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Chapitre 2 : Autour de Métaphysique Q

I.2 Être en puissance et matière

Or, avant de passer à la question de la raison de cette divergence entre Platon et Aristote,

409 Sophiste 256e-257a.

nous devons nous arrêter un moment sur une question qui est largement laissée en suspens dans la littérature ; celle de la relation conceptuelle entre la matière et l’être en puissance. Avons-nous là deux concepts équivalents ? Deux concepts différents ? Ou en relation ? Et si c’est le cas, quelle est la relation entre eux ? Genre-espèce ou deux espèces du même genre ? Certes, la littérature en parle, même beaucoup410, mais on se contente généralement de donner à la matière

et à l’être en puissance des fonctions similaires et de faire d’eux, vaguement des synonymes. C’est-à-dire qu’aucune réponse ne nous a plu par sa clarté et son explication411. Nous devons donc tenter de trouver une réponse à cette question, car cela influera grandement sur notre interprétation de N.2, car Aristote y soutient que Platon aurait dû poser la matière comme l’origine de la multiplicité dans l’être plutôt que de dire que le non-être est. Pour arriver à cela, une lecture de Q.1 sera à même de nous donner des résultats préliminaires.

Regardons premièrement la notion de l’être en puissance, car au sein même de Q, celle-ci et celle de matière sont parfois séparées, parfois assimilées. Puisque notre interprétation se bâtit à partir de celle de Michael Frede, il sera utile pour nous de s’y arrêter un peu. Frede, dans

« Aristotle's Notion of Potentiality in Metaphysics Theta412 », tente avant tout de défendre la cohérence du projet d’Aristote esquissé au chapitre 1 du livre Θ contre ceux, principalement Bonitz et Ross, qui accusent Aristote de s’être égaré dans ses propres distinctions conceptuelles. En vue de cela, Frede se propose de démontrer que c’est précisément les lectures erronées de

410 Il serait beaucoup trop long d’énumérer ici une liste d’auteurs qui traite de cette question. En effet, la

majeure partie des textes dans notre bibliographie au sujet de la matière ou de l’être en puissance ont leur mot à dire sur le sujet.

411 Même si en principe nous sommes d’accord avec Jaulin (2003), Kosman (2013), Lefebvre (2018), Gill

(1989), et Morel (2016), cela ne veut pas dire que la distinction entre la matière et l’être en puissance ait été explicitement et clairement thématisée par ces auteurs. Dans cette partie, nous tenterons de remédier à cela en donnant une réponse claire et sans ambages qui va dans la direction des commentateurs nommés.

Bonitz et de Ross qui nous forcent à accuser Aristote d’incohérence. La différence fondamentale entre sa position et celles de Bonitz et Ross est la suivante : Frede refuse de voir dans la dunamis qu’Aristote veut actuellement (βουλόµεθα νῦν) une autre sorte de dunamis413, alors que Bonitz et Ross cherchent à tout prix une autre sorte de dunamis afin d’expliquer les utilisations

« divergentes » de la dunamis dans Θ. En revanche, Frede suggère qu’il est possible de lire Q sans l’intervention d’une sorte de dunamis qui serait autre que celles déjà élaborées en D.12.

D’une part, l’erreur de Bonitz, d’après Frede, c’est d’avoir identifié la potentialité414 avec la simple possibilité415. Par contre, Aristote nie précisément cela. Selon le Philosophe, on nomme

seulement « potentielle » (dunamei) la matière prochaine qui précède immédiatement la chose en acte. Pourquoi ? Parce que c’est elle seule qui contient la privation de la forme en question. En effet, la terre n’est pas privée de la forme de l’homme de la même manière qu’une note musicale est privée d’une couleur, et celles-là ne sont pas privées de la même manière que l’airain l’est de la forme de la statue ; la privation proprement dite416 est seulement présente au sein d’un être qui

peut recevoir la forme en question sans aucune autre modification. À vrai dire, l’être en

puissance étant l’être au sein duquel il y a la privation d’une forme qu’il peut recevoir, il s’avère que la terre n’est en puissance ni statue, ni homme, même si en un sens elle fait partie de la constitution des deux. C’est-à-dire que la terre, n’ayant pas la puissance de devenir statue ou homme, elle ne sera pas non plus en puissance ceux-là. En effet, c’est seulement l’airain en tant

413 Frede (1994, p. 180) : « Potentiality is not a further, distinct kind of dunamis, but just one or another of

the kinds of dunamis already distinguished, understood in a certain way. »

414 Dans ce chapitre nous traduirons dunamis par potentialité, car les auteurs que nous commenterons le

traduisent ainsi.

