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Effet de la quantité et de la qualité de l’apport protéique sur le métabolisme énergétique

3. Chapitre III.Discussion générale et conclusion

3.1. Effet de la quantité et de la qualité de l’apport protéique sur le métabolisme énergétique

Le premier objectif de cette thèse était d’analyser les conséquences de la déficience en protéines et en AAI, lysine et thréonine, sur le métabolisme énergétique chez des rats en croissance (Article 1 p.63 et

Article 2 p.95) (Tableau 5).

La diminution de la quantité et de la qualité de l’apport protéique induit une diminution du gain de poids corporel. En accord avec la littérature, une déficience sévère en protéines (P3 et P5) ainsi qu’une défi- cience modérée (P8) induit une diminution du poids corporel principalement dû à une diminution de la masse maigre en comparaison aux rats P12, P15 et P20 [160,167,169]. En plus de la quantité de l’apport protéique, la qualité des protéines joue également un rôle dans le gain de poids corporel. Nos résultats indiquent qu’une déficience sévère en un AAI, lysine ou thréonine (L/T15 et L/T25), est suffisante pour entrainer la même diminution de gain de poids corporel qu’une déficience en protéines [277–280]. De plus, contrairement à la lysine, une déficience modérée en thréonine (T40) entraine aussi une diminution du gain de poids corporel.

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Tableau 5. Effets de la déficience sévère et modérée en protéines, lysine, ou thréonine sur le mé- tabolisme énergétique, par rapport au groupe contrôle, P20

DET : dépense énergétique totale ; DER : dépense énergétique de repos ; DEA : dépense énergétique d’activité. Diminution par rapport au groupe P20, augmentation par rapport au groupe P20, = pas de différence par rapport au P20.

Déficience sévère Protéines

P3 et P5 Lysine L15 et L25 Thréonine T15 et T25 Poids

Prise alimentaire relative Masse maigre Masse grasse = Dépense énergétique DET en P5 DER = DEA DET = DER = DEA = DET en T15 DER en T15 DEA = FGF21 Foie Plasma Hypothalamus Foie Plasma Hypothalamus = Foie Plasma Hypothalamus = Déficience modérée P8 et P12 L40 et L60 T40 et T60 Poids en P8 = en T40

Prise alimentaire relative en L40 en T40

Masse maigre = en T40 Masse grasse = en L60 en T60 Dépense énergétique DET = DER = DEA = DET = DER = DEA = DET = DER = DEA = FGF21 Foie = Plasma Hypothalamus = Foie = Plasma = Hypothalamus = Foie = Plasma = Hypothalamus =

Un certain nombre de travaux ont montré qu’une déficience modérée en protéines (5 à 10%) est associée à une hyperphagie [174,178–180], alors qu’une restriction sévère (moins de 5% de protéines), entraine

un phénomène d’aversion avec une prise alimentaire réduite [181] La déficience sévère en un seul AAI est suffisante pour reproduire cet effet d’aversion [185]. Nos résultats indiquent une diminution de la quantité d’énergie ingérée chez les rats nourris avec un régime P3, T15 et T25. Cependant, lorsque la prise alimentaire est rapportée au poids du rat, nous observons une augmentation de l’apport énergétique chez les rats P3, P5, L/T15 et L/T25.

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Cette augmentation de l’apport énergétique n’induit pas d’augmentation de la masse grasse chez les rats soumis à une déficience sévère en protéines, lysine ou thréonine. Chez les rats soumis à un régime faible en protéines, cela s’explique par une modification du métabolisme énergétique [160,188,192,262,281]. Les rats P5 présentent une augmentation de la dépense énergétique totale, principalement due à une augmentation de la dépense d’activité. Cet effet sur la dépense d’activité a déjà été préalablement ob- servée chez des souris avec des régimes faibles en protéines [170]. Ce processus induit une augmentation de la dépense énergétique, compensant en partie l’augmentation de l’apport énergétique et évitant une augmentation de masse grasse. Néanmoins, lorsque la restriction protéique est trop sévère, en dessous de 5% de protéines, la dépense énergétique totale n’est pas augmentée. Une déficience en un AAI n’aug- mente pas la masse grasse malgré une augmentation de la prise alimentaire relative. Cependant, nous n’observons pas d’augmentation de la dépense énergétique. De plus, nos résultats indiquent qu’une dé- ficience sévère en thréonine (T15) induit une diminution de la dépense énergétique totale et de la dé- pense énergétique de repos par rapport aux P20. Contrairement à ces résultats, d’autres études ont rap- portés que la déficience en méthionine [202,204] ou en thréonine [203] augmente la dépense énergétique totale.

Cependant, dans ces études, les rats sont placés à 22-24°C, or la thermoneutralité des rats se situe à environ 26°C, ce qui pourrait ainsi expliquer que l’augmentation de la dépense énergétique observée est due à l’augmentation de la thermogénèse non frissonnante. Dans notre étude, les rats étant placés à 25°C, il n’y a pas d’augmentation de la thermogénèse non frissonnante. Blais et al., ont montré que des chez des souris nourris avec un régime à 6% de protéines, la thermogénèse non frissonnante n’est pas aug- mentée lorsque les souris sont placées à thermoneutralité (30°C), mais que la dépense énergétique de repos est augmentée par la thermogénèse non-frissonnante lorsqu’elles sont à 22°C [170]. Il serait ainsi intéressant de mesurer la dépense énergétique à 22°C et à 30°C en cas de déficience en un AAI afin d’analyser l’effet sur la dépense énergétique de repos et la thermogénèse non frissonnante.

