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III. Résultats

2. Facteurs influençant l’utilisation d’une filière d’admission directe

2.1. La relation ville-hôpital et la coordination des soins

2.2.6. Contraintes propres aux deux modes d’exercice

La difficulté à établir un contact et le manque de réseau ne sont pas les seuls facteurs expliquant le déficit de relations entre les deux types

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d’exercices. Beaucoup de médecins reconnaissent qu’il y a un fossé qui sépare les deux types d’exercices.

L12/ « J’ai vraiment l’impression que maintenant ce sont deux mondes qui roulent en parallèle. Il n’y a pas vraiment de moment où on peut espérer se rencontrer. Pas dans le sens physique mais… J’ai l’impression que l’hôpital est devenu une structure qui est autonome, avec moins de relation avec les professionnels libéraux. »

H3/ « Je pense qu’à un moment donné, on vit dans deux univers qui sont un petit peu différents. On a nos difficultés propres. Et c’est peut-être ça qu’il faut expliquer dans votre thèse, quelles sont les difficultés au sein d’un service gériatrique à l’hôpital ? Qu’est ce qui peut bloquer ? Et d’un autre côté, quelles sont les difficultés à la prise en charge gériatrique d’une personne âgée à la maison ? Une fois qu’on a identifié ça, quelles sont les passerelles qu’on peut mettre ? Comment on peut se faciliter le boulot ? »

Ces « deux mondes » ont une organisation, un fonctionnement et des contraintes qui leur sont propres. C’est pourquoi le médecin libéral a le sentiment de ne pas toujours avoir la possibilité d’entrer en contact avec le médecin hospitalier au moment opportun.

L2/ « Souvent moi quand je vais faire mes visites c’est souvent entre midi et deux il n’y a plus personne ou alors le soir après les consultations… Donc de toute façon je n’ai pas forcément la possibilité de pouvoir téléphoner donc ça passe aux urgences ! »

L3/ « Alors ça ne marche pas tous les jours, il faut appeler après 9h et après la visite. (Grimace) la visite… »

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L6/ « Mais souvent c’est « ah mais il faudrait rappeler à telle heure » Il y a toujours un petit délai qui fait que ça prend un temps fou ! Parce ce qu’ils n’ont pas les mêmes horaires que nous ou que les patients qui appellent… Ou il est en visite, ou il fait la visite et n’est pas joignable… voilà il y a toujours… il n’y a pas une personne qui attend au téléphone ! »

Et effectivement le médecin hospitalier, du fait des contraintes de son exercice en rapport avec l’organisation du service, ne peut recevoir des demandes et y répondre favorablement qu’à des moments bien précis.

L’horaire d’appel est un facteur influençant l’admission directe ou le passage par les urgences. La grande majorité des hospitaliers préfère recevoir l’appel le matin.

H1/ « C’est sûr que celui qui m’appelle le matin, on va pouvoir programmer pour l’après-midi. Celui qui m’appelle à 16h c’est clair qu’avant le lendemain midi ce n’est pas possible… »

H4/ « Si vous nous appelez le matin quand on fait le point des lits, on sait ceux qu’on a, ceux qu’on récupère et tout ça, on peut s’arranger pour le récupérer le jour même. »

H8/ « Bon alors peut être que ce médecin a appelé à 19h, ou le samedi à 14h. Donc c’est normal qu’il ne trouve personne… »

H2/ « Il y a des médecins qui ont la spécialité de m’appeler sur les coups des 18h en nous disant « j’ai un patient qui à 5 d’hémoglobine il n’est pas très bien », là je lui dis « écoute tu le fais passer par les urgences, moi je réserve le lit ici, il y a un lit pour lui mais fais-le passer par les urgences ».

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Certains hospitaliers reconnaissent que leur disponibilité n’est pas totale, même aux heures supposées être facilitantes.

