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1.3 Synthèse des enjeux et questionnements en suspens

3.1.3 Développement de la prosodie

Dans l’article présenté en début de chapitre, la fluence et la prosodie n’ont été abordées que du point de vue de l’étalonnage des textes et pas du point de vue développemental. Or les scores subjectifs obtenus sur ces textes, nous donnent aussi l’occasion d’observer le développement de la fluence, et particulièrement de la prosodie, par les scores des dimensions de la fluence du CE1 à la 5e. Les scores moyens à chaque dimension devraient augmenter à chaque niveau. Nous nous

attendons cependant à un plafonnement rapide sur les scores de vitesse et décodage. A l’inverse, les scores d’expressivité devraient connaitre une croissance plus régulière.

Étude 1

Méthodologie - analyse statistique

Les données utilisées sont celles présentées au début de ce chapitre. Pour la suite de cette ana- lyse, nous utiliserons pour chaque sujet le score moyen entre les deux textes et les trois évaluateurs experts. Les scores sont donc continus et compris entre 1 et 4 pour chaque dimension.

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R (Team, 2019). L’effet du niveau a été testé en utilisant des modèles linéaires multiniveaux et en utilisant la classe comme paramètre aléatoire de niveau 2, avec la fonction lmer du package lme4 (Bates et al., 2015). En effet les 295 enfants sont répartis dans 14 classes différentes. L’effet aléatoire classe est significatif pour toutes les dimensions de fluence (indice de corrélation interclasses > 0.05). Nous avons comparé par une ANOVA le modèle vide et le modèle avec le niveau comme effet fixe. Pour chaque analyse, nous rapportons le ∆χ2(degré de liberté) et la p-value. Quand l’effet du niveau est significatif, une analyse post-hoc a été menée pour déterminer les différences entre les niveaux deux à deux. Nous avons utilisé le test HSD de Tukey, pour cette analyse nous rapportons la p-value la plus élevée parmi les tests deux à deux.

Résultats

La figure 3.3 présente l’évolution des scores avec le niveau scolaire pour chaque dimension.

Score total Le niveau a un effet significatif sur le score total à l’échelle EMDF (∆χ2(5) = 72, p < .001). Le score total augmente avec le niveau scolaire. Les comparaisons des scores par niveau montrent quatre étapes dans l’évolution. Les CE1 ont un score bien inférieur (M = 8.42, SD = 2.05) aux autres niveaux (p < .001). Le score augmente ensuite significativement en CE2 (M = 10.75, SD = 2.85) (p < .001), puis en CM1 (p < .001) avant de se stabiliser jusqu’en 6eautour d’une moyenne

de 12.72 (SD = 1.71). Il augmente ensuite légèrement de nouveau en 5e(p < 0.048) pour atteindre

13.92 (SD = 1.35). Il est également intéressant de noter que la variabilité inter-individuelle pour ces scores totaux en CE1 et CE2 est assez importante, les écarts-types sont respectivement de 2.05 et 2.85, par rapport aux niveaux scolaires supérieurs, avec un écart-type autour de 1.5. Comme attendu, les scores de fluence augmentent avec le niveau scolaire et semblent plafonner à partir du CM1.

Score d’expressivité On observe un effet significatif du niveau scolaire sur le score d’expressivité (∆χ2(5) = 38.7, p < .001). Le score d’expressivité augmente progressivement avec le niveau scolaire. Les CE1 ont un score moyen ( M = 2.07, SD = 0.68) inférieur aux autres niveaux (p < .018). Le score augmente en CE2 (M = 2.46, SD = 0.85) (p < .002). Il se stabilise ensuite à partir du CM1 avec un score moyen de 3.01 (SD = 0.59). Le score d’expressivité ne plafonne donc pas mais semble stagner autour de 3 assez rapidement. Le score maximal d’expressivité est donc difficile à atteindre pour tous les élèves. Il faut également noter que la variabilité inter individuelle évolue peu pour l’expressivité à partir du CM1 (entre 0.57 et 0.63). Elle est cependant plus élevée en CE2. Nous reviendrons sur cet aspect dans la discussion.

