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Illustration de la problématique : produits structurés Lehman

Chapitre 6 : Fondements, notions et problématique

D. Protection de l’investisseur inadaptée

1. Illustration de la problématique : produits structurés Lehman

Les effets de la faillite du groupe bancaire américain Lehman Brothers Holdings Inc.

(Lehman) en date du 15 septembre 2008 se sont fait sentir jusqu’en Suisse. Certaines filiales de Lehman698 avaient en effet émis des produits structurés, y compris des produits structurés à capital garanti distribués par certaines banques suisses (Credit Suisse, la Banque Cantonale Bernoise, la Banque Cantonale Lucernoise, la Banque Coop)699. Au jour de la faillite de Lehman, plus de 80 produits structurés émis par Lehman étaient négociés en Suisse, représentant un montant de CHF 650 mio environ.

Suite à la faillite700, de nombreux investisseurs se sont tournés vers l’Ombudsman des banques suisses. Celui-ci s’est ainsi retrouvé en première ligne pour analyser les cas dans lesquels des banques avaient vendu de tels produits structurés à leur clientèle701. Il

698 Lehman Holdings n’était en effet pas l’émetteur des produits structurés distribués en Suisse mais tout au plus le garant de certaines émissions. Les émissions ont été effectuées par des filiales, soit s’agissant des produits structurés cotés en bourse, par Lehman Brothers Treasury Co. B.V. avec siège à Amsterdam, Lehman Brothers Securities N.Y. avec siège à Curaçao et Lehman Brothers Finance AG avec siège à Zurich.

699 Le plus gros distributeur est sans aucun doute Credit Suisse, cf. entre autres ANLEGER-SELBSHILFE, Aufsichtsbeschwerde gegen die FINMA i. S. Vertrieb von kapitalgeschützten Lehman-Produkten durch Credit Suisse und andere Banken (2010), p. 7.

700 Le 15 septembre 2009, Lehman Holdings a déposé une demande de mise sous protection du chapitre XI afin de tenter d’éviter la faillite et de procéder à des ventes de certaines filiales du groupe. La faillite n’a toutefois pas pu être évitée nonobstant les restructurations en cours (p. ex. ventes de Lehman Brothers North America à Barclays Capital, Lehman Brothers Asia Pacific à Nomura).

Malheureusement, les filiales émettrices des produits structurés distribués en Suisse n’ont pas été reprises et ont été mises en faillite.

701 Pour l’année 2008, l’Ombudsman des banques a reçu quelques 1’700 requêtes d’investisseurs de produits structurés Lehman. Ces réclamations ont représenté 80% des cas classés dans le secteur

« Conseil en placement et gestion de fortune » et examinés par l’Ombudsman des banques. Pour 2009, le nombre de ces requêtes a encore augmenté. Le secteur « Conseil en placement et gestion de fortune » représentant habituellement entre 15% à 24% des cas annuellement traités par correspondance par l’Ombudsman des banques est passée à 47% en 2008 (sur un total de cas traités par correspondance de 1170) et 71% en 2009 (sur un total de cas traités par correspondance de 2849), OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2008, p. 4 ss ; OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2009, p. 6 ss. En 2010, l’Ombudman des banques suisses a continué a recevoir des requêtes concernant les produits structurés Lehman même si dans une mesure inférieure aux deux années précédentes. Le secteur « Conseil en placement et gestion de fortune » qui intègre les réclamations liées aux produits

169 en a tiré un certain nombre de conclusions exposées dans ses rapports annuels et ses conférences de presse702. En résumé, l’Ombudsman a relevé que le risque de contrepartie (ou risque émetteur) des produits structurés n’avait pas été communiqué de manière satisfaisante. Il a également pointé du doigt certaines pratiques commerciales.

Enfin, l’Ombudsman a distingué une catégorie d’investisseurs plus particulièrement touchés par la faillite de Lehman désignée par les termes épargnants au sens strict703.

