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Dans l'enthousiasme populaire pour tout ce qui touche l'actualité de l'anarchisme, Le Figaro demande à ses lecteurs, en mars 1894, de leur faire parvenir leur propre définition de l'anarchie considérant que « tout le monde parle de l'anarchie et de ses théories sans les connaître243 ». Le journal publie, en avril 1894, une

sélection des définitions reçues et dresse un panorama général de l'ensemble de ces correspondances en mentionnant que les très nombreuses réponses proviennent de France, de Hollande, de Grèce, d'Italie, de Syrie et de Turquie. Le journal apprécie la forme et la nature des réponses et souligne que 40% des définitions proposées le sont par des femmes. Le journal conclut : « On le voit, le bruit répété des bombes ne parvient pas à couvrir les éclats de notre vieille gaieté. Loin d'être affolé, le public rit et chante. Souhaitons que l'attentat d'hier ne modifie pas ses heureuses dispositions244. »

L’espace politique dessiné par la presse généraliste qui couvre les attentats anarchistes et leurs suites au quotidien joue un rôle fondamental dans l’imaginaire social et politique de la population française245. Les attentats sont représentés dans la

243 Dans « Réponses. Définition de l'Anarchisme », Le Figaro, 7 avril 1894. 244 Ibid.

245 En plus des publications périodiques, de nombreux journaux couvrent le déroulement du procès

des Trente: Le Figaro, La Gazette des Tribunaux, Causes criminelles et mondaines, Le Temps, La

Presse, La Libre Parole, Le Journal, L'Éclair et L'Intransigeant. Dossier de recherches contenu dans

grande presse comme une attaque en règle d'anarchistes isolés contre les institutions démocratiques de la Troisième République. Avant même que ne soient votées des lois accentuant la répression policière des attentats, les journaux consacrent des centaines d'articles au mouvement anarchiste et à ses dangers immédiats pour la sécurité publique. N'hésitant pas à brandir le spectre du vandalisme révolutionnaire, un article publié dans Le Figaro du 30 avril 1892, appelle à la fermeture du Louvre et de la Conciergerie pour éviter que les débordements des manifestations du 1er mai n'entraînent des attaques en règle contre le patrimoine artistique et architectural parisien246.

Pour bien signifier le caractère odieux de ces attentats et manifestations, les journaux aiment à rappeler l'origine et l'étendue des libertés démocratiques de la Troisième République, signifiant que tout l'appareil gouvernemental républicain est l'aboutissement ultime d'une volonté populaire et qu'il reste au service de cette volonté. Pourtant, cette stratégie est aussi une des plus privilégiées par les propagandistes anarchistes et dans l'enthousiasme qui accompagne les premiers attentats, la tentation est grande d'historiciser l'actualité dans le sens de cette volonté populaire toute-puissante. Le 25 septembre 1892, le Père peinard souligne le centenaire de la première république française en titrant « La grande cavalcade du 22.

Autrement dit: L'Enterrement de la Raie Publique247 »,

raillant la commémoration officielle organisée par Sadi- Carnot. Maximilien Luce propose un dessin [Fig. 28] mettant en relation tous les moments clés de l'histoire de srévolutions françaises du XIXe siècle, appelant à la révolte contre la situation contemporaine. Le Père

peinard lui-même, bien campé

devant l'Assemblée nationale y fait une leçon d'histoire :

« Oh la la, avoir coupé le cou à Louis XVI; avoir botté le cul à Charles X; secoué la poire de Louis-Philippe et flambé les Tuileries... Tout ça pour coller sur une chaise percée sa Jean-Foutrerie Carnot III ! Zut alors ! ». La rhétorique du Père peinard concernant le sens moral de l'histoire révolutionnaire ne va pas de soi, et si les

247 « Le Grand centenaire », Le Père peinard, n° 184 (25 sept.-2 oct. 1892), p. 1.

Fig. 28. Maximilien Luce, « Cochon du Centenaire ! », Le

Père peinard, n° 184 (25 septembre 1892).

anarchistes affirment détenir l'appui populaire, leurs opposants ont beau jeu de leur récuser cet appui.

