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III. Résultats

2. Facteurs influençant l’utilisation d’une filière d’admission directe

2.1. La relation ville-hôpital et la coordination des soins

2.1.1. Mauvaise qualité de la relation ville-hôpital

La majorité des médecins interrogés, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, a le sentiment que la relation entre ville et hôpital n’est pas assez développée :

L4/ « Je pense qu’on ne se connaît pas. Alors pour le coup en ville, de l’hôpital on n’a que le souvenir de nos études. Et les hospitaliers bien souvent, ne sont pas passés en ville. Donc je pense que c’est de la méconnaissance. Méfiance je n’en sais rien, parce que quand même les nouvelles générations, j’ai l’impression que… bon je ne sais pas si ça a changé ou pas mais j’ose espérer que c’est un peu moins clivé quoi. »

L6/ « Il y a un manque de communication. Mais ce n’est pas forcément dû qu’aux hospitaliers. C’est aussi la médecine générale, on ne se mélange pas, parce que…

(réfléchit) parce que je ne sais pas en fait ! (Rit) Mais ça a toujours été comme ça… »

H5/ « Il y a plein de jeunes médecins généralistes, plein de jeunes praticiens hospitaliers, il y a plein de générations qui s’entrecroisent, il y a plein de vieux généralistes qui ne nous connaissent pas… enfin voilà on n’a pas de lien direct avec eux. […] C’est un problème de relation entre la ville et l’hôpital, ça c’est le premier truc »

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Une partie des médecins les plus âgés ont la sensation qu’il y a un facteur générationnel dans ce manque de communication.

H7/ « La nouvelle génération… je n’en vois pas beaucoup. L’ancienne génération, oui. Ils venaient même dans le service voir le dossier, le patient, on discutait ensemble. Avec les anciens il y avait une continuité de soin. »

L10/ « Donc moi je prends facilement mon téléphone. Ça se perd de plus en plus […] Aujourd’hui je pense qu’il y a un problème de communication même si on a énormément de moyens de communication, paradoxalement on ne communique plus. Donc moi je suis un peu ancienne génération et je n’aime pas communiquer par mail, SMS ou je ne sais pas trop quoi. Je pense que prendre son téléphone et parler d’un cas c’est beaucoup plus simple que de communiquer par tout ce qu’on a d’autre. »

L12/ « J’ai l’impression qu’on a moins de relation avec les hospitaliers qu’avant […] Avant on pouvait communiquer plus facilement. »

Le manque de relation entre les médecins hospitaliers et les médecins libéraux se fait également ressentir dans la communication d’informations relatives aux patients, ce qui peut être dommageable pour obtenir une coordination des soins de qualité.

Ces informations peuvent concerner le patient à son entrée en hospitalisation :

H1/ « Le problème c’est les traitements aussi… Les patients qui arrivent sans ordonnance. Ou sans lettre du médecin traitant aussi… Là, pour le coup je m’énerve, et je crie (rires). Non mais là ça m’énerve vraiment… Parce que c’est du « foutage de gueule » en fait. »

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H3/ « En général, quand on a un peu de bol, on a un courrier (sourire) voilà ! Parce que de temps en temps ce n’est pas toujours le cas… c’est un petit peu le problème avec la médecine de ville en ce moment (voix presque chuchotée) »

Mais aussi à sa sortie d’hospitalisation :

L8/ « Il faut aussi améliorer le transfert d’information, je suis sur messagerie de santé et je ne reçois aucun document de sortie là-dessus, c’est encore sur papier, donc je les reçois 3 semaines après ».

H3/ « Déjà quand on fait un courrier de sortie peut être que le médecin traitant pourrait suivre la feuille de route qu’on lui propose, ce qui n’est pas toujours le cas »

H6/ « Oui, bon… parfois c’est compliqué, même nos courriers de sortie on a l’impression qu’ils ne les lisent pas. Les patients reviennent sans les modifications thérapeutiques faites… »

H7/ « Oui c’est ça mais malheureusement il y a des patients… (agacé) parfois je m’énerve… Parce que : je reçois le patient, on l’explore… et puis c’est une personne âgée, on finit par dire voilà on va arrêter les explorations. Par exemple, je dis n’importe quoi mais par exemple pour des transfusions itératives, je le marque en gros « si besoin, à l’hôpital de jour ». Et ben je retrouve le patient aux urgences, qui entre pour transfusion ! Et le parcours là… (souffle) »

Il en découle une méfiance de la part de certains médecins hospitaliers envers les médecins généralistes libéraux :

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H1/ « Encore une fois c’est ceux qui nous connaissent qui utilisent ce système. Mais c’est vrai qu’il y en a d’autres qui abusent sur les motifs d’hospitalisation et qui ne peuvent pas mentir, mais cacher un problème social… grossir le tableau clinique alors que le problème est social. Ça c’est insupportable… »

H3/ « Ah ben c’est-à-dire qu’il y a certains médecins quand ils t’appellent tu sais que tu peux serrer les fesses. »

H3/ « Et puis surtout quel médecin j’ai en face de moi, est ce que c’est juste le mec qui va te la faire à « la voilà comme je te pousse » ou est-ce quelqu’un qui a des neurones. Je suis désolé de le dire. […] Quand on va me dire c’est docteur « un tel » qui m’appelle … (siffle, fait mine d’éviter). C’est que c’est bon j’ai compris.

