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Propriétés à considérer en chimie de coordination

Chapitre I. Introduction

II.2 Propriétés à considérer en chimie de coordination

II.2.1 Énergies d’ionisations

Les similarités entre lanthanides et éléments du groupe 3 sont en fait essentiellement dans le domaine de la chimie de coordination. La propriété commune la plus évidente est la suivante : tous ces éléments sont très réducteurs (E0M3+/M proche de -2,0 V)64 et sont stables dans les conditions normales de la chimie de coordination dans leur état d’oxydation (+III). Si la constance de cet unique degré d’oxydation stable est « classique » au sein d’un même groupe, ce phénomène est moins courant au sein d’une même série, et n’apparaît que dans le bloc f.

Les troisièmes et quatrièmes énergies d’ionisations en fonction de Z, le numéro atomique, ont une évolution très particulière pour les lanthanides et sont présentées en Figure 4.

Figure 4 : Energies de troisième ionisation pour les éléments du Lithium au Hafnium81 et de quatrième ionisation pour les éléments du Barium au Hafnium82 en fonction du numéro atomique.

L’énergie de troisième ionisation des éléments f présente la même figure de croissance avec une rupture et une reprise pour la sous-couche demi-complète que pour les électrons p et d, mais avec une amplitude de variations beaucoup moins

importante. Le tri-cation est ainsi très facilement accessible pour l’intégralité des lanthanides.

Si la rupture de pente au niveau de la couche demi-complète a été reliée aux interactions d’échange et de corrélation,81 la décroissance d’amplitude entre les couches p, d et f est due à la décroissance de l’écrantage des électrons au sein de ces couches.82 La faible valeur de l’écrantage f est ainsi particulièrement importante pour la constance du degré d’oxydation (+III) dans la série des lanthanides.

L’énergie d’ionisation à mettre en jeu pour atteindre l’état Ln4+ est de l’ordre de la somme des trois premières énergies d’ionisation de chaque élément 4f, et est comparable à l’énergie de troisième ionisation du zinc par exemple. (Figure 4). Cet état n’est donc pas accessible dans les conditions de la chimie de coordination. Pour les éléments scandium et yttrium, la troisième ionisation permet d’atteindre la configuration électronique du gaz rare le plus proche. La quatrième ionisation est ainsi particulièrement défavorable dans ces deux cas.

En dehors des éléments tels l’europium, l’ytterbium et le samarium, pour lesquels l’état d’oxydation (+II) est relativement stable, la chimie de coordination des terres rares concerne essentiellement le degré d’oxydation (+III). Il existe cependant de rares exemples de complexes monométalliques de scandium, d’yttrium83,84 et des lanthanides usuellement trivalents85 pour lesquels le métal est au degré d’oxydation (+II)86–90 ou (0).91

II.2.2 Rayon ionique

Le tracé de l’évolution du rayon ionique en coordinance 6 pour les tri-cations du groupe des terres rares par numéro atomique croissant est représenté en Figure 5.

Figure 5 : Evolution du rayon ionique en coordinance 6 au sein du groupe des terres rares.92 La position du lutécium dans la continuité des lanthanides paraît naturelle (on n’attend pas de changement remarquable du rayon ionique en passant des configurations [Xe] 4f13 pour Yb3+ à [Xe] 4f14 pour Lu3+). On constate que le rayon ionique de l’yttrium est très proche de celui de l’holmium et enrichit la série des tri-

Sc3+ Y3+ La3+ Ce3+ Pr3+ Nd3+ Pm3+ Sm3+ Eu3+ Gd3+ Th3+ Dy3+ Ho3+ Er3+ Tm3+ Yb3+ Lu3+ Y3+ Sc3+ 0,4 0,8 1,2 R ay o n ion iq u e (Å) Lanthanides Groupe 3

cations lanthanides. Au contraire le scandium en est relativement éloigné, et peut être vu comme une extrapolation de cette série. Ainsi, les terres rares forment une série de trications au pouvoir polarisant proche, à l’exception du scandium qui a un pouvoir polarisant remarquable dans ce groupe.

II.2.3 Orbitales de valence

Il découle des paragraphes précédents que la couche de valence des éléments du groupe 3 est constituée des orbitales ns et (n-1)d, mais que les orbitales np sont également impliquées dans les interactions avec le ligand. Pour l’espèce M3+, les trois types d’orbitales sont mis en jeu.

Si la couche de valence des lanthanides est quant à elle formée des orbitales 6s et 5f, ces dernières sont trop concentrées à l’intérieur du cœur Xénon pour intervenir de manière conséquente dans la coordination de ce métal. Le recouvrement des orbitales f avec les orbitales moléculaires d’un éventuel ligand est très faible, même s’il a été montré qu’il était non nul.93 Les autres orbitales vacantes pouvant entrer en jeu pour la construction d’une interaction à caractère covalent sont les orbitales 5d.94 Dans la plupart des modélisations, les orbitales f sont incluses dans un potentiel de cœur,95,96 et seules les orbitales 5s, 5p, 5d et 6s sont explicitement traitées. Contrairement aux métaux de transition, les orbitales 6p vacantes n’interviennent pas dans la description de l’espace actif pour les lanthanides.97

D’une manière générale, le groupe des terres rares se définit par :

- La constance du degré d’oxydation (+III) pour tous les membres de ce groupe, et le fort pouvoir réducteur des quelques éléments accessibles dans leur degré d’oxydation (+II) (Sm, Eu, Yb le plus couramment, Tm, Dy, Nd, Y, Sc dans de rares cas)

- Un rayon ionique relativement important comparativement à celui des métaux de transition, mais décroissant quasi-continûment du lanthane à l’ytterbium, en incluant l’yttrium.

- Des orbitales de valence hautes en énergies, de symétrie s, d, et p dans le cas de l’yttrium et du scandium.

Les interactions des terres rares avec leurs ligands sont souvent considérées comme essentiellement ioniques, et l’inaccessibilité de tout autre degré d’oxydation que le degré III interdit les processus classiques d’addition oxydante et élimination réductrice trouvés en catalyse. D’autres processus sont cependant possibles, qui ne nécessitent pas d’impératifs de symétrie comme dans le cas des complexes de métaux de transition mettant en jeu des orbitales d facilement accessibles.91

Dans ce groupe, le scandium fait cependant figure d’exception : ses orbitales de valence de symétrie d sont en effet relativement basses en énergie, et comparables à celles du chrome par exemple, tandis que tous les autres membres du groupe des terres rares ont des orbitales d d’énergie supérieure à celle de tout élément de

transition en dehors du groupe 3 (Figure 2). Sa petite taille au sein du groupe des terres rares lui confère un pouvoir polarisant important. Enfin, la proximité spatiale de ses orbitales 3d par rapport aux orbitales du cœur argon le différencie clairement des autres éléments, de la même manière que les éléments de la première série des métaux de transition se différencient des éléments des séries suivantes. Finalement, dans son livre d’introduction à la chimie des terres rares, Simon Cotton insiste sur le fait que « la chimie du scandium diffère à la fois de celle des métaux de transition et de celle des terres rares. »98

II.3 Chimie de coordination des terres rares au degré