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IV. Discussion

3. A propos de l’objectif secondaire

L'objectif secondaire est d’identifier les outils proposés par les médecins pour améliorer ce type de filière.

C’est par sa simplicité et sa rapidité d’utilisation que le passage par le SAU s’impose comme le mode d’entrée privilégié pour une hospitalisation : pas de prise de contact nécessaire, pas de risque de refus, prise en charge immédiate, accès aux examens paracliniques, priorité d’accès aux lits disponibles dans un service...

Cependant, le passage par le SAU est reconnu comme pouvant être délétère pour la personne âgée fragile (14–18) . Une grande partie des médecins interrogés en sont conscients. Pour être un mode d’hospitalisation plus souvent envisagé, la FAD doit être plus simple d’utilisation, plus efficace et moins chronophage. Les outils proposés par les médecins pour répondre aux difficultés énoncées vont dans ce sens.

Favoriser la relation ville-hôpital, en enjeu majeur.

De nombreux outils de communication sont proposés, ils visent à améliorer le partage d’informations et fluidifier la coordination entre la ville et l’hôpital.

Certains médecins proposent des rencontres, au cours de réunions d’informations à l’initiative de l’hôpital, ou organisées dans le cadre de la « Formation Médicale Continue » (FMC), renommées aujourd’hui « Développement Professionnel Continu » (DPC) (58). Dans sa thèse, Fabre montre que 73,55% des médecins généralistes considèrent la FMC comme un bon moyen d'améliorer les échanges (32). On rappelle également que la circulaire DHOS du 28 mars (37) relative à la filière de soins gériatriques prévoit qu'au sein d’une filière gériatrique soit organisée « au moins une fois par an une réunion d'échanges avec les médecins traitants du territoire ».

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 Une ligne téléphonique directe

Le téléphone est le meilleur moyen de planifier une hospitalisation pour 62% des médecins généralistes interrogés dans les travaux de Fabre (32).

Les médecins interrogés sont nombreux à proposer la mise en place d’un numéro de téléphone unique, direct, et dédié aux médecins. C’est une idée évoquée dans de nombreuses études (30,31,59). C’est également une obligation dictée par la circulaire DHOS du 18 mars 2002 relative à l’amélioration de la filière de soins gériatriques « L'objectif est de favoriser les admissions directes en service de gériatrie […] Dans cette optique, le service s'organisera pour répondre en permanence aux appels des médecins généralistes. La diffusion d'un numéro d'appel réservé aux médecins du secteur géographique desservi est de nature à faciliter cette coordination. » (58). Dans le département du Var, au cours de notre étude, seulement un seul des 8 services interrogés avait mis à disposition un numéro permettant de contacter directement le médecin hospitalier en charge des admissions. Tous les autres proposaient le numéro du secrétariat du service, ou celui du poste infirmier. Il s’agit donc d’un outil essentiel à développer. De plus, un avis gériatrique téléphonique pourrait présenter un avantage économique pour l’hôpital dans les années à venir : il pourrait entrer dans le cadre d’une télé-expertise ; la rémunération de ces dernières étant un sujet d’actualité.

De nombreux hôpitaux en France ont mis en place un numéro direct dédié à la prise en charge gériatrique, pouvant donner lieu à un conseil, ou à une demande admission directe. Dans les travaux de Brachat (60), 15 des 20 CHU ayant répondu à l’étude ont déclaré avoir mis en place ce service. Une part non négligeable des praticiens hospitaliers interrogés (77%) a vu une évolution favorable du nombre d’entrées directes après la mise en place de ce numéro d’appel.

Au CHU de Saint Etienne, les hospitalisations en gériatrie via les urgences ont baissé de façon sensible à la suite de l’ouverture d’une ligne directe en 2013 (61). La création d’une permanence téléphonique gériatrique à Bordeaux a permis de recevoir 714 appels de novembre 2010 à février 2012 pour la gestion de 230

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personnes âgées. La hotline a permis d'éviter les admissions dans les services d'urgence dans 81,4% des cas (62).

Seules 4,3% des personnes ont été directement admises au service des urgences. Des hospitalisations directes en gériatrie ont été organisées pour 42,9% d’entre eux. Pour les autres, des conseils médicaux ont été donnés (38,3%), une prise en charge en hôpital de jour (9,2%) ou encore des consultations gériatriques (5,3%) ont été organisées (62).