La mauvaise évaluation de la bonité de l’émetteur ainsi que les pratiques de distribution ont causé, au moment de la faillite de Lehman, des risques juridiques et réputationnels que les banques distributrices ont préféré (d’emblée ou sous une certaine pression) liquider par des règlements amiables. Le traitement des clients lésés s’est toutefois avéré différent selon les établissements concernés ; certaines banques (la Banque Cantonale Bernoise et la Banque Coop) ont très vite fait savoir qu’elles dédommageraient intégralement leurs clients704, d’autres (Credit Suisse et la Banque Cantonale de Lucerne) se sont montrées moins coopératives. Dans un premier temps, Credit Suisse a ainsi refusé de reconnaître une quelconque responsabilité dans les pertes subies par ses clients et, par conséquent, de les dédommager. Cette position a suscité de l’incompréhension de la part de l’opinion publique. La banque a alors annoncé être prête à dédommager à bien plaire les clients remplissant certaines conditions (fortune de moins de CHF 500'000 auprès de Credit Suisse investie à plus de 50% en produits structurés à capital garanti Lehman)705. Devant les nouvelles critiques formulées suite à cette annonce, Credit Suisse a, dans un dernier temps, modifié ses critères (moins de CHF 500'000 et 20% au moins placé dans des produits structurés Lehman) et accepté de dédommager partiellement plus de 3700 clients pour un montant d’environ CHF 150 mio706. Tous les clients de Credit Suisse n’ont pu toutefois obtenir dédommagement.

b) Problématiques soulevées par les produits structurés Lehman

structurés Lehman n’a représenté que 32% des cas traités par correspondance par l’Ombudsman des banques suisses (sur un total de cas traités par correspondance de 1060),OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2010, p. 10 ss.

702 Voir le site internet de l’Ombudsman des banques suisses, http://www.bankingombudsman.ch/.

703 Cf. infra Partie II, Chapitre 6 D. 1. b) i.

704 ANLEGER-SELBSHILFE, Aufsichtsbeschwerde gegen die FINMA i. S. Vertrieb von kapitalgeschützten Lehman-Produkten durch Credit Suisse und andere Banken (2010), p. 7.

705 FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 16.

706 CREDIT SUISSE, Communiqué de presse (21 avril 2009), Ce dédommagement a été, entre autres, négocié par l’intermédiaire de la Fédération Romande des Consommateurs, http://www.frc.ch, voir également FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 16.

170 La faillite de Lehman et ses conséquences pour les investisseurs a mis en lumière plusieurs éléments qui remettent en question l’efficacité des règles destinées à la protection des investisseurs, y compris l’art. 5 LPCC. L’Ombudsman des banques suisses a pointé du doigt l’inefficacité des règles destinées à garantir la transparence. Il a également mis en avant le peu d’expérience en matière financière d’une part importante de la clientèle ciblée par les distributeurs de produits structurés. La constatation de ces dysfonctionnements a été, en grande partie, partagée par la FINMA707, qui – et cela est d’autant plus frappant – n’a constaté, dans son enquête sur ces faits, aucune violation globale et systématique des règles applicables en la matière708.

i. L’« épargnant au sens strict »

A partir un certain nombre de cas révélés par la presse, l’Ombudsman des banques ou le groupe de défense Anleger-Selbsthilfe, il est possible de dégager le profil d’une catégorie importante d’investisseurs ainsi que des circonstances dans lesquelles les produits structurés ont été distribués.

Une part significative des investisseurs qui se sont plaints auprès des institutions susmentionnées était peu fortunée et avait peu, voire pas du tout, d’expérience dans le domaine financier. Pour ces investisseurs, la sécurité de leur épargne constituait un élément primordial709. L’Ombudsman des banques suisses a désigné ces investisseurs présentant un profil d’investissement conservateur et de faibles connaissances des marchés financiers par les termes « épargnants au sens strict »710.

