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1. CHAPITRE I : La lecture, un processus cognitif

1.3. Les modèles de lecture

Depuis des années, la psychologie cognitive s’intéresse à la compréhension des processus de traitement de l’information, d’une manière générale, et au fonctionnement mental du sujet pendant la lecture, d’une manière particulière. Ainsi, plusieurs travaux viennent pour alimenter le domaine de la lecture, et permettent une description de l’acte de lire et des processus mis en jeu lors de cette activité pour l’élaboration du sens d’un texte. Ces investigations ont permis également de répertorier les modèles rendant compte de ce fonctionnement. Durant les années 1960 et 1970, de nombreuses modélisations de lecture ont été établies en cernant les différents facteurs qui entrent en jeu dans le processus de construction du

sens. Ils ont été rassemblés en trois grands types. Il s’agit des modèles ascendants, des modèles descendants et des modèles mixtes ou interactifs.

1.3.1 Les modèles ascendants : primauté du texte sur le lecteur

Dans ces modèles ascendants, le texte est le seul lieu où il faut extraire le sens. Pour y accéder, il faut s’appuyer sur les signes graphiques qui permettent l’interprétation des informations, c’est-à-dire que le lecteur poursuit un itinéraire qui va « des mécanismes primaires (perception puis assemblage des lettres), vers les

processus cognitifs supérieurs (décisions sémantiques). » (Chauveau, 1998, p.7).

Ainsi, selon G.Chauveau (1998), la conduite du lecteur dans ce processus de lecture est linéaire et hiérarchisée et cela répond au principe qui énonce que la signification s’élabore à partir de l’encodage des unités linguistiques de base en passant par l’identification des lettres, des syllabes, des mots et enfin des phrases. Cette identification est associée à un travail d’oralisation pendant le décodage du message. Les modèles d’enseignement qui en découlent suggèrent d’initier les lecteurs débutants avant tout aux éléments du code (lettres, syllabes), la compréhension étant vue comme une deuxième étape. Ces modèles sont à mettre en parallèle avec les méthodes d’enseignement de la lecture synthétiques, alphabétiques, phonétiques, syllabiques

Il y a lieu de préciser que malgré les limites de ces modèles de lecture, cela n’empêche pas certains lecteurs inexpérimentés et même expérimentés de faire appel à un tel processus en fonction des circonstances et des situations de lecture dans lesquelles ils se trouvent.

1.3.2 Les modèles descendants : prédominance du lecteur sur le texte

Ces modèles de lecture envisagent le lecteur comme possesseur de connaissances. Il n’a recourt au texte que pour compléter ou confirmer ses connaissances. L’importance est mise davantage sur la compréhension puisque ces

modèles affirment que « lire c’est prendre directement du sens. » (Chauveau, ibid., p.8). Pour y parvenir, le lecteur fait appel aux processus mentaux supérieurs qui sont déterminants dans l’élaboration du sens : raisonnement, mobilisation des connaissances, prédictions sémantiques, utilisation du contexte, formulations d’hypothèses. Ainsi, la compréhension est un processus d’élaboration et de vérification continu d’hypothèses. Ces hypothèses sont formulées à partir des connaissances personnelles du sujet et confirmées ou infirmées grâce aux indices prélevés du texte. Le lecteur, pour faire ces prévisions, fait appel à « des

connaissances de différents ordres : référentielles, sociolinguistiques, socio psychologiques, linguistiques, socioculturelles. » (Cuq, 2003, p.50).

Il faut signaler que ce modèle de lecture prend appui sur les travaux du psychologue américain K.S.Goodman (1967) pour lequel la lecture ressemble à « un jeu de devinette ». F.Smith dans son ouvrage, Understanding Reading (1971), présente également un modèle de lecture assez similaire à ces modèles du haut vers le bas, avec comme divergence un lecteur qui s’appuie pour la plus grande partie sur l’information non visuelle, c’est-à-dire ses connaissances générales et particulières dans la construction du sens. De là, cette conception de la lecture nie tout recours à des traitements de bas niveau, du moins dans un premier temps.

Bien que ce nouveau regard sur la lecture confère au lecteur un rôle actif dans la révélation du sens d’un texte, il a été reproché à ce modèle de mettre beaucoup plus l’accent sur les connaissances du sujet et de faire abstraction des autres opérations mises en œuvre dans l’activité de lecture et de compréhension.

1.3.3 Les modèles interactifs : l’intégration des deux processus

Les deux modèles de lecture que nous avons présentés ci-dessus représentent deux orientations antagonistes par les processus qu’ils mettent en jeu lors de l’activité de lecture. Les modèles de bas vers le haut favorisent les traitements

inférieurs au détriment des traitements supérieurs comme moyens permettant l’accès au sens, alors que les modèles de haut vers le bas ne tolèrent pas l’intervention des processus élémentaires (mise en correspondance graphèmes/phonèmes, déchiffrage partiel d’un mot, reconnaissance immédiate de syllabes ou de mots). Dans une tentative de réconciliation entre les deux modèles, apparaissent, vers la fin des années 1980, les modèles interactifs comme une nouvelle conception de l’acte de lire qui intègrent les deux processus. Dans cette optique, E. Rogovas- Chauveau et G. Chauveau déclarent que « la production de sens se situerait au croisement de

mécanismes ascendants […] et de mécanismes descendants. » (Maisonneuve, 2002,

p.57). Selon cette conception, le lecteur effectue un va-et-vient entre les systèmes d’ordre inférieur et supérieur. Ainsi, lors de la lecture, le sujet peut faire appel à de nombreux indices : graphémiques, lexicaux, morphologiques, syntaxiques et à des connaissances générales et particulières. Le modèle de Kintsch et van Dijk (1978) se présente comme un modèle fortement interactif où toutes les sources d’information sont employées concomitamment.