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2. Chapitre II Travail personnel

2.2. Protocole expérimental

Afin de répondre à ces objectifs, trois études chez le rat en croissance ont été réalisées. Le modèle du rat en croissance a été choisi car une déficience d’apport en protéines ou AAI a un impact sur la croissance et a ainsi, des effets plus marqués chez des jeunes rats comparativement à des rats adultes. Le régime contenant 15% de protéines correspond au niveau d’apport permettant de couvrir les besoins en protéines décrit dans le rapport Nutrient Requirement of laboratory animals, (NRC, 1995) [274]. Concernant les besoins protéiques du rat en croissance, 20% de protéines de lait est la recommandation établie par

l’American Institute of Nutrition-93 (AIN-93) [275]. Les niveaux de déficience pour les AA ont été

établis par rapport aux besoins décrits dans le NRC, 1995 [274], indiquant que le besoin est couvert avec un régime contenant 9.2 g/kg de lysine et 6.2 g/kg de thréonine pour des rats en croissance.

La première étude avait pour objectif d’évaluer l’impact de la déficience en protéines chez les rats en croissance. La protéine de lait totale, qui est une protéine de référence équilibrée en tous les AA, a été utilisée comme source protéique. Le pourcentage de protéines dans les régimes a été diminué afin d’ob- tenir différents niveaux d’apport protéique représentant 3%, 5%, 8%, 12%, 15% ou 20% de l’énergie, 20% de protéines étant le régime contrôle correspondant à la recommandation. Ces régimes sont réfé- rencés dans les articles et la présentation des résultats sous la forme de P pour protéines suivi du niveau d’apport protéique soit : P3, P5, P8, P12, P15, P20.

Les deuxième et troisième études avaient pour objectif d’évaluer les effets de la déficience en lysine et thréonine, respectivement, sur le métabolisme protéique et énergétique. Préalablement aux recherches menées dans le cadre de ce projet de thèse, une étude pilote a été réalisée afin d’évaluer l’impact de la déficience en lysine et en thréonine chez le rat en croissance. Afin d’induire une déficience en lysine et en thréonine, le gluten a été utilisé comme source protéique. En effet, c’est une protéine déséquilibrée en AAI, déficiente en lysine et en thréonine. Elle apporte seulement 30% du besoin en lysine et 53% du besoin en thréonine pour des rats en croissance. Etant donné que les niveaux de déficience en AAI sont différents et ne peuvent être maîtrisés, il est difficile de différencier les effets d’une déficience en chaque AAI de ceux des niveaux de déficience de ces AAI. Ainsi, le peu d’effets observés pour la thréonine pouvait être dû à la moindre déficience de cet AAI (53%) comparativement à la lysine (30%) dans le gluten. Nous avons donc choisi de travailler avec un régime modèle, dans lequel le niveau de déficience en AAI test est contrôlé. Pour cela, le pourcentage de protéines de lait totale a été réduit jusqu’à obtenir des niveaux de déficience en protéines, et donc aussi en lysine et en thréonine de 85%, 75%, 60%, 40%, 25%, ou 0% (régime contrôle). En pratique, le niveau d’apport protéique pour induire ces déficiences correspond à 3%, 5%, 8%, 12%, 15% ou 20% de l’énergie, comme pour l’expérimentation 1. Puis, les autres AA sont ajoutés sous forme d’AA libres pour atteindre le niveau du régime contrôle P20, à l’ex- ception de la lysine ou de la thréonine. Ces régimes sont référencés dans les articles et la présentation

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des résultats sous la forme suivante : L/T15, L/T25, L/T40, L/T60, L/T75, P20, L/T100 et L/T170, soit L pour lysine ou T pour thréonine.

Ainsi, les régimes de la deuxième étude (lysine) ont été composés de la manière suivante :

➢ Le régime L15 est composé de PLT à 3%, qui induit une déficience en lysine de 85%, à laquelle nous avons ajouté tous les AA à hauteur du besoin, excepté la lysine. Ce régime couvre ainsi 15% du besoin en lysine et 100% du besoin des autres AA.

➢ Le régime L25 est composé de PLT à 5%, qui induit une déficience en lysine de 75%, à laquelle nous avons ajouté tous les AA à hauteur du besoin, excepté la lysine. Ce régime couvre ainsi 25% du besoin en lysine et 100% du besoin des autres AA.

➢ Il en est de même pour les autres régimes L40, L60 et L75. Le régime P20 est le régime contrôle qui couvre tous les besoins en AA.

➢ Dans les deux dernières études, nous avons ajouté un régime contrôle, le régime L100, qui est un régime composé de PLT à 3%, complété par tous les AA à hauteur du besoin pour couvrir 100% du besoin en tous les AA, y compris en lysine. Ce régime permet d’évaluer les effets de l’apport en AAI libres comparativement au P20.

