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T ROISIÈME P ARTIE

CHAPITRE 6. PROJETS DE VALORISATION

6.5. Projet 4 : Guides et accompagnateurs en montagne

6.5.1. L’histoire glaciaire du Val de Bagnes

Nous proposons ici de mettre en évidence les sites permettant de mieux comprendre l’histoire glaciaire et ses liens avec l’histoire humaine. Dans les faits, l’ensemble des sites glaciaires inventoriés dans le Val de Bagnes permet de le faire, mais certains sont plus pertinents que d’autres pour transmettre l’idée que les paysages de la région résultent de plusieurs histoires glaciaires en interaction avec l’histoire humaine. De plus la répartition spatiale des sites permet de proposer des projets cohérents pour servir d’excursions accompagnées. Nous passons ici en revue les idées de réalisations autour du potentiel offert par l’inventaire des géomorphosites.

Une première idée (pt. 6.5.1.1.) serait de retracer l’histoire glaciaire de la vallée principale de Bagnes entre Sembrancher et la région de Mauvoisin dans le fond du Val de Bagnes. Ainsi, en remontant le cours de la Dranse de Bagnes, nous passerions en revue les formes glaciaires issues des principales paléoglaciations entre le dernier maximum glaciaire würmien et l’Holocène.

6.5.1.1. La vallée principale de Bagnes

Les sites utiles pour ce projet sont (Carte 12.) :

• La diffluence de glacier de Bagnes (site n° 1) ;

• La terrasse de kame de Bruson (n° 2) liée au cône de déjection de Champsec (n°

3) ;

• La vallée glaciaire en auge de la Dranse de Bagnes (n° 4) ;

• Les stries glaciaires vers Bonatchiesse (n° 5) ;

• Le verrou de Mauvoisin (n° 6) ;

Carte 12. : Sites d’intérêts retraçant l’histoire glaciaire de la vallée principale de Bagnes.

Mathieu Genoud, 2008

Cette série de sites est facilement accessible puisque qu’ils sont tous situés non loin de la route principale le long de la Dranse de Bagnes ou directement accessibles par des routes carrossables. Un public de non-randonneurs pourrait ainsi se faire une bonne idée de l’omniprésence des formes glaciaires (construites ou d’érosion) dans le Val de Bagnes. Il serait aisé de combiner cette idée avec, par exemple, les sites faisant partie du projet de valorisation autour de la débâcle du Giétroz (pt. 6.3.). La composante humaine du territoire pourrait être mise en avant dans ce projet puisqu’il se déroule sur un territoire fortement anthropisé. En ce sens, il serait par exemple possible de montrer :

• L’influence des formes glaciaires sur l’habitat humain : la terrasse de Bruson et le cône de Champsec, la plaine alluviale et les villages du Brecholay et de Bonatchiesse ;

• L’influence des caractéristiques géo(morpho)logiques du paysage sur les infrastructures humaines : le verrou de Mauvoisin et le barrage, les glaciers du fond de la vallée et le lac de retenue de Mauvoisin.

Les idées suivantes (pts. 6.5.1.2. à 6.5.1.5.) s’adressent plutôt à un public de randonneurs estivaux. L’idée est de montrer les groupements de formes permettant une approche historique de l’édification des paysages du Val de Bagnes dans quatre régions se prêtant bien à cet exercice (Carte 13.) :

• la région de La Chaux (A) ;

• le vallon de Louvie (B) ;

• la région du glacier de Corbassière (C1) et du massif des Combins (C2) ;

• la région du Haut Val de Bagnes (D).

Chacune de ces régions retrace une partie de l’ensemble des histoires glaciaires (pt.

2.3.) inscrites dans les paysages du Val de Bagnes.

Carte 13. : Régions d’intérêt pouvant servir à la valorisation de l’héritage et du patrimoine glaciaire des paysages du Val de Bagnes.

