu du décodage est plus important que celui du codage dans une situation de communication. Cette importance accordée au décodage justifie le grand intérêt affiché par les auteurs de la réception active dans la recherche « des

variables qui influencent le comportement communicationnel du récepteur, surtout , celui relié à son décodage ». Au nombre de ces variables, Seong-Sook YIM cite : « la perception du récepteur, les besoins du récepteur, le rapport d’interaction entre le récepteur et l’émetteur, les différents aspects du contexte organisationnel, la représentation que se fait le public de l’auteur du message, le temps qui passe, l’orientation idéologique du groupe auquel appartient le destinataire, la valeur qu’il accorde à son groupe d’appartenance, l’activité des leaders d’opinion, l’ambiance sociale dans laquelle le récepteur s’expose aux messages, le fait qu’il se sente forcé ou non de jouer un rôle particulier, sa personnalité et son caractère, sa classe sociale et son niveau de frustration, la nature des médias et des supports communicationnels, l’existence et l’accessibilité des mécanismes sociaux susceptibles de lui permettre d’accomplir l’action qu’i souhaite réaliser après avoir été exposé aux messages. »( Seong-Sook, 2000, 50-51).

Poursuivant ses observations, Seong-Sook YIM fait remarquer que , par le fait que le récepteur a la capacité de reconstruire la signification lors du décodage, il est donc évident que « le réseau interpersonnel jouer un rôle de coerséduction plus déterminant que les médias de masse ».

La théorie de la réception active s’oppose ainsi aux théories diffusionnistes, à l’instar de celles de D.LERNER (1958) qui ne tiennent pas compte de cette capacité du récepteur et qui insistent sur la « manipulabilité » du récepteur par l’Emetteur. Or, pour la théorie de réception active, « la détermination de la signification du message

étant tributaire du comportement communicationnel du récepteur, il se peut que ce soit l’émetteur qui se trouve manipulé plus ou moins consciemment par le récepteur »

CHAPITRE DEUX : MEDIAS DE LA DIASPORA ET

LEURS USAGES