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protagonistes. L’enfermement corporel des petites filles et des petits garçons entraîne leur

enfermement spatial dans les espaces intérieurs et fermés de la domus. Par ailleurs, les personnages

de notre corpus sont tantôt inclus, tantôt exclus de la communauté enfantine ou adolescente et de

ses espaces - initiatiques - de socialisation : l’école et la cour de récréation ou encore le terrain de

jeux et le terrain de sport.

Les œuvres étudiées mettent en lumière diverses cosmologies enfantines et adolescentes, dans

lesquelles se mêlent le ludique, l'onirique, le ritique, et le créatif. De fait, à travers des activités

symboliques telles que le jeu, le langage (écrit et oral), le rêve ou encore l’art, le personnage

juvénile tend à dépasser les limites du monde qui l’entoure ainsi que celles de son corps handicapé.

Grâce à une force émancipatrice et créatrice, il révèle une autre re-présentation monde, du corps ou

encore du langage. Il fait ainsi preuve de la liberté sartrienne, selon laquelle « agir c’est modifier la

figure du monde ».

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Notre hypothèse théorique principale est, en effet, que l’immobilité du

personnage est compensée voire dépassée, peu ou prou, par sa détermination ainsi que par sa force

créative et/ou imaginative. L’existence est ainsi pensée, conformément à la philosophie sartrienne,

comme un mouvement de dépassement, de transcendance, consistant à se jeter en dehors de

soi-même et en dehors du monde immédiat. La pratique d’activités artistiques ou sportives octroie,

subséquemment, au personnage un pouvoir symbolique, propice au dépassement d’une condition

première fort désavantageuse et contraignante. Il en est de même de la « conscience imageante » qui

exprime un libre et éminemment créatif usage de l’imagination.

Pour qu'une conscience puisse imaginer il faut qu'elle échappe au monde par sa nature même, il faut

qu'elle puisse tirer d'elle-même une position de recul par rapport au monde. En un mot il faut qu'elle soit

libre.

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740 Sartre (J.-P.), L'être et le néant. Essai d'ontologie phénoménologique, Paris : Gallimard : 1943, p. 487. 741 Sartre (J.-P.), L'Imaginaire. Psychologie phénoménologique de l’imagination, Paris : Gallimard : 1940, p. 353.

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Jusqu'ici, nous nous sommes donc intéressés aux représentations de l'enfant à travers son

statut social ainsi qu'à travers son habitus culturel. Si la question du corps a été abordée, elle ne l’a

été que de façon transversale et plus ou moins latérale. La deuxième partie de notre thèse sera, elle,

essentiellement consacrée aux représentations symboliques et culturelles du corps handicapé.

Comment le personnage est-il défini et comment se construit-il au travers de son handicap ? Quelles

formes symboliques, imagées ou concrètes sont prises par le corps handicapé ? Et enfin, quels sont

les enjeux littéraires, idéologiques et culturels de ces représentations ?

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Patte folle et patte molle, nous sommes tous deux de la famille Tordue.

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DEUXIÈME PARTIE REPRÉSENTATIONS ET IMAGINAIRES DES CORPS

HANDICAPÉS

I De la sur-visibilité du corps ou « corpus apertus » ... 178

1. Le handicap comme principale marque identificatoire ... 178

1.1. Mode de désignation et portrait physique ... 178

1.2. Les mots du handicap et leurs connotations ... 183

2. Un « corps d’expression » sur-exposé et « in-discipliné » ... 192

2.1. La boiterie : une démarche dissymétrique et bancale ... 192

2.2. Un exemple paroxystique du corps déséquilibré : Mary la penchée ... 202

3. Monstration ou théâtre des corps ... 206

4. Un corps mouvant et hybride ... 210

4.1. Corps grotesque et carnavalesque ... 210

4.2. Animalisation symbolique du corps handicapé ... 213

L’animal blessé comme métaphore de l'enfant handicapé ... 213

Le corps animalisé de l’enfant handicapé ... 218

Un personnage aux ailes brisées ... 235

Le garçon à cheval ... 239

5. Objets métonymiques du corps handicapé ... 244

5.1. Le personnage et son fauteuil roulant : lien de contiguïté voire de substitution ... 244

5.2. Sur-matérialité du fauteuil roulant (dans les images et le texte), à travers ses propriétés

constitutives ... 250

5.3. Les roues et roulettes comme métonymies des jambes ... 252

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II Corpus clausus ... 257

1. Postures de voilement, voire d'effacement du corps handicapé au sein de la narration et

des illustrations ... 257

1.1. Liminarité du corps du personnage ... 257

Désincarnation du « corps de mots » ... 257

Postures d'effacement du « corps de dessin » ... 261

1.2. Mise en abyme du corps et liminarité ... 269

2. Un corps inachevé ou dé-fait ... 274

2.1. Un corps inachevé et mal achevé ... 274

3. Un corps enfermé dans un monde et un temps suspendus ... 282

3.1. Un « corps-prison » ... 282

3.2. Chronotope de la liminarité... 288

4. Négation de l'altérité du personnage ... 292

5. Configuration socio-spatiale des corps et « hiérarchie corporelle » : corps assis versus

corps debout ... 298

6. Le corps re-fait, redressé et « normalisé » ... 304

6.1. Le corps re-fait par des prothèses : un corps hybride, mi-naturel et mi-artificiel ... 304

6.2. Un exemple paroxystique : le corps réparé ... 312

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Les personnages handicapés de notre corpus s'incarnent et se définissent, de prime abord,

par leur corps qui les identifient, les définissent et les singularisent. Leur « effet de présence » est

rendu visible (et lisible) par l'altérité de leur corps. De fait, les représentations du handicap et de ses

anormalités donnent lieu à une poétique du corps. En somme, par son rôle déterminant et structurant

au sein de la fiction le corps s'impose pleinement comme un « corps thématique » et non

simplement « anecdotique ».

Il en va tout autrement lorsque c’est autour du corps d’un des personnages que s’articule l’histoire,

que ce soit dans son ensemble ou simplement au niveau d’un épisode. Autrement dit, lorsque ce corps

devient en lui-même objet de tension.

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Le corps handicapé constitue ainsi le pivot narratif, dramatique et/ou iconique du récit. Il est

aussi un vecteur d'axiologie, par les valeurs, homogènes ou hétérogènes, qui lui sont attribuées.

Nous rejoignons alors la thèse de Nathalie Prince selon laquelle :

Le personnage [au travers, plus particulièrement, de son corps dans notre corpus] apparaît souvent