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AMPHORES TARDO-PUNIQUES

II.1.2. Entre le Maghreb et l’Espagne, historiographie de l’étude des amphores puniques et tardo-puniques du détroit de Gibraltar

II.1.2.1. Les pères fondateurs et leurs travaux pionniers

Largement citées, les tables typologiques d’Heinrich Dressel correspondent à l’étape initiale du classement des amphores. L’un des types proposé par Dressel, en l’occurrence le type Dressel 18, a été régulièrement présenté comme un type romain en correspondance avec une tradition punique (Dressel, 1966). Mais cette identification a été la source de nombreuses confusions. De par la qualité limitée de la représentation graphique de cette amphore, des ambiguïtés importantes ont persistées quant aux identifications possibles. De nombreuses morphologies, isolées ultérieurement, ont été rapprochées du type Dressel 18 dans des contributions du siècle dernier. Signalons, par exemple, que le type tardo-punique T-7.4.3.3 a couramment été confondu avec la forme Dressel 18 (Beltrán Lloris, 1970 ; Boube, 1975). Ce même rattachement rend compte de la difficulté ancienne d’une interprétation de cette forme tardo-punique, celle d’une amphore chronologiquement romaine mais culturellement phénicienne occidentale.

Les travaux de B. Pace représentent la première tentative de classification chronologique de la céramique punique. Cette étude, nommée Ricerche cartaginesi, fut publiée dans les Monumenti Antichi (Pace, 1925). On y trouve de nombreuses planches typologiques qui s’appuient sur du mobilier provenant de Carthage, des Baléares, de Sicile et de Sardaigne. Cette classification reprenait certaines

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47 des formes isolées antérieurement par P. Berger (Berger, 1900, cité Ramón Torres, 1995). L’étude de Pace a le mérite de proposer une analyse autant morphologique qu’iconographique, pour un ensemble matériel daté entre le 7éme et le 3éme siècle avant J.-C. Bien que les amphores ne soient que peu présentes, ce travail correspond à la première étude typo-chronologique sur mobilier pour les populations puniques. Le principal intérêt, peu envisagé, de cette contribution, tient dans la mise en correspondance des artefacts provenant de différents secteurs de l’espace phénicien occidental. Cette présentation met en exergue l’importance de considérer les différents espaces envisagés auparavant comme puniques dans la constitution d’une étude sur leur céramique.

Au début du 20ème siècle, le développement de l’archéologie espagnole fut accompagné d’un premier intérêt pour le mobilier dit punique. Durant cette période, la baie de Cadix fut l’objet des premières études archéologiques et historiques d’envergure. Les contributions de P. Quintero Atauri dans ce domaine représentèrent, pendant de nombreuses décennies, l’un des apports les plus significatifs. Citons tout d’abord la publication d’un ouvrage de synthèse sur l’histoire de la baie de Cadix par P. Quintero (1928, cité par Sáez Romero, 2014a). Tant la méthodologie (entre ethnographie, archéologie et étude des sources textuelles) que la qualité des hypothèses interprétatives – lesquelles présentaient Gadir comme un centre important dans la fabrication de produits halieutiques – font de cet ouvrage une publication de référence. Quintero Atauri avait présenté une vision novatrice sur l’occupation territoriale de cette agglomération phénicienne du détroit. Il proposa de voir cette occupation comme ayant marqué l’ensemble de la baie, associant les divers éléments de l’ancien archipel gaditain et le littoral continental. Quintero Atauri fut également l’un des précurseurs dans l’amplification des opérations archéologiques dans le secteur de l’actuelle San Fernando (Espagne). Ces interventions permirent de définir le caractère « industriel » de l’ancienne île d’Antipolis, en correspondance avec l’actuelle commune de San Fernando.

C’est au cours de ses activités de terrain que Quintero identifia, probablement pour la première fois, un four de fabrication de céramiques du secteur, dans les environs du site de Cerro de la Batería (San Fernando). Bien que ces structures ne nous soient pas parvenues, A. Sáez Romero a effectué un parallèle entre les notes de fouille et les données archéologiques récentes, identifiant le four comme une structure de coction associée au mobilier tardo-punique (Sáez Romero, 2014a, p. 72). Quintero Atauri serait donc l’un des précurseurs dans l’étude de la production de notre objet d’étude. Mais malgré leur valeur interprétative et empirique, les contributions de P. Quintero n’ont que récemment été valorisées.

