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Hypothèses explicatives du déclin mnésique avec l’âge

Vieillissement, mémoire épisodique, mémoire quotidienne

II. Vieillissement et mémoire épisodique

2. Hypothèses explicatives du déclin mnésique avec l’âge

Trois principales hypothèses sont actuellement à l’étude dans le domaine du vieillissement de la mémoire: 1) déclin de la mémoire de source et/ou défaut de monitoring; 2) défaut des traitements item-spécifiques ; et 3) déclin fronto-exécutif.

2.1. Déclin de la mémoire de source et ou des mécanismes de mémoire associative

De nombreuses études ont pu montrer que la mémoire de la source est déficitaire chez les personnes âgées bien portantes comparées aux jeunes en utilisant des protocoles traditionnels dans lesquels des mots sont présentés dans deux ou plusieurs contextes (sources) différents tels que des voix masculines ou féminines ou des personnes différentes (Glisky & Kong, 2008) ou encore si l’information a été présentée sous format vidéo ou bien en tant que photographie (Schacter et al., 1997). Le cadre théorique de la mémoire de source et du monitoring de la source proposé par Johnson et al. (1993) a été initialement opérationnalisé en comparant la mémoire des événements vécus (étudiés) aux événements imaginés, introduisant le processus plus spécifique de monitoring de la réalité (reality monitoring). Les recherches ont également montré une moins bonne habileté des âgés à opérer la distinction entre ce qui a été précédemment étudié et ce qui a juste été imaginé (Hashtroudi, Johnson, & Chrosniak, 1989). Un effet de l’âge est aussi constaté sur la mémoire des items (item memory), cependant la taille de l’effet est généralement moins important que celui observé sur la mémoire de la source (voir la méta-analyse de Old & Naveh-Benjamin, 2008). En explorant les caractéristiques phénoménologiques des attributions correctes et incorrectes, il a été rapporté que la similarité perceptuelle ou sémantique entre les items appartenant à différentes sources conduit les âgés à plus de confusions (Henkel, Johnson, & De Leonardis, 1998). En d’autres

140 termes les difficultés des âgés à juger/monitorer de la véracité d’un souvenir proviendrait au départ d’un défaut de mémoire de source1

.

Ce défaut de mémoire de source est également avancée pour rendre compte des moindres performances de rappel (Long, Öztekin, & Badre, 2010) ou encore la sensibilité des âgées aux fausses reconnaissances (McCabe, Presman, Robertson, & Smith, 2004) ou à l’interférence proactive (Burns, 1989 ; Burns, 2006). Par exemple, le rappel libre serait moins efficient chez les âgés, résultat de leur moindre capacité à encoder la source/le contexte de manière efficace. Quant à la sensibilité des âgés à l’interférence proactive, celle-ci résulterait aussi d’un défaut d’encodage de la source amenant les âgés à confondre des évènements d’autant plus qu’ils présentent des similitudes sémantiques ou perceptives (Schacter, Koutstaal, & Norman, 1997). Dans la mesure où une explication commune est avancée pour différents phénomènes mnésiques sensibles à l’effet de l’âge (défaut de mémoire de source), certains auteurs considèrent également les fausses reconnaissances comme une instance d’interférence (Grady et al., 1995) résultant particulièrement de la familiarité des items avec les sources non-ciblés, qu’elles soient extérieures ou intérieures (résultant d’une similarité perceptuelle et/ou sémantique, Dywan & Jacoby, 1990 ; Koutstaal & Schacter, 1997).

Dans ce contexte, Johnson et ses collègues (e.g., Johnson, De Leonardis, Hashtroudi, & Ferguson, 1995) proposent un déclin chez les personnes âgées à associer les éléments de contenu et de contexte ensemble afin de construire un souvenir épisodique riche en détails (perceptuels, spatiaux et temporels). Cette hypothèse est à rapprocher à celle d’un déficit de

binding ou d’un déficit associatif émise par Naveh-Benjamin (2000) qui met également en exergue des difficultés concernant les mécanismes de mémoire eux-mêmes dont le rôle est d’associer et de mettre du liant entre le contenu de l’information et son contexte apparition pour constituer une trace mnésique épisodique. Ces déclins associatifs sont observés chez le sujet âgé pour du matériel verbal mais aussi pour du matériel visuel comme des images (Naveh-Banjamin, Hussain, Guez, & Bar-On, 2003) et plus récemment avec pour des paires objet/localisation de l’objet dans l’espace ou objet/ordre temporel de leur présentation (Kessels, Hobbel, & Postma, 2007).

