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3. CHAPITRE III : Le recueil de données

3.2. Lire en situation scolaire

Il est évident que les situations de lecture diffèrent en fonction du lieu, de l’objectif et du projet de lecture en lui-même. Lire une enseigne d’un magasin ou une affiche de publicité, de passage dans la rue, et lire un journal, des ouvrages à la maison ou chercher un endroit précis représente des situations antagoniques dans la mesure où le type de lecture dans le premier cas est une lecture « captive » alors que

19 Nous avons travaillé dans ce secteur pendant six ans, dans une école primaire, en tant que professeur d’enseignement fondamental.

dans le deuxième cas, il s’agit d’une lecture « volontaire » (Moirand, 1979a, p.18). Pour le premier type de lecture, nous lisons des choses involontairement, en n’ayant aucun objectif particulier, alors que pour le second type, nous nous mettons à lire en ayant un but bien précis.

Généralement, notre lecture vise la recherche d’une information qui peut être en relation la météo de la journée, le programme de la télévision, les horaires de trains et d’avions, connaître les informations du pays, jouer aux mots croisés, rassembler des informations afin de réaliser un exposé ou un cours, etc. Dans les exemples cités, nous agissons selon notre volonté et selon les projets de lectures que nous nous sommes assignés dès le départ : lire pour s’informer, se distraire, étudier, etc.

Mais est-ce le cas de la lecture en situation scolaire ? Les didacticiens (Moirand, Cicurel) confirment que les élèves en classe sont contraints de lire des textes imposés par l’Institution et l’objectif de la lecture « est l’acte de lire lui-même

(sans savoir par ailleurs ce que l’on entend sous le terme “compréhension écrite.”) » (Ibid., p.19).

Selon les finalités du système éducatif algérien qui vise l’« instruction du plus

grand nombre et l’éducation du futur citoyen. » (Kateb, 2005, p.106), réussir une

lecture linéaire et expressive des textes proposés, est suffisant pour un projet de lecture qui « est essentiellement académique. On lit pour apprendre à lire… » (Cicurel, 1991, p.18). Cela a transformé généralement la séance de lecture, en langue étrangère, en séance d’explication de textes vu qu’il n’existe pas d’objectifs bien déterminés pour cette activité et que les élèves ignorent la manière de lire des textes qu’ils n’ont même pas choisis.

Le déroulement de cette activité suit un rituel identique pour tous les textes scolaires, quel que soit leur type, et quelle que soit leur visée communicative. Elle commence par des consignes puis des questions auxquelles les élèves sont contraints de répondre afin de montrer qu’ils ont bien compris le texte. L’enseignant est « le maître » dans la séance. Il décide de ce qu’il faut lire, de celui qui lira, de la manière de lire et de ce qu’il faut comprendre. L’apprenant n’est pas un élément actif dans le processus de lecture. La compétence de lecture visée est la capacité à déchiffrer

correctement et « la capacité de trouver dans un texte l’information que l’on

cherche, capacité d’interroger un écrit et d’y repérer des réponses… » (Moirand,

op.cit., p.22).

Mais qu’en est-il de la compréhension dans un projet de lecture qui vise désormais à installer chez les élèves une compétence de communication ?

Selon les instructions officielles et les directives des nouveaux programmes de la 4ème année primaire, la lecture est orientée désormais vers une pédagogie de

construction du sens en adoptant une méthodologie qui vise « à faire entrer l’élève dans le texte, à faire » qu’il « questionne lui-même le texte pour le comprendre, le saisir. » (M.E.N, 2005, p.44), en relevant des indices, en formulant des hypothèses

et en les confrontant avec le texte.

Entre les instructions officielles et les directives pédagogiques, qu’en est-il de la réalité sur le terrain ? Qu’en est-il de la compréhension d’un texte dans une classe de primaire ? Pour répondre à cette question, nous avons observé la construction du sens d’un texte narratif par des élèves de primaire, en nous intéressant tout particulièrement aux connaissances culturelles mobilisées par les élèves pour comprendre le texte.

L’objectif était d’examiner de près le rôle des connaissances culturelles dans la construction du sens des textes et de vérifier s’il y a corrélation entre le milieu socioculturel et la compétence culturelle nécessaire pour saisir le sens d’un texte.

3.2.1. Présentation des établissements

Nous avons mené notre expérimentation auprès de deux écoles primaires implantées dans deux quartiers de Constantine. L’une se situe au Gammas, quartier de la banlieue de la ville. Elle compte un effectif d’environ 600 élèves, soit une trentaine d’élèves par classe, répartie en six niveaux : de la première année primaire jusqu’à la sixième année. Cette école a été bâtie après l’indépendance. Elle compte 12 classes aérées, mais mal entretenues. L’école manque également de beaucoup de moyens permettant l’apprentissage des élèves.

Nous signalons également que la majorité de ces élèves habitent le même quartier et sont issus d’un milieu défavorisé.

Le deuxième établissement est situé à Bellevue, un quartier du centre-ville de Constantine. Il s’agit d’une ancienne école héritée du temps de la France (Ex Brunet, 1927). Elle compte dans son effectif approximativement 400 élèves répartis en plusieurs niveaux : de la première année primaire jusqu’à la sixième année. Les classes sont spacieuses, décorées avec soin. L’école est dotée de beaucoup de moyens favorisant l’apprentissage des élèves : une bibliothèque, une salle d’informatique et un réfectoire. Les élèves participent à plusieurs activités culturelles et sportives : chant, ateliers de dessin, théâtre, etc. Ils sont issus d’un milieu favorisé et habitent pour la majorité le quartier même.

3.2.2. Les profils sociologiques des informateurs

Les informateurs auprès desquels nous avons mené notre expérimentation sont de jeunes élèves de 4ème primaire, dont l’âge varie entre 09 et 10 ans. Nous avons retenu, dans ces deux écoles, 12 élèves répartis en deux groupes hétérogènes (filles & garçons) selon leur milieu socioculturel : favorisé et défavorisé. Nous avons nommé « groupe 1 » le groupe d’élèves issus du milieu favorisé et qui correspond à l’école de Bellevue et « groupe 2 », le groupe d’élèves issus du milieu défavorisé et qui correspond à l’école de Gammas. Toutes ces variables situationnelles sont résumées dans le tableau suivant :

Milieux Favorisé Défavorisé

Groupes Groupe 1 Groupe 2

Sexe G F G F

Nombre 03 03 03 03

Par ailleurs, nous tenons à préciser que la constitution des groupes en fonction du milieu socioculturel s’est effectuée à l’aide d’un questionnaire d’identification, soumis aux élèves et rempli à l’aide de l’enseignante dans une perspective de recueillir un certain nombre de données sociologiques (l’âge, le sexe, le quartier de résidence, la profession des parents, le niveau d’instruction des parents, la langue de formation des parents).