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CHAPITRE 3. CADRE THÉORIQUE

3.5. La protection des géotopes en Suisse

En Suisse, il n’existe pour l’instant pas de législation spécifique pour la protection des géotopes. Une protection indirecte de certains sites peut cependant être réalisée par l’intermédiaire des inventaires fédéraux (IFP par exemple) ou des études d’impacts sur l’environnement (EIE) (JORDAN ET AL., 2004). Dans sa « Conception Paysage Suisse », la Confédération s’est dotée d’un outils d’application destiné à coordonner l’ensemble des mesures « pour ménager la nature et le paysage » dans ses diverses tâches (OFEFP, 1999). La protection des géotopes y est mentionnée comme but et une mesure spécifique (mesure 7.0925) pour y parvenir est développée (Jordan et al., 2004). D’autre part : « les articles 701 et 714 du Code civil suisse de 1912 permettent de limiter la propriété privée en vue de protéger des objets de haute valeur naturelle ou scientifique » (JORDAN ET AL., 2004 : 152). Au niveau cantonal, le Valais peut classer des sites par voie d’arrêté alors qu’à l’échelle communale des géotopes peuvent être protégés lors de création de zones protégées (au sens de l’art. 17 de la LPN).

L’instrument de base dans ce domaine reste tout de même, comme pour la protection des biotopes, la réalisation d’inventaire autour des géotopes.

3.5.1. Les inventaires de géomorphosites en Suisse

La gestion du territoire est basée sur l’établissement de plans d’aménagement (plans d’affectation au niveau local, plans directeurs et plans sectoriels au niveau régional).

Ces derniers intègrent toutes les informations disponibles concernant l’état du territoire.

Dans ce contexte, « un inventaire des géomorphosites représente une donnée de base essentielle concernant un aspect généralement mal connu du patrimoine naturel » (GRANDGIRARD 1999 : 61). Un tel instrument permet d’optimiser la gestion du milieu naturel et du paysage.

Il peut également s’avérer utile pour la planification de l’exploitation des ressources naturelles en permettant notamment de prévoir et de limiter les conflits d’utilisation entre les exploitations de matériaux (gravières, sablières, marnières, carrières, mines, tourisme etc.) et la protection de la nature par exemple.

En Suisse, des inventaires ont été réalisés, dans le but de leur protection, sur des objets naturels spécifiques, très souvent des biotopes, n’étant pas forcément considérés comme des géotopes. C’est le principal instrument d’application de la loi fédérale sur la protection de la nature (LPN) (REYNARD 2004) (voir pt. 3.4.1). D’autre part, différentes formes d’inventaires de géotopes ont été réalisées et ceci à différentes échelles administratives et pour diverses raisons : études d’impact sur l’environnement, protection ou mise en valeur du patrimoine naturel.

3.5.1.1. L’inventaire des géotopes d’importance nationale

C’est un inventaire réalisé par des experts de différents domaines des sciences de la Terre qui recense 401 géotopes (sur 850 propositions initiales) à l’échelle de la Suisse (GROUPE DE TRAVAIL POUR LA PROTECTION DES GEOTOPES EN SUISSE 1999). Les critères retenus pour l’appréciation des géotopes se réfèrent à l’intégrité, à la rareté, à la valeur scientifique et à l’intérêt particulier de ces objets. Cet inventaire, bien que national, n’a aucune force contraignante pour les autorités fédérales. Il s’agit plutôt d’un recensement informel et non exhaustif d’objets géo(morpho)logiques de valeur nationale, voire internationale, qui a comme objectifs principaux :

• de sensibiliser l’opinion publique au concept des géotopes et à la nécessité de protéger ces sites de valeur ;

• de servir de base pour la réalisation d’inventaires à d’autres échelles ;

• de servir de base pour conduire à la réalisation d’un inventaire fédéral officiel (JORDAN ET AL. 2004 : 159).

Il existe, selon cette liste, 37 géotopes d’importance nationale en Valais mais aucun d’entre eux n’est situé sur le territoire concerné par le présent travail (LUGON &

REYNARD 2003). Ceci est probablement dû à l’absence de rigueur méthodologique lors de la réalisation de cet inventaire qui dépendait beaucoup de la bonne volonté des experts mandatés et de leurs intérêts spécifiques. Il y’a donc une lacune certaine au niveau de cet inventaire que le présent travail pourrait combler (à sa mesure) au travers de l’inventaire et de l’évaluation des géomorphosites du val de Bagnes dont certains pourraient s’avérer être d’importance nationale voir internationale (?).