Sur la base des informations recueillies par l’Ombudsman, ces clients n’ont pas investi dans des produits structurés Lehman de leur propre initiative. Ils ont été conseillés par un conseiller de l’établissement bancaire distributeur (généralement leur banque de référence). Les discussions entretenues avec ce dernier les auraient

707 FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 18.

708 Ibidem. Voir toutefois la critique de la position de la FINMA par ANLEGER-SELBSHILFE, Aufsichtsbeschwerde gegen die FINMA i. S. Vertrieb von kapitalgeschützten Lehman-Produkten durch Credit Suisse und andere Banken (2010). A noter qu’UBS a été condamnée aux Etats-Unis d’Amérique par la Finra (Financial Industry Regulatory Authority) à une amende de USD 2,5 mio et à des dédommagements d’un montant de USD 8,25 mio pour avoir vendu des produits structurés à capital garanti de Lehman entre mars et juin 2008, voir le communiqué publié sur le site de la Finra http://www.finra.org, ainsi que sa décision Financial Industry Regulatory Authority Letter of Acceptance, Waiver and Consent, NO. 200801544301 TO: Department of Enforcement Financial Industry Regulatory Authority ("FINRA'*) RE: UBS Financial Services, Inc. (CRD No. 8174) .

709 OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2008, p. 20 ; voir également, FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 16.

710 OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2009, p. 6 ; OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Jahresmedienkonferenz des Schweizerischen Bankenombudsman vom 7. Juli 2009, p. 2.

171 convaincus que leur épargne ne risquait rien711. C’est donc essentiellement sur les recommandations du conseiller à la clientèle de l’établissement financier, et de la confiance accordée à ce dernier, que ces investisseurs ont pris leur décision d’investir dans de tels produits financiers et non sur la base de leurs connaissances financières.

Dans son rapport sur la distribution d’instruments financiers, la FINMA a émis l’avis qu’il n’y a pas dans la législation actuelle de fondement juridique à la notion d’épargnant au sens strict, dès lors que la réglementation de lege lata ne distingue pas entre investisseurs et épargnants au sens strict712. Tous les investisseurs sont ainsi de mündige Anleger, soit des adultes capables de discernement disposant de connaissances en matière financière. L’Ombudsman des banques concède la nouveauté de cette classification. Il fonde, à juste titre, son approche par la réalité nouvelle que la faillite du groupe Lehman a mis à jour713. Dès lors que des produits structurés ont été conseillés et vendus à des clients pour qui les risques de pertes étaient inenvisageables et qui ne connaissaient rien au domaine financier, il en découle des besoins particuliers d’information et de mise en garde de la part de la banque qui les distribue714. En revanche, l’Ombudsman des banques suisses a, à notre avis, tort de considérer que ces exigences sont « conformes au droit à la doctrine et la jurisprudence, mais aussi au principe d’équité »715. En effet, comme exposé plus haut, tant l’interprétation de la notion d’investisseur en droit suisse mais également celle du devoir d’information de l’art. 11 al. 1 let. a et al. 2 LBVM laisse peu de doute sur le fait que les besoins particuliers des investisseurs qui n’ont pas de connaissances financières ne sont pas pris en compte. Certes, la jurisprudence exige que, nonobstant ce qui précède, le négociant en valeurs mobilières informe sur les risques usuels et sensés connus lorsqu’il se rend compte que son client les ignore716. Néanmoins, il faut que cette inexpérience soit particulièrement manifeste dès lors que le négociant n’a pas le devoir de se renseigner sur les connaissances de son client (hormis les cas de contrat de conseil ou de mandat de

711 Selon les propos recueillis par l’Ombudsman des banques suisses, l’argumentaire de vente aurait compris des phrases telles que « … das Kapital erhalten Sie auf jeden Fall zurück… » ou encore « alles was passieren kann ist, dass einman keinen Zins erhalten », OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Jahresmedienkonferenz des Schweizerischen Bankenombudsman vom 7. Juli 2009, p. 2 s. Voir également, FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 16.

712 FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 18.

713 OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2008, p. 23.

714 Ibidem ; OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Jahresmedienkonferenz des Schweizerischen Bankenombudsman vom 7. Juli 2009, p. 3.

715 OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2008, p. 23.

716 ATF 133 III 97.

172 gestion). D’autre part, une telle éventualité sera souvent écartée par la simple remise au client de la brochure « Risques particuliers dans le commerce de titres ».

ii. Manque de transparence

Le manque de transparence a joué un rôle important quant à la sous-évaluation du risque de contrepartie. Ce malentendu a résulté, selon les dires des investisseurs, des informations incomplètes fournies par leurs conseillers bancaires et de la documentation l’accompagnant.