1

Des auteurs proposent que ce n’est pas tant la mémoire de source qui engendre des difficultés de mémoire chez

la personne âgée mais plutôt les mécanismes de monitoring des souvenirs qui seraient des processus stratégiques (Cf. hypothèse fronto-exécutive, ci-après) (Gallo et al., 2001). Cette idée est défendue par exemple par des manipulations de la phase de récupération permettant soit de diminuer les fausses reconnaissances, soit de les augmenter artificiellement comme répéter la présentation des items (Edmonds, Glisky, Bartlett, & Rapcsak, 2012) avertir les participants pour les inciter à modifier le critère de décision ou encore présenter les items lors

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2.2. Déficit du traitement item-spécifique

Ce déficit associatif/binding chez les âgés n’est pas tout à fait étranger au fait que le binding, dans la mesure où des événements visuellement riches sont concernés, permet de créer des épisodes hautement spécifiques et différenciables d’autres événements épisodiques présentant des similarités perceptuelles ou conceptuelles, c’est-à-dire de les rendre distinctifs. Encore une fois, comme pour l’évaluation du binding, celle de l’évaluation de l’effet d’un traitement item-spécifique n’est qu’hypothétique puisqu’inférée à partir de certaines manipulations faites durant l’encodage et les performances obtenues sur les tâches de récupération.

2.2.1. Traitement item-spécifique : le cas du rappel et de la reconnaissance

Il a été suggéré que les traitements mettant plus l’accent sur les caractéristiques distinctives des événements sont déficitaires chez les âgés (Hunt, 2012). Ceci expliquerait les différences liées à l’âge sur les tâches de rappel, qui sont considérées comme reposant à la fois sur un traitement item-spécifique (sur le versant production d’items individuels) et sur un traitement relationnel (sur le versant « catégorisation sémantique ») (Burns, 2006). En revanche, l’âge ne semble pas avoir d’effet sur le traitement relationnel, notamment lorsqu’il s’agit de regrouper les items selon leur appartenance à une catégorie sémantique. Cette préservation est bien entendue fortement dépendante de la préservation de la mémoire sémantique. Par exemple, dans l’étude de Sauzéon et al. (2006), les jeunes et les âgés devaient apprendre une liste de mots reliés sémantiquement (condition « matériel relationnel ») ou non (condition « matériel spécifique ») pour laquelle une mesure du traitement item-spécifique (e.g., nombre de mots gagnés d’un essai au suivant) ainsi qu’une mesure de traitement relationnel (e.g., regroupement sémantique mesuré en calculant l’ARC score) ont été prélevées. Les auteurs purent montrer que les âgés rappelaient moins de mots dans la condition « matériel item-spécifique » comparée à la condition « matériel relationnel », révélant alors une différence liée à l’âge plus importante dans la premier condition et s’étiolant dans la deuxième. De plus, au niveau des indicateurs item-spécifiques (e.g., mesure du gain) les différences liées à l’âge étaient observés quel que soit le type de matériel. L’effet de l’âge n’était pas présent sur l’indicateur relationnel (ARC score) ? Ces résultats sont d’une part en faveur de l’hypothèse d’un déficit du traitement item-spécifique, et d’autre part d’une préservation du traitement relationnel basé sur les traitements sémantique.

142 Selon cette hypothèse, le rappel libre serait moins efficient que la reconnaissance car le rappel libre repose sur le traitement item-spécifique lorsqu’il s’agit d’auto-initier la production des mots isolés de la liste (Long et al., 2010), ce que les âgés ont beaucoup de difficulté à effectuer en comparaison à une tâche de reconnaissance où l’information item-spécifique est disponible et accessible sur un support extérieur, diminuant fortement l’effort cognitif lié à l’auto-initiation des stratégies de récupération (Craik & McDowd, 1987).

2.2.2. Traitement item-spécifique et fausses reconnaissance

Le déficit du traitement item-spécifique contrastant avec la relative préservation du traitement relationnel a aussi été considéré comme une interprétation possible de la susceptibilité plus grande aux fausse reconnaissances chez les personnes âgées comparées aux jeunes (e.g., Thomas & Sommers, 2005), qu’il s’agisse des fausses reconnaissances de source (Pierce et al., 2005) ou bien des fausses reconnaissances sémantiques (Balota et al., 1999). Si cela est bien le cas, augmenter la distinctivité du matériel à apprendre pourraient réduire cette susceptibilité aux fausses reconnaissances. Dans les travaux effectuées essentiellement auprès d’une population jeune, il a été en effet constaté que le fait de présenter les mots en couleurs différentes ou bien en polices différentes des autres mots (e.g., Arndt & Reder, 2003) permet de réduire les fausses reconnaissances, puisque ces items ont été rendus distinctifs lors de l’encodage. De même, Israel & Schacter (1997) constatèrent que les fausses reconnaissances dus à l’effet DRM étaient considérablement réduites lorsque les mots de la liste étaient présentés en modalité visuelle plutôt que par présentation auditive. Ils supposèrent alors que l’effet de modalité permet une meilleure discrimination des items cibles des items leurres activés dans le réseau sémantique de manière automatique, un processus qu’ils appelèrent

heuristique de distinctivité. Suivant cette logique, mais cette fois-ci chez les âgés, Thomas &