415 Frede (1994, p. 177).

416 Privation s’entend aussi de plusieurs manières. Cf. D.22, mais nous soulignons ici son sens physique et

que tel, sans autre transformation majeure, qui contient la privation de la statue, de même que c’est en principe au sein de la semence que se trouve la privation de l’homme417.

Il découle de cela qu’au cœur même de Θ.7 où Aristote devrait, selon Bonitz, nous parler de possibilitas, la dunamis ne peut aucunement renvoyer à une simple possibilité (mere possibility). La position de Bonitz est donc insoutenable. Ainsi, en réfutant Bonitz, Frede libère à nouveau la question du rôle du possible dans Θ. Or, comme nous avons montré plus haut, le possible nomme l’absence de contradiction ou d’obstacles externes lors du passage de la

puissance à l’acte et l’impossible nomme la présence de ceux-ci ou l’absence de la puissance en question. Ce n’est là pas le « sens » de la dunamis que recherche Aristote dans le livre Q.

L’interprétation de Ross n’est pas bien meilleure, selon Frede. Selon Ross, la même division fondamentale entre Θ 1-5 et Θ 6-9 existe ; ces derniers étudieraient la potentialité alors que les premiers étudieraient le pouvoir418. Mais l’erreur propre à Ross, d’après Frede, c’est d’avoir pensé qu’une chose était potentielle seulement lorsque la cause de son changement était immanente. Autrement dit, seules les substances naturelles pourraient être « potentielles »419. De

ce constat, la nouvelle application de la dunamis en Θ 6-9 serait l’extension du concept à la classe des vivants. Or, voici ce que Ross dit réellement dans son commentaire sur Θ.1 :

« Potentiality on the other hand is a potentiality in A of passing into some new state or engaging

417 Q.7 1049a 1-2 Trad. Tricot : « même alors, cela est-il douteux » nous rappelle Aristote, car nous

supposons que vraisemblablement, même la semence doit subir une transformation majeure avant de pouvoir être appelée homme en puissance. Dans ce cas, il serait plus vrai de dire que c’est seulement l’embryon qui est homme en puissance.

418 Frede (1994, p. 179). 419 Frede (1994, p. 177).

in some new activity420. » Nulle part ne mentionne-t-il que ce passage à un nouvel état doit provenir d’une cause immanente. En effet, il serait très surprenant que, contre toute preuve du contraire que présente le livre Θ, Ross soutienne qu’il n’y a que les choses naturelles qui peuvent être dunamei. En vrai, dans son commentaire sur Θ.7 Ross dit précisément que : « [in Θ.7] Aristotle is evidently trying to determine the conditions under which A may be said to be

potentially B. In artistic production A, the matter, has to be acted on by C, the artist, before it can become B, the product.421 » Il n’y a pas là, selon nous, une raison de voir une distinction entre un sens de la dunamis potentielle qui ne s’appliquerait qu’à des êtres vivants, et un sens de la

dunamis comme pouvoir, qui s’appliquerait à tous les êtres. Par conséquent, la notion de « potentiel », que Ross identifie avec la puissance recherchée dans Q (boulometha nun), ne semble pas être une nouveauté introduite à partir de Q.6. En effet, Aristote en parle amplement dans Q.1-5 et de surcroit déjà dans H422, ce sens de la puissance semble être tenu pour acquis. De

plus, la potentialité est en partie évidemment dite selon le mouvement ; ainsi, il nous paraît définitif que ce n’est pas là la puissance que recherche Aristote.