Une des stratégies médiatiques utilisées par les journaux de masse consiste à mettre en scène l'immense affection que porte le peuple à ses dirigeants, minimisant ainsi les sympathies du peuple pour les anarchistes. La couverture journalistique des funérailles de Sadi-Carnot248 dans L'Illustration en juin 1894 exemplifie le travail de

rhétorique qui oppose les anarchistes et les journaux généralistes et qui interroge la légitimité populaire des attentats. Les illustrations, montrant volontiers le peuple accompagnant le cortège, trouvent leur écho dans le texte éditorial de Rastignac :

Un spectacle ! Oui, c'était un spectacle, et aussi une leçon: l'apothéose d'un honnête homme, la glorification d'une victime du devoir. J'ai bien regardé la foule. Ouvriers, petits bourgeois, pauvres gens faisant la haie devant le char funèbre, tous avaient la tête nue, roulant entre les deux doigts leur casquette ou leur chapeau de feutre mou. Caserio ne sait pas, le misérable fou, tout ce qu'il a éveillé de pitié pour sa victime, non pas même chez les privilégiés ou les ploutocrates, comme disent les phraséologies, mais chez les humbles, les petits, les pauvres diables, qui ont un coeur et je dirai un grand coeur249.

248 Marie François Sadi-Carnot (1837-1894). Président de la République Française de 1887 à 1894.

C'est sous son mandat que furent votées les premières lois scélérates en réponse aux attentats anarchistes. Il fut poignardé par l'anarchiste Sante Jeronimo Caserio lors d'une visite à Lyon le 24 juin 1894 et mourut le lendemain. Il est inhumé au Panthéon.

Les stratégies de représentation visuelle des attentats et de leurs acteurs sont très limitées et le but avoué de la grande presse est de rendre compte de ces crimes en les insérant dans une dynamique idéologique qui ne laisse aucune place à une possible discussion des fondements de la crise sociale250. Les fondements historiques

de l'anarchisme et leur possible légitimité contemporaine sont évacués du discours médiatique qui mise sur l'autorité dramatique des sentiments pour attaquer l'image publique soigneusement construite du mouvement anarchiste.

Soucieux des risques que font courir les attentats à la liberté de presse, le Père

peinard et La Révolte essaient, dans un premier temps, d'expliquer ou de justifier les

attentats en regard des injustices sociales qu'ils dénoncent251, mais les anarchistes sont

rapidement débordés par la force médiatique qui leur est opposée252. Le Père peinard

donne l'exemple en titrant « Horrible coup de grisou à Anderlues: 157 victimes... Le populo pleure ! Dynamitades boulevard Germain dans la piôle d'un Jugeur et Caserne Lobau... Les richards serrent les fesses !253 » Peu tenté par une quête de justification 250 Voir les publications de la collection Les Crimes à travers les siècles éditée par Le Petit journal.

Deux titres sont consacrés aux attentats anarchistes: L'assassin du Président Carnot. L'anarchiste

Caserio, n° 29; Ravachol. L'anarchiste assassin, n° 39. Dans les deux cas, une enquête sur la

personnalité de Caserio et Ravachol sert non seulement à empêcher toute forme de légitimation de leur actes, mais elle sert aussi à glorifier les victimes.

251 De nombreuses brochures publiées par les groupes de propagande proposent une lecture

anarchisante des événements et tentent de contrer l'argumentaire. Parmi ces brochures, on notera

Ravachol anarchiste ? Parfaitement !, Paris: Bibliothèque anarchiste, 1892; la plupart mentionnent

spécifiquement qu'elles sont vendues aux bureaux du Père peinard, de L'Endehors et de La Révolte.

252 Vivien Bouhey propose un compte-rendu relativement complet des critiques formulées à l'égard des

anarchistes par la presse socialiste. Dans Vivien Bouhey, Les Anarchistes contre la République.

Contribution à l'histoire des réseaux sous la Troisième République (1880-1914), op. cit., pp. 238-239.

de l'attentat du boulevard Saint-Germain, Pouget propose une mise en perspective en laissant entendre que non seulement le compte n'y est pas entre les plus de 150 morts de Belgique, d'une part, et la « vaisselle cassée » des attentats, d'autre part, soulignant que la couverture de la presse est totalement déséquilibrée254.

