• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : Physique du feu et caractérisation des incendies en Kabylie

3.3 Propagation

C’est la capacité d’un incendie à se répandre dans l’espace en fonction des facteurs environnementaux, comme la structure végétale, le type de combustible, la topographie et les conditions climatiques, comme le vent, qui peuvent être favorables ou défavorables à son évolution, mais aussi en fonction de la combustibilité des espèces.

 Combustibilité

« C’est la manière dont les végétaux se consument une fois qu’ils sont enflammés. C’est aussi une oxydation vive, fortement exothermique, elle permet d’évaluer la part du risque lié à la puissance qu’atteindra le feu. Elle s’effectue selon deux étapes ; une combustion sans flammes (pyrolyse) et une combustion avec flammes » (DELAVAUD, 1981).

Elle se définit aussi comme la propriété qu’a un végétal ou un ensemble de végétaux à propager le feu (ALEXANDRIAN et al., 1992).

La végétation prend feu en s’enflammant et la persistance des flammes naissantes, provoque la combustion de la matière ligneuse. Dans le cas d’un feu de forêt, toute progression de ce dernier requière une bonne combustibilité de la végétation.

3.3.1 Relation propagation-stratification

Le feu détruit aussi bien les éléments fins comme les feuilles, les bourgeons et les petites branches d’un arbre que les éléments plus épais comme les troncs et les grosses branches. Cependant, la diffusion se produit différemment selon la structure et l’organisation spatiale du couvert végétal rencontré et sa composition floristique. De ce fait, le feu progresse plus vite et prend de l’ampleur si le volume ligneux est fortement consistant. La stratification est un élément de la combustibilité de la végétation ; plus le nombre de strates diminue moins le feu progresse et inversement. La présence de plusieurs strates de combustible ; herbacée, arbustive et arborée, est, donc, un facteur favorisant la progression de l’incendie compte tenu du volume ligneux disponible.

83

La vitesse de propagation dépend de l’intensité du feu, qui elle-même est fortement conditionnée par le nombre de strates verticales qui composent une formation végétale donnée et surtout la présence ou l’absence de contact entre elles.

Le feu se propage en brûlant les herbes et la couche superficielle de la litière pour ensuite passer aux ligneux bas, puis aux ligneux hauts. C’est comme monter une échelle et à chaque étape le feu s’alimente davantage pour passer à l’étape suivante.

Les forêts de la Kabylie présentent cette caractéristique de la présence d’un épais sous-bois qui sert de « marchepied » pour que le feu puisse atteindre les arbres d’une certaine hauteur. L’absence d’une strate intermédiaire dans certains peuplements peut limiter l’atteinte des arbres. L’exemple le plus édifiant, est celui des forêts de Chêne Zeen qui ne brûlent quasiment pas à cause de l’absence du sous-bois. Ces forêts ne présentent que deux strates ; la strate herbacée et la strate arborescente, l’absence d’une strate intermédiaire empêche le feu de grimper et d’atteindre les cimes des arbres. Mais la progression de l’incendie se fait en même temps dans le sens horizontal de la disposition de la végétation

En Kabylie maritime, la végétation est inégalement répartie dans l’espace, le taux de recouvrement varie considérablement d’un endroit à un autre, avec plusieurs coupures et discontinuités dans le couvert végétal. La répartition hétérogène de la végétation influence considérablement la progression d’un feu, son évolution est fonction de la quantité du combustible qu’il rencontre sur son passage et la principale contrainte consiste en la présence de ces discontinuités. L’homogénéité ou non des formations végétales conditionnent fortement le comportement d’un feu notamment sa puissance.

Par ailleurs, la combustibilité d’un volume ligneux donné, dépend de sa répartition, de son organisation spatiale, de son agencement et de la densité qui joue un rôle dans le contact entre les éléments et la continuité du système combustible. Le feu ne perd pas de son intensité et se propage facilement si la végétation est dense. Et à l’inverse, une faible densité végétale crée des espaces entre les éléments du système combustible, par conséquent, une faiblesse de la progression du feu. D’après le "Guide Technique du Forestier Méditerranéen Français" édité par le Cemagref, les discontinuités naturelles ou induites dans la répartition du combustible ralentissent considérablement la progression du feu, d’où l’aménagement, par exemple, de coupe-feux.

84

3.3.2 Relation propagation-composition du combustible

La sensibilité d’une formation végétale au feu, comme on vient de le citer, dépend de la stratification et du volume ligneux, mais aussi de la part des espèces inflammables et combustibles qui y sont présentes. La propagation peut, ainsi, dépendre de l’espèce ou des espèces dominantes dans une formation ou dans une association végétale donnée.

Les études qui ont été réalisées sur l’inflammabilité et la combustibilité des espèces en région méditerranéenne (VALETTE, 1974 ; 1990 ; DELABRAZE, 1974 ; …) ont montré que ces dernières (inflammabilité et combustibilité) pouvaient varier considérablement d’une espèce à une autre et chaque espèce possède une note d’inflammabilité et une note de combustibilité qui lui sont propres, selon la saison ou le mois. « La combustibilité caractérise plutôt une

formation végétale entière avec les différentes strates qui la composent » (ALEXANDRIAN

et al., 1992). D’ailleurs, la combustibilité est corrélée à la composition et à la quantité de biomasse combustible (volume ou structure du peuplement) (DAGORNE, DUCHE, CASTEX et OTTAVI, 1994).

L’inflammabilité considérée ici est la possibilité de démarrer un incendie et la combustibilité c’est la possibilité de le diffuser (PAUSAS et al., 2005). Cette dernière est liée à la structure des plantes et aux caractéristiques de leurs tissus (BEHM et al., 2004 in PAUSAS et al., 2005).

La sensibilité des forêts méditerranéennes au feu dépend des essences qui les composent. Ces essences sont en majorité des chênes et des pins. « Il apparaît que les aiguilles de pin d'Alep

sont globalement fortement inflammables au même titre que les feuilles des chênes méditerranéens » (ALEXANDRIAN et al., 1992).

Selon BOUDY (1955), les forêts de Chêne-liège sont les plus sensibles au feu. Les strates herbacée et arbustive (Erica arborea, Arbutus unedo,…) constituent le relais idéal qui permet au feu d’atteindre les arbres de Chêne-liège.

3.3.3 Relation propagation-relief

Le relief escarpé de la région de Kabylie, constitue l’une des facilités dont bénéficie le feu pendant son évolution. Les feux qui parcourent plusieurs dizaines d’hectares en ces milieux, sont souvent aidés par le vent et la raideur des pentes topographiques. Le feu gagne en puissance lorsqu’il parcourt un terrain pentu, il brûle intensément la matière ligneuse.

85

Nous avons remarqué dans plusieurs endroits, notamment au niveau de la forêt d’Abberane et à la forêt de Mizrana, que le relief non accidenté où les terrains sont plus ou moins plats et fortement peuplés par le Chêne-liège, présentent moins de séquelles que les terrains pentus contenant la même formation végétale avec la même densité après le passage du feu.