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La mise en place d’un partenariat public/privé dans les villes nouvelles

1.1.2 qui ne se concentre finalement que sur les difficultés de la capitale

2. La modification de l’aménagement des villes nouvelles : la prise en main de la création des paysages urbains par le secteur privé

2.2. La mise en place d’un partenariat public/privé dans les villes nouvelles

En effet, un véritable partenariat est mis en place dans le cadre du développement des villes nouvelles au Caire, l’Etat proposant de plus en plus au secteur privé de prendre part à l’urbanisation de ces espaces dont le développement est très lent et difficile au début de la décennie 90. Les plans d’aménagement sont réévalués et réorientés, entérinant après coup les nouveaux développements des

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Pour plus d’informations sur l’encadrement institutionnel des villes nouvelles et son évolution dans le temps, voir entre autres Ducol M. (2005) Vers la privatisation d’un territoire : les villes nouvelles égyptiennes face aux

ensembles résidentiels fermés. L’exemple de Six-Octobre, mémoire de DESS Urbanisme et Aménagement, sous

déserts, et l’Etat propose à la vente de grandes étendues de terrain afin de laisser libre cours aux développements économiques mais surtout urbains initiés par le secteur privé.

2.2.1. Modification des projets d’aménagement initiaux

Les décisions d’aménagement prises par le schéma directeur de 1982 connaissent quelques modifications suite à l’entrée des investisseurs privés dans le développement des villes nouvelles. Certains new settlements voient ainsi leur surface doublée et ont été lotis et affectés aux lotissements de villas et d’immeubles de haut standing, comme c’est le cas pour Sheikh Zayed, directement adossé à Six Octobre. Le gouvernement craint en effet, comme l’a exprimé Mme Edwards du GOPP lors d’un entretien (6 avril 2008) que les espaces interstitiels (ou « buffer zones » dans le vocabulaire des aménageurs égyptiens, qui siginifie « zones tampon ») ne soient gagnés par des constructions illégales et ne deviennent ainsi ces ashwaiyat tant redoutés par les politiques. Certains new settlements, notamment ceux de l’Est du Grand Caire, les settlements n°1, 3 et 5 sont englobés dans une vaste zone à urbaniser, appelée New Cairo (« al Qahira al Gadida »), soit 25 000 ha qui, à terme, sont destinés à accueillir 6 millions d’habitants. Les zones industrielles qui étaient initialement prévues sont abandonnées, ce quartier étant définitivement consacré à devenir uniquement un quartier résidentiel. Les autres settlements antérieurement prévus sont laissés à plus tard (Jossifort, 1998).

Cette révision, acceptée par le président Moubarak en 1997, entérine donc après coup la nouvelle orientation prise dans les déserts par le développement urbain qui a commencé dès le début des années 1990 : les populations aisées se tournent désormais vers les terres désertiques tandis que les populations pauvres restent dans la vallée du Nil, ce qui va à l’encontre des politiques menées antérieurement par l’Etat.

2.2.2. Un « pacte » conclu entre l’Etat et le secteur privé

Les terrains désertiques appartiennent à 95% à l’Etat, notamment au ministère de la Défense, et sont pour la plupart des terrains militaires. A partir des années 1990, l’Etat met en vente de très grandes surfaces à des prix dérisoires. Sabine Jossifort (1998) parle dans sa thèse de 280 km² de terrains mis en vente, soit une surface équivalente à celle du Caire en 1993. Les prix s’échelonnent de 30 à 300 livres égyptiennes le mètre carré, contre 100 à 1 000 £E12 sur les terres agricoles non constructibles en bordure de l’agglomération et de 1 000 à 8 000 £E à l’intérieur du cordon urbain, c’est-à-dire à l’intérieur des limites entre les terres constructibles et les terres agricoles dans l’agglomération cairote (chiffres : Denis, Séjourné, 2003).

On peut presque parler d’un « pacte » signé entre l’Etat et le secteur privé de la construction et de l’immobilier : l’Etat prend en charge la construction de toutes les infrastructures jusqu’à la limite des parcelles désertiques vendues – routes, canalisations d’eau, égouts, électricité – viabilisant ainsi

des portions énormes de désert, tandis que le secteur immobilier privé, que ce soient les grands groupes d’investissements ou des investisseurs plus petits, s’occupe de les lotir et de construire ses propres réseaux privés à l’intérieur des parcelles acquises.

Ces portions de terrains peuvent être achetées tant par les grandes entreprises égyptiennes de travaux publics, associées à des sociétés de promotion immobilière, que par de grandes sociétés internationales ou encore par des particuliers, souhaitant simplement acheter un terrain afin d’y construire leur maison individuelle.

Tous ces acheteurs, quels qu’ils soient, en échange de ces bas prix et de la mise en place de ces infrastructures, sont dans l’obligation de construire dans les trois à cinq ans, au risque de perdre leur mise initiale si le terrain est encore vierge à la fin du délai légal. D’après Hoda Edwards, la vice- présidente du GOPP, la General Organisation for Physical Planning qui est un organisme étatique en charge de l’aménagement en Egypte, cette mesure est destinée à lutter contre la spéculation – des promoteurs achetant des terrains et les revendant beaucoup plus cher quelques années après sans avoir rien construits – et à s’assurer de la fiabilité financière des acheteurs. Cependant, les moyens de détournement sont nombreux – construire les fondations de quelques immeubles ou villas puis geler le chantier pendant plusieurs années avant de le revendre à une autre société est par exemple une pratique relativement courante – et la spéculation existe bel et bien.

Après avoir acheté ces grandes surfaces désertiques viabilisées, les investisseurs proposent les plans de leurs projets immobiliers à l’Autorité des Nouvelles Communautés urbaines – organe administratif responsable de l’établissement, de la planification et du développement dans les nouveaux territoires urbains – qui conserve un droit de regard sur l’urbanisation de ces espaces très particuliers et donne alors son accord, ou non.

Mais ces investissements privés ne donnent pas naissance à de l’habitat social ou à destination des classes moyennes. Les promoteurs se tournent de fait vers les catégories socioéconomiques supérieures de la société égyptienne, mais également les populations étrangères, capables de financer ces programmes de construction par leurs achats. Sortent alors de terre pour la première fois au Caire des quartiers d’habitation d’un nouveau genre : les compounds, autrement dit des gated communities. Ainsi, sur les 280 km² vendus par l’Etat dont parle S. Jossifort, 100 km² ont été « investis par des projets résidentiels où dominent les cités privées » (Denis, Séjourné, 2003)