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Vieillissement, mémoire épisodique, mémoire quotidienne

I. Qu’est-ce que le vieillissement cognitif ?

1. Qu’est-ce que le vieillissement au juste ?

Sans être certain de sa véritable nature, nous pouvons juste individuellement affirmer que nous changeons au cours de notre vie et ce changement nous concerne tous. Et ce changement s’opère aussi bien au niveau psychologique, physique, physiologique, génétique que chimique. Selon l’OMS (WHO, 2010), nous vivons aujourd’hui en moyenne 81 ans dans le monde occidental, mais une rapide augmentation a été notée en Asie, avec une espérance de 74 ans en moyenne. L’OMS considère toute personne ayant plus de 60 ans comme une personne âgée (OMS, 2010). Si l’on considère quelques statistiques, au niveau mondial, il y environ 2 milliard de personnes de 60 ans et 400 millions de personnes auront 80 ans en 2050. Cette augmentation est aussi en rapport avec la vitesse de l’augmentation des populations

126 âgées de plus de 65 ans. Par exemple la France a mis pratiquement 100 ans entre 1880 et 1980 à atteindre un taux de 14 % de personnes âgées de plus de 65 ans, alors qu’en comparaison, ce taux n’a été atteint par la Corée du Sud qu’en une décennie (Kinsella & He, 2009, voir Figure 23).

Figure 23. la vitesse à laquelle la population de plus de 65 ans passe de 7% à 14% par pays, aussi bien en termes

d’années que de données que projetées (adapté de Kinsella & He, 2009).

Cette réalité démographique a un impact en termes économiques et sociaux, car le nombre important de personnes âgées nécessite une prise en charge au niveau du régime de sécurité sociale et de l’assurance maladie. Les maladies liées à l’âge auront ainsi un enjeu bien plus important qu’elles n’en ont aujourd’hui.

Nos séniors, à partir de 65-70 ans, manifestent des changements nets concernant le fonctionnement cognitif, directement en lien avec le processus de vieillissement de leur cerveau. A la longévité et à la longue liste de maladies liées à l’âge s’ajoute la crainte d’une atteinte neurodégénérative telle que la maladie d’Alzheimer, et à juste titre. En effet, le rapport OECD (Organization for Economic Cooperation and Development, health data, 2010 ; http://www.oecd.org/health/healthdata) considère qu’il y aurait entre 27 et 36 millions de personnes à travers le monde atteintes d’une démence de type Alzheimer. La prévalence de cette démence doublerait même tous les 5 ans à partir de 65 ans.

Une notion qui est importante à saisir lorsqu’on aborde le vieillissement est celle de « lifespan », traduite par « empan de vie » en français. Cette notion représente en fait la longueur de notre vie, autrement le nombre d’années qu’une personne vit… avant qu’elle ne meurt. Si je vis 35 ans, mon empan de vie sera de 35 ans ! Si je vis 100 ans, mon lifespan est de 100 ans. S’il existe des études de cohortes assez ambitieuses et riches en enseignement à ce niveau, elles sont rares et la plupart des études optent pour des études transversales

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sectional studies), comparant deux ou plusieurs groupes d’âges en termes de performances cognitives (Hofer & Sliwinski, 2006). Ce types d’études sont avantageuses car les chercheurs peuvent recueillir les données, mesurer les performances cognitives à un instant donné en s’épargnant les biais et les contraintes liés aux études longitudinales (e.g., mortalité associées aux études de cohorte, l’effet Flynn,…), comparer les différentes tranches d’âges mais aussi les âgés avec d’autres populations, notamment celles présentant des neuropathologies (e.g., Delis et al., 1991). L’une des conséquences majeures de ces comparaisons transversales est de pouvoir mettre en place des tests comportementaux dont nous pouvons estimer le degré de spécificité et de sensibilité, nécessaires aux études cliniques et diagnostics, puisque l’une des questions majeures liées à la reconnaissance de conditions neurologiques telles que la maladie d’Alzheimer qui sous-tendent la recherche en psychologie, en gérontologie, en gériatrie et en neurosciences cognitives du vieillissement est la suivante : à quel moment doit on considérer les déclins cognitifs chez les personnes âgées comme relevant de la pathologie ? Cette question motive aussi bien la recherche dans le domaine du vieillissement tel qu’on le conçoit dans la normalité que dans le domaine des pathologies liées à l’âge. Par conséquent dans le présent chapitre nous nous concentrons d’une part principalement sur les études plutôt transversales (nous mentionneront les études longitudinales uniquement si elles semblent pertinentes pour notre propos).

Lorsque l’intérêt scientifique fut porté sur le vieillissement cognitif, un certain nombre de phénomènes ont pu être observés. Ainsi savons nous que certaines capacités et fonctions cognitives déclinent au cours du vieillissement, tandis que d’autres restent relativement stables. Par exemple Schaie (1996) avait rassemblé des études adoptant l’approche transversale, effectuées auprès d’échantillons allant de 25 à 81 ans. Le pattern qu’elle mettait en exergue était, avec l’âge, un déclin net dans les domaines tels que le raison inductif, l’orientation spatiale, la vitesse de traitement perceptuelle, et bien entendu la mémoire verbale, que nous aborderons plus particulièrement dans les prochaines sections. En revanche, les capacités verbales en soi et les capacités numériques, relevant toutes deux du fonctionnement du langage, augmentaient jusqu’à environ 45 ans, puis se stabilisaient jusqu’à la fin de la vie (voire Figure 24). Notons l’écart important entre les performances des jeunes ayant en moyenne 25 ans et les âgés à partir de 60 ans. Nous présentons un certain nombre d’explications avancées pour rendre compte de ces observations.

128 Figure 24. Changements cognitifs liés au vieillissement, à partir de données transversales issues de l’étude

longitudinale de Seattle (adapté de Schaie, 1996).