Mis en cause directement par la répression, les périodiques anarchistes tentent de prendre leur distance d'avec la propagande par le fait pour sauver leur image, en rappelant qu'historiquement le mouvement anarchiste questionne la pertinence du terrorisme255. En effet, si le mouvement anarchiste a pu encourager la propagande par

le fait jusqu’au milieu des années 1880, nombreux sont les anarchistes qui ont, à de multiples reprises depuis 1886, signifié leur volonté d'éviter de tels actes au profit d’une propagande plus diversifiée:

Le mouvement anarchiste s’est développé au moment où les terroristes russes livraient leur admirable guerre de représailles contre les autocrates, il s’est un peu imprégné de cette manière de faire... Certes, si le mouvement pouvait s’établir et avoir une action continue, cela serait admirable... Mais ce serait, croyons-nous, se perdre dans l’illusion et l’utopie que de croire que des actes semblables peuvent devenir l’objet d’une propagande raisonnée active et continue256.

254 Ibid.

255 Vivien Bouhey, Les Anarchistes contre la République. Contribution à l'histoire des réseaux sous la

Troisième République (1880-1914), op. cit, pp. 231-232.

Cette tendance n'est pas suivie par tous et un ensemble de petits journaux se lancent dans la justification et l’héroïsation des attentats, les présentant comme la mise en pratique d'une justice individuelle, rendue nécessaire par la corruption de la justice républicaine. À ce titre, Jean Grave mentionne dans ses mémoires que cette époque, qu’il nomme la Terreur, se caractérisait surtout par une excitation de l’opinion publique qui encourageait les journaux populaires à se mêler aux débats sur l’anarchisme :

Les journaux à moitié littéraires comme L’Écho de Paris, le

Journal, voire même parfois l’Éclair, étaient remplis

d’articles tout à fait révolutionnaires. Mirbeau, Séverine, Bernard Lazare, Descaves, Geffroy, Arsène Alexandre écrivaient des articles purement anarchistes257.

L'époque des attentats est particulièrement intéressante par la diversité des manifestations de l’anarchisme qui s’y fait jour, mais elle est également sans conteste le moment de sa plus haute dilution. L’association de figures littéraires connues à l’anarchisme, association qui fut l’objet de nombreuses études, assure la réception de l’Idée dans des cercles fermés qui la portent au rang de véritable tendance de mode258.

Si la couverture des attentats par la presse quotidienne est idéologiquement très

257 Jean Grave, Le Mouvement libertaire sous la Troisième République, op. cit., p. 105.

258 John Hutton fait la recension des écrivains et personnalités célèbres abonnés à La Révolte: « Among

the prominent subscribers to Jean Grave's La Révolte— including Adam, Luce, Mirbeau, Signac, Bernard Lazare, Camille and Lucien Pissarro, and the poet Jean Richepin — but some of France's most prominent cultural and literary figures, among them Maurice Barrès, Alphonse Daudet, Anatole France, Remy de Gourmont, Joris Karl Huysmans, Jules Lemaître, Leconte de Lisle, and Stéphane Mallarmé. » Voir John Hutton, Neo-impressionism and the Search for Solid Ground : Art, Science, and

explicite, de nombreuses revues proposent d'étoffer la discussion des attentats anarchistes en des analyses maniant philosophie, art, littérature et sociologie. Dans ses mémoires, Grave raconte que dans l’excitation générale provoquée par l’actualité révolutionnaire, des journaux littéraires259 s’approprièrent la cause et publièrent des

articles dans lesquels la radicalité fut élevée au rang de véritable leitmotiv littéraire260.

Ces articles, au lyrisme rhétorique ne souffrant aucune limite, laissent croire que tout le milieu littéraire et artistique parisien oeuvrait pour porter la révolution à son paroxysme, dans les plus courts délais.

Dans un article « École de Ravachol », Paul Adam reprochait à la Révolte de n’être pas assez révolutionnaire ! Pour quelqu’un qui devait finir bourgeois et militariste, ce n’est pas mal ! Henri Fèvre – celui-là aussi, hélas !, a bien mal fini – dans un des derniers numéros écrivait un article sur les députés. Il terminait ainsi : « O bombes de l’avenir ! » La semaine suivante Vaillant jetait la sienne dans l’enceinte du Palais Bourbon !261

259 Plusieurs de ces journaux étaient également abonnés à La Révolte selon John Hutton. « Journals

subscribing to La Révolte included La Plume, the Revue blanche, L'Art littéraire, L'Art et la vie, the

Revue d'art et de littérature, and Essais d'art libre. » Voir John Hutton, Neo-Impressionism and the Search for Solid Ground : Art, Science, and Anarchism in Fin-de-Siècle France, op. cit., p. 52.