Mathieu Genoud, 2008

6.5.1.2. La région de La Chaux

La région de La Chaux (A, Carte 13.) abrite l’un des plus beaux sites glaciaires de l’inventaire : le complexe paléoglaciaire de Patiéfray (1) (photo 6.9.). Il est le siège d’interactions entres plusieurs processus géomorphologiques et abrite un marais tourbeux de grande valeur écologique ainsi que l’un des rares drumlinoïdes du terrain.

Facilement accessibles, plusieurs chemins en font le tour et offrent un grand nombre de points de vue intéressants (Carte 14.). C’est donc un site idéal pour montrer l’influence de l’héritage glaciaire sur la diversité des paysages et la biodiversité actuelles.

Photo 6.9. : Complexe paléoglaciaire de Patiéfray depuis le versant Nord-Est du Bec des Rosses (M. Genoud).

Drumlinoïde Moraine latéro-frontale

Marais tourbeux Glacier rocheux fossile

Cabane du Mont-Fort

Carte 14. : Détails du potentiel de valorisation de la région de La Chaux.

Mathieu Genoud, 2008

L’impact humain sur les formes géomorphologiques (voir LAMBIEL ET REYNARD

2002 à ce sujet) peut également être mis en évidence le long de ce sentier (2) ou depuis la cabane du Mont-Fort. De ce point de vue, l’imposant glacier rocheux fossile du Mont-Gelé (5) est facilement observable et permet de parler des milieux para- et périglaciaires anciens.

A partir de ces sites, on peut aisément remonter en direction du Col des Gentianes par les pistes de ski qui empruntent le bastion morainique du glacier de La Chaux (Carte 14.). On remonte ainsi en deux heures de marche près de 14'000 ans d’histoire glaciaire jusqu’à atteindre la zone encore englacée aujourd’hui. Le passage du Col de Gentianes se fait sur la moraine latéro-frontale du glacier de Tortin, lieu très intéressant pour mettre en évidence la fonte des glaciers alpins depuis le PAG (3).

Une variante, pour des marcheurs plus aguerris, permet de remonter le glacier de la Chaux en direction de Col de la Chaux qui débouche sur le vallon de Louvie à l’Ouest (Carte 14.). De là, on peut apprécier et mettre en évidence une combinaison de formes issues du glacier d’Aget et du glacier rocheux du Col de la Chaux (4) (photo 6.10.).

L’excursion peut éventuellement se poursuivre dans le vallon de Louvie (voir pt.

6.5.1.3.)

Photo 6.10.. : Vue sur le vallon de Louvie depuis le pied du Col de La Chaux (M. Genoud).

Glacier d’Aget

Intérieur du Glacier rocheux du Col de La Chaux

6.5.1.3. Le vallon de Louvie

Accessible depuis plusieurs cols empruntés par des sentiers plus ou moins difficiles ou depuis Fionnay dans la vallée principale de Bagnes, ce site offre même des possibilités d’hébergement à la cabane de Louvie. Le vallon de Louvie (photo 6.11.) est l’un des sites pouvant faire l’objet d’une valorisation à lui tout seul (pt. 6.1.1.) mais il serait trop long ici de détailler l’ensemble des possibilités et des thématiques de valorisation qu’offre cette vallée glaciaire suspendue. On peut en effet considérer le vallon de Louvie comme un « mini Val de Bagnes » et s’amuser à jouer avec les échelles spatiales en comparant les formes locales avec d’autres ailleurs dans la vallée et ce pour la plupart des processus géomorphologiques présents dans le Val de Bagnes. Le vallon de Louvie pourrait ainsi servir de site de valorisation en tant que site représentatif des environnements alpins.

Photo 6.11. : Vue sur la partie avale du vallon de Louvie depuis le haut du vallon d’Epeuve en direction du massif des Combins (en arrière plan) (M. Genoud).

