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CHAPITRE 2: Présentation du terrain d’étude

2.6 Aspect physionomique et floristique

La végétation actuelle du littoral kabyle est, comme le reste de la végétation caractérisant le bassin méditerranéen, le résultat de plusieurs centaines d’années de dégradation des forêts de la chaîne littorale. Il est de plus en plus rare de rencontrer des forêts proprement dites dans notre région d’étude. Des stades régressifs (sous appellation globale de Matorral), sont le type de végétation le plus fréquemment rencontré. Mais malgré cet aspect dominant de végétation dégradée, plusieurs types de formations végétales s’y rencontrent ; à savoir des forêts à base de Chêne-liège (Quercus suber) et des maquis (>2m) constitués d’un mélange d’espèces du groupement Chêne-liège, sur sol siliceux (acide), ainsi que des formations broussailleuses constituées de ligneux bas (< 2 m) qui se développent sur sol calcaire ou sur sol légèrement acide.

Les essences principales rencontrées sont les suivantes :

Le Chène liège (Quercus suber), essence dominante, présente sur tout le massif côtier et gréseux. Le Chène Zeen (Quercus faginea) et Chène Afarès (Quercus afares), sont répandues sur les hauteurs des massifs littoraux. Le Pin d’Alep (Pinus halepensis), se développe dans les reboisements des zones littorales.

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Les formations rencontrées sont différemment structurées. La distribution horizontale et l’agencement vertical de la végétation conditionne la physionomie finale des formations qui y sont présentes. La végétation peut être, ainsi, décrite à partir des taux de recouvrement des différentes strates de hauteur. Dans la zone d’étude, on distingue, en général, la présence de trois différentes strates : la strate herbacée, la strate arbustive et la strate arborescente.

Ces différentes strates de ligneux peuvent s’agencer et constituer des formations très fermées, avec un sous-bois très dense ce qui facilite la progression des flammes vers les strates supérieures.

Dans le contexte de la Kabylie maritime, les formations forestières sont plutôt compactes et fermées mais discontinues par des terres de parcours, des défrichements, des terrains agricoles et des habitations.

Chaque formation possède une physionomie particulière qui dépend des espèces qui la composent. Les forêts de Chêne-liège sont facilement reconnaissables à travers les cimes des arbres qui ont des formes plus ou moins arrondies et des ramifications complexes, elles se rencontrent, en général, sur les hauteurs entre 400 et 800 mètres d’altitude et occupent un vaste espace. Ce sont, généralement, des formations denses et difficiles d’accès à cause du sous-bois comme sur les hauteurs de Mizrana et d’Iflissen, ce qui n’est pas le cas pour les reboisements d’Eucalyptus d’Azeffoun, par exemple, où les arbres sont plus hauts, les cimes sont en forme allongée et sont plutôt accessibles à cause de la faiblesse du sous-bois (figures 2.21 et 2.22).

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Figure 2.22: Formation de Chêne-liège Azroubar, Mizrana, septembre 2010

En ce qui concerne les maquis, ces derniers ont un aspect physionomique très proche de celui des forêts dégradées de Chêne-liège. Les arbres sont rabougris et la végétation est constituée d’arbres de petite taille et d’arbustes touffus et très difficiles d’accès (Figure 2.23).

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Figure 2.24 : Broussaille en feu, Iflissen, septembre, 2010

Le maquis se rencontre sur une large tranche altitudinale depuis la côte Kabyle jusque sur les hauteurs des collines côtières.

Les maquis correspondant à divers stades d’évolution régressive des subéraies (maquis haut et dense à Éricacées, maquis bas à Cistes ou Cistaies, etc…) et des maquis denses de l’Oléo- lentisque occupent une part de plus en plus prépondérante dans le paysage végétal, à la suite des pressions anthropozoïques récurrentes.

Les formations basses comme le matorral sont constituées d’un mélange d’espèces d’arbustes et d’herbacées occupant les espaces les plus touchés par le feu et par l’action du bétail.

Il est parfois difficile de distinguer le maquis bas de ce qui est appelé communément la « broussaille » du point de vue de la flore, à cause notamment de l’état de dégradation de cette dernière. Toutefois, la différence s’observe au niveau de la physionomie. La broussaille se distingue par son hétérogénéité physionomique, avec des végétaux de petites tailles (petits arbustes) qui la composent, souvent ouverte, alors que le maquis bas est plus dense, plus fermé et plus touffu avec une physionomie plus homogène et des individus de taille plus importante.

Les broussailles forment une mince couche de combustible constituée d’une seule strate, qui est généralement dense et fermée vers la côte méditerranéenne et plus ouverte sur les parcours

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des hauteurs. Elles sont rencontrées à toutes les altitudes et constituent un stade avancé de la dynamique régressive de la végétation forestière.

La broussaille évoquée ici n’a pas une signification écologique stricto-sensu. Cette appellation de broussaille est attribuée aux formations basses qui peuvent être aussi bien des maquis au stade plus dégradé ou pas suffisamment développés, que des strates arbustives assez différenciées, comme la garrigue et la plupart du temps au mélange d’espèces indicatrices de milieu dégradés qui forment une seule strate.

La présence de formations dégradées est, sans conteste, le résultat de l’action du feu et du surpâturage à travers le temps, mais aussi de la présence de facteurs écologiques limitant le retour de la forêt, à l’image de l’irrégularité des précipitations, de la sécheresse estivale, des différents accidents climatiques (sécheresse hivernale, pluies torrentielles qui causent la dégradation des sols…).

