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Une proposition misant sur la capacité d’innovation de l’entreprise 72

5   PROPOSITIONS PRAGMATIQUES DESTINÉES SPÉCIFIQUEMENT À L’ENTREPRISE 67

5.4   Une proposition misant sur la capacité d’innovation de l’entreprise 72

La participation au développement durable de l’entreprise que nous venons d’évoquer nous semble une piste intéressante pour penser une approche pragmatique destinée à l’entreprise susceptible d’obtenir un certain appui de la société civile puisqu’elle cherche à être inclusive à son égard. Jeffrey G. York (2009) dans son article Pragmatic Sustainability : Translating Environmental Ethics

into Competitive Advantage, nous permet d’entrevoir d’autre part comment il serait possible

d’articuler une telle approche en des termes qui pourraient également intéresser l’entreprise.

Selon York, l’éthique pragmatique serait en fait tout indiquée pour guider l’entreprise afin qu’elle contribue davantage au développement durable. Le langage du pragmatisme est non seulement compatible avec celui de l’entreprise, affirme-t-il dans son article, mais les méthodes qui lui sont associées peuvent aussi être bénéfiques à cette dernière et ce, à différents niveaux. À cet égard, l’une des particularités du pragmatisme serait de mettre l’accent sur l’expérimentation et l’innovation. Voilà deux clés qui permettraient aux entreprises de participer au développement durable d’une façon pouvant être tout aussi bénéfique à la société qu’elle pourra être profitable aux entreprises elles-mêmes, en donnant notamment à ces dernières des outils leur permettant de

découvrir les façons les plus rentables et les plus socialement acceptables de mieux prendre en compte l’environnement. Rappelons-nous à cet effet que le pragmatisme propose des méthodes nous aidant à clarifier des situations complexes et à mieux éclairer la conduite à tenir en de telles circonstances, puisqu’elle cherche à travers la mise en œuvre de processus d’enquête et par l’expérimentation à réduire au maximum les incertitudes quant au futur. Ce faisant, elle s’intéresse tout autant à des questions d’ordre pratique que des questions d’ordre éthique, les deux étant constamment entremêlées (Norton, 2005a). Le pragmatisme encourage ainsi le développement d’une vision globale et à plus long terme, qui est tout à fait compatible avec les exigences du développement durable. Par son ouverture à une pluralité de valeurs, il permet de le faire par ailleurs sans pour autant perdre de vue que l’entreprise, pour exister, se doit d’être rentable.

L’éthique pragmatique peut ainsi très bien s’accommoder avec le fait qu’une multitude de facteurs différents peuvent pousser une entreprise à mieux prendre en compte l’environnement. York souligne à cet effet que plusieurs entreprises comme 3M, Proctor and Gamble et Patagonia ont déjà réussi à intégrer la prise en compte de l’environnement dans leur modèle d’affaires tout en demeurant non seulement très rentables, mais en augmentant même leur profitabilité et qu’elles l’ont fait en s’appuyant sur des motivations fort différentes. Pour 3M, mieux prendre en compte l’environnement s’intégrait parfaitement à sa mission d’affaire qui est d’innover pour résoudre des problèmes complexes. Il était important cependant ce faisant que chacune des actions ainsi posées puisse se révéler économiquement rentable. Pour Proctor and Gamble, la prise en compte de l’environnement est venue plutôt de demandes de sa clientèle, alors que pour une entreprise comme Patagonia, elle était liée aux convictions environnementalistes du fondateur de l’entreprise. Malgré leurs motivations fondamentalement différentes, ces trois compagnies ont été reconnues comme des leaders en environnement et ont ainsi démontré qu’il n’y avait pas juste une façon de devenir plus verte. Dit autrement, il y aurait de multiples raisons pour une entreprise de mieux prendre en compte l’environnement, aucune n’étant a priori meilleure que les autres pour produire des résultats probants. L’éthique pragmatique, qui n’est résolument pas « moralisante », comme le souligne Émilie Hache dans son ouvrage (Hache, 2011), peut très bien, il nous semble, s’accommoder de cette réalité et pourrait ainsi permettre au gestionnaire de rencontrer l’entreprise là où elle est, afin de l’aider à cheminer moralement.

En sommes, il appert donc qu’une approche de gestion environnementale s’appuyant sur l’éthique pragmatique serait susceptible d’intéresser tant les entreprises que les gestionnaires en environnement. On a vu auparavant qu’elle serait aussi susceptible d’intéresser au moins une partie de la société civile puisqu’elle se veut inclusive à son égard. Reste à voir plus précisément comment une telle approche pourrait s’articuler dans les faits.

6. LECTURE PRAGMATIQUE DE LA NORME BNQ 21000 ET DÉVELOPPEMENT D’UNE PROPOSITION PRATIQUE ORIGINALE DESTINÉE À L’ENTREPRISE

Afin de développer une proposition pratique visant à aider l’entreprise à mieux prendre en compte l’environnement, nous allons d’abord proposer, dans ce dernier chapitre, une lecture pragmatique de la norme BNQ 21000, en nous appuyant sur l’ensemble du travail qui a été fait dans les trois chapitres précédents. Cette lecture nous semble essentielle, étant donné que nous n’avons pas pu trouver, dans le cadre de la revue de la littérature réalisée pour cet essai, de proposition pragmatique destinée à l’entreprise qui soit suffisamment élaborée et applicable au contexte québécois, bien que le chapitre précédent, comme nous avons pu le constater, nous a permis de tracer les grands contours d’une telle proposition. Pour tenter de pallier cette lacune et comme mentionné dans la méthodologie, l’objectif de cette lecture sera d’évaluer si la norme BNQ 21000, qui est elle-même une proposition très élaborée et adaptée au contexte québécois et qui vise justement à guider l’entreprise en matière de développement durable, ne pourrait pas servir de base ou de référence à une démarche pragmatique destinée à l’entreprise, qui pourrait rejoindre dans ses grandes lignes le type d’approche que nous avons décrit au chapitre précédent; dans l’éventualité où la norme ne serait en fait pas suffisamment compatible avec ce type d’approche, la confrontation d’idées entre la norme et les différentes propositions analysées précédemment devrait nous permettre, du moins on l’espère, de définir un peu mieux ce que pourrait proposer au juste en termes pratiques une approche pragmatique originale.

Comme on l’a déjà dit plus tôt, on a choisi de faire une lecture de la norme BNQ 21000 parce qu’elle nous semble être un des outils parmi les plus intéressants et les plus originaux mis à la disposition des entreprises québécoises. Une des idées fortes de cette norme est de permettre à l’entreprise de s’initier au concept de développement durable, en s’appuyant sur la définition proposée dans la Loi sur le développement durable du Québec. La norme cherche ainsi à traduire les principes proposés dans cette loi en utilisant un langage qui serait mieux adapté à l’entreprise, rejoignant ainsi un des aspects les plus importants de l’approche pragmatique destinée aux collectivités que nous avons développée au chapitre 4. La norme donne aussi accès à un impressionnant savoir théorique et pratique en matière de gestion environnementale. Le manuel de gestion qui accompagne la norme, dont on a déjà parlé, nous permet d’en apprendre encore plus à cet égard. Vu ses qualités évidentes, l’approche BNQ 21000 pourrait-elle nous guider pour développer une démarche pragmatique destinée à l’entreprise? C’est ce que nous chercherons à découvrir dans la suite du texte, en commençant par proposer au lecteur une brève description de cette norme.