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AMPHORES TARDO-PUNIQUES

II.1.4.2. Proposition de définition sur les amphores tardo-puniques

La relation de causalité entre les amphores tardo-puniques et l’intégration au monde romain implique une approche phénoménologique qu’il faudrait justifier. Mais la mise en lumière de

Production, diffusion et consommation des amphores tardo-puniques en Méditerranée Occidentale

85 l’hétérogénéité du monde phénicien occidental implique d’abord d’expliciter dans quel espace se déploierait notre définition. L’histoire de la Sicile punique n’est pas la même que celle de Carthage ou d’Utique. Face à l’existence de ces particularités historiques, en conjonction avec les présupposés exposés précédemment, le champ d’action de notre étude doit nécessairement être limité au le seul espace du Cercle du Détroit. La définition du mobilier tardo-punique que l’on souhaiterait énoncer provient en grande partie de notre étude des contextes archéologiques de ce secteur. Mais il faut souligner que d’autres espaces auparavant « puniques » semblent avoir été confrontés à des situations similaires. Ils renvoient par contre à un cadre chronologique et culturel en partie distinct, lequel fut marqué de manière beaucoup plus sensible par l’influence de Carthage que pour la zone du détroit. Par ailleurs, l’état de la recherche sur le mobilier tardo-punique induit de se concentrer sur le mobilier du détroit de Gibraltar. Étendre l’étude de cette continuité à d’autres secteurs de la Méditerranée est un travail d’autant plus important. Il dépasse toutefois le cadre actuellement admis pour le mobilier tardo-punique et demanderait à effectuer une étude difficilement réalisable dans le cadre d’un travail de doctorat. Les résultats que l’on va présenter devraient, pour l’instant, être associés au cadre historique des Phéniciens du détroit durant l’époque tardo-républicaine.

Le concept de Cercle du Détroit rend compte des particularités de ces populations, notamment du point de vue de leur unité culturelle et économique. Ce paradigme a établi une distinction avec les autres espaces « puniques », laquelle a été prouvée par l’archéologie (Callegarin, 2008, p. 290-291). Cette différenciation est également confortée par l’absence manifeste de structures de type tophet dans l’espace du Cercle du Détroit (D’Andrea et Giardino, 2013, p. 2-4)66.

Par ailleurs, les données textuelles et archéologiques nous amènent à voir l’incorporation des populations du détroit en fonction d’un processus politique, d’abord, mais également social et culturel. Suite à la conquête de l’Ulterior, les situations historiques du secteur du détroit en ont fait un champ d’expérimentation pour certains mécanismes d’intégration romains (Navarro Santan, 2011, p. 142-145 ; Gordón Peral, 2011, p. 209-213). C’est dans l’Ulterior que sont apparues des formes inédites de contrôle des cités et de formalisation des rapports « provinciaux », avec et par Rome. On doit souligner, par exemple, que la cité de Carteia (baie d’Algésiras, Espagne) a été la première colonie latine hors d’Italie.

Le déploiement de cette intégration semble avoir été associé à une transformation des activités économiques et des circuits commerciaux (Pina Polo, 2011, p. 48-49 ; Chic García, 2011). Ces mutations sont clairement observables dans le mobilier amphorique (Ramón Torres, 2012). On devrait souligner que les autres espaces phéniciens occidentaux ont été respectivement confrontés à des

66 Les travaux de ces deux chercheurs offre d’ailleurs des éléments intéressants quant à l’extension géographique du Cercle du Détroit, en tant qu’entité culturelle. Ils s’attachent tout particulièrement à examiner les modifications qui marquèrent les tophet durant une éventuelle phase tardo-punique. Le cas du tophet de Volubilis a déjà été évoqué auparavant (supra, p. 15-18).

86 phénomènes en partie similaires. Il semble toutefois qu’il faille les distinguer, car ils répondaient à des configurations – qu’elles soient socio-culturelles, économiques ou encore politiques – bien différentes, tant pour Rome que pour les Phéniciennes occidentaux.