H6/ « Et nous le matin, on fait un peu barrage, on ne répond pas, ce n’est pas une hotline du tout ! Et même avec les médecins !! On dit « ben oui rappelez cette après- midi on fait la visite ». Alors aussi ce n’est pas une ligne dédiée pour ça, on a aussi toutes les familles qui appellent. Et on ne peut pas se laisser déborder par les familles qui appellent sinon on n’avance pas. »

H5/ « Je pense qu’on a un court laps de temps pour recevoir les appels. Donc il faut que ce soit dans la matinée, c’est le mieux. Et dans la matinée, mais que tu aies avancé ta visite, savoir quel patient sort, que tu aies une idée de la disponibilité des lits pour l’après-midi. »

Du fait de l’organisation du service, des contraintes de personnels, les hospitaliers interrogés favorisent un créneau horaire pour l’admission. Pour un des médecins interrogé, l’admission directe doit avoir lieu le matin :

H7/ « Donc l’après-midi ça nous perturbe beaucoup, il y a déjà les urgences, et il y a un mode de fonctionnement du service à respecter »

Pour la majorité des hospitaliers interrogés l’admission doit se faire l’après- midi, sur un lit qui se libère le jour même, et donc qui nécessite une préparation :

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H5/ « Donc on leur dit que le meilleur créneau c’est entre 15 et 16h. Parce que concrètement il faut attendre que le lit soit libre. Donc que le patient d’avant soit parti. Il faut que les aides-soignantes aient eu le temps de faire la chambre »

H9/ « C’est plutôt en début d’après-midi. Comme on tourne en permanence avec des lits pleins ça se fait les trois quarts du temps… enfin trois quarts… (se corrige) plutôt 95% sur des sortants. Alors comme les gens sortent vers 11h, l’entrée se fait pour 14h. »

Mais cette admission l’après-midi ne peut pas non plus être faite à une heure trop tardive. Le patient doit pouvoir être examiné, son dossier médical analysé, et les prescriptions médicamenteuses faites. Il y a le critère médicolégal qui entre en jeu. Un patient admis doit voir un médecin. En cas d’admission avec un passage par le SAU, le patient va pouvoir, théoriquement, arriver à n’importe quelle heure dans le service. L’évaluation et les prescriptions étant faites par l’urgentiste, la responsabilité du médecin du service ne sera engagée que lorsqu’il reprendra le dossier du patient.

H5/ « Le médecin généraliste t’appelle à 16h, même si tu as des lits, il faut avoir le temps de prévenir la famille, d’appeler les ambulanciers, que les ambulanciers soient disponibles et qu’ils arrivent… […] Il va être trop tard pour faire une admission dans le service »

H8/ « Il faut qu’elle arrive avant 18h-18h30… même le plus tôt possible ! Il faut qu’on puisse le voir et programmer des choses. Euh… (réfléchit) Non c’est tout… arriver le plus tôt possible qu’on ait le temps de les voir. »

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H1/ « Les difficultés qu’on peut rencontrer… (réfléchit) Si l’heure d’admission est trop tardive… Ce qui empêche du coup la bonne prise en charge. Parce que plus tôt ils arrivent dans l’après-midi et plus vite on peut les voir et prescrire les examens et surtout les traitements »

H5/ « Le problème ça va être une histoire d’admission, de prescription médicale… Autant un patient des urgences pour lequel tu reçois un coup de fils à 18h, il te reste encore des places, c’est la fin de la journée, on t’appelle juste avant que tu partes « ouai c’est juste pour te prévenir je vais te faire rentrer quelqu’un « nananinanana » … ». Donc tu l’acceptes ou tu ne l’acceptes pas par rapport au profil, s’il relève de ton service ou pas, mais après ça ne pose pas de soucis par rapport à l’admission dans le service. Le dossier médical tout ça tu peux le reporter au lendemain, c’est l’urgentiste en fait qui gère le dossier, sur le plan thérapeutique et tout ça jusqu’au lendemain matin. Par contre le patient qui vient de l’extérieur, s’il n’y a pas de médecin qui le voit à l’admission, ben c’est un patient qui jusqu’au lendemain n’aura aucune prescription… euh c’est moyen pour les patients quoi ! »