260 Bien que cet engouement général des revues littéraires pour l'anarchisme soit lisible et visible dans

les périodiques contemporains des attentats, il est certainement exagéré d'affirmer, comme le fait Philippe Oriol, qu' « [à] cette époque, en fait, et à quelques rares exceptions près, toutes les revues de la jeunesse littéraire, furent plus ou moins anarchistes. » Dans Philippe Oriol, « Le flirt des "petites revues" avec la vierge rouge », dans Jacqueline Pluet-Despatin et al. (dir.), La Belle Époque des revues,

1880-1914, Sans lieu: Éditions de l'IMEC, 2002, p. 164.

261 Jean Grave, Le Mouvement anarchiste sous la Troisième République, op. cit., p. 105. Cet ouvrage

de Jean Grave fut dénoncé par Charles Malato qui l'estimait pétri de l'amertume de Grave. L'ouvrage était, selon Malato, une « biographie, bondée de ragots souvent inexacts et rancuniers, mêlée à l'exécution, fâcheusement bien tardive, de pseudos-compagnons, morts ou disparus de la circulation après avoir discrédité le mouvement anarchiste. » Charles Malato, « Mémoires d'un libertaire », Le

Peuple, 25 janvier 1938, p. 5. Cité dans Aline Dardel, Les Temps nouveaux, 1895-1914. Un hebdomadaire anarchiste et la propagande par l’image, op. cit., p. 41.

Poussés au-devant de la scène politique par les attentats, les anarchistes sont sur la défensive et la presse généraliste y voit le meilleur moyen de faire échec à la sympathie du public, en les mettant dans une posture telle que leurs actions semblent mues par le désespoir262.

Face aux passions conflictuelles des journaux de masse, exacerbées par les attentats et la nervosité palpable du climat social, les anarchistes semblent réduits à un compromis étrange. Soucieux du caractère potentiellement néfaste des attentats pour la propagande, qui est relativement tolérée en France, les éditeurs de journaux ont beaucoup à perdre d'une répression de la liberté de presse263. Plus les attentats se

multiplient, plus la nécessité d'une véritable prise de distance s'impose, faisant disparaître les tentatives d'explication sociologique des attentats au profit de critiques éloquentes. Octave Mirbeau264, qui avait pourtant défendu Ravachol265, et Kropotkine

se montrent inquiets devant cette image des anarchistes que renvoie la presse, tandis que plusieurs militants questionnent la légitimité de l'association des anarchistes aux

262 Xose Ulla Quiben, Émile Pouget. La Plume rouge et noire du Père Peinard, op. cit., pp. 136-137. 263 Un très court article annonce « En avant les poursuites ! » et signale les actions en justice intentées

contre Zo d'Axa et le Père peinard. Dans « Liberté de la presse ! », La Révolte, vol. 5, n° 36 (4-10 juin 1892), p. 1.

264 Octave Mirbeau (1848-1917). Écrivain et dramaturge français, il participa à de nombreux journaux

littéraires et anarchistes en tant que journaliste et commentateur de la vie contemporaine.

265 Octave Mirbeau, « Ravachol », L'Endehors, n° 52 (1er mai 1892), pp. 1-2; La Révolte, n° 32 (7-14

mai 1892), p. 1-2 . Dans un livre consacré à la figure de Ravachol, Philippe Oriol reproduit une lettre de Camille Pissarro adressée à Mirbeau à propos de cet article dans lequel Pissarro souligne le grand coeur de Mirbeau qui « souffre de voir la bassesse et l'ignominie de toute une civilisation. » Dans Philippe Oriol, Ravachol. Un saint nous est né !, Paris: L'Équipement de la pensée, 1995, p. 63.

attentats, en soulignant qu'ils sont le fait d'individus isolés, le plus souvent inconnus ou peu connus des milieux révolutionnaires266. Associant ces figures à la grande

criminalité, les anarchistes tentent de prendre leur distance en faisant valoir qu'il est impératif de se méfier d'individus qui souhaitent donner à leur action des dehors de militantisme pour profiter d'une quelconque légitimité politique267.

