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CHAPITRE I : VERRES DE CHALCOGENURES ET ELECTROLYTES SOLIDES

4. PREPARATION DES VERRES DE SULFURES

4.3. Propriétés macroscopiques

4.3.2. Propriétés thermiques

 Principe

L'analyse calorimétrique différentielle à balayage (DSC "Differential Scanning Calorimetry") est utilisée pour déterminer les températures caractéristiques des transformations physiques du matériau. Pour cela, la variation de flux thermique entre le verre et un composé de référence (inerte thermiquement) est mesurée lors de l'augmentation de la température. Il est alors possible de mettre en évidence des phénomènes endothermiques ou exothermiques et leur température caractéristique. Ceux-ci peuvent être associés à différentes transformations physiques du matériau :

- Phénomènes endothermiques : fusion, déshydratation, transition vitreuse, pyrolyse… - Phénomènes exothermiques : cristallisation, polymérisation, combustion, oxydation…

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Cette analyse permet ainsi de relever les trois phénomènes caractéristiques au verre et leurs températures associées, comme illustré Figure 21 où les températures Tg, Tx et Tf sont déterminées par la méthode des tangentes :

- Transition vitreuse : Tg = température de transition vitreuse; - Cristallisation : Tx = température de début de cristallisation,

Tc = température de cristallisation;

- Fusion : Tf = température de fusion.

Figure 21 : Courbe d'analyse calorimétrique différentielle caractéristique d'un verre.

Les mesures ont été effectuées à l'aide d'un appareil de calorimétrie différentielle DSC Q20 Thermal Analysis. Les échantillons massifs, de masse comprise entre 3 et 7 mg, sont scellés dans des capsules d'aluminium, puis analysés de la température ambiante à 550°C, avec une vitesse de chauffe de 10°C.min-1, sous flux d'argon. La référence utilisée est une capsule d'aluminium vide.

La stabilité d'un verre vis-à-vis de la cristallisation et sa capacité à former du verre est généralement évaluée par le calcul du paramètre de Hrubý Hr [115], calculé comme ci-après :

𝐻𝑟 =(𝑇𝑥− 𝑇𝑔)

(𝑇𝑓− 𝑇𝑥) (1. 1)

Plus l'indice Hr est élevé et plus le verre est considéré comme stable thermiquement. Cependant, la gamme de températures analysées par DSC ne permet pas d'avoir accès à la température de fusion Tf des verres sans risquer une pollution de l'enceinte. La stabilité du verre vis-à-vis de la cristallisation est donc caractérisée par sa valeur de ∆T :

∆𝑇 = 𝑇𝑥− 𝑇𝑔 (1. 2)

On considère généralement un verre comme stable vis-à-vis de la cristallisation lorsque ∆T > 100°C, il peut alors être mis en forme sans risque de cristallisation.

- 35 -  Résultats

Les températures caractéristiques obtenues par analyse thermique, incluant la température de transition vitreuse Tg, la température de début de cristallisation et le ∆T calculé à partir des deux valeurs précédentes, pour les compositions appartenant aux séries A, B, C et D sont regroupées dans le Tableau 3.

Tableau 3 : Propriétés macroscopiques obtenues par analyse thermique (Tg, Tx, ΔT), mesure de densité d et calcul du volume molaire VM correspondant pour les séries A, B, C et D.

Analyse thermique Masse volumique Volume molaire

Composition Tg (± 2°C) Tx (± 2°C) ∆T (± 4°C) ρ (± 0,01 g.cm-3) VM (± 0,07 cm3.mol-1)

Série A : [(GeS

2

)

0,7

(Ga

2

S

3

)

0,3

]

100-x

[LiCl]

x

x = 0 438 492 54 2,87 16,11

x = 5 416 475 59 2,85 15,97

x = 10 391 466 75 2,83 15,82

x = 15 365 449 84 2,80 15,71

x = 20 338 398 60 2,76 15,64

Série B : [(GeS

2

)

0,8

(Ga

2

S

3

)

0,2

]

100-x

[LiCl]

x

x = 0 436 522 86 2,80 16,44

x = 5 408 516 108 2,78 16,29

x = 10 386 508 122 2,76 16,13

x = 15 375 504 129 2,75 15,89

Série C : [(GeS

2

)

0,9

(Ga

2

S

3

)

0,1

]

100-x

[LiCl]

x

x = 0 434 547 113 2,72 16,85

x = 5 412 505 93 2,68 16,81

x = 10 415 509 94 2,65 16,69

Série D : [(GeS

2

)

1-y

(Ga

2

S

3

)

y

]