➢ En outre, un régime supplémentaire présentant non pas une déficience mais un excès de lysine, a été ajouté à cette étude afin d’évaluer le comportement des biomarqueurs lorsque les niveaux d’apport en AAI dépassent le besoin. Il est composé de PLT à 20% qui couvre le besoin en tous les AA, auquel nous avons ajouté de la lysine pour dépasser la valeur du besoin et couvrir 170% du besoin en lysine.

Les régimes de la troisième étude (thréonine) ont été composés selon le même protocole que ceux de l’expérimentation 2. Dans ces régimes, l’AAI déficient n’est pas la lysine mais la thréonine.

Le protocole expérimental a été le même pour les trois études que nous avons menées. Après une période d’habituation d’une semaine, les rats ont été alimentés durant 3 semaines avec les régimes expérimen- taux (Figure 17). Au cours de ces expérimentations, nous avons étudié les effets sur le métabolisme énergétique et protéique.

Mesure du métabolisme énergétique

L’impact sur le métabolisme énergétique a été analysé grâce aux mesures de prise alimentaire, de poids et de composition corporelle, à la mesure de la dépense énergétique par calorimétrie indirecte ainsi que par l’analyse de l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme énergétique par qPCR (Article 1

p.63 et Article 2 p.95).Lors de la 3ème semaine, les rats ont été placés en cage à calorimétrie indirecte pendant 48h (dont 24h d’habituation) afin de mesurer leur dépense énergétique totale (DET) et leur activité motrice. Cette méthode repose sur le fait que la dépense énergétique est liée au métabolisme oxydatif des nutriments, et utilise la consommation d’oxygène et la production de CO2 comme mesure de la dépense énergétique totale.

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Figure 17. Protocole expérimental

Les trois expérimentations chez le rat en croissance (50-55 g) ont suivi le même protocole expérimental. Après une semaine d’habituation, : (1) expérimentation 1 : 36 rats en croissance ont été répartis en 6 groupes nourris avec des régimes contenant différents niveaux de protéines : P3, P5, P8, P12, P15 ou P20; (2) expérimentation 2 : 64 rats ont été répartis en 8 groupes et nourris avec des régimes contenant différents niveaux de lysine : L15, L25, L40, L60, L75, P20, L100 ou L170 ; (3) expérimentation 3 : 64 rats ont été répartis en 8 groupes et nourris avec des régimes contenant différents niveaux de thréonine : T15, T25, T40, T60, T75, P20, T100 ou T170. Dans ces trois expérimentations, les rats ont suivis leur régime test durant 3 semaines. Le poids et la prise alimentaire ont

été mesurés quotidiennement. Au cours de la 3ème semaine, les rats ont été placés en cages métaboliques afin de

collecter les urines, puis en cages calorimétriques pour les mesures de la dépense énergétique. A la fin des trois semaines d’expérimentations, les animaux ont été euthanasiés, des échantillons de sang et les organes ont été prélevés, et la composition corporelle a été analysée.

Le dispositif de cage à calorimétrie indirecte permet de mesurer les échanges gazeux respiratoires (con- sommation d’O2, et production de CO2). La DET est alors déterminée à l’aide de l’équation de Weir : DET = 16.3 VO2 + 4.57 VCO2.

En outre, les cages sont placées sur un plateau qui enregistre l’activité grâce à des capteurs de force qui produisent un signal électrique proportionnel à l’intensité du travail fournit par l’activité du rat. Les données d’activité et du coût de l’activité permettent de calculer :

- La dépense énergétique de repos : DER = DET – (activité x coût de l’activité). - La dépense énergétique d’activité : DEA = DET – DER.

A la fin de l’expérimentation, les animaux ont été nourris avec un repas calibré de leur propre régime test (58.2 kJ), puis ils ont été euthanasiés 2h après la distribution du repas. Des échantillons de sang, de foie, de muscles, de tissus adipeux blanc, de TAB et d’hypothalamus ont été prélevés afin d’effectuer des mesures d’expression géniques, et des dosages de FGF21.

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Mesure du métabolisme protéique

Le métabolisme protéique a été évalué par mesure de la synthèse protéique suite à l’injection de la valine 13C (isotope stable du carbone) et à la mesure de son incorporation dans les protéines nouvellement synthétisées dans le foie et le muscle par spectrométrie de masse. L’expression de gènes impliqués dans le métabolisme protéique a été analysée par qPCR. De plus, des analyses de western blot et de protéo- miques sont en cours de réalisation en collaboration avec Valérie Labas de la plateforme PIXANIM du Centre INRAE de Nouzilly.

Afin de mesurer la synthèse protéique, les rats ont été nourris avec un repas calibré de leur propre régime test (58.2 kJ), puis 1h30 après la distribution du repas, une injection de valine marquée au 13C a été réalisée au niveau de la queue. Trente minutes plus tard, les rats ont été euthanasiés, le foie et le muscle gastrocnémien ont été prélevés.