Les premières tentatives de répression contre la presse anarchiste sont critiquées et selon Jean Grave, c’était « en rechignant que les députés consent[ent] à voter les lois qui aggrav[ent] les pénalités de la presse268 », ces derniers ne se sentant

pas concernés par les attaques visant particulièrement les juges. Ce détachement relatif prend fin abruptement lors de l'attaque d'Auguste Vaillant contre l'Assemblée nationale, suite à laquelle les députés « devinrent enragés269. » Une fois les lois

scélérates votées, la réaction face aux attentats anarchistes est multidimensionnelle et l’efficacité de la répression est assurée par son déploiement simultané dans les sphères publiques et privées270. La situation déjà précaire de la propagande anarchiste

s'envenime dès que le gouvernement français permet les perquisitions et les arrestations dans le cadre de sa Loi sur les associations de malfaiteurs. Plusieurs

266 « Jusqu'à la lie! », La Révolte, vol. 7, n° 25 (4-10 mars 1894), p. 1. 267 « Leur peur », La Révolte, vol. 6, n° 10 (19-25 novembre 1892), pp. 1-2.

268 Jean Grave, Le Mouvement libertaire sous la Troisième République, op. cit., p. 113. 269 Ibid.

journaux de toutes allégeances continuent à dénoncer cette atteinte à la liberté de presse qu'ils estiment être à la fois démesurée et inefficace. La Libre Parole d'Édouard Drumont271 se demande, le 14 juillet 1894, ce que sera la presse dans

l'avenir et conclut qu'elle sera réduite à l'apologétique272, tandis que d'autres

commentateurs critiquent les lois qui « ont pu produire un effet moral salutaire sur le public en lui donnant l'illusion de se croire mieux protégé que par le passé. Mais c'est là le seul résultat que l'on a obtenu273. » À l'évidence, la grande presse est peu

convaincue de l'efficacité réelle des méthodes employées par la police, mais les journaux anarchistes témoignent régulièrement de l'application des lois scélérates et de leur effet presque immédiat sur la stabilité de la propagande. Les perquisitions chez les militants et les sympathisants du mouvement anarchiste débutent en janvier et se poursuivent jusqu’en août 1894274. Le Père peinard en fait le sujet de plusieurs

illustrations dans lesquelles il se dépeint comme victime à part entière des attentats.

Si « La Révolte et Le Père peinard paraissaient régulièrement durant la période terroriste de 1892-94275 », les lois scélérates de 1894, suivies du Procès des

271 Édouard Drumont (1844-1917). Journaliste et écrivain antisémite et anticapitaliste, il publia

quelques œuvres avant de fonder La Libre parole en 1892. Il fut également député d'Alger de 1898 à 1902.

272 La Libre Parole, 14 juillet 1894.

273 H. De Kerohant, « Contre les anarchistes », Le Soleil, 14 avril 1894. Il cite comme source de ses

connaissances sur le mouvement anarchiste français, l'ouvrage de Félix Dubois.

274 Jean Maîtron, Histoire du mouvement anarchiste en France, (1880-1914), op. cit., p. 113. 275 Ibid., p. 249.

Trente, portent un dur coup à l’organisation de la presse anarchiste française276.

Lorsque La Révolte cesse de paraître en mars 1894, une annonce, confirmant l'opinion d'Augustin Hamon sur le rôle des journaux dans la propagande, mentionne:

Nous estimons d'ailleurs que, temporairement, la publication de La Révolte est moins immédiatement nécessaire que par le passé. Dans les derniers événements, la propagande se fait toute seule, tout concourt à répandre nos idées, jamais diffusion ne fut si grande, le moindre, comme le plus considérable des abjects journaux de la bourgeoisie s'honore, travaille en ce moment pour nous et dans toutes les villes, dans les plus reculées des campagnes, ils portent le nom de l'anarchie, obligeant ceux qui l'entendent à réfléchir ou à rêver sur lui277.

Aux prises avec des difficultés financières, Émile Pouget est pour sa part convaincu que l’accélération de la propagande peut seule mettre un terme à la répression et il parvient à maintenir à flot sa publication jusqu’à ce qu’il se trouve forcé de s’exiler pour en assurer la suite. Ayant fui à Londres pour éviter l’emprisonnement278, Pouget s’y retrouve au sein de nombreux exilés français279 usant

de toutes les stratégies pour poursuivre la propagande et entame la publication de