90

[LiCl]

10

y = 0,10 415 509 94 2,65 16,69 y = 0,15 382 492 110 2,77 16,02 y = 0,20 386 508 122 2,76 16,13 y = 0,25 393 496 103 2,84 15,72 y = 0,30 391 466 75 2,83 15,82 y = 0,35 391 454 63 2,90 15,48

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Dans le système pseudo-ternaire étudié, les valeurs de Tg sont toutes supérieures à 330°C. Leurs évolutions en fonction du taux d'incorporation de LiCl (x) et du taux de substitution de GeS2 par Ga2S3 (y) sont représentées sur la Figure 22. Les échantillons vitreux de la série D ayant pour taux de substitution y = 0,125 et y = 0,175 ont été préparés et analysés par DSC afin de pouvoir préciser l'allure de la courbe

Figure 22-B.

On constate Figure 22-A que, dans le cas des séries A et B, la Tg diminue avec l'incorporation de LiCl de 438°C à 338°C, 436°C à 375° respectivement pour les séries A, B. En revanche, dans le cas de la série C, la Tg diminue de 434°C à 415°C mais une rupture à la tendance linéaire des séries A et B est observée puisque la Tg reste du même ordre de grandeur pour les verres contenant 5 %mol. 10 %mol. de LiCl.

A l'inverse pour la série D, Figure 22-B, l'évolution de la Tg montre une tendance totalement différente. Ici, 382 < Tg < 415°C, et varie de manière non monotone avec y. La plus grosse variation de température est de 33°C lorsque y passe de 0,10 à 0,15. Elle réaugmente ensuite progressivement de 10°C entre 0,15 et 0,25 et se stabilise pour y > 0,25.

Figure 22 : Evolution de la température de transition vitreuse Tg en fonction du taux d'incorporation de LiCl (x) pour les séries A : [(GeS2)0.7(Ga2S3)0.3]100-x[LiCl]x, B : [(GeS2)0.8(Ga2S3)0.2]100-x[LiCl]x, et C : [(GeS2)0.9(Ga2S3)0.1]100-x[LiCl]x (A) et du taux de

substitution de GeS2 par Ga2S3 (y) pour la série D :[(GeS2)1-y(Ga2S3)y]90[LiCl]10 (B).

Afin de pouvoir étudier la stabilité thermique des verres, l'évolution du ΔT en fonction du pourcentage molaire de LiCl x et du taux de substitution de GeS2 par Ga2S3 y dans les séries A, B, C et D

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est tracée Figure 23. Les valeurs de ΔT des échantillons vitreux de la série D pour lesquels y = 0,125 et y = 0,175 sont également reportées Figure 23-B.

On note que si d'une série à l'autre sur la Figure 22-A, la Tg évolue de manière analogue avec la teneur en LiCl (à quelques degrés d'écart près), ce n'est pas le cas du ΔT Figure 23-A. Tout d'abord, on remarque que pour x = 0, ΔT (série A) < ΔT (série B) < ΔT (série C) avec des écarts de respectivement 32°C et 27°C. Pour les séries A et B, l'incorporation de LiCl à la matrice vitreuse rend les verres plus stables vis-à-vis de la cristallisation, ce qui est traduit par l'augmentation du ΔT pour 0 ≤ x ≤ 15, les valeurs de la série B étant supérieures à celles de la série A de 32 à 47°C selon x. Le maximum de stabilité est atteint pour la série B, lorsque x = 15 où ΔT = 129°C, soit 43°C de plus que la matrice vitreuse avant incorporation de LiCl. La série A permet d'incorporer plus de LiCl (20 %mol.), mais pour une telle teneur, le ΔT diminue subitement et de manière significative (-24°C). Dans le cas de la série C, en revanche, le ΔT n'évolue pas de manière linéaire puisqu'il diminue avec l'addition de 5 %mol. de LiCl puis se stabilise pour 5 ≤ x ≤ 0,10. Ce comportement peut être corrélé avec l'évolution non monotone de la Tg décrite plus tôt.

Enfin, le ΔT de la série D (Figure 23-B), de la même manière que sa Tg, ne montre pas d'évolution monotone avec le taux de substitution y de GeS2 par Ga2S3. Ainsi, la stabilité des échantillons préparés vis-à-vis de la cristallisation augmente pour 0,10 ≤ y ≤ 0,20 puis diminue pour 0,20 ≤ y ≤ 0,35.

Figure 23 : Evolution du ΔT en fonction de la teneur en LiCl (x) pour les séries A, B et C (A) et du taux de substitution y pour la série D (B).

