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Résumé du chapitre

Chapitre 3: Modélisation de la valeur durable apportée au pays hôte

4.2 Proposition pour la conception de systèmes d’estimation de valeurs

Cette section répond au problème de construction d’un système d’estimation. Le paragraphe 4.2.1 positionne notre approche et explique le principe des matrices DMM (Domain Mapping Matrices). Nous utilisons ces matrices pour modéliser les objectifs des décideurs (paragraphe 4.2.2) et les impacts de stratégies (4.2.3). Nous relions ces matrices et synthétisons la méthodologie de construction de systèmes d’estimation en paragraphe 4.2.4.

4.2.1 Positionnement académique et objectifs de modélisation

Pour prendre en compte les problèmes liés à la complexité, de nombreux domaines ont eu recours à l’utilisation de matrice DSM (Dependency and Structure Modeling) (Eppinger et Browning, 2012). Les matrices DSM sont des outils de représentation de systèmes inventés par (Steward, 1981). Elles permettent de caractériser une relation ou une interaction avec des objets de diverses natures au sein d’un système. Leur utilisation ne se restreint pas qu’à des problématiques de design : toute sorte d’objets peuvent ainsi être modélisés (Eppinger et Browning, 2012). Nous citons entre autres des risques (Marle, 2010; Marle et al., 2015), des parties prenantes (Feng et al., 2010), des architectures (Bonjour et Micaelli 2010), des variables (Tehrani, 2014) ou des structures organisationnelles (Bonjour et al., 2010).

Ces approches DSM ont également été utilisées du point de vue du développement durable. Par exemple, la symbiose industrielle traite d’échanges de flux entre acteurs (Hein et

al., 2015). Leurs problématiques sont comparables à la nôtre car ayant pour but d’optimiser la

durabilité et le métabolisme d’un système industriel (Hein et al., 2015). Toutefois, nous n’avons pas pu réutiliser cette modélisation pour notre contexte face à la faible consistance des données du cas d’étude.

Cet outil permet donc de s’adapter à différents contextes. Il donne une image claire de la complexité d’un système d’un point de vue ontologique. Son grand avantage réside dans sa simplicité et son opérabilité.

De manière plus spécifique, nous nous sommes intéressés aux matrices DMM (Domain Mapping Matrices). Elles dérivent des matrices DSM en reliant toutefois des éléments de différentes natures. Elles sont ainsi particulièrement adaptées à notre contexte. Des exemples de leur utilisation sont assez récents et couvrent de nombreux domaines comme le design de produits, l’étude d’organisations ou l’amélioration de process (Browning, 2016 ; Bonjour et Dulmet, 2009).

De manière analogue à la nôtre, Jean (2014) utilise cette approche pour attester de la création de valeur. Sa méthodologie se focalise sur des processus et non sur des pays hôtes. Ainsi, il fait le lien entre des ressources, un processus, des indicateurs et des attentes de parties prenantes. Il modélise la valeur apportée par la satisfaction des parties prenantes aux vues des ressources mises en jeu. Cela diffère de notre modélisation de la valeur du chapitre précédent. Elle est caractérisée comme perception de la modification du métabolisme du système pays hôte impacté par une stratégie.

Notre approche est donc différente et justifie un développement nouveau. Nous appliquons les matrices DMM à notre contexte dans le but de relier :

● des stratégies alternatives,

● lesquelles sont constituées d’actions, ● qui génèrent des impacts,

● ces impacts agissent sur les interactions entre des sous-systèmes8 du pays hôte, ● les améliorations de ceux-ci constituent des objectifs,

● ceux-ci ayant des importances relatives pour les différents décideurs.

Nous proposons en conséquence le processus en figure 4.2.

Figure 4.2: Utilisation de matrice DMM pour lier les objectifs de décideurs aux différentes stratégies.

La construction de la matrice DMM est réalisée en deux temps. Premièrement, nous relions les intérêts et les objectifs des décideurs avec les impacts désirés. Ensuite, nous modélisons les impacts des différentes stratégies. Ces parties seront développées respectivement en 4.2.3 et 4.2.4.