Sommers (2005) ont par exemple pu montrer que les fausses reconnaissances étaient réduites chez les jeunes et les âgés lorsque des mots étaient intégrés à des phrases sémantiquement congruentes (e.g., « l’orange était cultivée avec soin »), éliminant la différence liée à l’âge. D’autres ont montré une réduction des fausses reconnaissances du à un encodage distinctif, sans réduction de l’effet de l’âge sur les fausses reconnaissances (Koutstaal, Shacter, Galluccio, & Stofer, 1999 ; Pierce et al., 2005).

Ou encore, des études montrent au contraire un effet délétère d’un encodage distinctif, augmentant alors les fausses mémoires des âgés (Butler, McDaniel, McCabe, & Dornburg, 2010 ; Smith, Lozito, & Bayen, 2005). D’ailleurs, l’étude de Butler et al. (2010) apporte un

143 éclairage nouveau sur la nature des traitements item-spécifique et leur relation avec l’âge. En effet, alors que la plupart des études citées ci-haut manipulent le traitement item-spécifique (vs. une condition standard d’apprentissage de la liste DRM) en apportant une distinctivité

extérieure comme support environnemental (Craik & Simon, 1980), les participants de Butler

et al. (2010) devaient utiliser une stratégie propre à eux pour rendre les mots de la liste DRM distinctifs (par exemple en pensant en associant le mot « CHIEN » avec une caractéristique qui faisait de ce mot un item unique, en pensant par exemple au nom de leur propre chien, « OSCAR »). Les personnes âgées étaient sujets à plus de fausses mémoires dans la condition item-spécifique et elles étaient plus reliées au fonctionnement exécutif comparé à la condition standard. Cette étude révèle que les traitements item-spécifiques spontanément mis en œuvre par les personnes âgées sont déficitaires augmentant alors leur propension à commettre des fausses reconnaissances.

Au total, en distinguant un traitement item-spécifique dirigé par le données (e.g., présentation visuelle du matériel à apprendre) d’un traitement item-spécifique auto-initié, généré intentionnellement, il apparaît que le premier est moins affecté par l’âge que le second. Dans ce dernier cas, il est aisé de faire le lien avec l’hypothèse environnementale de Craik & Simon (1980) d’un déficit d’auto-initiation des stratégies, mais aussi avec l’hypothèse du déclin fronto-exécutif (voir ci-après).

2.2.3. Exemple de l’effet SPT

L’étude de Butler et al. (2010) n’est qu’un cas particulier de nombreuses études utilisant diverses manipulations lors de l’encodage afin de rendre celui-ci plus distinctif. Cependant, en dépit d’une démonstration d’un bénéfice apporté par de tels manipulations sur le rappel et les reconnaissances correctes chez les jeunes du à des effets basés sur le principe de distinctivité tels que l’effet d’isolation (Geraci, McDaniel, Manzano, & Reodiger, 2009), ou encore l’effet de génération (Mitchell, Hunt, & Schmitt,1986), les études présentent des résultats contradictoires quant à la présence ou à l’absence d’un effet de l’âge ou quant à sa réduction. L’effet d’enactement (ou effet subject-performed task -SPT, Brooks & Gardiner, 1994 ; Dijkstra & Kaschak, 2006 ; Feyereisen, 2009 ; Rönnlund, Nyberg, Bäckman, & Nilsson, 2003) n’échappe pas non plus à la règle.

