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Propriétés pro ou anti-inflammatoires de CFTR

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L’inflammation pulmonaire dans la mucoviscidose

III. Propriétés pro ou anti-inflammatoires de CFTR

L’origine de l’inflammation exacerbée est très débattue. Certains pensent qu’elle est due aux infections chroniques elles-mêmes, d’autres mettent en cause la perte d’homéostasie des sécrétions respiratoires. Ces dernières années, l’implication directe de la protéine CFTR-wt ou mutée a été proposée (Jacquot, et al., 2008). C’est ce dernier point qui sera présenté ici.

1. Activité pro-inflammatoire de CFTR-F508del

La mutation la plus fréquente dans la mucoviscidose est la délétion du codon Phénylalanine F508 (F508del) dans le domaine de liaison à l’ATP NBD1. Différentes études ont montré que cette anomalie pouvait être à l’origine d’un état pro-inflammatoire. Ainsi, la surexpression de CFTR- F508del dans les cellules CHO entraine une activation de la voie NF-κB par rapport aux cellules surexprimant un autre mutant CFTR-G551D, ou CFTR-wt (Weber, et al., 2001). Un stress du réticulum endoplasmique pourrait participer à cette inflammation exacerbée (Knorre, et al., 2002; Rottner, et al., 2009).

1.1. Le réticulum endoplasmique, contrôleur de qualité

Le réticulum endoplasmique (RE) est le site de synthèse et de maturation des protéines destinées à la sécrétion ou à l’expression membranaire (membrane plasmique, appareil de Golgi, lysosomes). C’est un lieu de maturation (clivages, glycosylation, formation de ponts disulfures, repliement et assemblage), grâce à une machinerie intraluminale composée notamment de protéines chaperonnes telles que BiP (famille Hsp70), Grp94 (famille Hsp90), la calréticuline, la calnexine et la protéine Disulfide Isomérase (PDI) impliquées dans le système de contrôle qualité ERCQ (Endoplamic

Reticulum Quality Control) (Ellgaard and Helenius, 2003; Sitia and Braakman, 2003).

Les perturbations environnementales telles que l’accumulation de protéines mal repliées, les altérations de l’homéostasie calcique, l’inflammation ou l’hypoxie, conduisent à un dysfonctionnement du RE appelé stress réticulaire ou stress du RE. En condition de stress du RE, trois différentes voies sont activées afin de diminuer la synthèse de nouvelles protéines et d’augmenter la dégradation des protéines anormales : 1) la réponse UPR (Unfolded Protein Response) a pour but d'augmenter les capacités de repliement, de maturation, en entrainant la réduction de la synthèse protéique et la transcription de protéines chaperonnes (Zhang, et al., 2006) 2) la dégradation ERAD (ER-Associated Degradation) vise à éliminer les protéines mal repliées par la voie ubiquitine-

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protéasome (Gelman, et al., 2002), et 3) si ces réponses sont insuffisantes, la réponse EOR (ER-

Overload Response) participe à l’activation de l’expression des gènes de l’inflammation et du système

immunitaire et aboutissant à l’apoptose (Lai, et al., 2007). Parmi les voies de signalisations activées, on retrouve la voie NF-κB (Figure 25) (Kitamura, 2011).

Figure 25. Activation de la voie NF-κB par le stress du RE. Sous conditions de stress du RE, la voie NF-κB est activée via les signalisations IKK, Akt et eIF2α qui répriment la traduction d’IκBα. D’après (Kitamura, 2011)

1.2. CFTR-F508del et stress du réticulum endoplasmique

La réponse UPR dans la mucoviscidose encore été peu étudiée. Quelques études montrent que l’UPR est stimulé dans les cellules exprimant CFTR-F508del à cause de la protéine mutée elle-même ou bien de facteurs exogènes (Bartoszewski, et al., 2008; Kerbiriou, et al., 2007; Knorre, et al., 2002). Une étude sur des lignées primaires bronchiques épithéliales de patients homozygotes pour la mutation F508del a montré une augmentation de l’ARNm de certains marqueurs de la réponse UPR (Nanua, et al., 2006). De plus, l’étude de la surexpression de CFTR-F508del dans différentes lignées cellulaires a montré une augmentation de la réponse UPR par rapport à la surexpression de CFTR-wt (Bartoszewski, et al., 2008; Kerbiriou, et al., 2007).

Le stress du RE induit par CFTR-F508del est d’autant plus important que, en plus de s’accumuler dans le RE, la protéine interagit avec des protéines chaperonnes calcium-dépendantes, modifiant l’homéostasie calcique et générant un stress supplémentaire (Antigny, et al., 2008; Rab, et al., 2007).