4.2.2 Modélisation des objectifs des décideurs

Nous reprenons les idées développées au chapitre 3 pour estimer les impacts d’une stratégie sur la satisfaction du décideur. Le pays hôte y est décrit comme un système composé de divers capitaux et parties prenantes en interaction. Le pays hôte possède donc un métabolisme propre comme nous le représentons de manière imagée en figure 4.3. La valeur apportée est alors perçue par les modifications de ce métabolisme par la présence du projet. Cette modification est modélisée de manière élémentaire en figure 4.4 (sont représentés ici un capital et une partie prenante).

Figure 4.3:Exemple de

métabolisme du pays hôte projet modifiant le métabolisme du pays Figure 4.4: Impact élémentaire du hôte S1 S2 S3 S4 A1 1 1 A2 1 1 A3 1 1 A4 1 1 A5 1 1 A6 1 1 A1 A2 A3 A4 A5 A6 I1 F11 F12 0 0 0 0 I2 F21 0 F23 0 0 0 I3 F31 F32 F33 F34 F35 F36 I4 0 0 0 0 F45 0 I5 0 0 0 F54 0 F56 I6 0 0 0 0 F65 F66 I1 I2 I3 I4 I5 I6 C1 I L O C2 I O O C3 I O C4 O I I C1 C2 C3 C4 O1 1 1 O2 1 O3 1 O1 O2 O3 D1 w11 w12 w13 D2 w21 w22 w23 Decision Makers Impacts Strategies Actions Capitals Objectives

Trois matrices peuvent dès lors être utilisées pour modéliser les interrelations entre les impacts des stratégies et la satisfaction des objectifs des décideurs, comme décrit en figure 4.5.

Figure 4.5: Modélisation des objectifs

Les différentes matrices peuvent être décrites de la manière suivante :

● Matrice décideurs/objectifs : les décideurs mettent un poids sur chacun de leurs objectifs. Ces poids sont représentés par des coefficients wij.

● Matrice objectifs/capitaux : elle correspond à aligner les sous-systèmes du pays hôte impactés avec les objectifs. Les coefficients OCij de cette matrice sont des nombres binaires. OCij=1 signifie que la contribution au capital j aura une implication sur l’objectif i.

● Matrice impacts/capitaux : cette matrice (ICij) a pour objectif de modéliser les flux entre capitaux. L’ensemble des flux constitue le métabolisme du pays hôte. Chaque capital pouvant être relié à un autre par plusieurs flux de différentes natures, nous avons modélisé les flux par une matrice d’incidence. ICij= O (respectivement ICij= I) signifie que l’impact i est un flux sortant (respectivement un entrant) du capital j. Il se peut qu’un flux soit à la fois entrant et sortant pour un même capital (le flux I2 pour le capital C1 dans l’exemple). Nous modélisons dès lors celui-ci par ICij= L. Nous avons ainsi pu relier les objectifs des décideurs aux impacts potentiels. Toutefois, il est difficile ici de voir de quelle manière une stratégie va générer les différents impacts. Le paragraphe suivant applique une approche DMM similaire pour aider à identifier l’estimation des impacts des stratégies alternatives.

4.2.3 Modélisation des impacts de stratégies

Nous modélisons une stratégie comme un ensemble d’actions élémentaires qui génère de multiples impacts eux aussi élémentaires. Nous en donnons une représentation en figure 4.6. Ainsi, nous pouvons représenter les impacts des différentes stratégies suivant deux matrices (figure 4.7) :

● Matrice Stratégie/Actions : elle a pour but de rendre compte de la présence d’action élémentaire dans une stratégie. Les coefficients SAij de la Matrice Stratégies / Actions sont des nombres binaires. SAij=1 signifie que l’action j fait partie intégrante de la stratégie i.

● Matrice Impacts/Actions : elle quantifie le degré d’impact d’une action élémentaire. La matrice Impact / Actions (IAij) se remplit avec la quantification de

I1 I2 I3 I4 I5 I6 C1 I L O C2 I O O C3 I O C4 O I I C1 C2 C3 C4 O1 1 1 O2 1 O3 1 O1 O2 O3 D1 w11 w12 w13 D2 w21 w22 w23 Decision Makers Impacts Capitals Objectives

Les échelles utilisées peuvent varier selon le type d’impact. La valeur d’agrégation de différentes actions d’une même stratégie dépend de celle-ci. Il peut s’agir d’une somme, d’une fonction maximum ou autre.