La littérature est peu abondante en ce qui concerne la question de savoir si l’effet SPT apporte un bénéfice sur les performances en mémoire chez les personnes âgées. La plupart des études faites dans ce domaine ont adopté la procédure classique consistant à comparer les

144 jeunes et les âgés sur deux conditions au moins : une condition dans laquelle les phrases d’actions ou des verbes d’actions sont appris verbalement (verbal encoding), et une condition dans laquelle ces phrases sont exécutés en réel (subject-performed task, SPT). Si l’hypothèse d’un effet additif (Engelkamp, 2001) du processus item-spécifique apporté par l’information motrice est juste, si l’on considère la tâche SPT plutôt automatique, alors les âgés devraient en profiter autant que les jeunes. Cependant, si l’on considère l’information motrice comme intégrée dans un encodage plutôt multimodal lors de la performance motrice (Bäckman, 1985) alors on pourrait même s’attendre à ce que les différences liées à l’âge soient diminuées. Bäckman (1985) fut l’un des premiers à poser ce type de question et montra que l’effet SPT était présent chez les jeunes comme chez les âgés, et apportait un bénéfice aux âgés. Il a été de plus montré que cet effet ne dépend pas de la congruence sémantique des phrases d’actions (Mangels & Heiberg, 2006), c’est-à-dire, que les âgés bénéficieraient de cet effet indépendamment du fait qu’on apporte une intégration sémantique à la phrase (e.g., « la pomme est mise dans le panier ») ou pas (e.g., « la pomme est mise sur la trousse »). Nyberg et al (2002) ont analysé les performances de 1000 participants âgés de 35 à 80 ans, et ont montré que seuls 5% des participants (une majorité de personnes très âgées) ne présentaient pas l’effet SPT. Nyberg et ses collaborateurs ont identifié comme causes possibles de la perte de l’effet bénéfique du SPT un dysfonctionnement du traitement moteur (via des indicateurs biologiques et neuropsychologiques) corroborant les résultats des études en neuro-imagerie qui montrent un lien entre l’effet SPT et les régions motrices du cerveau.

D’autres études ne corroborent pas ces résultats, et rapportent trois cas de figures : le premier étant un bénéfice apporté par la condition SPT sans élimination de l’effet de l’âge (Dijkstra & Kaschak, 2006 ; Feyereisen, 2009 ; Mangels & Heinberg, 2006 ; Nilsson & Craik, 1990), le second étant une absence totale de supériorité de la condition SPT par rapport à la condition verbale, un effet de l’âge étant retrouvé dans les deux conditions (Brooks & Gardiner, 1994 ; Guttentag & Hunt, 1988 ; Knopf, 1991). Ainsi, Knopf (1991) montra que quelle que soit la condition (verbale vs. SPT), une différence liée à l’âge était présente aussi bien sur le rappel libre que sur la reconnaissance, qu’elles soient immédiate ou différée. Et, enfin, Nilsson & Craik (1990) montrent un bénéfice apporté par la condition SPT chez les âgés sans pour autant effacer les différences liés à l’âge sur le rappel tandis que sur la reconnaissance ces différences sont diminuées. Ainsi, le bénéfice augmenté de l’effet SPT chez les âgés pourrait dépendre de la tâche de restitution, et s’exprimerait seulement sur la reconnaissance.

145 Dans l’ensemble, il n’existe pas vraiment de consensus sur le fait que la condition SPT élimine l’effet de l’âge. Pour résumer, l’ensemble de ces études pointent vers un déficit du traitement item-spécifique, expliquant non seulement un accès réduit aux informations de nature perceptuelles produisant un profil mnésique particulier décrivant un rappel réduit, une reconnaissance correcte intacte dans la plupart des cas, mais une plus grande susceptibilité aux fausses reconnaissances.

2.3. Hypothèse fronto-exécutive du déclin de la mémoire épisodique

Dans la mesure où le monitoring durant la récupération (ou post-récupération selon les auteurs, Allan, Wolf, Rosenthal, & Rugg, 2001) mais aussi une auto-initiation du traitement item-spécifique ou de celle des mécanismes de mémoire de source sont des processus stratégiques et nécessitant un effort cognitif, de nombreux auteurs ont fait l’hypothèse qu’ils ont en commun d’être dirigés par un contrôle exécutif (e.g., working-with-memory model, Moscovitch, 1992 ; Braver & West, 2008), appliquant ainsi l’hypothèse fronto-exécutive au vieillissement de la mémoire. Des évidences supportant cette hypothèse proviennent aussi bien des études utilisant soit des méthodes de statistiques de médiation et de corrélation soit des méthodes purement expérimentales.

