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Etude du mutant naturel c 148A>G

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Mise en place des outils d’étude du promoteur CFTR

3. Etude du mutant naturel c 148A>G

Nous avons identifié au laboratoire chez une patiente présentant une forme CFTR-RD et hétérozygote pour la mutation F508del, le variant encore jamais décrit c.-148A>G. La patiente présentait depuis l’âge de 43 ans une pathologie bronchique chronique caractérisée par des dystrophies bronchiques diffuses au scanner, avec des poussées infectieuses nécessitant une antibiothérapie. Le VEMS (Volume Expiratoire Maximum par Seconde) était variable, compris entre 17% lors des épisodes d’exacerbation et 86% en temps normal. Les tests de la sueur étaient dits « intermédiaires » avec des valeurs de 47,8 et 65,3 mmol/L pour une normale < 70 mmol/L.

Afin d’étudier le potentiel pathogène de ce variant et son influence sur la transcription de CFTR, nous avons réalisé par mutagénèse dirigée à partir des constructions du promoteur précédemment obtenues, des plasmides contenant le gène rapporteur luciférase dirigé par le promoteur muté. Comme certains repliements chromatiniens sont parfois nécessaires à la fixation de facteurs trans- régulateurs (Ott, et al., 2009), nous avons choisi d’utiliser deux longueurs de promoteur différentes, une relativement courte (P-604pb) et une plus longue (P-1986 pb). L’activité transcriptionnelle de ces constructions a été évaluée dans différentes lignées cellulaires (Figure 49).

WT c.1-148A>G 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 pxpB pxpF pxpB pxpF pxpB pxpF pxpB pxpF promoteur WT promoteur muté RLU n=2 n=4 n=3 n=2 * **

HeLa HEK IB3-1 S9

P-640 P-1986 P-640 P-1986 P-640 P-1986 P-640 P-1986

A B

Figure 49. Etude de fonction des promoteurs wt et muté de CFTR. (A) Séquence des promoteurs wt et muté en position c.-148. (B) Mesure de l’activité transcriptionnelle du promoteur CFTR wt ou muté (c.-148A>G). Les constructions de gène rapporteur luciférase sous le contrôle des promoteurs P-640 et P-1986 wt ou mutés (c.-148A>G) ont été transfectées dans les cellules HeLa, HEK, IB3-1 et S9. Les résultats sont exprimés en RLU, normalisés par la Renilla (contrôle d’efficacité de transfection). Le nombre d’expériences indépendantes réalisées est indiqué en dessous de chaque lignée cellulaire. Le calcul statistique n’a pu être réalisé que pour les cellules HEK (n=4), par un test de Student unilatéral pairé : * p<0,05 ; ** p<0,01.

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A cause du faible nombre d’expériences, le calcul de significativité statistique n’a pu être réalisé que dans les cellules HEK (p<0,05), mais le même type de résultat a été retrouvé dans toutes les lignées testées : de manière inattendue, on observe une activité plus forte du promoteur muté P-640 ou P-1986 par rapport au promoteur normal, variant entre +20% et +100% selon les cellules et les constructions (Figure 49 B).

L’analyse in silico du variant montre qu’il induit des changements dans le potentiel de fixation d’un certain nombre de facteurs de transcription (Figure 50). Une analyse antérieure de la séquence entière du promoteur CFTR normal par la suite Genomatix avait prédit à proximité immédiate de la mutation la fixation du facteur TIEG/EGRα (TGF-β Inducible Early Gene/Early Growth Response α), le TGFβ étant connu pour diminuer la quantité d’ARNm CFTR dans les polypes de patients CF (Pruliere- Escabasse, et al., 2005). Le site de consensus rapporté de TIEG est (5’-GGTGTG-3’) (Chrisman and Tindall, 2003). On peut penser que la substitution A>G induit des changements de l’environnement chromatinien immédiat de ce facteur, modifiant partiellement sa liaison. Par ailleurs, les logiciels TRANSFAC et AliBaba prédisent des changements de sites Sp1, type de sites sur lesquels la liaison de TIEG a déjà été rapportée, et des variations du site EGR1 (Early Growth Response gene 1) induit par le TGFβ. AliBaba v.2.1 --- RREB-1 --- --- RREB-1 --- --- Sp1 --- --- MZF1---- --- RREB-1 --- TFSEARCH v.1.3 JASPAR

Promoteur WT Promoteur variant

C.1-148A>G

--- FOXC1---- --- Sp1 ----

--- MZF1 ---- --- MZF1 ----

--- EGR1 ---- --- EGR1 ------- EGR1 ---- - ZNF354C- Outils

bioinformatiques

Figure 50. Représentation des variations dans les sites potentiels de liaison de facteurs de transcription, d’après les bases de données bioinformatiques AliBaba, Transfac et Jaspar.

Résultats

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Afin d’étudier si un facteur induit par le TGFβ pouvait être impliqué dans la régulation de CFTR, nous avons activé cette voie dans nos cellules, après transfection du système promoteur CFTR/gène

luciférase (TGF-β Millipore, à la dose de 20 ng/mL pendant 24h).