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L’activation du système UPR (Kerbiriou, et al., 2007; Rab, et al., 2007) entraîne la diminution de l’expression globale de CFTR, et la dégradation de CFTR anormal par la voie du protéasome (Chen, et al., 2004; Cyr, 2005; Gelman, et al., 2002). Cette accumulation de CFTR mal replié dans le RE contribue à l’activation endogène de la voie de l’inflammation NF-κB (Figure 26) (Rottner, et al., 2009; Weber, et al., 2001)

Figure 26. Implication de CFTR-F508del dans le stress du RE. La rétention de CFTR-F508del est associée à une augmentation de la concentration intraluminale en Ca2+ et à une interaction avec des protéines chaperonnes. Ceci induit l’activation de l’ERAD afin de dégrader la protéine CFTR-F508del mal repliée. De plus, la voie UPR est activée via ATF-6. Si l’ERAD et l’UPR sont insuffisant à restaurer des paramètres cellulaires normaux, l’EOR est activé et induit l’apoptose. D’après (Rottner, et al., 2009)

2. Activité anti-inflammatoire de CFTR-wt

Depuis 2009, l’hypothèse que CFTR-wt possède une activité anti-inflammatoire intrinsèque a émergé et a été vérifiée par deux équipes (Hunter, et al., 2010; Vij, et al., 2009). Ainsi, l’inflammation exacerbée serait également due à une diminution de CFTR-wt à la membrane (Bodas and Vij, 2010).

Différentes études ont montré que le traitement par l’inhibiteur spécifique de CFTR, CFTRinh172, qui empêche l’ouverture du canal, oriente les cellules non CF vers un phénotype CF-like, avec une

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activation de la voie NF-κB et une augmentation de la sécrétion d’IL-8 (Hunter, et al., 2010; Perez, et al., 2007; Vij, et al., 2009). Ces résultats tendaient à montrer qu’une activité fonctionnelle du canal à la surface cellulaire était nécessaire pour contrôler l’inflammation. D’autres études ont révélé que certains correcteurs (misglustat, MBP07) n’augmentaient pas seulement l’expression de CFTR à la membrane, mais diminuaient aussi la réponse inflammatoire des cellules à P. aeruginosa (Dechecchi, et al., 2008). Enfin, il avait été montré que les cellules épithéliales primaires 16HBE transfectées avec un plasmide d’expression de CFTR présentaient une activation de la voie NF-κB inférieure aux cellules transfectées avec un plasmide CFTR antisens non fonctionnel, avec une diminution du taux d’IL-8 sécrétée (Weber, et al., 2001).

L’équipe de P. Zeitlin a récemment montré que la surexpression de CFTR-wt dans des cellules HEK et CFBE entrainait une diminution d’activation de la voie NF-κB et de la sécrétion d’IL-8 (Vij, et al., 2009). Ces résultats ont été confirmés par l’équipe de A. Mehta dans les cellules épithéliales pulmonaires H441 et les cellules H57 dérivées des HeLas, avec un bémol cependant : en effet, dans les cellules H57 qui sont des cellules exprimant stablement un gène luciférase répondant à NF-κB, l’inhibition de NF-κB médiée par CFTR-wt était très variable en fonction de la confluence des cultures cellulaires, indiquant que cet effet anti-inflammatoire impliquerait des interactions entre les cellules (Hunter, et al., 2010). Des données récentes suggèrent que CFTR interagit avec TNFR1 (récepteur au TNF-α) dans des rafts lipidiques et module la sécrétion d’IL-8 (Dudez, et al., 2008). La présence de CFTR dans ces rafts pourrait expliquer son activité de modulateur de la voie NF-κB.

Bien que l’origine de l’inflammation pulmonaire caractéristique de la mucoviscidose soit toujours un sujet de débat, elle est unanimement reconnue comme anormalement régulée, avec notamment une augmentation des cytokines pro-inflammatoires et de la cellularité dans les sécrétions respiratoires des malades. L’inflammation, qui constitue normalement une des premières lignes de défense de l’organisme contre les agressions extérieures, déborde les systèmes de régulation physiologiques, entraînant la dégradation progressive du parenchyme pulmonaire. De nombreuses études mettent en cause les voies de signalisation NF-κB et, plus récemment, AP-1. Réguler cette inflammation fait aujourd’hui partie des objectifs thérapeutiques, et de nombreuses molécules sont en essais clinques (www.cff.org), la difficulté pour une administration à long terme étant d’obtenir une balance « effets bénéfiques/effets indésirables » favorable.

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Chapitre 3

COMMD1 et CSN5, deux régulateurs

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