Chapitre 3. Évaluation subjective

Figure 3.3 – Boxplot des scores aux différentes dimensions de l’EMDF en fonction du niveau scolaire

Étude 1

Score de phrasé On observe un effet significatif du niveau scolaire sur le score de phrasé ((∆χ2(5) = 74.9, p < .001). Comme pour les autres dimensions et le score global, le score de phrasé augmente avec le niveau scolaire. On peut observer les mêmes différences entre niveaux que pour le score global. Les CE1 ont un score moyen faible (M = 2, SD = 0.63). Ce score augmente significativement en CE2 pour attendre 2.71 (SD = 0.80) (p < .001), puis de nouveau en CM1 pour arriver à 3.10 (SD = 0.51) (p < .001). Il reste ensuite stable autour de 3.24 (SD = 0.46) en CM2 et 6e, puis augmente de nouveau significativement en 5e pour atteindre 3.58 (SD = 0.42).

On peut alors supposer que le score moyen atteint un plateau proche du score maximal sur ces textes. Une fois encore, il est intéressant de noter l’évolution de la variabilité inter-individuelle pour chaque niveau scolaire, avec une variabilité plus élevée en CE1 et surtout en CE2, que pour les autres niveaux. On peut également voir apparaitre sur le graphique B de la figure 3.3 des valeurs marginales en CM1 et CM2, avec une diminution de la variabilité.

Score de décodage On observe un effet significatif du niveau scolaire sur le score moyen à la dimension décodage (∆χ2(5) = 69.4, p < .001). Le score augmente avec le niveau scolaire. De 2.12 (SD = 0.41) en CE1, le score augmente significativement jusqu’à 2.65 (SD = 0.58) en CE2 (p < .001). L’augmentation est ensuite plus lente jusqu’en CM1 (M = 2.95, SD = 0.58) (p = 0.012). Le score moyen se stabilise ensuite à 3.10 (SD = 0.47) en CM2 et 6e. Une fois encore les 5esont

un score moyen significativement plus élevé que les autres niveaux scolaires à 3.42 (SD = 0.38) (p < 0.006). Le score moyen atteint en 5e semble aussi plafonner pour ces textes. Ceux-ci étant de

niveau primaire, il est logique qu’ils ne présentent pas de difficulté de décodage et donc que les scores soient trés bons en fin de primaire et au collège. Pour la dimension de décodage également, on retrouve une variabilité inter-individuelle plus forte chez les CE2 (SD = 0.58) que chez les CE1 (SD = 0.41) et les lecteurs plus agés (SD < 0.50). Comme pour le phrasé, on peut observer sur la figure 3.3.C que, du CM1 à la 6e, la diminution de la variabilité inter-individuelle à la dimension

décodage s’accompagne d’une augmention du nombre de valeurs marginales.

Score de vitesse On observe un effet significatif du niveau sur la vitesse moyenne (∆χ2(5) = 77.3, p < .001). Celui-ci augmente avec le niveau scolaire. Il est faible en CE1 (M = 2.25, SD = 0.58) puis augmente fortement en CE2 à 2.95 (SD = 0.82, p < .001). Le score moyen continue d’augmenter plus faiblement jusqu’en CM1 (p < 0.04), niveau à partir duquel il se stabilise jusqu’en 6eautour de 3.46 (SD = 0.50). Le score moyen atteint finalement 3.80 (SD = 0.27) en 5e. Comme

pour le décodage, ce texte ne présentant pas de diffciulté particulière pour des élèves de fin de primaire et de collège, ces derniers atteignent une vitesse de lecture optimale, équivalente à de la parole spontanée, assez rapidement. On pourra noter, une fois encore, l’importante variabilité inter individuelle en CE2 (SD = 0.82) par rapport aux autres niveaux.

Discussion

Comme attendu, les scores moyens à l’échelle EMDF, ainsi qu’à chacune de ses dimensions, augmentent avec le niveau scolaire. On observe un effet plafond pour la dimension de vitesse qui atteint un score moyen trés proche du score maximal en 5e. Pour les scores de phrasé et de déco-

dage, on observe également un effet plateau des scores moyens supérieurs à 3.5 à partir du CM1. Pour la dimension expressivité, le score moyen suit le même type d’évolution rapide en début d’ap- prentissage, pour arriver à un plateau à partir du CM1. Cependant, dans le cas de l’expressivité,