La Guerre civile espagnole a eu d’importantes conséquences dans le développement de la recherche archéologique. Des nécessités plus urgentes placèrent notre discipline au second plan. Les profondes mutations économiques des années 1930/1940 amenèrent à d’importantes transformations urbaines dans plusieurs communes espagnoles. Mais ces changements ne prirent pas nécessairement en considération les enjeux archéologiques. Néanmoins, cette période n’est pas exempte de contributions

48 importantes. On doit citer les travaux d’A. García y Bellido sur les activités économiques du secteur du détroit. Ce professeur de l’Université de Madrid s’intéressa à la présence phénicienne et carthaginoise en Ibérie dans un travail monographique de référence, une contribution importante dans l’historiographie de ces populations (García y Bellido, 1942a, cité par Sáez Romero, 2014a). Il effectua également un catalogue diachronique qui regroupait la quasi-totalité des sources antiques relatives à la production de denrées halieutiques dans le sud de l’Espagne actuelle (García y Bellido, 1942b, cité par Sáez Romero, 2014a).

Il fallut attendre plusieurs années pour que de nouvelles activités de terrain renouvellent l’intérêt pour le mobilier punique. Les opérations menées par le français de P. Cintas, en Tunisie, lui permirent de constituer un large corpus sur le mobilier punique. Le traitement des données empiriques l’amenèrent à combler plus spécifiquement certaines lacunes concernant le matériel céramique. Un de ses ouvrages entièrement dédié à cette thématique (Cintas, 1950), est une étape importante de la recherche en la matière. Il faut souligner que P. Cintas a isolé certaines des formes les plus représentatives du répertoire céramique phénicien occidental, dont certaines seraient aujourd’hui à considérer comme tardo-puniques (type Cintas 312-313).

La nomenclature typologique établie par Cintas a continué à être utilisée durant de nombreuses décennies. Malgré la valeur de ce travail de recherche, de nombreuses critiques ont plus tard été portées sur le manque de rigueur dans la proposition typo-chronologique de Cintas. De plus, de nombreuses incohérences ont été décelées dans ce travail, que ce soit pour les photographies ou les dessins. Dans ces conditions, il est parfois difficile de se reporter aux publications identifiant le mobilier en fonction de cette classification. L’espace limité accordé aux productions non-tunisiennes est également une carence car elle occulte la place économique des autres centres phéniciens occidentaux de Méditerranée.

Quasiment à la même époque, l’archéologue J. M. Mañá de Angulo effectua la première véritable réflexion typologique concernant les amphores dites puniques (Mañá de Angulo, 1951). Ce travail original fut la première étude typologique espagnole entièrement, dédiée à l’étude des amphores, qui a proposé une distinction entre les formes des conteneurs et celles des diverses classes du mobilier céramique. La qualité de ce travail a été largement saluée, expliquant les nombreux approfondissements dont il fut ensuite l’objet. Dans son premier état, cette classification de Mañá de Angulo, constituée selon cinq types et ordonnée par lettres, prenait en compte différents caractères morphologiques saillants, dont la forme du col et le profil de la panse. Par ailleurs, cette étude a en grande partie concerné le mobilier phénicien occidental observé par l’auteur dans la péninsule Ibérique, définissant alors les premiers types du Cercle du Détroit.

Cet aspect est une dimension essentielle du travail de J. M. Mañá. Ce chercheur a explicité des relations entre l’Ibérie et la sphère carthaginoise qui étaient peu envisagées à cette époque. Deux formes à considérer comme tardo-puniques, plus particulièrement les types A4 et C2 (en correspondance partielle avec les formes T-12.1.1.1 et T-7.4.3.3 de J. Ramón Torres), furent isolées dans ce premier

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49 apport typologique. On doit insister sur le caractère partielle de cette identification car ces mêmes types furent ultérieurement divisés en des variantes typo-chronologique distinctes, selon leurs origines. Les variantes autour du type C2, par exemple, étaient alors exclusivement identifiées comme des productions de Tunisie, alors qu’une production d’une variante ibérique fut plus tard bien identifiée.