0 0,5 1 1,5 2 2,5 WT WT P-640 WT P-640 muté Control TGFβ RLU

Figure 51. Influence du TGFβ sur l’activité transcriptionnelle du promoteur wt ou muté (c.-148A>G). 24h après transfection des constructions wt et mutée du promoteur P-640, les cellules ont été traitée ou non par le TGFβ (20 ng/mL) pour 24 heures. Résultats de 2 expériences indépendantes.

Le traitement de 24h par TGFβ n’entraîne pas de variation de l’activité transcriptionnelle du promoteur wt, tandis qu’une augmentation d’environ 30% de l’activité est observée pour le promoteur muté (Figure 51).

Quelques temps après avoir réalisé ces expériences, nous avons pu obtenir un échantillon d’ARN de la patiente, issu d’un brossage de cellules épithéliales nasales. L’analyse des transcrits de CFTR ne montre aucune anomalie, tant sur le plan qualitatif (non présenté ici) que quantitatif (Patiente P,

Figure 52), par comparaison à des témoins sains (témoins ne portant aucune mutation dans les régions codantes de CFTR). Ainsi, dans son échantillon de cellules nasales, la quantité d’ARNm CFTR de la patiente était semblable à celle de nos témoins lors du prélèvement.

135 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 1 2 3 4 5 6 7 Q ua nt it é d’ A R N m C FT R rel at iv e

Témoins sains Patients

R

P

Figure 52. Quantification de l'ARNm issu de cellules épithéliales nasales par PCR en temps réel. L’ARNm de patients et de témoins a été extrait à partir de brossages de cellules épithéliales nasales, rétro-transcrit en ADNc et amplifié par Q-PCR en technologie TaqMan. Les résultats sont rapportés au gène de ménage KRT18, en prenant comme référence un témoin sain (R). L’échantillon correspondant à la patiente P est indiqué par une flèche et représenté en rouge.

Le TGFβ est une des cytokines pro-fibrotiques les plus importantes, impliquée notamment dans la réparation tissulaire et l’inflammation (Lee, et al., 2004). Une étude a montré l’augmentation du TGFβ dans le surnageant de culture de cellules épithéliales bronchiques de type CF par rapport aux cellules non CF (Perkett, et al., 2006). Par ailleurs, le TGFβ diminue l’expression de CFTR dans les cellules de polypes de patients CF et dans les cellules de colon T-84 et HT-29 (Howe, et al., 2004; Pruliere-Escabasse, et al., 2005).

Nos expériences de gène rapporteur sur le promoteur muté (c.-148A>G) de la patiente montrent une activation par le TGFβ, tandis que le promoteur wt ne varie pas, dans les cultures de cellules bronchiques CF IB3-1. Cette action pourrait être médiée par les protéines TIEG ou EGR1, dont l’expression est induite par le TGFβ. Des expériences de surexpression ou d’extinction de ces facteurs pourraient apporter des éléments de réponse à cette interrogation. Bien que nous nous soyons plutôt attendus à observer une diminution de la transcription, compte-tenu du phénotype de la patiente, les résultats montrent une différence de régulation entre le promoteur muté et le promoteur wt, avec une augmentation de l’activité transcriptionnelle associée au mutant. La quantification des transcrits issus de cellules épithéliales nasales montre un taux d’ARNm comparable aux témoins sains. La quantification des transcrits allèle spécifique (allèle portant la mutation F508del vs c.-148A>G) n’a pas été réalisée, mais la mutation F508del n’est pas connue pour causer des variations de stabilité de l’ARNm. Le mutant du promoteur ne semblait donc pas entraîner de variation de la quantité d’ARNm. Cependant, ceci n’est pas en contradiction avec nos résultats : cette quantification d’ARNm reflète le taux présent dans les cellules nasales, et non pas dans les cellules bronchiques, à un moment donné. On peut penser que c’est seulement dans certaines

Résultats

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conditions de stimulation que le promoteur se comporte de façon anormale chez la patiente, ce qui expliquerait son phénotype très modéré, avec un test de la sueur intermédiaire témoignant de la fonction résiduelle de CFTR. Par ailleurs, il serait intéressant de séquencer chez cette patiente le gène codant le TGFβ, qui a été décrit comme gène modificateur de la pathologie pulmonaire, afin d’établir si elle porte des polymorphismes particuliers (Bremer, et al., 2008).

Bien que des études complémentaires soient nécessaires pour comprendre le mécanisme à l’origine de la pathologie modérée de la patiente présentée ici, l’ensemble des outils mis en place permet une première approche fonctionnelle rapide pour l’analyse des nouveaux variants du promoteur CFTR chez les patients. Ces essais fonctionnels s’inscrivent dans un contexte d’implantation de l’étude qualitative et quantitative des ARNm issus de cellules épithéliales nasales dans le laboratoire de diagnostic moléculaire. La description fonctionnelle de nouveaux mutants permettra de mieux comprendre la relation génotype-phénotype, particulièrement pour les formes modérées.

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