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Portraits et allégories: la commémoration visuelle et l'historicisme anarchiste Discutant des événements de 1871 comme de la première révolution entamée

par la force des travailleurs, Karl Marx avait compris, sinon dans le particulier du moins dans les grandes lignes, l’importance symbolique considérable qu’aurait la Commune dans les années suivantes.

La multiplicité des interprétations auxquelles la Commune a été soumise, et la multiplicité des intérêts qu'elle a exprimés montrent que c'était une forme politique tout à fait susceptible d'expansion, tandis que toutes les formes antérieures de gouvernement avaient été essentiellement

répressives. Son véritable secret, le voici : c'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du travail118.

À l'instar de Marx, de nombreux théoriciens, soucieux de projeter l'histoire de la Commune dans un futur émancipateur, y virent le signal d’un nouveau point de départ de la révolution permettant de dépasser, une fois pour toutes, le mythe presque centenaire de la Révolution française comme modèle d'un soulèvement populaire119.

Sans surprise, les ennemis de la Commune ne tardèrent pas non plus à en écrire l'histoire, si bien que dès l'écrasement de la Commune de Paris, une véritable entreprise de mise en discours et en images fut amorcée dans la controverse, tandis que les « responsables » de la Commune étaient contraints à l'exil120. Georges Haupt

rappelle la boutade de Marx sur le rôle joué par la presse dans la « défiguration » de la Commune :

On croirait jusqu'à présent que la formation des mythes chrétiens dans l'Empire romain n'avait été possible que parce que l'imprimerie n'était pas encore inventée. C'est tout le contraire. La presse quotidienne et le télégraphe qui répand ses inventions en un clin d'oeil dans tout le globe fabriquent

118 Karl Marx, La Guerre civile en France, Paris: Éditions sociales, 1963, pp. 50-51.

119 Georges Haupt, « La Commune comme symbole et comme exemple », Le Mouvement social, n° 79

(avril-juin 1972), pp. 205-206.

120 Adrian Rifkin, « Well Formed Phrases: Some Limits of Meaning in Political Print at the End of the

plus de mythes en un jour qu'on ne pouvait en fabriquer autrefois en un siècle121.

Rapidement élevée au rang de symbole et de mythe, comme le souligne Georges Haupt, la Commune de Paris a joué un rôle fondamental dans la définition d'une nouvelle culture idéologique et esthétique pour les mouvements révolutionnaires sous la Troisième République. Édictées au moment où la République consent au retour en France de ceux qui se soulevèrent lors de la Commune de Paris, les résolutions du Congrès de Londres concernant la propagande eurent une résonance singulière. En effet, un véritable engouement pour la figuration de la Commune, inspirant les artistes, les figures politiques et les journalistes, entraîna ces nouveaux besoins de propagande sur le chemin d'une célébration historique devant agir comme le vecteur d'une nouvelle révolution sociale. L'actualité de la préparation du centenaire de la Révolution française et l'exemple polémique de sa mise en histoire officielle122, donnèrent aux militants l'occasion de réfléchir à la question de la

commémoration123. La Commune à laquelle les anarchistes s'associent volontiers est

au centre de la vie politique française de telle sorte que le potentiel subversif de sa célébration est compris par les anarchistes comme une chance d'accélérer l'avènement

121 Karl Marx, « Lettre à Kugelmann du 27 juillet 1871 », citée dans Georges Haupt, « La Commune

comme symbole et comme exemple », loc. cit., p. 205.

122 Neil McWilliam, Rêves de bonheur. L'Art social et la gauche française, Dijon: Les Presses du réel,

2007, p. 424.

123 Marc Angenot, Le Centenaire de la révolution 1889, Paris: La Documentation française, 1989, p.

de la révolution. Vue comme le moyen par excellence d'empêcher la cristallisation de l'héritage révolutionnaire, l'idée de générer un soulèvement populaire par la commémoration est centrale dans l'imaginaire de la presse anarchiste et pèse comme une menace certaine sur la République.

Walter Benjamin a décrit le besoin qu'ont les « classes révolutionnaires, au moment de l'action, de faire éclater le continuum de l'histoire », de fixer le moment de l'émancipation en arrêtant le temps, mais aussi en organisant sa répétition par la commémoration124. Une telle liaison de l’histoire et du présent doit être l'occasion

d'une commémoration active, par laquelle l’événement signifie le potentiel immédiat d'un passage à l’action. Cette tâche historique n'appartient pas en propre aux classes révolutionnaires, la commémoration historique étant un constituant symbolique important de toute action politique. Néanmoins, la distinction entre la commémoration symbolique servant à magnifier un pouvoir de domination appartenant au présent, privilégiée par les classes dirigeantes, et une commémoration caractéristique des mouvements révolutionnaires prenant son sens dans la mémoire du passé et la spéculation sur le futur, implique une compréhension dissemblable de l'acte commémoratif.