A l’inverse, développer une communication de qualité semble favoriser l’utilisation d’une FAD. En tout cas, c’est ce que rapportent les médecins libéraux utilisant le plus cette filière.

L3/ « on change assez souvent d’interlocuteur, mais il n’y a que deux services de médecine [...] Non ça se passe assez bien, ils sont à l’écoute. »

L14/ « j’ai toujours été bien reçue en médecine polyvalente »

Les praticiens hospitaliers qui font le plus d’entrées directes ont eux aussi souligné l’importance de la communication avec la ville, et ont à cœur de la développer.

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H2/ « On a de très bonnes relations avec nos confrères libéraux. […] On a une bonne relation avec une grande majorité, pas tous naturellement, ce sont des relations humaines. Mais quand même la majorité, ils nous appellent, ils savent très bien qu’on prend les patients dans la journée. »

H2/ « on se rend compte que c’est vraiment une volonté de l’hôpital de s’ouvrir aux médecins généralistes, c’est une démarche qu’on veut avoir. [...] Moi j’ai demandé à tous les médecins du service d’appeler le médecin traitant quand quelque chose ne va pas. C’est ce qui fait que cette politique de communication régulière favorise vraiment une prise en charge rapide. »

H1/ « Après ce qui est facilitant c’est la communication ! […] Donc maintenant quand j’appelle un généraliste, pour l’informer de l’hospitalisation d’un de ses patients ou pour avoir des informations, je le préviens qu’on fait des entrées directes, qu’on accepte les patients sans les faire passer par les urgences et s’ils ont besoin on est là pour les aider »

2.2.2. Méconnaissance de la filière d’admission directe

Une partie des généralistes interrogés utilise les urgences tout simplement parce qu’ils ne connaissent pas d’autres moyens de faire hospitaliser leur patient.

JC/ « Et donc depuis que vous êtes installé, lorsqu’un patient a besoin d’une hospitalisation, la seule filière que vous utilisez, c’est le passage par les urgences ? »

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JC/ « Pourquoi actuellement vous privilégiez un passage par les urgences ? »

L4/ « Euh… (réfléchit plusieurs secondes) parce que là, euh… en fait je ne sais pas comment faire autrement quoi ! »

Certains pensent que la gestion des lits est faite par les urgences. Cela traduit de leur part une méconnaissance du système hospitalier et de son fonctionnement.

L2/ « Donc ça ne change rien, faut qu’il passe par les urgences pour être dispatché après. »

L9/ « Oui, mais ça me paraît relativement logique aussi. C’est comme ça que marchent les hôpitaux. Les patients arrivent aux urgences, et puis sont dispatchés. »

La plupart des médecins libéraux rapportent un manque d’information pour expliquer cette méconnaissance. Ils n’ont pas la sensation qu’une communication sur ce type de filière leur a été faite.

L4/ « C’est vrai que je n’ai rien reçu. Je n’ai pas de numéro ou une démarche à suivre… […] Je n’étais même pas au courant que c’était possible ! […] Il y a peut-être aussi un manque d’information des structures… »

L8/ « Si on avait des personnes référentes à contacter, dans chaque service, en leur expliquant les choses correctement, et puis qu’ils nous prennent en considération, ce serait plus simple ! Mais c’est vrai qu’en général… Moi je n’ai pas eu du tout cette information-là. »

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Le manque d’information : c’est aussi ce que rapportent certains hospitaliers qui se demandent s’ils ont assez de visibilité auprès de la médecine de ville.

H4/ « Après est ce qu’il y en a qui ne sont pas au courant de ce système que l’on a ? … (s’interroge) mais je suppose que depuis le temps qu’on le fait…ça devrait se savoir. »

H6/ « Après nous le service n’est pas si vieux que ça. Et même les nouveaux qui s’installent… s’ils ne viennent pas visiter ils ne savent pas. Je fais des consultations gériatriques et il y en a qui découvrent qu’on existe […] on a mis du temps à avoir une visibilité en ville, et qu’on n’a encore probablement encore pas assez […] c’est vrai qu’on n’a pas vraiment fait de « com » là-dessus. »