Si nous restons dans l’idée de mettre en avant l’histoire glaciaire du Val de Bagnes, le vallon de Louvie nous permet d’insister sur l’importance de l’héritage glaciaire sur le paysage global du Val de Bagnes (explication de la position du vallon suspendu par rapport à la vallée principale). De même, cet héritage est à la base de la morphologie générale de l’intérieur du vallon qu’il est nécessaire d’appréhender en premier lieu.

Nous pouvons donc proposer de valoriser d’abord ce site de façon globale en expliquant l’histoire glaciaire du vallon comme ont tenté de le faire LAMBIEL ET VUADENS (1998) par exemple. Le vallon se prête mieux dans ce cas à l’explication des histoires

« anciennes », entre le Würm et l’Holocène, sauf en ce qui concerne la partie

Lac de Louvie

Verrou et cabane deLouvie Petit-Combin

Gramd Combin

Combin de Corbassière

Après avoir présenté le contexte global (par exemple depuis le verrou barrant le Lac de Louvie où se trouve la cabane éponyme), une excursion le long des sentiers du vallon peut conduire à diverses formes glaciaires mettant en évidence et illustrant le détails des différents stades glaciaires qui ont marqué le lieu au travers d'un grand nombre de formes glaciaires telles que (carte 15.) :

• Les cirques glaciaires et les glaciers de cirque ;

• Les cordons et crêtes morainiques ;

• Les roches moutonnées ;

• Le système de verrous et d’ombilics ainsi que des lacs d’ombilics ;

Carte 15. : Principales formes glaciaires du Vallon de Louvie (délimité par le trait plein violet) (Mathieu Genoud, d’après LAMBIEL ET VUADENS 1998).

6.5.1.4. La région du glacier de Corbassière et du massif des Combins

A l’image du vallon de Louvie (pt. 6.5.1.3.), cette région mériterait un projet de valorisation globale à elle seule. Le bassin versant de Corbassière (photo 6.12.) est spécialement intéressant pour valoriser les environnements glaciaires et de haute montagne. Il abrite en effet le plus important glacier du Val de Bagnes (la glacier de Corbassière est le 5e plus long de Suisse) et le massif avec les plus hauts sommets (Grand Combin). Son côté grandiose et sauvage et la beauté des paysages lui ont même valu le surnom « d’Himalaya valaisan » dans le milieu de l’alpinisme. La région du Petit-Combin (photo 6.13.) permet, elle, une immersion à l’intérieur d’une magnifique marge proglaciaire d’importance nationale parcourue par des sentiers qui évoluent dans un environnement végétal vers un milieu glaciaire en passant par l’univers minéral d’un imposant bastion morainique. Dans les deux cas, il est possible de mettre en évidence l’histoire glaciaire depuis le PAG à aujourd’hui. On peut présenter ce « petit âge glaciaire » et y parler évolution climatique, retrait glaciaire et géodiversité glaciaire.

Photo 6.12. : Massif du Grand Combin et Photo 6.13. : Marge proglaciaire du Petit- Combin de Corbassière (M.Genoud). Combin (M. Genoud).

Une autre idée intéressante serait de présenter le bassin versant de Corbassière comme l’équivalent miniaturisé du Val de Bagnes durant le Tardiglaciaire. La physionomie du lieu permettrait en effet d’imaginer que nous avons là sous les yeux le Val de Bagnes dans son ensemble il y a quelques 16'000 ans environ, à la période des

« moraines basses » de BURRI (1974) (Image 6.3.). Avec ce jeu sur les échelles spatiales et temporelles, on peut ainsi reconstituer une image approximative des paysages de l’ensemble de la vallée dans cette région lors du Tardiglaciaire.

Photo 6.14. : Bassin versant de Corbassière (Source : www.skypassion.ch).

