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1. CHAPITRE I : La lecture, un processus cognitif

1.5. Qu’est-ce que comprendre ?

Toutes les recherches ayant trait à la question de la compréhension admettent que la lecture est une activité cognitive complexe qui met en œuvre plusieurs processus dans une perspective de construction de sens. Le fait de percevoir et de comprendre les mots et les phrases du texte ne constitue qu’une phase intérimaire de ce processus. Désormais, « comprendre, c’est produire de la signification et non en

recevoir comme on l’a cru longtemps en didactique des langues. » (Moirand, 1982,

p.130).

Nous n’avons cessé de répéter depuis le début de ce travail que lire, c’est saisir le sens d’un texte. Ainsi, il est légitime de se demander ce que signifie comprendre un écrit. Selon Laurent Gourvez & Fanny de La Haye (2006), c’est l’aptitude à construire, à partir du texte et des connaissances antérieures du lecteur, une représentation mentale cohérente de la situation décrite ou relatée par le texte. Cette représentation englobe le cadre spatio-temporel de l’histoire, les personnages, les actions, les évènements, l’état des choses tel que défini dans le texte. Cela mène à dire que la compréhension n’est pas une manifestation passive qui résulte automatiquement du décodage, mais elle est plutôt une opération à travers laquelle « le lecteur est bien obligé de “traiter” ce qu’il décode, c’est-à-dire, de le

“délinéariser”, de le “déconstruire” pour le réduire et s’en constituer une représentation mentale cohérente. » (Adams, Davister, Denyer, 1998, p.12). Cette

représentation contient un explicite textuel, qui concerne le sens littéral du texte déduit à partir des éléments linguistiques de surface, un implicite textuel, qui renvoie à ce qui n’est pas dit expressément par le texte, mais qui est à déduire par le lecteur, et un implicite fondé sur les schèmes du lecteur ou sur ses connaissances antérieures (référence à la culture personnelle du lecteur, à ses expérineces). En conséquence, l’accès au texte s’avère une tâche très complexe qui nécessite le passage par plusieurs étapes et l’intervention de plusieurs sources d’information.

Au départ, le lecteur procède à une reconnaissance ou à une identification des mots du texte en interpellant son lexique mental. Cette opération, selon L. Gourvez & F. de La Haye (2006), s’effectue au moyen de deux voies :

 La voie directe à travers laquelle le lecteur reconnaît le mot parce qu’il a déjà été rencontré ultérieurement ou l’identifie en accédant directement à sa signification. Dans les deux cas, l’accès lexical s’est fait grâce à l’identification de l’adresse orthographique du mot qui existe dans le lexique

mental du lecteur et que Zagar définit comme « un dictionnaire interne composé de tous les mots connus auxquels sont associées les informations orthographiques, phonologiques, syntaxiques et sémantiques qui leur sont propres. » (Adams, Davister, Denyer, 1998, p.24)

 La seconde procédure emprunte une voie indirecte en passant par la correspondance graphème-phonème du mot pour accéder à son identification ou à sa reconnaissance. Ce passage indirect montre qu’il n’existe pas d’adresse orthographique de ce mot dans le lexique mental du lecteur puisqu’il s’agit d’un mot inconnu que ce dernier n’a jamais rencontré. Ainsi, il est obligé d’effectuer une segmentation des unités constitutives du mot et de les convertir en son. Le lecteur débutant a souvent recours à cette démarche lorsqu’il rencontre des mots dont il ne possède pas de correspondance orthographique. Elle est également employée par les lecteurs experts confrontés à des mots peu connus ou des mots qu’ils n’ont jamais vus auparavant. Quand on utilise cette opération, on parle aussi de procédure par assemblage.

Une fois les mots identifiés, le lecteur passe à leur traitement syntaxique (calcul syntaxique) en identifiant leur rôle dans la phrase (sujet, verbe…), en déterminant les relations qu’ils entretiennent entre eux, et en les associant en unités de plus haut niveau : syntagme, proposition… etc. Après avoir établi la structure de la phrase, le lecteur procède au calcul de la signification en intégrant les informations traitées au reste du texte. Ces informations vont être également incorporées à l’ensemble de ses connaissances sur le domaine du texte en fonction

des connaissances antérieures dont il dispose. Tous ces traitements doivent aboutir à la construction d’une représentation mentale personnelle et cohérente du texte.

L’élaboration de cette représentation mentale fait intervenir plusieurs niveaux de compréhension. Le programme d’étude de l’école du Saskatchewan (2006), admet les niveaux de compréhension suivants :

 Littérale : Il s’agit d’une compréhension élaborée directement à partir d’informations exprimées explicitement dans le texte (reconnaître des mots, des idées, des informations, des situations ou des évènements)

 Inférentielle ou interprétative : Ce type de compréhension exige un certain effort de la part du lecteur dans la mesure ou il est appelé à faire une synthèse de sa compréhension littérale, de ses connaissances personnelles et de son imagination afin de déduire les informations implicites (non mentionnées explicitement dans le texte)

 Critique : À ce niveau de compréhension, le lecteur porte des jugements sur le texte ou évalue son exactitude à la lumière de ses connaissances préalables.

 Créative : Ce niveau de compréhension permet au lecteur de mettre en application les significations déduites du texte dans sa vie personnelle.

Le lecteur, dans une optique de construction de sens, fait travailler ces niveaux de compréhension en puisant dans différentes sources d’informations : « le

texte (graphème, phonème, syntaxe, items lexicaux, proposition), les structures de connaissances antérieures du lecteur (spécifiques et génériques) et le contexte pragmatique du message (l’auteur, le lecteur, le cadre et le but de l’échange) ».

(Blanc, 2000, p.11) afin de confirmer ou d’infirmer ces différentes hypothèses émises toutes au long de sa lecture.

Le schéma suivant résume les différents niveaux de compréhension cités ci-dessus :

Figure 5 : Les niveaux de compréhension Source : www.sasked.gov.sk.ca/docs/francais/fransk/fran/elem/stratl/stratl8.html

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons essayé d’apporter quelques explications concernant les connaissances dont on dispose sur l’acte de lecture, depuis l’Antiquité jusqu’au tournant des années 1970 où on assiste à d’énormes progrès dans l’appréhension de l’acte de lire grâce aux apports considérables de la psychologie cognitive, de la psycholinguistique et de la linguistique textuelle. Cette activité de lecture est finalement assez complexe alors qu’on croyait qu’il s’agissait d’une simple opération de décodage qui se suffisait à elle seule dans la construction du sens.

Actuellement, toutes les recherches convergent vers une même définition de la lecture selon laquelle lire, c’est comprendre. Cette compréhension du texte est une opération très complexe de traitement de l’information qui se réalise en plusieurs étapes : prélèvement de l’information par le lecteur, construction du sens à partir de ces informations, leur stockage dans la mémoire, leur intégration aux autres informations du texte et aux connaissances antérieures du lecteur et enfin, construction d’un modèle de situation cohérent, qui reflète la situation décrite par le texte. Tous ces traitements aboutissent à l’élaboration du sens.

Toutefois, l’accès au texte ne s’effectue toujours pas de la même manière pour tous les lecteurs. Certains y accèdent par la voie directe, d’autres prennent la voie indirecte alors que d'autres empruntent les deux voies. Dans cet ensemble de procédures, l’élément fondamental et nécessaire dans l’accomplissement de cet acte est le lecteur qui apparaît comme le centre de cette activité. C’est là l’objet de notre prochain chapitre où nous allons essayer d’apporter quelques éclairages sur cet élément capital de l’activité de lecture.