Ayant ainsi réfuté ses prédécesseurs, Frede entreprend sa propre démonstration en insérant le propos de Θ dans son contexte. Il explique sommairement, en faisant référence au Sophiste de Platon et à la définition de l’être par la puissance, que pour les Grecs, agir sur une

420 Ross (1924 vol 2, p. 240) et Ross (1964, p. 176) : « The potentiality in a single thing of passing from one state into another. »

421 Ross (1924 vol 2, p. 256).

422 H.1 1042a 25-28, H.2 1043a 15-16, H.5 et H.6 en entier. En général, l’utilisation de dunamis au datif

(δυνάµει) est le signe qu’Aristote parle de la puissance au sens de « potentiel ». Donc, que le sens de dunamis que cherche Aristote dans Q soit celui de « potentiel » serait tout de même étrange, puisqu’il semble que ce soit là un sens élaboré explicitement en H.

chose ou subir l’action d’une chose est une marque du réel423. À vrai dire, il s’agit simplement de posséder la capacité d’agir ou de subir pour qu’on puisse dire d’une chose qu’elle a un certain degré de réalité. La condition du réel, comme Platon l’explique dans le Sophiste, c’est d’être capable d’agir sur quelque chose ou d’être capable de subir l’effet de quelque chose424. Frede soutient que la thématique aristotélicienne de la puissance s’insère précisément dans ce questionnement ouvert par Platon. En outre, il dit qu’Aristote est en accord avec Platon sur ce point425, du moins à première vue. La puissance serait donc une marque du réel, car « ce qui n’existe pas du tout ne peut subir un changement.426 » C’est-à-dire que pouvoir subir un changement serait la condition minimale de l’existence. Ainsi, la problématique de Θ serait, selon Frede, celle des différents degrés de réalité.

Cet excursus vers le contexte platonicien du problème de la puissance établit pour Frede l’importance fondamentale de la dunamis kata kinêsin. Frede ne pense pas, contrairement à ses prédécesseurs, qu’Aristote parle de cette puissance pour ensuite la laisser de côté. Bien entendu, si l’on comprend Θ comme un dialogue implicite avec le Sophiste de Platon, il est naturel que l’étude de la puissance des choses en mouvement occupe une grande partie de Θ. De plus, cela explique pourquoi Aristote traite d’abord de cette puissance, c’est-à-dire à la fois parce que cette puissance est la plus connue de nous (l’agir et le pâtir sont facilement connaissables par

induction), mais aussi parce que c’est là un des critères platoniciens de l’être. Pouvoir subir et pouvoir agir sont sans doute des puissances qui se disent selon le mouvement et qui par

423 Frede (1994, p. 181). Nous ignorons pourquoi Frede prend quelque chose qui semble être précisément

une grande avancée platonicienne et en fait un caractère standard de la pensée grecque. Il ne présente aucun texte à l’appui de ce qu’il soutient.

424 Frede ne cite pas la discussion du Sophiste mais paraphrase. 425 Frede (1994, p. 184).

conséquent, possèdent un certain niveau de réalité. Aristote est en accord avec Platon à ce sujet. Mais avant tout, l’insistance d’Aristote sur la puissance µάλιστα κυρίως, celle qui est dite « selon le mouvement », nous semble pédagogique. C’est une grande constante de la pensée

aristotélicienne de toujours débuter par ce qui est plus proche de nous, à savoir, les phénomènes sensibles et ceux relatifs à la doxa427, afin de s’élever étape par étape vers ce qui est vrai en soi et

par nature428. En effet, le Stagirite lui-même souligne la nature intuitive d’une analyse qui commence par des actes concrets et facilement discernables, tels les mouvements et les changements qui se passent devant nos yeux : « Le terme acte, que nous posons toujours avec celui d’entéléchie, a été étendu des mouvements, d’où il vient principalement aux autres choses : il semble bien, en effet, que l’acte par excellence c’est le mouvement (δοκεῖ γὰρ ἡ ἐνέργεια µάλιστα ἡ κίνησις εἶναι)429. » Si le mouvement est bien l’acte par excellence, car tout ce qui se meut est nécessairement en acte, alors il est certainement raisonnable de commencer l’analyse avec les choses mues, afin d’y dégager la structure et l’essence. Or, dans le paragraphe

introductif, Aristote a bien dit que cette puissance dite selon les choses mues : « n’est pas vraiment la plus utile pour ce que nous voulons maintenant, car la puissance et l’acte s’appliquent à plus de choses que les choses dites seulement selon le mouvement430. »

427 Aubenque (1962, p. 62-64).

428 Et par conséquent, plus connaissable « en soi », cf. Z.3 1029 b 1-12, Second analytiques I.2 71b 33, Physique I.1 184a 16 et De l’âme II.2 413a 11. Il y a une trace ici du mouvement ascendant de la connaissance chez Platon, tel que présenté, par exemple, dans l’analogie de la ligne divisée dans la République.