- 38 -  Discussion

Conformément à ce qui est observé lors de l'incorporation de chlorure de sodium ou de césium à une matrice vitreuse GeS2-Ga2S3 [111, 116], l'addition de LiCl à la matrice vitreuse entraîne une diminution de la température de transition vitreuse (séries A, B, et C). L'évolution de la température de transition vitreuse des verres préparés, peut être directement reliée à la coordinence moyenne des verres préparés, représentatif de la connectivité du réseau vitreux. Le nombre de coordination moyen Z est calculé selon la relation :

𝑍 = ∑ 𝐶𝑖× 𝑁𝐶𝑖

𝑖

(1. 3)

où Ci correspond à la fraction molaire de chaque élément i de nombre de coordination NCi. Les nombres de coordination sont de 4 pour le germanium et le gallium, 2 pour le soufre, 1 pour le chlore et 0 pour le lithium. Les nombres de coordination moyens déterminés à partir des compositions théoriques des verres préparés sont reportés dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Nombres de coordination moyens Z calculés à partir des compositions théoriques des verres des séries A, B, C et D. Série A x Z Série B x Z Série C x Z Série D y Z 0 2,72 0 2,71 0 2,69 0,10 2,55 5 2,66 5 2,64 5 2,62 0,15 2,56 10 2,59 10 2,57 10 2,55 0,20 2,57 15 2,52 15 2,50 0,25 2,58 20 2,45 0,30 2,59 0,35 2,60

On constate que les diminutions de Tg observées avec l'augmentation de la teneur en LiCl pour les séries A, B et C peuvent être directement reliées à la diminution de connectivité du réseau (diminution de Z). Par ailleurs, le même ordre de grandeur des valeurs de Tg entre les séries A, B, et C pour un même taux d'incorporation de LiCl s'expliquent par la faible variation du nombre de coordination moyen lorsque GeS2 est substitué par Ga2S3. Ce phénomène est à mettre en relation avec la rupture de liaisons Ge-S et Ga-S suite à l'introduction de Cl, ainsi qu'à la formation de tétraèdres [GaS3/2Cl]-, reportée dans la littérature et qui s'accompagne d'une dépolymérisation du réseau vitreux et donc d'une diminution de la Tg [114, 116]. La formation de telles entités dans la matrice vitreuse est à mettre en relation avec la propension de Ga3+ à former des complexes [109, 110].

Malgré la diminution de la Tg, on observe pour les A et B l'augmentation du ΔT. Ainsi, l'addition de LiCl stabilise la matrice vitreuse vis-à-vis de la cristallisation. On constate en revanche une rupture de tendance pour la série A lorsque x > 15, ainsi qu'une diminution puis stabilisation du ΔT pour la série C.

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Cette perte de stabilité vis-à-vis de la cristallisation s'explique par la proximité des compositions considérées de la limite du domaine de formation vitreuse Figure 19. On remarque également que les valeurs ΔT sont différentes d'une série à l'autre : ΔT série A < ΔT série B < ΔT série C pour x = 0. Ceci s'explique par l'addition de Ga2S3, qui n'est pas un formateur de réseau mais un composé intermédiaire. Enfin, les verres de la série B pour lesquels x ≥ 5 présentent une bonne stabilité thermique, puisque leur ΔT est supérieur à 100°C.

Dans le cas de la série D, l'augmentation linéaire de Z avec le taux de substitution de GeS2 par Ga2S3, de faible ampleur, est cohérente avec l'évolution de la Tg pour 0,25 ≤ y ≤ 0,35 mais ne permet pas d'expliquer son comportement non monotone pour 0,10 ≤ y ≤ 0,25. Les résultats obtenus sont néanmoins en accord avec ce qui est observé dans la littérature pour les systèmes GeSe2-Ga2Se3 [117] et GeS2-Ga2S3 [118]. En effet le minimum de Tg y est relevé pour la proportion particulière en formateur et modificateur : (GeS2)83-(Ga2S3)17. L'étude structurale menée au chapitre 3 permettra de donner des éléments de réponse à cette évolution particulière.

Concernant l'évolution du ΔT, pour y ≤ 0,20, l'incorporation de Ga2S3 au réseau de formateur entraîne sa stabilisation vis-à-vis de la cristallisation. Néanmoins, y ≥ 0,20 le système perd en stabilité vis-à-vis de la cristallisation. Cette tendance s'explique par la teneur de plus en plus importante en Ga2S3 puisque c'est la phase Ga2S3 qui a tendance à cristalliser en premier dans les verres GeS2-Ga2S3 [119, 120].