En comparant par exemple la photo 6.14. avec l’image A de BURRI (en annexe) présentant l’éteudue glaciaire au Tardiglaciaire dans la région, il est ainsi possible de faire concorder le bassin versant de Corbassière au Val de Bagnes de l’époque. La langue glaciaire de Corbassière correspondrait ainsi au glacier de Bagnes de l’époque qui s’étendait alors jusque dans la région du Châble. La plaine alluviale à l’aval de la langue actuelle serait l’équivalent de la zone déglacée de l’époque (entre Le Châble et Sembrancher). Le glacier des Follats équivaudrait au glacier du Petit-Combin ou de ceux du Mont Rogneux au Tardiglaciaire et la partie amont du site, au dessus de la cabane de Panossière, représenterait le glacier de calotte qui s’était formé dans le haut Val de Bagnes en amont de l’actuel barrage de Mauvoisin.

6.5.1.5. Le Haut Val de Bagnes en amont du barrage de Mauvoisin Selon les guides et accompagnateurs de montagne, la région du Haut Val de Bagnes, en amont du barrage de Mauvoisin, est apparemment relativement peu visitée de la majorité des touristes se rendant dans le Val de Bagnes ; à l’exception des touristes parcourant des « grands tours » alpins comme la Haute route (hiver et été) ou le Tour des Combins (principalement en été) par exemple.

Pourtant, c’est la région la plus « sauvage » de la vallée et qui abrite aujourd’hui la majeure partie des systèmes glaciaires de la vallée (Carte 1.). Cette particularité permet de proposer une valorisation de l’histoire glaciaire « récente » du Val de Bagnes soit celle liée aux variations historiques ainsi qu’aux caractéristiques actuelles des glaciers de la vallée. Cette région recèle en effet un grand nombre de formes glaciaires dont l’origine remonte au Petit Age Glaciaire (PAG). C’est donc un endroit propice pour présenter cette dernière poussée glaciaire qui marqua aussi l’histoire humaine de la région. Par rapport à l’inventaire que nous avons réalisé, c’est même le seul thème qui se prête à la valorisation de cette région.

En plus des glaciers couverts de Crête-Sèche, de Fenêtre et du Mont Durand, les sites inventoriés dans cette partie du terrain permettent de montrer la diversité des types de glaciers qui occupent le fond du Val de Bagnes (Carte 16.). Nous y retrouvons en effet :

Gramd Combin

Petit-Combin

Langue glaciaire de Corbassière Glacier des Follats

Cabane Panossière

• Un glacier suspendu au Giétroz ;

• Un glacier de cirque et régénéré à la Tsessette ;

• Un glacier de vallée et couvert de deux langues coalescentes au Brenay-Serpentine ;

• Un langue glaciaire de vallée à Otemma.

Ces deux derniers sites ont de plus édifié d’imposantes marges proglaciaires (celle d’Otemma – Crête-Sèche est la plus vaste de Suisse), classées d’importance nationale, qui sont des lieux privilégiés pour reconstituer l’allure des paysages du Val de Bagnes durant le PAG. Il est même possible de montrer les variations glaciaires internes au PAG, notamment dans la partie avale du glacier du Brenay. Sur l’ensemble de ces sites, nous retrouvons les formes caractéristiques des environnements glaciaires et paraglaciaires du Val de Bagnes que sont :

• Des sandurs ;

• Des culots de glace morte ;

• Des crêtes morainiques (médianes, latérales et frontales) ;

• Des bastions morainiques (celui de la Tsessette, traversé par un sentier, est particulièrement impressionnant) ;

• Des affleurements de roches moutonnées ;

• Des systèmes de verrous et ombilics (avec des lacs) ;

• Des torrents glaciaires tressés ;

• La dynamique de recolonisation végétale.

Cette partie de la vallée peut également servir à présenter les artistes et scientifiques de renommée qui ont parcouru le Haut Val de Bagnes au cours du XIXe siècle.

Carte 16. : Environnements glaciaires du Haut Val de Bagnes dans la région de Chanrion.

Mathieu Genoud, 2008