429 Q.3 1047a 30-32.

430 Q.1 1045b 32 – 1046a 4, notre traduction. Le passage complet est le suivant : « Mais puisque l’être (τό

ὄν) se dit de quelque chose d’une part [comme] soit la qualité ou la quantité et d’autre part selon la puissance, l’acte accompli (ἐντελέχειαν) et selon l’œuvre (ἔργον), définissons aussi la puissance et l’acte accompli, d’abord la puissance proprement dite, bien qu’elle ne soit pas vraiment la plus utile pour ce que nous voulons maintenant, car la puissance et l’acte s’appliquent à plus de choses que les choses dites seulement selon le mouvement. » Notre traduction.

Un texte au cœur même de Q confirme le fait que l’analyse des puissances selon le mouvement n’a qu’une valeur propédeutique :

Cette analyse nous mettra en mesure de montrer en même temps avec clarté que puissant ne s’entend pas seulement de ce qui a la propriété naturelle de mouvoir une autre chose, ou d’être mû par une autre chose, soit mouvement proprement dit, soit mouvement de telle sorte, mais qu’il présente encore un autre sens, sens qui est l’objet véritable de la recherche.431

Aristote ne dit pas ici que la puissance recherchée est une sorte de dunaton au-delà de ceux qu’il nomme ; il dit plutôt qu’il y a un sens de puissant qui ne se dit pas seulement (mais se dit tout de même !) des choses qui meuvent ou qui se font mouvoir, mais se dit aussi autrement. Il soutient donc qu’on nomme un objet « puissant » pour différentes raisons : soit parce qu’il possède une puissance active de mouvoir, soit parce qu’il possède une puissance passive de se faire mouvoir, soit pour une autre raison (ἀλλὰ καὶ ἑτέρως)432.

Quelle est cette autre raison ? Comme Aristote nous avait prévenus, l’élément le plus important de la réponse advient seulement dans la discussion sur l’acte433 : Q.6. Or, nous avons déjà vu dans notre lecture de Q.3 que l’on peut seulement comprendre la nature de la puissance en raison de la distance avec son acte. C’est-à-dire, c’est le fait même que la puissance n’est pas son acte qui lui octroie la négativité qui la définit (l’indétermination). C’est aussi le premier

431 Q.6 1048a 27-30 Trad. Tricot : « Καὶ γὰρ τὸ δυνατὸν ἅµα δῆλον ἔσται διαιροῦσιν, ὅτι οὐ µόνον τοῦτο

λέγοµεν δυνατὸν ὃ πέφυκε κινεῖν ἄλλο ἢ κινεῖσθαι ὑπ' ἄλλου ἢ ἁπλῶς ἢ τρόπον τινά, ἀλλὰ καὶ ἑτέρως, διὸ ζητοῦντες καὶ περὶ τούτων διήλθοµεν. »

432 Frede (1994, p. 185).

433 Tel que promis aux lignes 1045b 35-1046a 1 Trad. Tricot : « Mais quand nous aurons traité de cette

puissance proprement dite, nous éluciderons aussi dans nos discussions sur l'acte, les autres sortes de puissance. »

indice que la relation puissance-acte qu’Aristote tente de cerner n’est pas tout simplement un calque de la relation matière-forme. Aristote est parfaitement capable de définir ou du moins d’expliquer la matière sans faire référence à la forme434 et la forme sans faire référence à la matière435. En revanche, Aristote a visiblement du mal à définir436, voire à simplement expliquer le fonctionnement de l’acte et de la puissance sans l’un et l’autre : « Donc, l’acte est, pour la chose, le fait d’exister, mais non de la manière dont nous disons qu’elle existe en puissance437. » C’est tout sauf éclairant ; surtout parce que « la manière d’exister en puissance » n’est elle-même aucunement claire.

