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La prospection des clients et la mise à disposition de la main-d’œuvre sélectionnée

5. Nordine habite en Meurthe-et-Moselle tout proche du Luxembourg Agé de 27 ans, pacsé, sans enfant, il est cariste de profession (niveau CASES 3) Il est venu à l’intérim très

5.3. Les axes forts des pratiques de détachements transfrontaliers sur intérim Au Grand-Duché, la structuration du secteur de l’intérim s’est opérée suivant une logique

5.3.4. La prospection des clients et la mise à disposition de la main-d’œuvre sélectionnée

Pour mettre à disposition d’entreprises clientes localisées en France ou en Belgique au sein de l’espace transfrontalier, les qualifications les plus fréquemment recherchées sont celles d’ouvriers qualifiés du bâtiment, de mouleurs de fonderie, de soudeurs, de tôliers, de chaudronniers, de monteurs de charpente métalliques et assimilés, d’ouvriers de l’assemblage… Ce sont des métiers toujours en tension selon les propos des responsables enquêtés. Le responsable de PROTT nous expliquait cela en ces termes « il y a d’importants besoins de compétences dans le bâtiment que nous

n’arrivons pas à satisfaire. Si vous m’amenez tout de suite 10 ouvriers qualifiés du bâtiment dans différents corps de métiers, je les fait bosser demain».

Nos interlocuteurs insistaient sur les principales utilités de l’intérim transfrontalier : trouver des compétences qui ne sont pas présentes d’un côté de la frontière et constituer un instrument de pré-embauche ; réduire les coûts et permettre des taux de facturation plus faible comme nous l’avons vu. Et pour se constituer un vivier le plus large possible de clients de l’autre côté des frontières, les agences d’intérim ont développé de véritables stratégies commerciales en destination des entreprises lorraines.« Pour trouver de nouveaux clients, en plus des visites, nous

mobilisons toutes les sources possibles d’informations commerciales, annuaires professionnelles, Internet, base de données, presse, renseignements livrées par les travailleurs eux même... Ces contacts commerciaux peuvent également se faire en sauvage (sans rendez-vous). L’action commerciale est régulière et intensive (plusieurs sociétés visitées par semaine) … » (responsable de l’agence ITTER).

Pour le responsable de l’agence PROTT, le rôle du commercial de l’agence (Account Manager) est crucial : « C’est lui qui trouve de nouveaux clients (…) Il entretient avec eux des relations régulières,

suivies. Les moyens d’actions commerciales sont diversifiés le téléphone, des présences à diverses manifestions, des visites régulières, un travail constant (…) Il doit être dynamique, extraverti, des talents de négociateur et une force de persuasion ». Au sein du groupe à laquelle appartient l’agence PROTT, des formations régulières sont programmées pour les commerciaux de l’agence ainsi que pour les autres responsables.

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5.4. Les intérimaires détachés : des ouvriers plutôt qualifiés en détachements

de durées relativement longues

Qui sont ces travailleurs intérimaires détachés ? Quelles sont leurs motivations ? Les données existantes sur le sujet sont très parcellaires. Nous nous sommes appuyés ici sur les informations fournies par les inspecteurs du travail à l’occasion de nos entretiens. Celles-ci nous montrent (cf.

graphique 18 en annexe) que les travailleurs détachés vers la Lorraine sont quasi exclusivement

des ouvriers (88%). La quasi exclusivité des ouvriers est encore plus marquée pour la sous population des détachés sur intérim, en Lorraine (97%).

Le profil des 7 intérimaires interviewés correspond à ces déclarations : des travailleurs non seulement plutôt qualifiés et mais également appartenant au noyau dur fidélisé par l’agence. Sur les 7 intérimaires enquêtés, seul un, Manuel, n’a pas de qualifications spécifiques. Mais il revendique beaucoup d’expérience : « Mon bac pro administratif ne me sert pas dans l’intérim. Je

n’arrive pas à trouver des missions dans ce domaine. Et dans les métiers des chantiers, je n’ai pas de qualification mais j’ai beaucoup de l’expérience comme manœuvre ».

