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Proposer de nouveaux mode de vie centrés autour des loisirs et du divertissement

Les compounds : des gated communities à l’égyptienne ?

2. Une forme urbaine révélatrice de la recherche d’un nouveau mode d’habiter

2.1. De nouveaux modes d’habiter

2.1.2. Proposer de nouveaux mode de vie centrés autour des loisirs et du divertissement

Ces quartiers proposent en fait un nouveau mode de vie et d’habiter construit autour de la notion de loisirs. En témoignent les interviews faites par des journaux égyptiens auprès de promoteurs immobiliers. Ainsi, le mensuel Egypt Today interroge en septembre 2004 un manager du site Internet Misrcities.com (disparu depuis) qui souligne :

“People like going to the resort towns on the North Coast because of the villas, quiet and large areas of greenery. Can you imagine having this right next to Cairo, in your place of permanent residence, and not just your summer vacation home? It’s a dream come true.”39

Ainsi, les promoteurs veulent offrir à leurs clients une manière de vivre propre aux temps de loisirs et de vacances : habiter dans un compound signifierait alors être en vacances toutes l’année. De même, toujours dans Egypt Today, cette fois-ci en août 2005, lors de la présentation de toutes les opérations immobilières disponibles dans les compounds, le journaliste écrit que ces opérations “strike the perfect balance between a weekend getaway and a secluded retirement option”40.

Ce mode de vie centré autour des loisirs donne toute son importance aux activités sportives. On note ainsi que la plupart des quartiers fermés ont des clubs qui proposent de nombreuses activités à leur clientèle : piscines, courts de tennis, voire green pour pratiquer le golf à haut niveau. Ainsi, le site Internet de Katameya Heights, avant de proposer d’acheter une villa, met l’accent sur son club sportif et l’immense golf autour duquel ont été construites toutes les résidences. Katameya Heights, avant d’être un lieu où l’ont vit, est un lieu où l’on joue au golf. La présence d’un golf indique ainsi la qualité du compound et surtout son haut niveau social. Ainsi, Village Golf Soleimaniya et Dreamland possèdent eux aussi un ou plusieurs golfs. Des tournois sont même organisés entre ces quartiers. Quant aux autres compounds, un peu moins luxueux, ils ne proposent « que » des cours de sports en salle, ou encore offrent des piscines de taille olympique à leurs résidants, comme c’est le cas à Al Rehab.

Une autre preuve de ce mode de vie donnant la part belle aux loisirs est le mélange entre lieux d’habitation et lieux de villégiature. Ainsi, de nombreux hôtels ont été construits à l’intérieur des compounds, souvent à proximité des résidences principales. Par exemple à Dreamland, une zone du quartier, à côté de la zone résidentielle et de l’autre côté de l’enceinte, a été consacrée à la construction d’un hôtel de l’enseigne Hilton, qui propose aussi un parcours de golf et une piscine gigantesque.

39

« Les gens apprécient le fait d’aller dans les villages vacances (resort towns) sur la côté méditerranéenne pour les villas, le calme, et les grands espaces verts. Pouvez-vous imaginer avoir tout cela juste à côté du Caire, là où vous avez votre résidence principale, et non plus seulement à côté de votre résidence estivale ? », Yasmin Moll, « Urban Sprawl », Egypt Today, septembre 2004 (traduction par les soins de l’auteur).

40

« trouvent le parfait équilibre entre un weekend hors de la ville et le choix d’une retraite retirée », Noha Mohammed, « Suburban Joy », Egypt Today, août 2005.

Figure n°14 : Dreamland, un compound construit autour des loisirs.

Clichés A. Bouhali, 9 avril 2008.