 Un annuaire téléphonique

Les médecins généralistes ont rapporté le besoin de disposer d’un annuaire avec le numéro des praticiens hospitaliers. Si les structures hospitalières en avaient déjà fourni par le passé, beaucoup étaient devenus obsolètes. L’initiative n’avait pas été renouvelée par les hôpitaux. La version papier semblait convenir à ces médecins car facilement transportable lors des visites.

Certaines structures hospitalières, comme le CHU de Nantes ou le CHRU de Lille avec « HOP’WEB », ont développé un accès à un annuaire en ligne dédié aux médecins libéraux, contenant les numéros directs des praticiens de ses établissements via la création d’un « compte médecin » depuis un site internet.

 Une plateforme téléphonique

La proposition de création d’une plateforme téléphonique, toujours dédiée aux médecins est évoquée. Selon certains généralistes, elle pourrait éventuellement proposer une régulation des demandes en fonction de l’état des lits. C’est par exemple ce que propose le CHU de Nantes avec « La cellule d’ordonnancement ».

- Donner une meilleure visibilité aux filières d’admissions directes

Des généralistes interrogés ne savaient pas qu’ils avaient la possibilité d’hospitaliser leurs patients âgés sans les adresser aux urgences.

Au CHU de Lille, une ligne téléphonique, la « HOPLINE Gériatrique », gérée par les médecins de l’Equipe Mobile de Gériatrie a été créée en 2013. En 2017, parmi les 174 médecins généralistes participant aux travaux de Schmitt, 76,3% n’avaient jamais utilisé cet outil, principalement par manque d’information (56,8%) ou par oubli (28,4%) (63)

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Une thèse réalisée en 2017 par le Dr Alais (64) avait pour but d’évaluer l’impact d’une nouvelle diffusion du numéro de régulation gériatrique du CHU de Limoges auprès des médecins généralistes de la Haute Vienne. Les résultats ont montré qu’après une nouvelle communication de ce numéro, il y avait une majoration du nombre d’appels reçus, une diminution du nombre de patients âgés hospitalisés en service de gériatrie via les urgences et une diminution des admissions inappropriées. Cependant, encore 66,7% des médecins généralistes ne connaissaient pas le numéro.

Pour rendre la FAD fonctionnelle il est donc nécessaire de communiquer fréquemment sur son existence et sur la procédure à suivre pour la mettre en place. La diffusion de ces informations peut prendre la forme d’un mail, d’une plaquette d’informations, ou de rappels sur des courriers de sortie. Brachat a montré en 2016 dans ses travaux que ces outils sont utilisés par les services de gériatrie des Centres Hospitalo-Universitaires ayant développé une FAD. Le numéro d’appel pour l’admission directe est rappelé dans 95% des cas sur l’en-tête des courriers. Les moyens de communication les plus utilisés ensuite sont des campagnes d’information par courrier (18%) ou par mail (18%) (60)

- Une fiche de liaison pour faciliter les demandes d’admissions entre médecin généraliste et gériatre.

Un médecin hospitalier a émis l’idée d’établir pour chaque demande d’admission, une fiche de liaison, standardisée et comprenant des données spécifiques à la prise en charge gériatrique. Selon lui cet outil améliorerait la communication avec les médecins généralistes, permettrait de mieux cibler le motif d’hospitalisation et les caractéristiques médicosociales du patient. Il pourrait également permettre de limiter la non-pertinence d’une hospitalisation. La communication standardisée a effectivement été évaluée en tant que solution pour améliorer la coordination des soins (40,65) et le fait de standardiser une demande peut atténuer les erreurs et incompréhensions liées au fait que le langage et l’exercice du médecin généraliste libéral ne sont pas les mêmes que celui du gériatre hospitalier (40).

117 Augmenter le nombre de lits disponibles

L’augmentation des capacités du service, qui demande des moyens architecturaux et nécessite de recruter du personnel médical, paramédical et du matériel, autant de facteurs ayant un impact économique non négligeable, ne semble pas être à l’heure actuelle une solution envisagée par les pouvoirs publics.