2.3.1. Les méthodes corrélationnelles et médiationnelles

Pour la première approche par exemple, en utilisant les méthodes statistiques décrites dans la section 2.1.3. et l’encart 3, les chercheurs ont montré que la relation entre l’âge et les performances relatives à diverses composantes de la mémoire épisodique sont médiées par le fonctionnement exécutif (Crawford et al., 2000; Souchay, Isingrini, Espagnet, 2000 ; Salthouse, Atkinson, & Berrish, 2003). Des études plus simplement corrélationnelles montrent aussi une association entre les performances mnésiques et les tests mesurant le fonctionnement exécutif, corroborant l’idée selon laquelle certains processus épisodiques sont fortement saturés en processus contrôlés et stratégiques. Par exemple, Parkin & Walter (1992) ont montré que les âgés donnent moins de réponses Remember (R) comparés aux réponses Know (K), en accord avec l’idée de difficultés de recollection contrastant avec une familiarité préservée, mais que ces réponses R sont significativement corrélées aux mesures exécutives. Cette association a aussi été obtenue entre les performances à la tâche d’attribution de la source et les tests exécutifs, suggérant que le monitoring de la source est un processus contrôlé par l’administrateur central (Ranganath, Johnson, & D’Esposito, 2003). Remarquons

146 qu’une sous-classe d’études adoptant cette approche a même permis de tester l’hypothèse du déclin exécutif contre l’hypothèse de réduction de la vitesse de traitement (e.g., Beaudoin, Clarys, Vaneste, Isingrini, 2009 ; Lee et al., 2012). Ces études montrent en général une contribution importante (mais pas nécessaire équivalente en termes de variance) des deux ressources de traitement au déclin de la mémoire épisodique. Ce type de résultat met en évidence le fait que les deux hypothèses peuvent ne pas être mutuellement exclusives afin de rendre compte des différences liés à l’âge sur les performances en mémoire épisodique, d’autant plus que le rôle de la vitesse de traitement comme un construit séparé de celui de fonctions exécutives est actuellement encore en débat (Albinet, Boucard, Bouquet, & Audiffren, 2012 ; Baudoin et al., 2009).

2.3.2. Les méthodes expérimentales

Les travaux pionniers menés par Elizabeth Glisky et son équipe (Glisky & Kong, 2008 ; Glisky, Rubin, & Davidson, 2001) ont consisté à administrer une batterie de tests neuropsychologiques à des personnes âgés évaluant aussi bien la mémoire épisodique (ME) que les fonctions exécutives (FE). Dans un second temps, les participants sont subdivisés en « high performers » (+) et en « low performers » (-) sur la base des performances en mémoire épisodique et en fonctionnement exécutifs. Grâce à cette méthode (Glisly et al., 1995), ils purent montrer qu’une meilleure attribution de la source (« est-ce que cette phrase a été dite par cette voix ? ») est obtenue chez les âgés EF+ (sans prendre en compte leurs performances ME) comparés aux EF-. Dans un second temps, les ME+ obtiennent de meilleures performances de reconnaissance pour la mémoire des phrases comparés aux ME-. Cette étude fut donc la première à montrer une double dissociation fonctionnement exécutif/mémoire de la source vs. mémoire épisodique/mémoire des phrases, la première considérée comme reposant sur le cortex préfrontal tandis que la seconde mobilisant le lobe temporal médian. Butler et al. (2010) (cités ci-haut) ont repris cette approche dans leur expérience 2 afin de montrer que ce déficit manifeste sous forme de susceptibilité accrue aux fausses reconnaissances n’est présent que chez les âgés bien portant présentant néanmoins un déficit du fonctionnement exécutif (FE-) sans dépasser le seuil défini pour le qualifier de pathologique.

Une autre méthode expérimentale mise en place par Donald Stuss et collègues (Levin, Stuss, & Milberg, 1997 ; Stuss, Craik, Sayer, Franchi, & Alexander, 1996) consiste à directement comparer les personnes âgées bien portantes aux patients présentant des lésions

147 frontales, connus pour manifester un dysfonctionnement exécutif. Une telle approche neuropsychologique peut sembler surprenante, cependant elle suit le raisonnement suivant : si les âgés et les patients frontaux présentent des performances mnésiques similaires sur divers composantes de la mémoire épisodique et du fonctionnement exécutif alors cela apporte un soutien considérable à l’hypothèse de déficit exécutif. Par exemple, Stuss et al. (1996) comparaient des jeunes contrôles, des adultes d’âge moyen et des adultes âgés à trois groupes de patients présentant des lésions frontales latéralisées droite, gauche et bilatérales en utilisant le paradigme de rappel libre multi-essais (voire chapitre I pour une description d’un tel paradigme au moyen du CVLT). Tous les participants devaient apprendre au cours de 4 essais successifs une liste de mots non-reliés, une liste de mots reliés sémantiquement mais présentés dans un ordre pseudo-randomisés et une liste de mots reliés mais présentés en mode « blocking » (cf, infra, section II.1.). Ce type de procédure permit de mettre en évidence