• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : Physique du feu et caractérisation des incendies en Kabylie

3.7 Facteurs favorisant le départ et la propagation du feu

Le feu est influencé dans son éclosion et dans sa propagation par divers facteurs environnementaux.

3.7.1 Effet de la pente

La raideur des pentes joue un rôle important dans la propagation d’un feu. Plus le terrain est pentu, plus grande est la vitesse de propagation dans le sens de la montée. D’après DROUET (1982), la pente produit le même effet que le vent.

La pente réduit l’angle de contact de la surface végétale avec les flammes qui se tiennent à la verticale en l’absence du vent. Cette configuration permet un transfert important d’énergie par rayonnement à la végétation en amont et accélère la combustion, par conséquent la vitesse de la propagation augmente.

92

Selon ARTHUR (1967) cité par HARCHAOUI (2003), la vitesse de propagation du feu double lorsque la pente est de 10 % et quadruple lorsqu’elle est de 20 %.

La pente favorise non seulement la montée du feu, mais accroit les échanges convectifs. Il y a un écoulement de gaz chauds depuis le foyer vers la végétation non brûlée, qui s’accentue d’autant plus que l’angle formé entre la colonne de convection et le combustible est fermé (DUPUY, 2000).

Le relief est fortement accidenté au niveau de la Kabylie. Plusieurs chaînes et massifs montagneux s’y rencontrent. Par conséquent, les pentes sont raides et constituent l’un des facteurs importants qui favorisent l’incendie dans sa progression et complique la tâche des pompiers (tableau 3.2).

Tableau 3.2 : Relation relief-sensibilité incendie

Seuil de pente (%) Influence sur la propagation d’incendie

0-15 Peu d’influence

15-30 Accélération modérée

30-60 Forte accélération

>60 Risque de turbulence et d’embrasement

Source : Département des Pyrénées Orientales, 2006

3.7.2 Effet de l’altitude

Les conditions météorologiques sont différentes entre les sommets des montagnes ou des collines et les fonds de vallées. Le risque d’éclosion d’un feu est plus important dans le fond des vallées que sur les sommets d’une montagne, car l’air est plus chaud.

Le risque s’inverse la nuit car un air frais et humide descend dans le fond des vallées et la probabilité de départ d’un feu diminue. Tandis que sur les sommets des versants, le danger devient plus grand (TRABAUD, 1992).

3.7.3 Effet du vent

Qu’il soit zonal (synoptique) ou local (brise thermique), le vent joue un rôle décisif dans le sort d’un feu, car il influence son intensité et sa propagation. Avant l’incendie, un vent chaud et sec accélère la transpiration de la végétation en modifiant la température et le degré d’humidité et pendant l’incendie, il peut pousser considérablement le feu et augmenter sa vitesse de propagation. Il renouvèle en permanence la source d’oxygène nécessaire à la combustion par apport continu. Par son action mécanique, le vent attise les flammes en les

93

couchant davantage sur les végétaux et provoque le réchauffement et l’assèchement de la végétation en avant et transporte des flammèches sur des distances de quelques centaines de mètres et déclenche, ainsi, d’autres foyers secondaires. L’action du vent modifie les écoulements des gaz engendrés par la combustion et change leur orientation. Il pousse la masse d’air et les gaz chauds au-dessus du foyer vers l’avant du front de feu, ce qui pourra amplifier l’advection de chaleur en direction de la végétation. Il peut aussi redémarrer un feu couvant ou en incandescence. Toujours par son action, le vent oriente les flammes dans toutes les directions et se révèle comme le meilleur allié du feu. Mais dans certains cas le vent peut freiner la progression du feu, si celui-ci souffle dans le contre sens de la propagation ou s’il souffle à une grande vitesse (> 70 km/ h) provoquant un plaquage et un écrasement des flammes. La forme finale du feu est conditionnée par la direction du vent par rapport au point d’éclosion (CARREGA, 1994; VELEZ, 1996; DUPUY, 2000 ; BRANKA, 2001).