En réalité, la végétation de la Kabylie maritime est une association assez complexe entre terres de parcours broussailleux (matorral ouvert) et maquis fermé, car l’occupation par la forêt reste faible avec 19 % du couvert total.

En Kabylie maritime, il existe trois principales forêts qui totalisent environ 4000 hectares, constituées en majorité de Chêne-liège. Il s’agit de la forêt de Mizrana (2 233,84 ha), Béni Djenad (543,86) et Tigrine (1 047,06 ha).

La forêt de Mizrana et celle d’Abberane (forêt de Béni Djenad) sont constituées principalement de Chêne-liège (Quercus suber), auquel vient se mélanger parfois le Chêne zeen (Quercus canariensis) qui trouve des conditions propices pour s y’installer suite aux différents incendies au niveau de la subéraie, mais aussi du maquis arborescent. Il en est de même pour la forêt de Tigrine.

Le groupement Chêne-liège est caractérisé par une strate arbustive composée essentiellement

d’Erica arborea (Bruyère), Arbutus unedo (Arbousier), Rubus ulmifolius (Ronce), Rosa sempervirens (Rosier), Myrtus communis (Myrte) et Phillyrea media (Phyllaire à feuilles

intermédiaires). La strate herbacée est caractérisée en général par un taux de recouvrement assez faible où on note la présence de Pulicaria odora, Galium elipicum (Gaillet),

Ampelodesma mauritanica (Diss).

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-faciès littoral à oléo-lentisque caractérisé par : Oléastre, Genêt, Ciste, lentisque, Ronce et Cytise ;

-faciès montagnard à cytise caractérisé par : Cytise, Bruyère, Phyllaire, Arbousier, Viorne tin, Ciste de Montpellier et Fougère.

En revanche, le reboisement industriel d’Azeffoun est dominé par une strate arborescente d’Eucalyptus et de résineux, accompagnée par une strate arbustive et une strate herbacée du groupement Chêne-liège et des pins introduits ainsi que des maquis. La strate arbustive est constituée essentiellement de Pistacia lentiscus (Lentisque), Daphne gnedium, Erica arborea,

Cystus monspenliensis (Ciste de Montpellier), et Calycotome spinosa (Calycotome épineux).

Les essences allochtones, dites à croissance rapide, sont représentées dans les boisements artificiels, essentiellement par divers Eucalyptus (E.globulus, E.sideroxylon, E.gomphocephala, E.cladocalyx, E.botryoides, E.occidentalis, E.maideni) et Pins (Pinus pinaster, Pinus pinea, Pinus canariensis).

Les incendies touchent toutes ces formations sans exception, mais avec des proportions qui sont très variables d’une formation à une autre. En effet, si l’on tient compte de la seule valeur du feu moyen, le maquis perd des surfaces plus importantes que la forêt à chaque incendie, ici l’exemple d’Azeffoun (figure 2.25).

Figure 2.25 : Surface moyenne incendiée par formation végétale, Azeffoun (1990- 2009)

(Formation végétale) Su rf ace mo yen n e p ar in cen d ie ( h a)

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Mais si l’on ne prend en considération que la surface totale incendiée, celle-ci est beaucoup plus importante en forêt comparée au maquis et à la broussaille. Néanmoins, la broussaille brûle plus fréquemment que le maquis et a perdu plus de surface que celui-ci (figure 2.26). Les différentes études effectuées à l’échelle nationale (ARFA, 2010) et à l’échelle locale (BELKAID, 2009), montrent que la forêt est la formation qui brûle le plus, loin devant le maquis et la broussaille, avec plus de 60 % de superficie totale brûlée (figures 2.26 et 2.27).

Figure 2.26 : Nombre d’incendies par formation végétale, Azeffoun (1990-2009)

Figure 2.27 : Surface totale incendiée par formation végétale, Azeffoun (1990- 2009)

Il est actuellement difficile d’établir avec précision laquelle des trois formations caractérisant la zone côtière Kabyle, est réellement plus sensible au feu que l’autre, car du point de vue des

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statistiques, il y a plus d’incendies qui touchent les forêts que les maquis ou les broussailles, mais du point de vue de l’inflammabilité et de la combustibilité le maquis et la broussaille sont plus sensibles.

La sensibilité d’une formation végétale au feu évolue en fonction de la combustibilité des espèces qui la composent. Certaines espèces sont plus résistantes au feu que d’autres car un feu peut parcourir une formation mais ne pas la brûler complètement à cause notamment de cette résistance (écorce très épaisse, arbres très hauts, absence de sous-bois,…).

Sur le plan floristique, les espèces les plus fréquentes sont celles rencontrées dans les subéraies, ou dans les formations issues de la dégradation des subéraies :

On sait que sous l’action des facteurs de dégradation anthropozoïque, la subéraie

Les maquis sublittoraux, le manteau pré-forestier des subéraies, traduisent des incendies fréquents. Certaines espèces, assez communes, sont donc liées à une importante pression anthropozoïque telles que :

Calycotome spinosa et Ampelodesma mauritanica, pour les incendies. Asphodelus ramosus et Ferula communis, pour le surpâturage.

Lorsque la forêt est trop souvent incendiée, elle est remplacée progressivement par le maquis caractérisé par sa structure très fermée, dominé par des espèces végétales très sensibles au feu (pyrophytes) tels que le calycotome, l’arbousier, le ciste à feuille de sauge, le ciste de Montpellier, la filaire et la bruyère arborescente (MOLINIER, 1977).