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Comparaison entre les interactions scandium-dianion et scandium-

Chapitre II. Carbènes de Scandium

II.1.3 Comparaison entre les interactions scandium-dianion et scandium-

scandium-monoanion.

Un grand nombre de complexes de lanthanides porteurs du ligand DPPM(NTMS)2 ont été synthétisés par déprotonation in situ du ligand neutre à l’aide d’un complexe tris alkyl lanthanide (équation 7 et 8).25 La fiabilité de cette stratégie s’est montrée dépendante de la taille de l’ion lanthanide : pour les plus gros d’entre eux, la réaction va jusqu’à la protonation des trois ligands alkyls présents pour donner un complexe mixte dianion-monoanion (Chap. I, III.2.1.a). Deux ligands alkyls sont protonés pour les métaux de rayon ionique intermédiaire (Y, Er) pour donner un complexe mixte dianion-alkyle, et aucune double déprotonation n’a été observée avec

les éléments les plus petits, tels le thulium, le lutécium et le scandium. Cette différence de réactivité peut être reliée à l’encombrement stérique important du ligand utilisé, qui est défavorable à la coordination des métaux de faible rayon ionique.

Dans notre cas, l’encombrement du ligand 1 étant moins important que celui des bis-(iminophosphoranyl)méthanediure, les éléments de taille plus petite, tel le scandium doivent être plus facilement accessibles.

L’addition d’un équivalent de ligand neutre 1-H2 à une solution de tris-benzyle scandium dans le benzène provoque un rapide éclaircissement de la solution initialement orangée. Après une heure de réaction, trois signaux sont visibles en RMN du phosphore : une espèce majoritaire apparaît à 8,5 ppm (complexe 5, équation 9), et deux signaux d’égale intensité à 33,4 ppm et à 14,8 ppm (complexe 4, équation 10). Le ligand neutre, caractérisé par un signal à 35 ppm, a donc été totalement consommé. La RMN du proton révèle qu’il reste encore du complexe tris-benzyle scandium ainsi qu’une partie de ligand sous forme monoanionique (complexe 4). Au bout de huit heures, il ne reste en solution plus que l’espèce 5 caractérisée par un signal à 8,5 ppm en RMN du phosphore. La disparition de l’intégralité du tris-benzyle scandium est confirmée par RMN du proton, ainsi que l’apparition d’un nouveau signal CH2ˉ à 2,7 ppm et la formation de deux équivalents de toluène. Il semblerait donc qu’au cours de la réaction, le ligand une fois ou deux fois déprotoné puisse s’échanger et passer d’un centre scandium à l’autre, pour finalement évoluer vers la forme la plus stable pour lequel un équivalent de benzyle reste coordiné (équation 11). La libération de deux molécules de toluène suggère une double déprotonation du ligand, de même que le déplacement en RMN du phosphore, proche de celui des complexes 2a et 2b. D’autre part, la résolution et le déplacement des signaux du THF à 3,6 et 1,3 ppm en RMN du proton suggèrent une coordination au scandium. Les tentatives de cristallisation de l’espèce ont échouées, ce qui ne permet pas de confirmer la structure monomérique de

En revanche, la facilité avec laquelle l’espèce 4 se forme suggère qu’il peut être possible de l’obtenir de manière quantitative suivant l’équation . Ainsi, lorsque deux équivalents de ligand neutre 1-H2 sont mis en présence de tris-benzyle scandium, on observe un même éclaircissement de la solution, qui cette fois passe de orangé à jaunâtre. En RMN apparaît la formation de trois équivalents de toluène, en même temps que la croissance de deux signaux phosphore à 33,4 ppm et 14,8 ppm, d’égale intensité, le premier apparaissant sous forme d’une bosse large lorsque le phosphore n’est pas découplé du proton. n voit également un proton à ,9 ppm avec un couplage de 2 Hz, correspondant à un couplage 2JPH faible.