Il est probable que le risque de contrepartie était à cette époque sous-évalué par les établissements bancaires distributeurs qui, en conséquence, ne sentaient pas le besoin de communiquer en particulier sur ce risque auprès des investisseurs, voire de proposer de tels produits structurés comme des investissements sûrs717. Les discussions entretenues avec les conseillers bancaires, qui ont fondé les décisions d’investissement, ont surestimé la sécurité du capital et les perspectives de gain et peu mis en exergue les risques en particulier s’agissant du risque émetteur. Il en résulte que les investisseurs ont pensé à tort que le risque de contrepartie était inexistant et que, dans le pire des cas, seul l’intérêt lié à ces investissements ne serait pas servi mais, en aucun cas, que cela entraînerait la perte du capital investi718.

La documentation marketing constituée essentiellement des fact sheets n’a pas davantage permis une information objective des clients. Les clients en sont restés aux informations apparaissant au premier plan, soit essentiellement des informations vantant les mérites du produit et mettant en évidence le nom de la banque distributrice719. En particulier s’agissant des produits structurés Lehman distribués par Credit Suisse, ceux-ci étaient vendus comme des produits « maison » (white labelling). La banque faisait figurer sur les white label fact sheets aux couleurs de la banque, le nom de Credit Suisse ainsi que son logo en gras et en première place, contrairement au nom de l’émetteur qui n’était pas particulièrement mis en évidence720. Il en résulte que les clients achetant ces produits n’étaient souvent pas conscients que l’émetteur n’était pas Credit Suisse mais un établissement financier étranger.

717 FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 11 s.

718 Voir OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2008, les cas recensés par le groupe de défense Anleger-Selbshilfe disponibles sur son site internet http://www.anleger-selbsthilfe.ch/faelle et les nombreux cas dont la presse s’est faite l’écho notamment Lehman Brothers: Une Genevoise a perdu tout son argent (23 septembre 2008) ; Clients floués: la colère monte (25 septembre 2008).

719 FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 15.

720 Ibidem.

173 2. Inexistence juridique de l’investisseur incompétent

a) Concept juridique en décalage par rapport à la réalité

La présomption posée par le droit des marchés financier sur les compétences de l’investisseur ordinaire ne correspond, à notre sens, pas à la réalité.

Lors de la révision de l’aLFP en 1994, le législateur a considéré que, contrairement à la situation qui prévalait en 1966, les investisseurs avaient des connaissances dans le domaine financier qui justifiaient une libéralisation des règles sur la distribution d’instruments financiers. On peut douter de la capacité des investisseurs de cette époque à correspondre au modèle requis. Certainement, cet écart entre le modèle hypothétique et la réalité s’est, au cours des dernières décennies, aggravé.

D’une part, l’accès aux marchés financiers s’est démocratisé, en raison de la vente active d’instruments financiers par les établissements financiers721 et l’utilisation de plateformes informatiques permettant leur achat en ligne, amenant une clientèle disposant de moins de connaissances à investir sur le marché financier722. D’autre part, les instruments financiers disponibles sur les marchés financiers se sont de plus en plus complexifiés723.

Le marché des produits structurés présente les caractéristiques de ce dysfonctionnement. La clientèle retail disposant de faibles connaissances en matière de produits structurés est particulièrement concernée par ces instruments financiers qui peuvent s’avérer particulièrement complexes724. Si les investisseurs institutionnels sont statistiquement les plus gros investisseurs de produits structurés, les investisseurs retail constituent néanmoins une part non négligeable du marché des investisseurs de produits structurés725.

Par ailleurs, la vente active de ces instruments financiers aux investisseurs ordinaires est l’une des caractéristiques du marché des produits structurés, tout comme celui des placements collectifs. En effet, cette abondance de l’offre crée une concurrence entre émetteurs caractérisée par une distribution active auprès des investisseurs traditionnellement peu actifs sur les marchés financiers, par méfiance et

721 FINMA, Rapport sur la distribution de produits financiers (2010), p. 30, Exemple 1.

722 Ibidem et les études relatives au degré de connaissances des investisseurs citées. Celles-ci démontrent les faibles connaissances d’une grande partie des investisseurs, ég. dans ce sens, LOMBARDINI (2012), p.

171.