Pour autant, les missions ne correspondent pas toujours au niveau personnel de qualification de l’intérimaire. Les qualifications des missions proposées peuvent être très variables, mais souvent inférieures au niveau de l’intérimaire. « Les missions qu’on me confie sont de qualifications très

variables. Elles peuvent correspondre à mes qualifications, mais peuvent être aussi inférieures et même parfois supérieures. Elles sont même souvent inférieures. Il m’est arrivé une fois d’avoir une belle mission dans une entreprise qui faisait de la petite mécanique ce qui correspondait parfaitement à mon diplôme d’électromécanicien » (Michel ).

Enriko, Pierre, Norbert et Daniel possèdent plusieurs compétences. Pour eux, les possibilités de missions sont non seulement plus nombreuses et régulières. Les durées de mission sont plus longues. Pour Norbert, c’est un sérieux avantage de l’intérim. Cela autorise en plus une certaine forme de liberté, liberté de choisir, de décider quand travailler : « je n’ai pas de problème de

missions. Je peux même les choisir. Je sais quand prendre mes vacances ».

Pour les intérimaires enquêtés, la durée des missions est nettement plus importante comparativement à la durée moyenne des missions d’intérim en France (plusieurs mois contre un peu moins de 2 semaines du durée moyenne des missions en France). Les détachements concernent des missions non seulement le plus souvent qualifiées (seul Manuel est manœuvre mais revendique beaucoup d’expérience) mais de durées plus longues (plusieurs mois). Mais avant d’être détachés, les intérimaires sont testés sur de petites missions. Christian (35 ans, mécanique) et le responsable d’ITTER le confirment: « au départ c’est des petites missions qu’on

71 propose pour connaitre l’intérimaire. Elles sont ensuite prolongées sur plusieurs mois si les gars sont fiables, sont compétents … ».

Le lieu de la mission est également très variable. Ce sont souvent les grandes entreprises utilisatrices appartenant à de grands groupes implantés en Lorraine qui font appel à des intérimaires inscrits au Luxembourg. Mais la mission peut également concerner des entreprises utilisatrices localisées beaucoup plus loin, comme en Normandie. Manuel s’est vu confier des missions de manœuvre sur un gros chantier situé à Cherbourg. Il l’a très mal vécu : « L’intérim ça

a des avantages, c’est vrai pour travailler mais aussi beaucoup d’inconvénients comme devoir aller travailler très loin. Si on refuse, on n’a plus de mission... Personnellement, je préfère des missions sans grand déplacement ». Pour Pierre et Norbert, les intérimaires doivent être mobiles : « si j’accepte un travail loin de chez moi, c’est pour montrer aussi ma capacité à être mobile, que je suis prêt à me déplacer loin. Ca plaît … et il y a les défraiements qui tombent en plus du salaire » (Pierre, 50 ans,

monteur).

Lorsque la mission est éloignée du domicile, les intérimaires sont logés le plus souvent près des chantiers et dans des logements collectifs. C’est le cas par exemple de Enriko (conducteur d’engins, 35 ans) : « bon on n’accepte pas une mission pour le logement. Ca va, ca va … on sait que

c’est du temporaire … Il faut faire le travail c’est tout et on rentre à la maison ».

Les conditions de travail sont globalement perçues comme « correctes » par tous nos enquêtés, excepté pour Nordine qui estime que des efforts doivent être encore faits sur certains points, même si de fait, les agences d’intérim ont fait des efforts importants de sensibilisation aux risques d’accidents du travail. Ainsi, l’agence ITERR fait passer des tests de sécurité à pratiquement tous les intérimaires qu’elle détache. Des efforts de formation à la sécurité ont également été réalisés ces dernières années particulièrement dans le secteur du bâtiment. Il est vrai que les taux d’accidents du travail y sont en moyenne deux fois plus importants qu’ailleurs (Belkacem et Montcharmont, 2012).