On propose, pour l’heure, de circonscrire géographiquement la notion d’amphore tardo-punique à l’espace phénicien occidental du Cercle du Détroit. On choisit ici de restreindre l’extension de ce Cercle du Détroit, en suivant les commentaires de L. Callegarin et F.-Z. El Harrif (2000, p. 23-25). L’espace du Cercle du Détroit envisagé correspond à la zone entre le delta du Guadalquivir et Baria pour l’Ibérie, entre Sala et Rusaddir pour la Maurétanie. On pourrait argumenter sur une éventuelle extension plus importante de ce cadre géographique. L’agglomération d’Ibushim/Ebusus (Ibiza, Espagne), par exemple, est régulièrement évoquée comme une implantation phénicienne occidentale à associer au Cercle du Détroit67. Néanmoins, on doit souligner que cette cité renvoie à des situations historiques en partie distinctes de celles des agglomérations du détroit.

Le premier établissement phénicien d’Ibiza fut remplacé par une implantation, probablement d’origine carthaginoise, vers le 6ème s. av. J.-C. Cette agglomération, davantage punique au sens moderne du terme, fut dès le départ pensée comme un centre urbain (Ibid., p. 21-22). On ne retrouverait donc pas les mêmes phénomènes que pour les autres cités phéniciennes du détroit, bien qu’ils se soient déroulés vers la même période. En outre, le répertoire céramique d’Ibushim montre d’importantes divergences par rapport aux cités du détroit, tant au niveau des amphores que pour la céramique commune (Ramón Torres, 2008, p. 84-86). Enfin, de profondes incertitudes subsistent sur la chronologie d’intégration d’Ibiza au monde romain. On admet généralement que l’île serait devenue romaine vers le dernier quart du 2ème s. av. J.-C. (Ibid., p. 82-84), soit plus tard que les cités phéniciennes d’Ibérie mais avant la Maurétanie. Mais les conséquences des opérations romaines font encore débat (Orfila Pons, 2008, p. 21-35). Si Ebusus est présentée au 1er s. ap. J.-C. comme une cité fédérée, on n’est pas assuré de la date de ce traité et de ses modalités (García Riaza, 2003, p. 76-77).

Ebusus semble un cas à part. Il s’agit d’une cité en lien avec le monde punique, mais elle montre des traits matériels bien spécifiques, lesquels la différencient des agglomérations du Cercle du Détroit68. Ce constat n’implique pas qu’Ibiza n’ait pas été concernée par des dynamiques d’intégration face au monde romain, bien au contraire. Mais comme elle répondait à de situations historiques distinctes, tant dans sa fondation que dans ses rapports avec Rome, il nous semble qu’il faudrait considérer ces phénomènes de manière singulière69. Dans ces conditions, on est conduit à écarter le mobilier

67 Des découvertes récentes invitent à envisager l’installation d’un établissement phénicien sur l’île d’Ibiza dès le 8ème s. av. J.-C. (Ramón Torres, 2013, p. 19-20).

68 Le cas d’Ibiza reste très intéressant. Bien que la chronologie de la conquête d’Ebusus reste incertaine, on note une transformation du répertoire amphorique de l’île entre la fin du 2ème s. av. J.-C. et le début du 1er s. av. J.-C. Savoir si l’on pourrait lier les deux phénomènes me semble être un point à approfondir. La question d’une considération en tardo-punique renverrait par contre à une définition plus large de l’intégration des populations phéniciennes occidentales dans le monde romain. Il s’agit toutefois d’une problématique qui dépasse largement l’étude des populations du Cercle du Détroit.

Production, diffusion et consommation des amphores tardo-puniques en Méditerranée Occidentale

87 amphorique d’Ebusus de cette première définition des conteneurs tardo-puniques. On doit toutefois souligner qu’il s’agit d’une étape préliminaire face à une lecture davantage phénoménologique. L’île d’Ibiza restait une communauté phénicienne occidentale liée au Cercle du Détroit, et il est clair que cette participation implique de nombreuses nuances. Mais l’objectif ici tient dans la délimitation du cadre d’étude. Il nous faut donc différencier et exclure, à partir du mobilier archéologique toujours, pour voir ensuite les correspondances.