Afin de mesurer la synthèse protéique, nous avons utilisé une technique qui repose sur un modèle sim- plifié du métabolisme protéique impliquant deux compartiments :

➢ Le compartiment des AA libres intracellulaires, considéré comme le compartiment précurseur de la synthèse protéique

➢ Le compartiment protéique tissulaire

Cette technique consiste à surcharger le compartiment des AA libres intracellulaires en valine-13C et à mesurer sa vitesse d’incorporation dans les protéines tissulaires au bout de 30 min (Figure 18).

Figure 18. Modèle à deux compartiments utilisés pour les mesures in vivo des taux de synthèse protéique

La vitesse de synthèse protéique est calculée en surchargeant le compartiment d’AA libres avec un traceur, la valine-13C, et en calculant sur une période définie l’enrichissement en ce traceur au sein des protéines tissulaires.

Le rapport entre l’enrichissement des deux compartiments permet de calculer le taux fractionnaire de synthèse protéique FSR.

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Pour ces analyses, les tissus ont été broyés, et les protéines précipitées à l’aide de l’acide sulfosalicy- lique. Cette étape permet de dissocier deux phases : le surnageant contenant la fraction d’AA libres, et le culot contenant les protéines tissulaires. Après purification et extraction des AA libres grâce à une résine échangeuse de cations, les AA ont été dérivés avec un mélange d’acétonitrile/NTBSTFA (N-tert- butyldimethylsilyl-N-methyltrifluoroacetamide) afin de les rendre volatils, puis séparés et quantifiés par chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse.

Les protéines tissulaires ont été hydrolysées à l’aide d’acide chlorhydrique, puis les AA obtenues puri- fiés grâce à une résine échangeuse de cations. Ils ont été ensuite dérivés avec de l’éthylchloroformate avant d’être quantifiés par chromatographie en phase gazeuse suivie d’une combustion et d’un couplage à un spectromètre de masse à ratio isotopique (GC-C-IRMS). Le GC-MS et GC-C-IRMS permettent de mesurer le rapport isotopique valine-13C/valine12-C.

La vitesse de synthèse protéique a été calculée à l’aide du taux fractionnaire de synthèse protéique (FSR ou Fractionnal Synthesis Rate) qui est le rapport entre l’enrichissement isotopique du compartiment d’AA libres et l’enrichissement du compartiment des protéines tissulaires :

Avec Evaline protéique : enrichissement en valine-13C dans les tissus ; Ebasal : enrichissement basal ; Evaline libre : enrichis-

sement en valine-13C dans le compartiment d’AA libres ; et tinc : le temps d’incorporation de la valine-13C (30 min).

La FSR est exprimé en %/jour.

En plus du FSR, nous avons déterminé le taux de synthèse absolu (ASR ou Absolute Synthesis Rate) exprimé en g/j. Il est déterminé par la formule suivante : ASR = FSR x Ptissu, où Ptissu correspond à la teneur en protéines du tissu analysé qui est déterminé par un dosage à l’analyseur élémentaire, qui per- met de déterminer le pourcentage d’azote d’un échantillon.

Outre ces mesures de vitesse de synthèse protéique, des analyses d’expression de gènes impliqués dans le métabolisme protéique ont été réalisés par qPCR, ainsi que des dosages d’AA dans la veine porte et la veine cave réalisés par chromatographie liquide à ultra haute performance (UPLC).

Analyse Métabolomique

Enfin, des analyses métabolomiques ont été réalisées sur les urines collectées durant la 3ème semaine en cages métaboliques et sur les plasmas correspondant au sang de la veine porte et de la veine cave préle- vés à la fin de l’expérimentation. Les analyses de métabolomiques ont été effectuées par la plateforme BioMet, en collaboration avec l’équipe de Jean-Charles Martin, au centre de recherche en cardiovascu- laire et nutrition (C2VN), à l’INRAe de Marseille. Le profil du métabolome a été analysé dans les urines, la veine cave et la veine porte grâce à des analyses de chromatographie liquide couplée à un spectromètre de masse (LC-MS). Les données de spectres de masse obtenues pour les échantillons d’urine, de veine

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porte et de veine cave, ont permis d’obtenir 3 matrices. Chaque matrice a été prétraitée. Les données ont été normalisées avec la méthode PQN (Probabilistic Quotient Normalisation) et centrées-réduites avec Pareto. Une fois, les données prétraitées, deux méthodes d’analyses multivariées ont été appliquées : un modèle quantitatif, la régression PLS et un modèle qualitatif, ICDA. Enfin, pour chaque métabolite dis- criminant identifié par PLS ou ICDA, l’effet des régimes a été testé par ANOVA à un facteur.