Pour mieux prendre la mesure de l’importance historiographique de la contribution de J. M. Mañá de Angulo, il faut considérer la situation épistémologique de l’archéologie et de l’Histoire espagnole durant la première moitié du 20éme siècle. La recherche dans ces disciplines était davantage concentrée sur le triomphe civilisateur de la culture romaine. Malgré un intérêt pour les traces de l’implantation phénicienne et punique, cette présence était essentiellement analysée comme un phénomène mineur. Une contribution récente de M. Bendala Galán fait usage du terme de « punicophobie » pour représenter l’attitude de la recherche espagnole face à la culture phénicienne occidentale, avant les années 1970 (Bendala Galán, 2012, p. 16). Cette position prend racine dans les premiers travaux sur l’antiquité préromaine de la péninsule, notamment dans les travaux d’A. Schulten sur l’ancienne Tartessos. La perception de Schulten était directement influencée par les positions théoriques de l’archéologie allemande, lesquelles étaient empreintes de nationalisme et euro-centrées. Elles excluaient la participation des populations orientales dans le développement de la culture de l’Occident. Des publications postérieures sont revenues sur le traitement péjoratif des populations phéniciennes par Schulten et sur l’influence de ce dernier dans l’archéologie espagnole (Cruz Andreotti, 1987).

Durant les décennies qui suivirent la publication de J. M. Mañá de Angulo, la colonisation phénicienne a continué à être appréciée comme un fait secondaire devant l’action des légions romaines et de l’Urbs dans l’histoire de la péninsule ibérique. On doit cependant citer une exception, une publication de García y Bellido qui a défini l’industrie piscicole comme l’un des pivots de l’activité économique des populations phéniciennes du détroit de Gibraltar (García y Bellido, 1952, p. 380-385).

Un approfondissement de l’étude de ces populations dans le détroit contribua au développement de la recherche dans le Maroc actuel. Les travaux de M. Taradell Mateu dans ce domaine représentent une autre étape essentielle de notre parcours historiographique. Ce chercheur s’était concentré sur les relations entre le nord du Maroc et le sud de l’Espagne, prenant en compte le rôle central des communautés phéniciennes occidentales (Taradell Mateu, 1953). On doit souligner que Taradell a eu une grande influence sur le développement de l’archéologie dans le détroit de Gibraltar. D’un point de vue méthodologique, Taradell fut l’instigateur d’un renouvellement dans l’exécution des opérations de terrain, portant également un intérêt accru sur le mobilier céramique, jusqu’à revendiqué la valeur de ce matériel dans l’amélioration de l’analyse historique (Taradell Mateu, 1954). Ce chercheur fut également l’un des protagonistes de l’archéologie espagnole au Maroc, avec les fouilles des sites de Tamuda et de Lixus, à partir de 1948. On doit souligner l’existence de liens étroits entre M. Taradell

50 Mateu, P. Cintas et M. Ponsich. La collaboration entre M. Ponsich et M. Taradell a d’ailleurs marqué durablement l’archéologie du détroit. Tandis que Taradell menait d’importantes prospections entre Ceuta et Tétouan, le français M. Ponsich effectuait d’autres opérations de terrain à Tanger et Lixus. La collaboration entre Cintas et Taradell est moins étudiée, mais elle a probablement eu une grande importance pour le développement de l’archéologie phénicienne occidentale au Maroc. On doit signaler, par exemple, que Taradell avait participé aux opérations archéologiques de P. Cintas sur la nécropole carthaginoise d’Ard-el-Mourali en Tunisie.

Grâce à l’implication de Taradell dans de nombreux dossiers relatifs à la présence phénicienne et romaine, tant en Espagne qu’au Maghreb, il disposa d’un corpus matériel conséquent sur la période antique dans le détroit. C’est à partir de ce corpus qu’il proposa un nouveau modèle d’occupation du secteur par les populations phéniciennes. L’observation d’une certaine unité, matérielle et iconographique, entre les deux rives du détroit de Gibraltar, amena Taradell à proposer le concept de Circulo del Estrecho pour définir ces phénomènes (Taradell Mateu, 1960). On doit souligner que ce concept de Cercle du Détroit fut développé durant une période troublée, marquée par les affrontements belliqueux de la fin du protectorat espagnol au Maroc en 1956, et dans le cadre des hostilités qui suivirent52. Ironiquement, alors même que français et espagnols étaient engagés ensemble dans de nombreux conflits dans le secteur marocain, les deux pays menées d’importantes collaborations pour mieux comprendre le patrimoine de ce pays. On ne peut manquer de récuser l’utilisation politique malheureuse de l’archéologie, dans un contexte colonial et postcolonial qui s’est maintes fois revendiqué l’héritier de l’Empire romain. Malgré l’intérêt de Taradell Mateu pour la présence phénicienne occidentale, les données matérielles concernant ces populations étaient encore très limitées à cette époque. Si un grand nombre de fabriques de salaison furent identifiées le long du littoral du Maroc, il s’agissait uniquement de contextes romains.