Chapitre 3. Évaluation subjective

ce plateau se situe plutôt autour de 3, et n’atteint pas le score maximum. On constate donc que de toutes les dimensions de l’échelle de fluence, l’expressivité est la dimension acquise le plus tar- divement et que cette acquisition est plus lente. En effet, le score moyen d’expressivité augmente lentement en début d’apprentissage, contrairement à ceux de décodage, vitesse et phrasé qui aug- mentent rapidement dès le CE1, pour s’approcher du score maximum dés le CM1. Considérant que les textes utilisés ici sont de niveau primaire, il est normal que des scores moyens supérieurs à 3 soient rapidement atteints. La dimension expressivité semble donc avoir un profil d’évolution différent des autres dimensions de la fluence. Ainsi des scores "experts" aux dimensions de décodage et de vitesse, mais également de phrasé, ne semblent pas suffisants pour atteindre un score "expert" en expressivité. Ces résultats vont dans le sens d’une acquisition du décodage et de l’automaticité, nécessaire, mais pas suffisante, à l’acquisition de la prosodie en lecture. Il serait donc intéressant de chercher les liens entre les différentes dimensions de l’EMDF et d’autre compétences en lecture. En effet dans la littérature, les études explorant le lien prosodie-compréhension utilisent uniquement le score global à l’échelle de fluence, sans s’attarder sur les particularités de chaque dimension. Or, comme nous venons de le voir, si le profil global d’évolution est relativement similaire pour chaque dimension, chacune présente ses particularités propres.

Le deuxième point important à soulever est la différence dans la variabilité inter-individuelle entre les niveaux. On constate que la variabilité inter-individuelle dans les scores moyens est beau- coup plus importante chez les plus jeunes. Cette constatation peut s’expliquer par les démarrages trés variables des enfants dans l’acquisition de la lecture. En effet en CE1 et CE2, le décodage et l’automaticité sont encore en cours d’acquisition pour certains enfants, alors que pour d’autres ces compétences sont acquises depuis le CP. Au delà du CE2, l’automaticité semble acquise par une grande majorité des enfants. A partir du CM1, la variabilité entre enfants diminue donc pour les compétences de décodage et de vitesse. On observe le même effet sur la dimension de phrasé alors qu’il est beaucoup moins présent sur l’expressivité. L’expressivité semble, là encore, présenter des caractéristiques différentes des autres dimensions. La variabilité est beaucoup plus régulière entre les niveaux, ce qui va dans le sens d’une dimension dont l’acquisition diffère des trois autres, liée à des compétences autres que le décodage et l’automaticité.

Finalement, la variabilité inter-individuelle est plus importante pour les CE2 que pour les CE1. Il est possible que les CE2, dont les compétences sont encore fragiles, présentent des stratégies plus variées : certains privilégient la vitesse au détriment de la précision, du phrasé et de l’expressivité, d’autres à l’inverse vont préférer lire plus lentement pour être précis et avoir un bon phrasé. Cette diversité de stratégies pourrait expliquer des scores trés variables dans toutes les dimensions. Une autre hypothése tient à un biais possible dans l’échantillon de CE1. En effet, une grande majorité des refus d’autorisation des parents pour la participation à l’étude provient de parents de CE1. D’aprés les enseignants, ces refus concernent des enfants non-lecteurs ou trés faibles lecteurs. Ainsi la cohorte de CE1 n’est pas aussi représentative des écoles que pour les autres niveaux. En effet, les sujets les plus faibles, non-lecteur en CE1, le sont à partir du CE2 même si leur niveau reste faible. Ce pourrait être cette frange de faibles lecteurs qui manquent à la cohorte de CE1, réduisant de fait la variabilité réelle qu’on peut observer dans les niveaux de lecture de CE1. Ces trés faibles lecteurs apparaissent d’ailleurs probablement sous la forme de valeurs marginales plus nombreuses en CM1 quand la variablité diminue, comme montré dans la figure 3.3.

Étude 1

Résultats majeurs

Étude 1

L’EMDF, avec une méthodologie stricte, peut être un outil fiable et fidèle quels que soient les évaluateurs, pour peu qu’ils aient été suffi- samment entrainés à l’utiliser.

Les dimensions phrasé et expressivité apporte de l’information supplé- mentaire par rapport au NMCLM

Pour chacune des dimensions de l’EDMF, le developpement est trés rapide en CE1 et CE2 puis ralentit pour plafonner à partir du CM2, à des niveaux qui ne sont pourtant pas encore ceux d’un lecteur expert.

L’expressivité se démarque comme la dimension obtenant les scores les plus faibles, et plafonne à des valeurs notablement inférieures au score attendu d’un lecteur expert.

Chapitre 3. Évaluation subjective