Les exemples que donne Aristote pour tenter d’expliquer ce qu’il entend par ces modes d’être sont à peine plus clairs et la confusion des commentateurs est palpable. D’abord, Aristote nous donne trois exemples qui sont censés mettre en lumière ce qu’il entend par être en

puissance : l’Hermès dans le bois, la demi-ligne dans la ligne et la contemplation dans le savant qui ne contemple pas438. Pourtant, il y a autant d’aspects qui unissent ces exemples que d’aspects qui les différencient. Ce qui les unit, c’est l’énoncé circulaire qui suit : ces choses sont toutes privées de leur acte. Donc, a priori nous pouvons dire que le principe commun qui unit ces choses disparates, c’est un trait négatif, une privation. Ainsi, on ne peut rien dire d’autre pour le moment qu’être en puissance signifie ne pas être en acte439. Quant aux différences ; d’une part, l’Hermès dans le bois semble indiquer un mouvement vers la substance440, alors que la demi-

434 Par exemple, la matière est l’être indéterminé, sujet du devenir. 435 Par exemple, la forme est le to ti ên einai d’un étant.

436 Q.6 1048a 36-37.

437 Q.6 1048a 30-31 Trad. Duminil et Jaulin. 438 Q.6 1048a 32-24.

439 En soi, cela n’est possible qu’après la séparation de la puissance et de l’acte opérée dans Q.3. 440 L’Hermès étant davantage déterminé qu’un morceau de bois. Et nous savons que pour Aristote, plus

ligne dans la ligne semble indiquer un mouvement vers moins de substance441. Le troisième exemple, lui, n’est tout simplement pas un mouvement ; Aristote le dira explicitement à la fin de Q.6, mais c’est surtout parce qu’il n’y a pas de différence de détermination (formelle) entre la contemplation non exercée et celle qui est exercée. Nous avons dans le savant qui ne contemple pas tout autant la forme du savoir que lorsque celui-ci contemple. Par conséquent, dans ce troisième exemple nous n’avons pas une forme qui vient déterminer une matière, ni un acte qui vient séparer une forme en partie, mais une forme en principe déjà pleinement déterminée, qui est en retrait par rapport à son acte. Dans ce cas, l’acte, loin de faire disparaître la puissance initiale442, la préserve (sôtêria443) dans son être. À vrai dire, il ne fait pas que la préserver, mais il en est en fait l’expression achevée. Ainsi, nous avons trois exemples qui décrivent des réalités assez hétérogènes, mais qui néanmoins peuvent être unifiés par le trait commun de ne pas être en acte.

Ayant donc explicité ce qu’il entend par être en puissance dans les trois premiers

exemples, Aristote poursuit avec une suite de cinq exemples ; le but cette fois-ci étant de dégager l’analogie entre eux qui clarifiera le sens d’être en acte :

L’acte sera alors comme l’être qui bâtit est à l’être qui a la faculté de bâtir, l’être éveillé à l’être qui dort, l’être qui voit à celui qui a les yeux fermés, mais possède la vue, ce qui a été séparé de la matière à la matière, ce qui est élaboré à ce qui n’est pas élaboré. Donnons le nom d’acte au

441 La demi-ligne étant une partie de la ligne, elle est moins déterminée que la ligne. Cf. H.4 1044a 24-25

Trad. Morel : « La relation “ceci vient de cela”, en effet, s’entend en deux sens : ou bien au sens où il y a progression, ou bien au sens où il y a réduction au principe. »

442 Le bois disparaît dans l’Hermès, et la ligne pleine disparaît dans ses deux moitiés, alors que la

contemplation ne disparaît pas dans la contemplation.

premier membre de ces diverses relations, l’autre membre, c’est la puissance444.

L’analogie que nous sommes à même de saisir ressemble à celle des trois exemples précédents ; nous avons d’un côté une chose et de l’autre une fin ou un terme. À l’exception près qu’ici tous