3.5.1.2. Les inventaires cantonaux de géotopes géomorphologiques Au niveau cantonal, des inventaires de géotopes géomorphologiques ont été réalisés dans différents cantons de Suisse (REYNARD 2004) : dans le canton d’Argovie (1982), de Zürich (1983), de Zoug (1986), des Grisons (1994), de Lucerne (1995), de Fribourg (GRANDGIRARD 1997), de Thurgovie (2000, 2003, 2004) , de St-Gall (2003), de Schwyz (2003), du Jura (2006) et de Vaud (2007). La plupart de ces inventaires s’inspirent de la méthode d’évaluation développée par GRANDGIRARD (1995, 1997) qui a réalisé le seul inventaire dont l’orientation soit strictement géomorphologique avec une sous-partie de celui du Jura.

Le canton du Valais ne dispose actuellement pas d’un tel inventaire malgré le fait qu’il existe bon nombre de sites qui ont un grand intérêt pour la reconstitution de l’histoire de la Terre et l’observation des formes et processus géo(morpho)logiques actuels et passés.

Sa réalisation serait tout à fait pertinente afin de servir de base à des travaux officiels de valorisation et de protection de ces richesses naturelles méconnues (LUGON &

REYNARD 2003).

3.5.1.3. Les inventaires régionaux et thématiques

Réalisées sur des territoires plus restreints, les approches adoptées pour les inventaires régionaux ne diffèrent pas fondamentalement de celles adoptées au niveau cantonal (REYNARD 2004). Il en existe déjà un certain nombre dont notamment, en Suisse romande, les travaux réalisés par TENTHOREY (1994) au vallon de Réchy, par RIEDER

(1999) à la Chaux-de-Fond, par FRATTINI (2003) dans le périmètre du Parc Naturel Régional du Doubs ou par FOURNIER (2007) dans les vallées d’Herens, de la Printse et de la Fare en Valais.

Pour ce qui est des inventaires strictement thématiques, la sélection des objets se fait moins selon un espace de référence précis (même si une délimitation relativement stricte est toujours envisagée) que par rapport au type d’objet. Dans ce cadre là notons les travaux de LEISTAM (2005) sur les blocs erratiques du Nord vaudois et celui de KOZLIK (2006) sur les géomorphosites culturels de trois vallées valaisannes.

Dans le Val de Bagnes, une liste de sites a déjà été réalisée à partir de la littérature (Inventaires fédéraux des sites construits d'importance nationale, des bas-marais d'importance nationale et des zones alluviales d'importance nationale notamment) et de visites de terrain par F. Baillifard26. Toutefois, elle est très partielle et on ne peut pas parler ici d’inventaire, encore moins d’évaluation, il faut plutôt y voir un premier recensement de sites d’intérêt dans le domaine des sciences de la Terre potentiellement valorisables dans le cadre du géoparc.

3.5.2. Intérêt et type du présent inventaire

L’inventaire réalisé dans le cadre de ce travail s’inscrit dans la catégorie des inventaires thématiques régionaux (KOZLIK 2006) puisqu’il se limite spatialement au Val de Bagnes et a une orientation thématique fondamentalement géomorphologique.

L’inventaire final doit pouvoir servir des objectifs de travail multiples et être accessible à des acteurs d’horizons variés. Il s’agit d’une source d’information réalisée dans un langage simple, compréhensible et utilisable par le plus grand nombre.

Le présent travail, même s’il ne s’agit pas d’un inventaire cantonal, apportera sa contribution à la réalisation d’un tel inventaire en en réalisant une partie dans l’une des plus grandes vallées alpines valaisannes grâce à une méthode éprouvée et reproductible que l’on souhaite voire devenir systématique (Lugon & Reynard 2003). Il répond ainsi à la pertinence scientifique de la réalisation d’un tel travail dans la perspective d’améliorer la valorisation ou éventuellement la protection du patrimoine géo(morpho)logique régional, cantonal, voir national ou international (LUGON &

REYNARD 2003). Il pourra également servir de base à des aménagements territoriaux intégrant mieux la composante géomorphologique (Figure 1.).

Les visées du présent inventaire sont :

• le recensement, la description et l’explication des géomorphosites de la région ;

• l’application et le test de la fiche d’inventaire de l’IGUL et des rubriques évaluatives qui y sont rattachées ;

• la mise en exergue des résultats de cet inventaire et de son évaluation à des fins de valorisation géotouristique dans le cadre du Géoparc du val de Bagnes.