Certains grands feux génèrent leurs propres vents en raison de la convection (CARREGA, 2006).

En se combinant avec certains paramètres topographiques ou structurels et en véhiculant de l’oxygène nécessaire à la combustion, le vent ne peut que favoriser l’éclosion et la progression de l’incendie (DELABRAZE, 1990 ; MOL et al., 1997).

Figure 3.2: Schéma d’un feu poussé par le vent (d’après ROTHERMEL, 1972). Vent

Rayonnement

Convection

Rayonnement et convection Contact de la flamme

94

Le vent augmente la vitesse de propagation d’un feu par la poussée qu’il exerce sur les flammes. Voici un tableau qui illustre l’effet du vent sur la vitesse de propagation dans l’herbe (MARSDEN et al., 1995).

Tableau 3.3 : Vitesse de propagation dans l’herbe en fonction du vent

Vitesse du Vent (m/s) Vitesse de propagation (m/s)

2 0,45

4 0,9

6 1,3

8 1,7

« La surface brûlée pour une propagation avec vent devrait avoir une forme d’ellipse »

(TRABAUD, 1989 in BLANCHI, 1996).

Le vent est fréquent durant toute l’année en Kabylie maritime, mais un peu plus prononcé en été. La présence de la mer influence la genèse du vent local (brise de mer) qui vient s’écouler sur le relief qui s’élève progressivement. Sa circulation en été augmente le risque de propagation en cas de feu. Le vent se lève le plus souvent entre 14 et 15 heures de l’après- midi, moment le plus chaud de la journée. Cette combinaison crée les conditions optimales pour l’éclosion et la propagation d’un feu. Mais le vent le plus dangereux, reste le sirocco. D’origine continentale, ce vent du Sud, très chaud et sec, atteint, en été, la côte Kabyle et plonge toute la région du Nord algérien dans un risque maximum d’incendie de forêt.

Plusieurs incendies ont eu lieu dans des conditions de vent sec et chaud et ont fini avec des bilans lourds en matière de surface végétale détruite. La seule année 2012 a connu un épisode caniculaire sans précédent. La température moyenne maximale a enregistré à Tizi Ouzou une valeur de 39,5 ° C, avec une température extrême de 45,2 ° C. La canicule a duré tout le mois d’août, car la température moyenne minimale était de 23,5 ° C, sans l’enregistrement d’aucun millimètre de précipitation. Cette canicule s’était accompagnée d’un nombre important d’incendies qui ont touché toute la Kabylie et en particulier la Kabylie maritime. En plus de la pente qu’offre les collines littorales Kabyles à l’incendie, il y a également leur orientation nord qui expose directement la végétation aux vents Nord et Nord-Ouest, qui arrivent de la mer Méditerranée. Le vent se combine, donc, au relief, à la chaleur et à la sécheresse et le moindre départ de feu finit avec plusieurs hectares de végétation détruite. A cela s’ajoute la

95

circulation du vent au niveau des vallées étroites et des ravins (effet venturi) qui confère à l’incendie un comportement complexe et inattendu.

3.7.4 Effet de l’hygrométrie

L’air ou l’atmosphère est un milieu qui se charge et se décharge en vapeur d’eau. C’est cette caractéristique de l’air qui détermine l’hygrométrie, qui désigne la quantité d’eau présente dans l’air sous sa forme gazeuse.

Spontanément, la végétation vivante ou morte (bois, litière, etc.) absorbe l’eau contenue dans l’air de son environnement immédiat, sous forme de vapeur par ses pores.

La végétation morte est plus sensible aux variations quotidiennes de l’humidité de l’air qu’une végétation vivante car celle-ci, peut compenser son manque d’eau en cas d’une baisse sensible de l’humidité de l’air par l’absorption racinaire de l’eau, mais là aussi l’eau contenue dans le sol n’est pas inépuisable, cela montre que les mécanismes de compensation de la plante sont extrêmement limités, elle dépend foncièrement de l’état hydrique de l’air et du sol. Selon CARREGA (1994), l’humidité de l’air exprimée en humidité relative est un facteur essentiel dans la variation quotidienne ou même horaire du risque incendie.