La volonté de récupérer la Commune en tant que symbole contemporain de l'action populaire, et la légitimité tout aussi symbolique qui en découle, est partagée

par tous les groupes politiques qui souhaitent se vêtir de la vérité de sa mémoire et répudier leurs rivaux. Historiens, artistes, écrivains, militants cherchèrent à figurer l'histoire de la Commune, à qualifier son héritage, à s'associer négativement ou positivement au devenir de ses idées et réalisations politiques, mais surtout, anciens communards et anciens versaillais souhaitèrent l'élaboration d'une allégorie de la Commune, soit pour inspirer par son souvenir, soit pour immobiliser ce même souvenir dans un monument125. Bertrand Tillier a montré comment, dès son retour en

France, Louise Michel126 est portraiturée à de nombreuses reprises par les médias et

les militants souhaitant en faire l’incarnation vivante de la Commune de Paris, mais que cette dernière est considérée comme n’étant plus assez jolie et trop vieille pour en personnifier adéquatement l’histoire et l’esprit127. Cette difficulté médiatique cache

une réalité encore plus complexe : les acteurs de la Commune sont loin de se laisser dépeindre comme des figures historiques passées. Au contraire, plusieurs d'entre-eux, au premier chef Louise Michel, ont l'intention de jouer un rôle politique important

125 Bien qu'elle ne soit pas directement liée à l'objet du présent chapitre, on ne saurait passer sous

silence l'importance, en plus de la commémoration de la Commune de Paris, de celle de la guerre franco-prussienne sous la Troisième République. Voir June Hargrove, « Qui vive ? France ! War Monument from the Defense to the Revanche », dans June Hargrove & Neil McWilliam (eds),

Nationalism and French Visual Culture, 1870-1914, Washington: National Gallery of Art, 2005, p.

55-81.

126 Louise Michel (1830-1905). Institutrice de formation, Louise Michel est connue pour son

implication dans la Commune de Paris comme ambulancière et animatrice du Club de la Révolution, implication pour laquelle elle est condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie en décembre 1871. Lors de son exil, elle poursuit ses activités révolutionnaires tout en étant de plus en plus intéressée par les théories anarchistes. Revenue en France en 1880, elle s'implique dans le mouvement anarchiste et participe à des tournées de propagande en Europe tout en se consacrant à une école libertaire.

dans la Troisième République128 et, dès leur retour, leur conviction ne se dément pas.

Envers et contre les médias de masse et les élites politiques, les militants rebutent à l'injonction qui leur est faite de considérer le souvenir de la Commune comme un événement fini, réductible en un emblème monumental.

Les premières occurrences de documents de propagande visuelle dans les cercles anarchistes confirment leur intérêt pour la commémoration de la Commune. Au-delà de quelques illustrations contextuelles publiées dans Le Révolté129 avant

1886, « toute l’imagerie du parti se bornait », selon le journaliste Félix Dubois, « à un portrait de Louise Michel – grandeur naturelle - édité vers 1883130 » et s’ajoutant aux

images produites dans le sillage de son retour de Nouvelle-Calédonie131. Il est

possible qu'il s'agisse du « portrait au lavis d'encre exécuté par Maximilien Luce au début des années 1880, à partir d'une gravure diffusée par Richard Kaufmann dans son ouvrage intitulé À propos de la France moderne, paru en 1882132. » Repris en

128 Louise Michel est amnistiée le 11 juillet 1880, arrive à Paris le 9 novembre et présente une première

conférence le 21 novembre. En juillet 1881, elle assiste au Congrès anarchiste international de Londres. En 1883, elle est condamnée à une peine de prison pour avoir « conduit une manifestation de chômeurs » en compagnie d'Émile Pouget. Voir Gérard Dittmar, Dictionnaire biographique illustré de

la Commune de Paris, Paris: Éditions Dittmar, 2004, p. 324.

129 On retrouve en avril 1881, deux illustrations accompagnant des textes sur la situation politique

russe : un plan de l’État-Major à Saint-Pétersbourg et une coupe verticale de la Bombe Kibaltchitch, accompagnée d’une recette pour sa fabrication. Cette dernière image est identifiée comme étant tirée de la Strana, quotidien de Saint-Pétersbourg, et il est mention de publications de cette image dans les journaux anglais Nature et Truth. Dans Le Révolté, vol. 3, n° 3-4 (2 et 16 avril 1881).

130 Félix Dubois, Le Péril anarchiste, Paris : Flammarion, 1894, p. 143. Dubois ne donne que peu de

précisions concernant l'auteur de ce portrait et sa publication éventuelle dans un journal anarchiste.

131 Bertrand Tillier, La Commune, une révolution sans image?, op. cit., pp. 455-463. 132 Ibid., pp. 458-459.

1905 dans Le Libertaire [Fig. 2] pour souligner de manière posthume l'œuvre de propagande de Louise Michel, le portrait de Luce affiche sans complaisance les traits vieillis de cette dernière, soulignant qu'elle fut toute sa vie durant, une figure publique ayant milité pour diverses causes sociales. Tel que le souligne B e r t r a n d T i l l i e r , « l'idéalisation encore à l'oeuvre dans l'ouvrage de Kaufmann, avec la gravure démarquée d'une photographie de jeunesse proche de celle d'Appert, fut terrassée par le réalisme expressif de Luce qui modela un visage ridé, donné à voir frontalement et dans un vêtement sombre accentuant encore l'épaisseur des traits133. » Bien que les

nombreux portraits faits de Louise Michel entre 1880 et 1885 aient pu être considérés comme peu satisfaisants en termes commémoratifs, leur importance symbolique pour le mouvement révolutionnaire français ne se dément pas facilement. Ses traits vieillis

133 Ibid., p. 460.

Fig. 2. Maximilien Luce, « Portrait de Louise Michel », Le

Libertaire, n° 12 (12-19 janvier 1905).

n’empêchent en rien les militants anarchistes de continuer à voir en elle l’incarnation d’une force politique certaine, sa loyauté au militantisme, son dévouement à la cause de l’éducation et son implication n’ayant pas pris une seule ride.