Dans un autre secteur du Maghreb, dans le littoral de l’Algérie actuelle très exactement, G. Vuillemot fit la découverte d’un important lot de céramiques qu’il avait identifié comme ibérique (Vuillemot, 1956, cité par Ramón Torres, 1995). Bien que l’origine de ces amphores n’ait pu être confirmée, pouvant s’agir d’un mobilier hispanique ou maurétanien, la présence de divers éléments ibériques a été une illustration des relations intenses entre les deux rives de la Méditerranée. Cette contribution est en connexion avec les diverses opérations archéologiques de ce chercheur, concernant tout particulièrement les traces de la présence punique dans la région d’Oran (Vuillemot, 1954). Cette présence a été étudiée plus en détail par Vuillemot dans une contribution ultérieure.

52 Ces troubles continuèrent d’ailleurs jusqu’aux années 1960, avec la guerre d’Ifni (1957-1958) et les bouleversements qui en découlèrent.

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51 II.1.2.2. Aux racines de la distinction du Cercle du Détroit.

Les considérations d’après-guerre concernant l’étude des amphores « puniques » aboutirent au développement d’une nouvelle attention pour ce mobilier. La recherche française ne fut pas indifférente à ce mouvement, notamment en raison des nombreux intérêts de l’hexagone dans les anciens territoires sous domination carthaginoise d’Afrique, tel que la Tunisie et l’Algérie. Cette participation française fut illustrée par l’un des grands acteurs de la recherche archéologique française : Fernand Benoit. Ce dernier effectua une étude sur les relations économiques entre les territoires puniques et la Gaule (Benoit, 1961). Ce travail, dont l’interprétation se fondait majoritairement sur l’analyse du mobilier amphorique, utilisait avec intérêt la classification établie par J. M. Mañá de Angulo. Cependant, plus que dans la valeur des données empiriques – le mobilier était présenté chronologiquement de manière un peu confuse – cette publication est une référence concernant l’étude des amphores tardo-puniques.

Fernand Benoit a réalisé des remarques importantes pour le développement de nos propres recherches dans cet article de 1961. Il a d’abord présenté des indications intéressantes sur l’imitation de types carthaginois en Ibérie. Surtout, il a envisagé la continuité d’un commerce dans des conteneurs à caractère punique bien après la chute de Carthage (Ibid., p. 326-327). Les interprétations qu’il présente s’avèrent très en avance sur leur époque : « La romanisation de l’Espagne eut pour conséquence une expansion de son commerce transméditerranéen, mais aussi une transformation de l’amphore punique en un nouveau type de vase qui a emprunté à Rome sa forme générale […] » (Ibid., p. 328).

Les réflexions de F. Benoit représentent une interprétation d’avant-garde sur la relation entre les transformations morphologiques et les changements politiques du sud de l’Ibérie. Son examen d’un nombre conséquent d’amphores à caractère punique dans des contextes romains, l’a amené à proposer un vocable spécifique, celui « d’amphore de tradition punique ». Bien que cette terminologie puisse être davantage source de confusions à l’heure actuelle, les remarques qui la préfigurent sont une des sources de notre travail de doctorat : F. Benoit a explicité la nécessité de proposer une terminologie spécifique pour ces amphores d’époque romaine, tout en soutenant l’importance économique et historique de ces productions. Il est également intéressant de remarquer que F. Benoit a autant envisagé des produits de la péninsule ibérique que ceux provenant d’Afrique dans son étude. De ce point de vue, ce travail a présenté une perspective originale sur le mobilier punique, encore très largement considéré comme uniquement africain à cette époque.