L’humidité relative baisse sensiblement dans la journée pendant la période d’été en région de Kabylie. Elle est légèrement au-dessus du seuil critique au niveau du littoral Kabyle à cause notamment de la proximité de la mer. Mais le taux hygrométrique demeure trop bas durant l’été et provoque un assèchement total de la strate herbacée et un flétrissement de la strate arbustive et surtout un grand stress hydrique de la strate arborescente.

3.7.5 Effet de la température

L’air et la végétation sont affectés par les variations de la température qui varie selon les saisons et suivant le relief. La température est un facteur important dans l’avènement et le développement d’un incendie. En temps chaud (période estivale) la fréquence et l’intensité des feux augmentent, cette augmentation est directement liée aux températures élevées du jour comme de nuit. La température agit sur l’évapotranspiration des plantes et augmente leur besoin en eau et elle peut provoquer un stress hydrique temporaire ou permanent. L’action physique de la température se traduit par une accélération de la vitesse et un accroissement de l’intensité des réactions chimiques (endothermiques et exothermiques) avant et pendant le feu (CARREGA, 1994).

96

En Kabylie, les températures estivales sont variables selon les journées mais globalement demeurent assez élevées. La chaleur induite par l’élévation de la température contribue amplement au risque d’incendie de forêt dans cette zone. Les températures moyennes enregistrées durant l’été sont le meilleur révélateur de la fragilité permanente du temps (climat) face à l’occurrence et au développement du feu. Mais le vrai effet de la température se mesure à l’échelle de la journée, car l’action de la température relève d’une échelle temporelle de courte durée. Souvent les températures sont extrêmement élevées lorsque les feux se mettent en routes. Donc, la température moyenne calculée à l’échelle du mois ou à l’échelle de la saison masque une grande part du détail qui fait la différence dans l’évolution du risque incendie.

3.7.6 Effet de la teneur en eau du végétal

C’est la quantité d’eau retenue dans les tissus de la végétation. Son taux est variable selon la saison et selon le combustible. Elle a un effet sur la vitesse de la combustion et le prolongement du délai nécessaire à l’inflammation. Il faut une température suffisamment élevée pour faire évaporer toute l’eau contenue dans le combustible pour libérer les gaz inflammables et démarrer la combustion.

La teneur en eau du végétal est conditionnée par les précipitations et l’état de l’atmosphère mais aussi par la texture du sol. Les sols perméables (grosseur > 63 µm) offrent moins d’humidité à la plante donc plus de sécheresse et une plante sèche est plus disposée à l’inflammation qu’une plante non asséchée.

En général, l’inflammation et la combustion sont favorisées par un temps sec, chaud et venteux qui ramène l’eau contenue dans la végétation à un seuil critique qui permet le départ et le maintien d’un feu.

L’inflammabilité et la combustibilité sont fortement conditionnées par la teneur en eau des plantes (ORIEUX, 1979 ; VALETTE, 1986 ; LAYEC, 1989 in CARREGA, 1994)

3.7.7 Effet de la teneur en eau de la litière

Tout départ de feu est précédé par l’inflammation des éléments fins de la végétation dont fait partie la litière. C’est cette dernière qui compose l’horizon superficiel du sol ; point de départ de la plupart des incendies. De là, apparaît l’importance de la litière dans le départ d’un feu.

97

D’après CARREGA (1994), les changements thermiques ou hydriques qui se produisent au niveau du sol débutent par la litière. Elle est au contact direct de l’air et suit fidèlement les variations météorologiques de courte durée ce qui n’est pas le cas de la réserve d’eau profonde, elle peut, donc, être considérée comme une réserve d’eau superficielle qui évolue différemment, avec une inertie inférieure à celle de la réserve d’eau profonde. Elle peut se vider par un vent sec et prolongé et se reconstituer par une faible pluie sans que la réserve profonde ne soit modifiée.

