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1.2 Nouvelles études sur la prosodie en lecture

1.2.2 La prosodie en lecture au collège et au lycée

A la date de soumission de notre article, peu d’études s’intéressaient au développement de la fluence, plus particulièrement de la prosodie en lecture, au delà du primaire. Depuis 2018, plusieurs études ont été publiées sur les lecteurs adolescents. Ces études sont d’autant plus intéressantes qu’elles prennent en compte la variabilité plus large des textes rencontrés par les collègiens et les lycéens, des textes narratifs plus complexes et surtout des textes informatifs qui demande une prise d’informations plus précise.

Une compétence toujours en développement

Les premières études s’intéressant à des élèves du second degré se sont axées autour du lien fluence-compréhension, par exemple Paige et al. (2014) et Yildirim et al. (2018). Ces études ne por-

Chapitre 1. Partie théorique

taient donc pas spécifiquement sur les compétences en fluence d’élèves du secondaire mais plutôt sur la compréhension. De plus elles utilisent toutes l’échelle multidimensionnelle de fluence "Multidi- mensionnal Fluency Scale" (MDFS) (Rasinski, 2004), donc une évaluation subjective de la prosodie. Elles montrent que la prosodie continue de se développer au collège. Les études acoustiques chez les plus jeunes, présentées dans notre article, montrent que la prosodie est encore immature à la fin du cycle primaire, particulièrement au niveau des paramètres d’intensité et de mélodie, principaux véhicules de l’expressivité. Une étude récente portant sur des collégiens espagnols (Alvarez-Canizo

et al., 2020), utilisant des marqueurs acoustiques de la prosodie, permet de compléter ces données

sur les adolescents. Cette étude porte sur les deux premières années de cycle secondaire, c’est à dire sur des élèves de 11 à 13 ans. Alvarez-Canizo et al. (2020) montre que le nombre d’erreurs continue de diminuer avec le niveau. Ils observent également une diminution de la durée de lecture, du pourcentage de temps alloué aux pauses et du nombre de pauses, aussi bien grammaticales que non grammaticales. Par ailleurs, on retrouve une augmentation des variations de F0 avec l’âge. La difficulté majeure rencontrée par les plus jeunes semble être le manque d’anticipation de la fin des phrases, qui impacte l’intonation. La pente de F0 en fin de phrases déclaratives est plus forte chez les plus jeunes, comme s’ils signalaient soudainement la fin de la phrase par manque d’anti- cipation du point final. Ces tendances sont dans la droite ligne des observations faites en primaire et confirment que face à des textes plus complexes adapatés à leur niveau scolaire, la prosodie est toujours en développement au début du cursus secondaire. Ces données viennent confirmer l’hy- pothèse émise à partir des évaluations subjectives existantes : à la fin du primaire la prosodie en lecture continue de se développer, y compris sur des facteurs basiques tel que le nombre de pauses et l’intonation en fin de phrase.

La confrontation à des types de textes plus nombreux et plus complexes

Une particularité de l’enseignement du secondaire dans l’apprentissage de la lecture est la transition du apprendre à lire vers le lire pour apprendre à une plus grande échelle. La lecture est alors un outil indispensable pour les apprentissages de tout type. Les textes sont plus complexes et les adolescents sont de plus en plus confrontés à des textes informatifs et de moins en moins narratifs. Or ces textes documentaires diffèrent des textes narratifs dans leur difficulté perçue (Kuhn et Schwanenflugel, 2019). Cette difficulté est majorée dans le cas de textes abordant des sujets inconnus. En effet d’aprés le modèle Simple View of Reading proposé par Hoover et Gough (1990), la compréhension des textes dépend des capacités de décodage, qui ne doivent plus poser de problèmes à cet âge là, du vocabulaire et surtout des connaissances préalables dans le sujet abordé. Kuhn et Schwanenflugel (2019) ajoutent à cela l’importance de la prosodie qui, selon elles, permet à l’élève de mieux comprendre ce qu’il lit, et à l’enseignant d’évaluer la compréhension de l’élève. En effet, le découpage du texte par le phrasé aide à le comprendre, entre autre via une facilitation de l’attention et de la mémoire de travail. Finalement, ces auteurs insistent sur l’importance d’évaluer une fluence situationnelle et pas uniquement à partir de tests standardisés. Un adolescent peut très bien avoir un très bon score sur un texte narratif classique mais se retrouver en difficulté dans un texte documentaire sur un sujet qu’il maitrise peu. La fluence évaluée dans ces différentes situations sera alors révélatrice des difficultés rencontrées.

Alvarez-Canizo et al. (2020) se sont intéressés à cette différence entre textes narratifs et expli- catifs. Chez les adultes Schwanenflugel et al. (2016) avaient observés l’usage de pauses plus longues dans les textes explicatifs et des variations de F0 dans les textes narratifs chez les adultes. Dans cette étude chez les adolescents, Alvarez-Canizo et al. (2020) observent plus d’erreurs lexicales

Nouvelles études

dans les textes narratifs mais plus de pauses et de variations de F0 dans les textes explicatifs. Cette différence avec les adultes pourrait s’expliquer par une difficulté plus importante dans la compréhension des textes explicatifs ou documentaires. Les enfants de primaire ont également ten- dance à accentuer leur prosodie en lisant des textes complexes (Benjamin et Schwanenflugel, 2010). Alvarez-Canizo et al. (2020) ont également pu observer que les plus jeunes s’appuyaient plus sur la prosodie pour comprendre le texte : la compréhension dans les textes explicatifs est liée à la grammaticalité des pauses et à l’allongement des voyelles finales, chez les plus jeunes, et au temps de lecture et à la conscience syntaxique, chez les plus agés. Pour les textes narratifs, seul un lien au score de tests sémantiques apparaît chez les plus jeunes. Cette étude vient donc bien confirmer les propos de Kuhn et Schwanenflugel (2019). Chez les lecteurs du secondaire, les textes narratifs, plus familiers, sont plus facilement compris que les textes explicatifs qui sont plus complexes et abordent des sujets nouveaux. Un élève ayant un bon score de fluence sur des textes narratifs peut être en difficulté de lecture sur d’autres textes. Tous ces auteurs pointent donc la nécessité de la prise en compte de cette diversité des textes dans l’évaluation et l’enseignement de la lecture dans le secondaire, car les compétences de lecture sont toujours en développement.