Du point de vue de l’analyse matérielle, il a fallu attendre quelques années pour voir la publication d’un travail systématique sur la présence d’amphores phéniciennes occidentales dans les contextes de la Gaule. Ce travail fut de nouveau mené par F. Benoit, avec sa monographie « Recherches sur l’hellénisation du Midi de la Gaule » (Benoit, 1965). Cette étude a été l’occasion de faire plusieurs remarques concernant la typologie de J. M. Mañá de Angulo, en proposant deux nouvelles variantes de la série A. Mais F. Benoit présenta également des observations, concernant la filiation entre la série A

52 et B de Mañá de Angulo, que les données archéologiques ont depuis remises en question car elles renvoient à des aires de production distinctes.

Une lecture critique de ce travail en fait une source d’enseignements. On doit d’abord signaler qu’il dénote l’une des principales sources de confusion dans l’analyse du mobilier amphorique « punique » : l’existence de similitudes entre les différents espaces productifs de ces populations, pourtant politiquement et historiquement distincts. Culturellement, Carthage a eu une influence déterminante sur les autres communautés issues de la colonisation phénicienne. Cette ascendance entraîna l’adaptation de formes carthaginoises dans de nombreux secteurs de la Méditerranée occidentale. Mais il ne s’agissait pas nécessairement de communautés puniques, à proprement parler. L’adaptation de conteneurs carthaginois, en dehors de la Tunisie, a également eu lieu après l’annexion romaine de certains espaces phéniciens occidentaux. F. Benoit s’avère avoir été le précurseur de l’étude des amphores phéniciennes et puniques en France. Mais si ce mobilier est régulièrement publié, ils n’a que rarement fait l’objet d’une étude spécifique par l’archéologie française.

Durant la même année, l’importante collaboration entre M. Taradell et M. Ponsich a abouti à la rédaction d’une monographie de référence concernant l’économie de la zone du détroit de Gibraltar (Ponsich et Taradell Mateu, 1965). Cet ouvrage a présenté un état de la question sur les données archéologiques relatives aux activités halieutiques dans le secteur, en considérant également le rôle de la production amphorique. Les deux auteurs rassemblèrent les données provenant des deux rives du détroit dans cette publication, mais les données des contextes archéologiques de la Mauretania Tingitana, leur terrain d’étude privilégié, s’avèrent bien plus détaillées. Bien plus qu’un catalogue archéologique sur le commerce des produits halieutiques, cette monographie envisageait de manière originale certains aspects essentiels de cette activité. Les deux auteurs ont proposé d’observer les activités halieutiques et la production de leurs conteneurs comme une relation fondamentale pour la commercialisation de ces produits. Cette relation est depuis devenue un paradigme dans la définition de l’économie préromaine et romaine du secteur du détroit.

Concernant l’étude des conteneurs puniques à proprement parler, G. Vuillemot fut l’auteur d’une classification intéressante mais qui n’a connu que peu d’échos en son temps (Vuillemot, 1965). Cette classification se fondait sur les opérations menées par Vuillemot en Algérie, notamment sur l’assemblage du site des Andalouses. La typologie est constituée autour de découvertes inédites, présentant des formes amphoriques jusqu’alors inconnues. Elle a apporté des précisions pertinentes concernant les formes puniques, notamment sur la division selon trois versions du type Mañá C2. Une de ces variantes, le type Andalouses 4, serait à associer au type T-7.4.3.3. Ce chercheur fut également le premier a clairement faire la distinction entre la future forme T-12.1.1.1 et ses morphologies proches, lesquelles étaient jusqu’alors regroupées dans le type A de Mañá. La présence phénicienne du détroit n’a été que peu étudiée en Algérie et ce travail de Vuillemot reste encore une référence pour cette

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53 thématique de recherche. Vuillemot présentait ainsi de nombreux exemplaires de monnaies de Gades (probablement de la série VI) et de Seks qui pourraient illustrer la participation de certains sites algériens – notamment les Andalouses – aux circuits économiques du Cercle du Détroit (Vuillemot, 1965, p. 218-220). Concernant les conteneurs puniques d’époque romaine, on doit souligner que ce chercheur soutenait déjà à cette époque le grand intérêt d’une étude des populations « romanisées » – et non romaine – du secteur (Vuillemot, 1965, p. 25-26)