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Chapitre 6 Le don « à la surface des choses » : le don dans les couples familiaux québécois des années

6.3 Ce qu’on se donne moins : les cadeaux

6.3.1 Ce qu’on donne aux enfants

Vis-à-vis des enfants, l’attitude des personnes interrogées est à la fois semblable et différente. C’est encore le meilleur de soi qu’on offre avec des sentiments puissants, mais les types de don les plus sollicités et offerts changent un peu, ainsi que la fréquence à laquelle on donne. De plus, les participants ont plus de facilité à reconnaître que plusieurs de leurs

actions auprès de leurs enfants sont des dons et ils en parlent avec une emphase particulière. Il semble qu’élever des enfants, pour les conjoints interrogés, soit un projet exigeant et gratifiant, qui se rappelle à leur conscience à tout moment. « On donne tout, inconditionnellement, à nos enfants », disent-ils :

-Qu’est-ce que tu donnes à tes enfants ? -Ben, c’est un amour inconditionnel, là. (Denis) -Est-ce que tu donnes des choses à tes enfants ?

-Eille oui! (rires) Tout mon amour ! Je donne tout de moi à mes enfants, mon âme ! Mais oui : vraiment. Tu vois : ça vient tellement spontané, han ? Avec les enfants. C’est tellement inconditionnel, les enfants. On les aime tellement !

-On est plus généreux, avec eux ?

-Je pense que je le suis plus avec elles qu’avec mon conjoint. (Geneviève) -Est-ce que tu donnes des choses à tes enfants ?

-Oui. Ben là, beaucoup beaucoup d’amour, beaucoup de bisous et de colleux. Beaucoup d’attention. Pour moi, c’est très important de lire une histoire chaque soir avec ma fille. (Sarah)

-Qu’est-ce que vous donnez à vos enfants ? -On donne tout à nos enfants ! (rires)

-Je dois dire que t’es pas la première à me répondre comme ça ! (rires) (Flavie. Elle souligne.)

Il n’est pas question de calculer ce qu’on reçoit en retour. Un sourire de leur part, leur joie, leur bien-être, l’impression de faire le maximum pour leur épanouissement constituent des retours suffisants. Par contre, il faut dire que la majorité des conjoints sont parents d’enfants qui ne sont pas encore adolescents. Seuls cinq répondants ont des enfants adolescents. Il est plausible qu’à l’adolescence, petit à petit, l’attente d’un retour évolue, à mesure que l’enfant est mieux capable d’apprécier les gestes de ses parents :

C’est des enfants, fait qu’ils sont plus jeunes, mais eux, ils donnent beaucoup d’affection, puis on est capable de le voir dans tous les petits gestes qu’ils apprécient. Mais j’ai l’impression que pendant une longue période, y a peut-être un petit peu moins de sacrifices de leur bord, puis un petit peu plus de nous. (Sébastien)

-Puis eux, est-ce qu’ils donnent des choses en retour ?

Je leur donne, mais j’ai l’impression qu’ils me redonnent beaucoup, aussi. Encore une fois, on donne beaucoup aux enfants, on donne tout le temps, tout le temps, tout le temps, là ! On fait que ça, donner aux enfants, mais c’est tellement le fun. Y a rien qui accote ça, là ! (Denis)

Juste les faces qu’elles me font ! Pour moi, ça, c’est un cadeau, là. (Geneviève)

De la part des enfants, les répondants n’attendent donc que peu de retour, même si certains soulignent l’importance de leur inculquer la gratitude, le respect et l’entraide à mesure qu’ils grandissent :

Tant que tout le monde a pas fini de manger, on se lève pas. Puis c’est normal. Question de respect. Pour moi, c’est important pour qu’on puisse vivre ensemble ! Puis ça nous sert à nous parce qu’en tant que personne, ben on sent qu’on a une place pour parler même si l’enfant est là. (Justine)

Avec [mon aîné] qui est un petit peu plus vieux, on commence à lui apprendre à vérifier avant [de nous demander de l’amener à quelque part], de s’intéresser à ce que nous, on pourrait avoir à faire avant de faire des plans sans nous en parler. Parce qu’on veut qu’il prenne conscience des gens qui sont autour de lui, aussi. (Sébastien)

De façon générale, les personnes interrogées donnent donc beaucoup à leurs enfants. Pour la plupart d’entre elles, l’organisation familiale pivote autour des besoins des petits, même si elles disent prendre leur propre bien-être, ainsi que celui de leur conjoint, en considération également. Ici, le caractère socialement acceptable des propos des participants est particulièrement visible et en phase avec ce que comprend et demande la doxa populaire, c’est-à-dire de faire passer le bien-être des enfants avant tout :

-Tes décisions se prennent en fonction du bien-être de la famille, avant toi ?

-Oui. Pas le choix. Parce que mes enfants dépendent de moi à 100 %. Tsé, tout ce qui est leur bien-être physique, émotif, aussi. Ils le ressentent, les enfants, quand on n’est pas bien ! Le fait de s’habiller, manger, dormir, le transport, puis tout ça : ils dépendent à 100 % de nous. Fait qu’automatiquement, faut se soucier d’eux autres. Avant nous. Puis ce qu’il reste comme temps, après, on le sépare entre nous deux ! (rires) (Sandrine)

J’ai toujours ce questionnement-là : qu’est-ce qui est le mieux pour l’enfant ? Puis qu’est-ce qui est le mieux pour que nous, on soit bien ? Parce que si on est bien, lui, il va être bien. (Julie)

Moi, j’ai beaucoup ça à travailler. Par exemple, je veux aller à une formation de yoga, mais là je me dis : « Ah, c’est un weekend, je passerai pas du temps en famille… je le ferai pas. » Alors que je le sais que ça me ferait du bien. Même si je trouve ça dur de quitter le nid, je vais être contente une fois partie. Je vais être contente d’être partie deux jours, d’avoir fait ça pour moi, puis de revenir avec plein d’énergie. (Alexandra)

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