723 FINMA, Rapport sur la distribution de produits financiers (2010), p. 29 ;

724 FRITZSCHE (2012), p. 106.

725 Cf. infra Partie I Chapitre 2 A. 1. b).

174 probablement aussi manque de connaissances, préférant jusque-là les placements d’épargne, comme cela a pu être vérifié lors de la faillite du groupe Lehman726.

Il en résulte qu’une partie des investisseurs ne disposent pas des connaissances nécessaires pour comprendre les risques liés à l’acquisition de ces instruments financiers727.

La notion d’investisseur compétent telle que développée par le droit de la surveillance dans les années 1990 a, dès lors, pour effet d’exclure du champ de protection la catégorie d’investisseurs la plus démunie728. Une telle limitation est, à notre avis, contraire à l’objectif de protection individuelle du droit de la surveillance des marchés financiers qui doit concerner tous les investisseurs et non une catégorie d’entre eux729. Elle est, à notre sens, également incompatible avec le principe de la liberté contractuelle. En effet, « pour être vécue et défendue, elle [la liberté individuelle] ne doit pas engendrer dès son exercice, un fort et un faible »730.

b) Prise en compte récente par les autorités

Depuis 2009, la FINMA s’est longuement penchée sur le système juridique applicable à la distribution des instruments financiers. Son analyse s’est, également quoique de manière indirecte et progressive, étendue à la notion d’investisseur. Si, dans son rapport sur la faillite du groupe Lehman, elle ne souhaitait pas remettre pas en cause la notion de mündiger Anleger731, elle a franchi un pas supplémentaire dans son rapport sur la distribution en reconnaissant l’existence d’investisseurs peu expérimentés, voire totalement inexpérimentés, et les enjeux que cela implique en termes de règles destinées à les protéger732.

Cette réflexion a conduit l’administration fédérale à considérer l’opportunité d’une nouvelle loi fédérale sur les services financiers, dont l’un des objectifs serait l’amélioration de la protection des investisseurs par le biais d’un renforcement des

726 OMBUDSMAN DES BANQUES SUISSES, Rapport annuel 2009, p. 7.

727 FINMA, Rapport sur la distribution de produits financiers (2010), p. 28 ; LOMBARDINI (2012), p. 172.

728 Dans ce sens, ZUFFEREY (1996), p. 176.

729 ROHR (1990), p. 231.

730 ENGEL (1991), p. 48.

731 FINMA, Affaire Madoff et distribution de produits Lehman: incidences sur les activités de conseil en placement et de gestion de fortune (2010), p. 17.

732 FINMA, Rapport sur la distribution de produits financiers (2010), p. 54.

175 règles de conduite des prestataires de services financiers ainsi que des règles applicables à l’information sur les produits financiers733.

3. Limites de la transparence

L’idée que la transparence est la solution permettant d’assurer à elle seule tant la transparence du marché que la protection de l’investisseur est aujourd’hui largement contestée734.

Certains auteurs ont démontré, à notre avis de manière convaincante, que l’information ne peut être considérée comme un outil efficace de protection des investisseurs que si elle peut être digérée par ces derniers et qu’elle leur permet effectivement de faire de meilleurs choix d’investissement735. Or, en plus de l’ignorance que les investisseurs ont des instruments financiers, il existe d’autres raisons qui empêchent une assimilation et utilisation de ces informations dans l’intérêt de l’investisseur. Celles-ci sont essentiellement de deux ordres et imputables tant au destinataire de l’information qu’à son support736.

a) Biais comportementaux

La finance comportementale a mis en avant les mécanismes de biais qui ont pour effet d’influencer inconsciemment les choix des investisseurs de manière contreproductive pour leurs intérêts financiers737.

Ainsi, et contrairement à ce qu’enseignait la théorie de l’efficience des marchés, l’homme n’est pas rationnel, ou du moins pas toujours, de sorte que sa prise de décision, même fondée sur toutes les informations disponibles, n’a pas pour effet de maximiser

Ainsi, et contrairement à ce qu’enseignait la théorie de l’efficience des marchés, l’homme n’est pas rationnel, ou du moins pas toujours, de sorte que sa prise de décision, même fondée sur toutes les informations disponibles, n’a pas pour effet de maximiser