Le cadre chronologique pour cette définition tiendrait dans l’évaluation des moments où commence et finit l’intégration des Phéniciens du détroit au monde romain. Comme terminus ad quem, on propose de prendre les dates de l’incorporation politique des communautés de cette aire géohistorique à l’état romain70. Mais plusieurs difficultés apparaissent dans cette première délimitation. Déjà, on ne dispose pas de l’ensemble des données historiques de cette intégration, la datation du passage sous contrôle romain de plusieurs cités n’étant pas avérée (López Castro, 1994). De plus, cette incorporation politique ne s’est pas effectuée au même moment pour l’ensemble du Cercle du Détroit, avec des différences entre la rive Nord et la rive Sud. On connaît précisément la date d’annexion de Gadir (avec le foedus de 206 avant J.-C.) mais pas exactement celle de Malaka, par exemple. Par ailleurs, il existe un différentiel de plus de deux siècles entre l’intégration formelle de la rive nord et celle de la rive sud du détroit de Gibraltar.

On pourrait prendre la chute de Baria (208 av. J.-C.) et la date du foedus gaditain (206 av. J.-C.) comme des premiers jalons chronologiques71. Outre l’importance et la qualité des données concernant ces deux agglomération, bien documentées par les sources, on doit souligner le rôle prépondérant que Gadir cette a eu dans le Cercle du Détroit (Domínguez Pérez, 2011 ; Niveau de Villedary y Mariñas, 2001). L’unité de cet espace géohistorique invite à ne pas en distinguer les deux rives. Bien que l’autorité effective de Rome sur la Maurétanie occidentale ait été établie plus tard que pour l’Ibérie, au 1er siècle après J.-C., de nombreux événements indiquent sa connexion antérieure au monde romain. L’Urbs a régulièrement participé aux transformations politiques des monarchies maurétaniennes, la réciproque étant vraie également. Le rattachement de Bocchus l’Ancien à la cause de Sylla, en 106 avant J.-C., ou encore la formation du protectorat romain sur le nouveau royaume de Juba II, sont autant d’attestations de ces relations ancienne entre la Maurétanie occidentale et Rome (Coltelloni-Trannoy, 1997, p. 10-13 ; Coltelloni-Trannoy, 2005).

La détermination d’un terminus a quo rencontre d’autres obstacles. Si un évènement spécifique peut signaler le début de l’intégration d’une population, ce n’est pas nécessairement le cas pour la

70 Par date d’incorporation il s’agirait d’entendre la date des traités ou évènements qui marquent le passage de ces communautés sous l’autorité effective de Rome, qu’elle soit directe ou indirecte.

71 Il serait adéquat d’envisager une fourchette chronologique entre la chute de Baria et le foedus de Gadir, soit 208-206 av. J.-C. Des interrogations subsistent cependant concernant les conséquences politiques de la chute de cette première cité.

88 détermination de sa fin éventuelle72. Cette remarque permet de soulever un autre point important. Si l’incorporation des communautés du Cercle du Détroit a débuté en connexion avec les événements militaires de la seconde Guerre Punique, son déroulement pourrait avoir été tributaire de phénomènes localisés. Il ne faut pas oublier que Rome se pensait avant tout comme une cité durant l’époque tardo-républicaine. L’autorité romaine envisageait donc les rapports interétatiques selon le schéma de la cité-État. La nature de ces relations aurait notamment répondu aux spécificités des liens entre une cité et Rome ou encore aux intérêts singuliers de l’autorité romaine avec telle ou telle communauté (Le Roux, 2011 ; Sanz, 2013, p. 25-32)73.

En vertu d’une éventuelle connexion entre les réalités sociales et les éléments matériels, les données archéologiques pourraient apporter quelques indications. On pourrait définir la fin de l’intégration des Phéniciens du détroit par rapport à la disparition de certains ensembles matériels, dont celle des amphores tardo-puniques. À l’échelle du détroit de Gibraltar, la Maurétanie Tingitane montre les indices les plus tardifs de fabrication des amphores déjà considérées comme tardo-puniques par l’archéologie espagnole74. En l’état actuel de nos connaissances, on peut envisager que l’arrêt de fabrication du mobilier tardo-punique ait eu lieu en parallèle avec le renforcement de l’influence romaine en Maurétanie. On pourrait prendre la date de la transformation du secteur en province sous Claude, vers 40-42 après J.-C., comme un autre jalon chronologique.