Les effets d’une déficience en protéines sur le poids, la prise alimentaire et la dépense énergétique sem- blent médiés par FGF21 [261]. Dans nos études, la déficience en protéines, tout comme la déficience en lysine ou en thréonine, induit une augmentation de l’expression de Fgf21 hépatique et de sa sécrétion au niveau plasmatique. Les résultats d’expression de gènes indiquent que la diminution d’un ou plusieurs AAI dans le régime active la voie GCN2 et augmente le niveau d’ATF4. Fgf21 ayant une séquence AARE au niveau de son promoteur, ATF4 se fixe sur cette séquence et stimule sa transcription [258]. L’augmentation de la synthèse de FGF21 dans le foie, et donc l’augmentation de sa sécrétion au niveau plasmatique, contrôle les adaptations métaboliques périphériques dont la diminution du gain de poids corporel et l’augmentation de la dépense énergétique que l’on observe en cas de déficience en protéines. D’autres mécanismes peuvent expliquer cette augmentation de dépense énergétique en cas de déficience en protéines. Zapata et al. ont notamment rapporté une implication du système nerveux sympathique

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(SNS) dans l’augmentation de la dépense énergétique. Ils ont observé que cette augmentation était as- sociée à une stimulation de la voie de signalisation β-adrénergique en cas de déficience en protéines. Ils ont aussi montré que l’administration d’un antagoniste des récepteurs β-adrénergique diminue la dé- pense énergétique chez des rats soumis à des régimes déficients en protéines. Cependant, il reste à dé- terminer comment le système sympathique peut réguler la dépense énergétique, et s’il y a ou non un lien avec la synthèse et la sécrétion de FGF21. Il serait intéressant d’analyser l’impact de régimes faibles en protéines sur la dépense énergétique en cas d’inhibition du SNS.

Malgré l’augmentation de FGF21 dans le foie et le plasma lors d’une restriction sévère en lysine ou en thréonine (L/T15, L/T25), la dépense énergétique n’est pas augmentée. Les travaux de Solon-Biet et Laeger [108,259] indiquent que l’effet d’une restriction protéique sur l’augmentation de FGF21 dans le foie est d’autant plus marquée lorsqu’elle est associée à un apport élevé en glucides. Dans nos études, la concentration plasmatique de FGF21 est deux fois plus élevée en cas de déficience en protéines que de déficience en un AAI. Les régimes déficients en protéines sont associés à une augmentation de la part des glucides, ce qui n'est pas le cas des régimes déficients en lysine ou thréonine, pouvant expliquer l’augmentation moins importante de FGF21. Cette moindre augmentation de FGF21 peut également être une explication au fait que la dépense énergétique n’est pas augmentée en cas de déficience en un AAI (lysine ou thréonine).

En parallèle, une déficience sévère en protéines (P3) entraine une diminution de l’expression de Fgf21 dans l’hypothalamus, qui n’est pas observée lorsqu’un seul AAI est déficient dans le régime. Il a été montré qu’une injection intracérébroventriculaire (ICV) de FGF21 diminue fortement la prise alimen- taire chez la souris [282], et qu’une ICV de FGF21 chez des souris habituées à un régime faible en protéines induit une préférence pour un régime à plus haute teneur en protéines [261]. De plus, Geller et al., ont rapporté que FGF21 était synthétisé par les tanycytes dans l’hypothalamus [283]. Nous émet- tons alors l’hypothèse que la diminution de la synthèse de FGF21 au niveau de l’hypothalamus induit une inhibition de la satiété et est responsable de l’augmentation de la prise alimentaire. De plus, l’ex- pression des peptides orexigènes, Agrp et NPY, n’est pas modifiée en cas de déficience en protéines, ce qui semble confirmer l’hypothèse qu’Fgf21 hypothalamique puisse contrôler la prise alimentaire. Cependant, une déficience sévère en lysine ou thréonine n’induit pas de diminution de l’expression de

Fgf21 hypothalamique, malgré une augmentation de la prise alimentaire. Etant donné que dans ce cas,

seul l’apport en AAI est modifié et qu’il n’y a pas de modification de teneur en glucides dans le régime, ces résultats suggèrent que la synthèse de FGF21 au niveau de l’hypothalamus, serait médiée par le ratio protéines/glucides.

192 Points clés :

- La déficience en un AAI entraine une diminution du gain de poids corporel, une augmentation de la prise alimentaire, et une augmentation de FGF21 hépatique et plasmatique, au même titre qu’une défi- cience en protéines.

- La déficience en un AAI ne reproduit pas les effets d’une déficience en protéines sur le métabolisme énergétique.

- La déficience en protéines entraine une diminution de l’expression de Fgf21 dans l’hypothalamus qui semble être responsable de l’augmentation de la prise alimentaire, contrairement à une déficience en un AAI qui induit une augmentation de prise alimentaire sans modifier l’expression de Fgf21 hypothala- mique.

- Dans l’hypothalamus, l’impact de FGF21 sur la prise alimentaire semble être médié par une modifica- tion du ratio protéines/glucides.

3.2. Effet de la quantité et de la qualité de l’apport protéique sur