Des cristaux du complexe 4 ont été obtenus par diffusion lente (deux mois) de pentane dans une solution de 4 dans le toluène; sa structure est présentée en Figure 8. Le scandium est ici heptacoordiné, dans un environnement beaucoup plus éloigné de la symétrie octaédrique que précédemment. L’axe -Sc1-S4 est quasi- orthogonal au plan contenant les atomes S1, C1, S2, S3 (la somme des angles autour du scandium est de 359°). Les distances Sc1-C1, C1-P1 et C1-P2 sont inchangées par rapport au complexe 2b. Le carbone C1 reste plan (357° pour la somme des angles autour de ce carbone).

Figure 8 : Vue ORTEP du complexe 4. Les atomes d’hydrogène et le deuxième complexe inclus

dans la maille ne sont pas représentés ; l’hydrogène H26 a été placé géométriquement. Un désordre sur un phényle a été omis pour plus de clarté. Sélection de paramètres structuraux (distances en Å et angles en °) : Sc1-C1 2,204(4), Sc1-C26 2,610(4), Sc1-S1 2,697(1), Sc1-

S2 2,689(1), Sc1-S3 2,840(1), Sc1-S4 2,641(1), Sc1-O1 2,212(3), C1-P1 1,666(4), C1- P2 1,665(4), C26-P3 1,732(3), C26-P4 1,755(3), C1-Sc1-C26 143,9(1), P1-C1-P2 149,1(2), P1-C1-Sc1 102,7(2), P2-C1-Sc1 103,9(2), P3-C26-P4 123,0(2), P3-C26-Sc 193,8(2), P4- C26-Sc1 90,1(1). Somme des angles autours de C1: 357°; somme des angles autours

de C26: 306,9.

On remarque également la différenciation entre les atomes de soufre équatorial et axial du monoanion. Le premier, situé en trans d’un soufre du dianion, est positionné à 2,840(1) Å du scandium le second n’est qu’à 2,64 ( ) Å, et est en trans de la molécule de THF. Au contraire, les distances scandium–soufre pour le dianion sont quasi-inchangées, que l’atome en position trans soit un soufre (2,689(1) Å) ou le carbone monoanionique (2,697(1) Å). Ces distances sont proches de celles observées au sein du complexe 2b (2,62 ( ) Å et 2,6 8( ) Å), pour lequel il n’y a pas d’interaction avec un ligand trans. Ce comportement contrasté des atomes du soufre dans sa coordination au scandium d’un ligand à l’autre marque une interaction forte entre le scandium et le dianion, qui ne montre pas d’effet trans pour les atomes de soufre, et une interaction relativement plus faible entre scandium et le monoanion, mis en évidence par un effet trans marqué sur les atomes de soufre du monoanion.

La méthode de synthèse utilisée ici se révèle très souple. Le faible encombrement stérique apporté par les groupements sulfure de phosphine a permis par cette méthode d’accéder très simplement à des complexes mixtes dianion- monoanion du plus petit élément du groupe des terres rares. Si cette méthode a échoué avec des substituants iminophosphorane, elle devrait être applicable également au ligand mixte sulfure de phosphine-iminophosphorane développé par Gimeno26,27 et So,28 (Schéma 22 : Réactivité de complexes de platine porteur d’un dianion géminé stabilisé par des phosphores hypervalents de type

iminophosphoranyle157 et de palladium158 porteur de l’analogue soufré.Schéma 22) et à d’autres précurseurs de carbène stabilisés par des phosphores hypervalents mais trop peu stables pour être isolés sous forme dianionique. Cependant, l’utilisation du dianion lui-même reste la voie privilégiée pour l’obtention d’un complexe bis- carbénique.

Schéma 24 : Ligands dissymétriques développés par Gimeno susceptibles d’être efficaces pour

l’obtention de complexes mixtes dianion-monoanion par déprotonation dans la sphère de coordination d’un métal.