Un tel choix est en partie confirmé par les données archéologiques et historiques. D’une part, l’incorporation de la Maurétanie occidentale aurait davantage correspondu à la formalisation d’une situation politique déjà avérée que d’une véritable conquête (Coltelloni-Trannoy 1997, p. 19-27). De plus, la circulation monétaire et les données numismatiques de Maurétanie montrent d’importantes correspondances avec ce qui a été observé pour la rive Nord du détroit (Callegarin, 2008, p. 310-313), les principaux changements s’opérant vers l’époque augustéenne. On constate surtout d’importants changements dans le mobilier amphorique à partir du 1er s. ap. J.-C. (Pons Pujol, 2009, p. 90-95, 52-63 ; Coltelloni-Trannoy, 2005), notamment avec l’utilisation d’inscriptions peintes et la probable apparition de nouvelles formes de conteneurs.

Cette lecture de l’adjectif tardo-punique introduit des spécifications typologiques et terminologiques. En envisageant globalement l’environnement économique et technique d’un contexte, elle entraîne la réalisation d’une étude approfondie, depuis la production jusqu’à la distribution de ces

72 Les travaux de sociologie et de psychologie sur les marqueurs d’une intégration culturelle sont tous muet quant à la détermination précise d’une fin pour ce phénomène. Un tel raisonnement impliquerait de spécifier des variations dans l’intégration et d’en isoler des indicateurs objectifs, ce qui n’est pas encore envisagé par ces disciplines.

73 Tout autant que dans son rapprochement politique précoce, la situation économique stratégique de Gadir a probablement été un des facteurs de l’accommodement des romains à son égard.

74 Il existe une relation chronologique significative entre les événements liés à l’intégration politique des espaces du détroit de Gibraltar et les données matérielles. Les causes d’un tel parallèle sont encore à discuter.

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89 conteneurs. En outre, cette définition amène à ne pas étudier le mobilier provenant de sites productifs romanisés75. Par exemple, les amphores ovoïdes produites en Ibérie ne seraient pas tardo-puniques : il semble s’agir d’une adaptation d’une forme apparue en Italie ; elles sont marquées par un haut niveau de standardisation des pâtes et des formes ; leurs morphologies ne possèdent pas des caractères phéniciens occidentaux et leurs contextes productifs ne sont plus marqués par des techniques et une organisation phénicienne du détroit.

Nos remarques amènent à écarter de notre étude certains types parfois envisagés comme tardo-puniques. En l’occurrence, les classes amphoriques apparus avant l’époque romaine ne seraient pas tardo-puniques, dans le sens que l’on souhaiterait retenir ici. La fabrication de telles formes ne serait pas en relation avec l’intégration des riverains du détroit de Gibraltar par Rome. Ce mobilier nous semble plutôt traduire une continuité de production en connexion avec un phénomène de persistance culturelle. Bien que régulièrement envisagé comme tardo-punique, le type T-8.2.1.1 devrait, par exemple, ne pas être considéré comme tel selon cette définition. Par contre, l’examen des évolutions morphologiques de ce type permet d’observer une transformation sensible de sa forme, à partir du milieu du 2ème siècle avant J.-C. C’est cette évolution qu’il pourrait être intéressant de désigner comme tardo-punique et d’analyser comme tel.

Les conteneurs tardo-puniques seraient à considérer comme un ensemble matériel dont l’existence aurait été en correspondance avec l’incorporation politique, économique et culturelle des populations phéniciennes du détroit par Rome. Ce constat s’était déjà imposé à nous lors de nos travaux de Master. Mais comprendre et expliquer cette relation implique de ne pas seulement s’intéresser à l’histoire économique, traduite généralement par le mobilier amphorique. D’un point de vue phénoménologique, le caractère progressif et pluridimensionnel de l’incorporation socio-culturelle des Phéniciens du détroit amène à l’envisager sous le paradigme de l’acculturation, une lecture sur laquelle on est revenu au début de ce travail de doctorat (supra, p. 26-30). Ce paradigme n’interviendra pas dans la présentation des données et l’analyse des données matérielles. Il représente plutôt une piste de réflexion pour l’interprétation de notre objet d’étude mobilier, et donc pour sa définition.