Réduire la DMS d’un patient âgé hospitalisé, faciliter les sorties des patients hospitalisés sont d’autres alternatives envisagées. Elles font appel à plusieurs mesures, notamment :

- Anticiper les aides au domicile, par une meilleure coopération des acteurs médico-psycho-sociaux.

- Majorer le nombre de lits d’aval. - Eduquer et informer les familles

En effet, les praticiens hospitaliers rapportent qu’une pression est parfois exercée par les familles pour prolonger le séjour du patient et repousser son retour à domicile. Si les familles se montrent peu rassurées lors des sorties d’hospitalisation c’est peut- être parce qu’un grand nombre d’incidents sont répertoriés lors du retour à domicile. Mesteig montre que 60% des patients avaient connu des incidents indésirables après une hospitalisation en court séjour gériatrique. Les plus fréquents étaient les inadéquations entre l’assistance au domicile désignée et l’assistance effectivement fournie, des erreurs de traitement médicamenteux et des erreurs d’échanges d’informations (42).

Depuis septembre 2016, le territoire Var-Est fait partie des territoires « pilotes » pour le développement du plan « Personne Agée En Risque de Perte d’Autonomie » (PAERPA) dit « Parcours santé des aînés ». Il s’inscrit comme un outil pour faciliter la prise en charge des personnes âgées fragiles en permettant une meilleure coordination médico-psycho-sociale. Il devrait permettre d’anticiper les aides au domicile, prévenir la perte d’autonomie des personnes agées, mais aussi de faciliter leur retour à domicile en sortie d’hospitalisation (66). L’impact de sa mise en place

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devra être évaluée mais les premiers indicateurs étant encourageants, le projet expérimental PAERPA s’est étendu au territoire Var-Ouest durant l’année 2018 (67). Il devrait donc pouvoir devenir un outil rassurant pour les familles, facilitant ainsi la sortie d’hospitalisation.

Réserver des lits à la filière d’admission directe

La question de réserver un pool de lits pour les admissions directes ne fait pas l’unanimité. L’activité du service doit tenir compte de l’état de surcharge du SAU et de l’état de tension hospitalière. C’est une question à l’étude au CHU de Saint Etienne (57). A Nancy un service entièrement dédié aux entrées directes a été créé au 1er juin 2014 : l’Unité gériatrique d’entrée directe (UGED). Mais nous ne disposons pas d’étude sur le sujet permettant d’évaluer les bénéfices de cette création, notamment concernant l’impact sur l’activité du SAU du CHRU de Nancy et sur la qualité des soins.

Améliorer l’accès aux examens paracliniques

Si la difficulté d’accès aux examen paracliniques est un frein à l’admission directe, faciliter son accès devient un outil. Aucune proposition n’a été faite à ce sujet.

Dans de nombreuses structures hospitalières il y a des plages horaires « privées » ou non, réservées à des patients externes. On peut éventuellement envisager que l’hôpital attribue ces créneaux aux patients relevant d’une hospitalisation ou du SAU. Mais cela déplacerait le problème d’accessibilité aux examens ambulatoires vers le privé et la ville. De plus, des patients ont un suivi hospitalier ambulatoire. La réalisation d’examens dans le centre hospitalier qui les suit représente à la fois un confort et est probablement gage d’une meilleure prise en charge par le spécialiste référent. Enfin, ces propositions ne sont pas en adéquation avec le « virage ambulatoire » que les pouvoirs publics veulent donner à la médecine hospitalière.

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Sans restreindre l’accueil des patients externes, la solution de faciliter l’accès aux examens paraclinique en multipliant le nombre d’examens réalisables nécessite des moyens humains (radiologues, brancardiers, manipulateurs radios) et financiers (embauches, achat de matériel) supplémentaires.

Au sujet des difficultés d’accès aux résultats d’examens biologiques, on pourrait suggérer l’utilisation des technologies analytiques miniaturisées « POCT » (Point-Of- Care ou near patient Testing). Ce sont des dispositifs de biologie médicale,

délocalisés, simples d’utilisation, aux performances validées. Ils permettent d’obtenir en quelques minutes des résultats biologiques. Le coût de tels dispositifs et la

performance d’analyse en deçà des examens de laboratoires localisés restent ce jour les principaux obstacles à leur mise en place (68).

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