L’effet de la sécheresse est nettement visible sur la litière et la strate herbacée en Kabylie maritime, car ces couches de combustibles prennent immédiatement des couleurs après quelques jours de chaleur intense et de sécheresse.

3.7.8 Effet de l’ensoleillement

La quantité de chaleur émise par le rayonnement solaire captée à la surface de la terre n’est pas uniformément répartie à cause de l’amorphisme des reliefs qui déterminent le type et la nature des versants, qui sont différemment exposés au soleil. Les versants sud et sud-ouest sont les plus exposés, donc reçoivent une grande quantité de chaleur qui a une incidence directe sur l’évapotranspiration de la végétation, d’où l’appellation de versant chaud et de versant froid.

En Kabylie maritime, les versants sud et sud-ouest plus exposés au soleil, sont généralement caractérisés par des formations basses et moins denses à cause de la sécheresse. La durée en heures d’ensoleillement avoisine les 2750 heures par an (station météorologique de Boukhalfa), ce qui représente une part conséquente. Cette donnée montre la contribution importante du rayonnement solaire à l’évaporation de l’eau contenue dans les tissus de la végétation.

Selon WILLIAM (1964) in TRABAUD (1992), les versants sud et sud-ouest, par l’ensoleillement direct qu’ils reçoivent, présentent les conditions favorables pour une inflammation et une propagation rapide des feux contrairement à l’exposition nord.

CURTIS (1936), cité par BENLEMALEM (1981), a montré qu’il y a une différence de température qui peut aller jusqu’à 5 ° C entre les feuilles d’une végétation exposée au soleil et celles d’une végétation non exposée.

WITTENBERG et al., (2006) ont montré que les versants sud sont moins résistants comparés aux versants nord.

98

Dans sa majorité, le relief de la Kabylie maritime est bien exposé aux brises de mer, mais cela n’empêche pas qu’il y ait des incendies particulièrement ravageurs, car la chaleur qui balaye la région en été, ramène la température du couvert végétal des versants nord à un degré qui se rapproche de celui des versants sud.

En résumé, l’exposition des versants conditionne le type de végétation, l’ensoleillement et l’influence du vent.

3.7.9 Nature du combustible

Le départ d’un feu c’est d’abord l’inflammation puis la combustion. Cette dernière est dépendante de la texture et de la composition chimique du végétal. Les composés aromatiques contenus dans les feuilles et dans les petites branches et rameaux, à des proportions variables, favorisent l’inflammation. La résine et les composés terpéniques sont très inflammables, ce qui intensifie la puissance thermique et accélère la combustion. La nature ici concerne également les différentes formes sous lesquelles le combustible est disponible (feuilles mortes, les herbes sèches, les aiguilles de résineux, les arbustes, etc.).

La composition chimique de la matière végétale joue un rôle important dans l’occurrence et la propagation d’un feu. Selon VALETTE (1988), la matière végétale peut contenir environ 35 % de lignine et 55 % de cellulose et une proportion instable de substances volatiles (huiles essentielles, résine, composés terpéniques) et de 2 à 4 % d’éléments minéraux. Toutes les plantes sont composées par ces éléments mais leur proportion varie d’une espèce à une autre ce qui justifie la mauvaise inflammabilité de certaines espèces comme le tamarix (Tamarix

aphylla) qui contient 19 % de matière minérale de son poids total en matière sèche (NASSEL

et FREEDMAN, 1961 in BENNOUR et TIMSIT, 2000).

Les extraits à l’éther (cires, huiles, terpènes et graisses) à fort potentiel énergétique, et les minéraux (influent la pyrolyse des glucides) sont les deux catégories de composés chimiques qui influencent l’inflammabilité et la combustibilité (NORD et CONTRYMAN, in TRABAUD, 1992).