Photo n°12 a : L’hôtel Hilton Photo n°12 b : La piscine de l’hôtel Hilton

Photo n°12 c : Le golf de Dreamland, à côté du Hilton Photo n°12 d : Au premier plan le golf ; à l’arrière plan, de nouveaux immeubles

A Soleimaniya Village Golf, l’hôtel, qui appartient au propriétaire du quartier Soleiman Amer, est quant à lui à l’intérieur du périmètre fermé du compound, certes dans une partie un peu excentrée, à proximité du golf, mais juste à côté de certaines villas et du jardin pour enfants. La directrice de l’hôtel souligne d’ailleurs que l’hôtel est plutôt un centre de vacances (resort), de par sa localisation, à la fois à l’extérieur du Caire et à proximité – il faut une heure pour aller à Mohandessin - par sa taille, et par la qualité et le nombre de services proposés– une piscine (voir photo ci-après, figure n°12), des cours de sports, etc. – à une clientèle essentiellement composée l’été de vacanciers, l’hiver de golfeurs professionnels ou amateurs.

A côté des résidences principales des Cairotes ou des nombreux étrangers, certains appartements ou villas sont aussi vendus comme résidences secondaires. Nous pouvons donner l’exemple d’un couple d’Egyptiens d’une cinquantaine d’années, rencontrés à Dreamland dans le bureau de vente de la compagnie, qui vivaient et travaillaient au Pays-Bas et qui avaient acheté une villa à Dreamland pour leurs vacances, qu’ils comptaient ensuite transformer en résidence principale pour leur retraite.

Enfin, ce mélange entre la vie quotidienne et la vie en vacances est paroxystique avec l’exemple de Dreamland et de son parc d’attraction, Dream Park. B. Florin a rencontré le Directeur Général du

Département de Conception de Dreamland, en mars 2003. Ce dernier évoque ainsi Ahmed Baghat, le riche investisseur propriétaire du compound : « Fasciné par Disneyworld, Ahmed Bahgat a voulu créer quelque chose de similaire en Egypte. Quand il a visité Disney, les parcs de loisirs, les jeux, les hôtels, les restaurants, il s'est dit “ Pourquoi ne pas vivre de façon permanente dans ce monde, grâce à des villas, des appartements ? Alors, il n'y aurait plus besoin d'acheter un ticket d'entrée et on pourrait y rester toute sa vie. »41 En créant Deamland, Ahmed Baghat souhaitait ainsi recréer la ville américaine de Convention, c’est-à-dire la ville de Disneyworld.

Figure n°15 : Un magasin à l’entrée de Dream Park.

On notera les couleurs vives, les formes arrondies du bâtiment qui cherchent à exprimer l’esprit ludique voulu dans ces lieux. Cliché A. Bouhali, 10 avril 2008.

On trouve d’autres exemples de parcs à thèmes construits à côté des compounds en direction des populations aisées du Caire. Ainsi dans le quartier de Sheikh Zayed, à côté de Six Octobre, on trouve au bord de la route le parc d’attraction Crazy Waters, ou encore, à l’intérieur de l’Egyptian Media Production City, qui est destiné à être une sorte d’Hollywood à l’égyptienne, mêlant villas de luxe pour les stars du cinéma et studios de tournage.

Figure n°16 a et b : Crazy Water, un parc d’attraction situé le long de l’autoroute entre Six Octobre et Mohandessin. Cliché A. Bouhali, 4 mars 2008.

Les promoteurs et les constructeurs de ces quartiers vendent à leur clientèle, plus qu’un quartier, un véritable concept d’habiter, dans lequel le lieu de résidence devient presque un lieu de loisirs et de villégiature.

Il s’agit à présent d’interroger les conséquences que ce nouveau mode ou « style » de vie, pour traduire la notion de « lifestyle » très utilisée par tous les promoteurs rencontrés et dans les discours publicitaires, a ou aurait sur la pratique de l’espace à l’intérieur de ces quartiers, s’il y a la création

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Entretien réalisé par B. Florin en mars 2003 cité dans ses articles « Faire la ville hors la ville ou l’extraterritorialité des compounds, quartiers fermés du Grand Caire », in Regards Sociologiques, et « Vivre en parallèle ou à l’écart ? L’évolution des villes nouvelles du Grand Caire », in Les Annales de la Recherche Urbaine, n°98.

d’un nouveau rapport au territoire, et plus particulièrement aux lieux « publics » - « en commun » serait sons doute une expression plus juste – dans les compounds.

2.1.3.

Une modification de la pratique des espaces publics à l’intérieur des