Figure 4.6: Impacts d’une stratégie Figure 4.7: Matrices Impacts/Actions/Stratégies Nous remarquons ici un des intérêts des approches par matrices DMM. Nous avons un nombre limité d’impacts (cinq) pour les stratégies 1 et 2. Pourtant, la complexité rend la représentation sous forme de graphe des impacts de stratégies difficilement lisible. Les représentations matricielles aident à la compréhension.

Nous relions la modélisation d’impacts des stratégies à la modélisation des objectifs des décideurs dans le paragraphe suivant.

4.2.4 Modélisation des impacts de stratégies

Les matrices des deux précédents paragraphes peuvent être réutilisées pour modéliser l’impact de stratégies ICV (figure 4.8). Nous décrivons de quelle manière l’impact d’une stratégie sur les objectifs des décideurs peut être décrit. Plus précisément, nous montrons les effets de la stratégie S1 sur le système pays hôte et de quelle manière cela affecte les objectifs des deux décideurs.

La stratégie 1 est composée des actions A1, A2 et A3 (matrice Stratégies/Actions). Les impacts de ces actions sont représentés dans la matrice Actions/Impacts. Elles ont des effets quantifiés (F11, F12, F21, F23, F31, F32 et F33) qui agissent respectivement sur les impacts I1, I2, et I3.

La matrice Impact/Capital montre de quelle manière le métabolisme du pays hôte sera affecté. Par exemple, l’impact I1 (respectivement I3) affecte un flux sortant du capital C4 (respectivement C1) et entrant vers le capital C1 (respectivement C4). L’impact I2 a un effet sur un flux sortant du capital C1 et rebouclant sur lui-même.

Puisque le capital C3 n’est affecté par aucun des trois impacts (I1, I2 et I3), la stratégie S1 n’a pas d’effet sur celui-ci. Cette stratégie n’aura donc pas non plus d’effets d’après la matrice Capital/Objectifs sur l’objectif O2. Par conséquent, la stratégie S1 n’aura aucun effet sur la satisfaction du décideur D1 et D2 sur les préférences partielles relatives à O2 (matrice décideurs/objectifs).

4.2.5 Conclusion partielle et prise de recul

Par rapport aux limites méthodologiques identifiées pour mettre en place des systèmes d’indicateurs, nous avons proposé dans cette section une approche par DMM. Celle-ci nous permet de relier entre elles les étapes 1 (recueil des données d’entrée) à 5 (estimation des stratégies) du processus d’aide à la décision. Elle concilie les avantages des méthodes de sélection d’indicateurs classiques.

Elle peut mettre en place le système d’estimation selon une procédure descendante (Top-Down) comme indiqué en figure 4.9. Elle part alors des objectifs pour mettre en place les indicateurs. Ainsi peuvent être réutilisées les données issues des stratégies industrielles du pays hôte, des données issues des ESIA9 pour connaître les principaux systèmes à conserver et des objectifs nationaux de contenu local.

Elle peut également adopter une démarche ascendante (Bottom-Up) comme indiqué en figure 4.9. Elle part alors des stratégies et de leurs effets. Des données issues de questionnaires de parties prenantes, des enquêtes industrielles, des données du projet et des descriptions d’impacts dans les ESIA peuvent dès lors être réutilisées pour décrire les principaux impacts et construire la modélisation du pays hôte.

Figure 4.9: L’approche DMM permet de concilier approches ascendante et descendante

En utilisant les résultats du chapitre précédent, elle possède l’avantage de représenter les effets de stratégies sur le pays hôte et d’identifier les différentes interactions. A la différence des approches d’analyse de causalité, elle ne se restreint pas à des systèmes environnementaux. Elle permet d’intégrer une diversité de systèmes.

Des points communs peuvent être vus avec la démarche d’Analyse du Cycle de Vie (ACV). Comme étudié au chapitre 3, celle-ci est composé de quatre étapes principales :

1. La définition des objectifs et du champ de l'étude.

2. L’analyse de l’inventaire du cycle de vie

3. L’évaluation de l’impact.

4. L’interprétation des résultats.

Les deux premières étapes d’une ACV sont similaires à la modélisation des objectifs des décideurs (section 4.2.3) et la modélisation des impacts de stratégies (section 4.2.4).

Toutefois, nous n’avons pas développé en détail l’évaluation globale des impacts de stratégies et leur interprétation. Un cas d’étude est nécessaire. Nous développons celui-ci en section suivante.