75 Il peut être complexe de spécifier ce caractère « romanisé », notamment car cette notion suppose une unité qui n’était pas nécessairement présente durant l’Antiquité. Dans le cas du mobilier amphorique, trois facteurs à envisager conjointement pourraient être significatifs : le niveau de standardisation des conteneurs (au niveau de la pâte et de la morphologie), la divergence de l’organisation productive avec un modèle antérieur (occupation spatiale, techniques de production, structures sociales de l’appareil productif,…) ou la pluralité de caractéristiques physiques et morphologiques divergentes avec les modèles antérieurs (les volumes de production des différents ateliers). Les amphores tardo-puniques du détroit semblent marquées par une grande variabilité dans leur pâte et dans les modes de cuisson ; elles sont produites dans des ateliers où les techniques productives sont mixtes ; elles correspondent à des morphologies globalement inédites, ni tout à fait phénicienne, ni tout à fait romaine, mais qui possèdent de nombreux caractères toujours associables à une tradition productive phénicienne du détroit. À l’inverse, l’ensemble de ces caractères ne se retrouve plus dans la production des amphores ovoïdes du 1er s. av. J.-C.

90 Dans une démarche hypothético-déductive, c’est en confrontant les données empiriques au paradigme de l’acculturation que l’on souhaiterait considérer la validité de cette intuition. Il importe seulement ici d’expliciter cette relation, laquelle participe à la définition provisoire proposée pour le mobilier tardo-punique :

Les amphores tardo-puniques seraient une manifestation d’une transformation des environnements économiques et socio-culturels du Cercle du Détroit, après la seconde Guerre Punique. Il faudrait les interpréter comme des éléments matériels issus de l’incorporation des agglomérations de cette aire culturelle au monde romain (206 av. J.-C. – 42 ap. J.-C.). En raison de l’implication de ces conteneurs dans les relations économiques entre les cités du Cercle du Détroit et le monde romain, ils auraient également contribué à l’incorporation sociale et culturelle des populations de ce secteur.

Les spécifications évoquées amènent à s’intéresser à plusieurs aspects concernant ces amphores, notamment leurs modes de production et leurs voies de circulation. D’un point de vue typologique surtout, cette définition permet de préciser le mobilier à étudier. On va donc se concentrer sur les amphores marquées par l’association de caractères phéniciens et romains, fabriquées exclusivement entre 206 avant J.-C. et les années 40 après J.-C. Il s’agit maintenant de présenter clairement les caractéristiques typologiques retenues et les particularités de ces amphores.

Production, diffusion et consommation des amphores tardo-puniques en Méditerranée Occidentale

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II.2. P

RESENTATION TYPOLOGIQUE ET PETROGRAPHIQUE DES AMPHORES TARDO

-PUNIQUES

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L’archéologie a besoin d’isoler les différents états des artefacts pour réaliser une étude diachronique des phénomènes identifiés au cours de la fouille. L’observation des évolutions des divers éléments matériels représente donc un enjeu majeur de notre discipline (Boissinot, 2015b, p. 192-194). Mais cet examen se fonde sur des évaluations du mobilier éminemment etic. Elles produisent des classifications nécessairement artificielles. C’est le chercheur qui attribue une catégorie pour définir un état du répertoire matériel76. Mais le chercheur doit déjà parvenir à identifier ces différences, et leurs éventuelles correspondances avec les phénomènes historiques qu’il perçoit au préalable. Dans la réalité quotidienne des populations antiques, la situation était bien différente. La constitution d’une nouvelle forme n’était pas un phénomène ponctuel et isolée. Il s’agissait plutôt du résultat de micro évolutions successives, établies en fonction d’un ensemble d’interactions dont ces populations étaient les acteurs. À partir de l’étroite fenêtre de l’agrégat archéologique, le point de vue de notre discipline peut difficilement suivre ces évolutions consécutives quand elles sont particulièrement rapides.

L’examen du répertoire amphorique et des contextes productifs de Gadir permet d’observer leur transformation conjointe entre le dernier tiers du 3ème siècle et le milieu du 2ème siècle av. J.-C. Ces changements auraient d’abord été initiés par le renforcement de la présence carthaginoise dans le secteur du détroit (Sáez Romero, 2011a, p. 61-64). Le passage volontaire de la cité dans le camp romain, à partir de la fin du 3ème siècle av. J.-C., semble avoir intensifié ces transformations. On aurait donc deux étapes distinctes, face à deux moments historiques, qui furent reflétées dans les registres matériels gaditains. On pourrait peut-être les observer dans la succession des variations morphologiques des amphores, mais elles ne sont pas nécessairement isolées en fonction de types spécifiques.

La perception de différences historiques intervient préalablement pour identifier un caractère