Le cas du portrait de Louise Michel ne fait pas exception. Le fait que ce portrait constitue peut-être, jusqu'au milieu des années 1880, la principale image de propagande des anarchistes, comme le mentionne Félix Dubois, et qu'il soit reproduit dans les périodiques anarchistes jusqu'en 1914, constitue une preuve tangible de la quête de durabilité historique qui motive les anarchistes français à emprunter aux formes de propagande visuelle privilégiées par les révolutionnaires tout au long du XIXe siècle. En effet, la circulation de portraits de révolutionnaires, le plus souvent photographiques ou gravés d'après photographie, constitue la première solution apportée par les anarchistes à leur besoin d'images de propagande. Cette solution est pragmatique, mais surtout historique en ce qu'elle réfère à une pratique largement répandue dans les milieux révolutionnaires et qu'elle est associée aux événements mêmes de la Commune de Paris.

La mise en service de la photographie aux fins de documentation policière en 1871 eut pour principale conséquence la constitution d'un patrimoine photographique considérable134 s'ajoutant aux portraits de révolutionnaires associés à la Commune,

134 André Rouillé, La Photographie en France. Textes et Controverses : Une Anthologie. 1816-1871,

souvent produits à l'initiative personnelle du portraituré ou du portraitiste. Répondant à une volonté d’utiliser les portraits à des fins scientifiques ou répressives, les formes des portraits pris par la police furent systématisées en un ensemble de caractéristiques limitées pour une plus grande efficacité de lecture135, mais aussi pour éliminer la

dimension romantique des portraits individuels mis en scène de manière flamboyante136. Loin de réduire l'intérêt des militants, cette lisibilité encouragea le

détournement des portraits à des fins de propagande: l'acquisition par les révolutionnaires des portraits de communards et leur diffusion dans la population rendant possible, soit la glorification des martyrs susceptible d'inspirer un soulèvement vengeur, soit la concrétisation de liens sociaux137. En outre, le pouvoir

d’évocation du portrait réfère à l’œuvre et à l’action révolutionnaire du sujet représenté, rendant leur exploitation efficace et servant tant la mythification du portraituré et de son histoire, qu’encourageant l’émulation. En réponse à ce détournement, des pratiques d'archivage des portraits furent établies et des restrictions

135 Le type établi sur la base des caractères récurrents des criminels et des déviants par César

Lombroso ou l’identification de criminels faite à partir de registres photographiques par Adolphe Bertillon constituent certainement les deux plus importantes tentatives de systématisation des pratiques répressives liées au portrait photographique. Voir Mary Cowling, The Artist as Anthropologist. The

Representation of Type and Character in Victorian Art. Cambridge : Cambridge University Press,

1989, p. 123.

136 David Sweetman, Explosive Acts : Toulouse-Lautrec, Oscar Wilde, Félix Fénéon and the Art and

Anarchy of the Fin de Siècle, op. cit., p. 318.

strictes d'usage et de diffusion des portraits furent décidées138, mais la circulation des

portraits se poursuivit parfois avec l'aide directe des photographes139.

Comme le mentionne Jeannene M. Przyblyski, bon nombre d’historiens ont vu en cette pratique photographique le signe d’une utilisation répressive toujours plus affirmée du médium photographique devenu un outil de premier plan pour lutter contre la criminalité et pour la répression politique140. Mais, de la Commune de Paris

aux années 1890, le fichage des révolutionnaires, accompagné de théorisations de toutes sortes quant à son utilité réelle, ne parvient que partiellement à convaincre de son utilité et de son efficacité. Le journal La Petite république mentionne en avril 1894, la mise au point par Bertillon141 d'un album anarchiste devant contenir:

500 pages in-4 sur laquelle sont reproduits par reports photographiques les portraits de face et de profil de chaque individu suspect: un relevé des mesures anthropométriques et des annotations concernant les condamnations encourues et les affaires où les anarchistes se sont trouvés mêlés. Un exemplaire de cet album sera remis à tous les officiers de paix des brigades de recherches, aux commissaires centraux, aux commissaires des gares frontières (sic). Il sera, en outre, — à titre de don gracieux — envoyé aux officiers de police

138 André Rouillé, La Photographie en France. Textes et Controverses : Une Anthologie. 1816-1871,

op. cit.,p. 480.

139 Bertrand Tillier, La Commune, une révolution sans image?, op. cit., p. 41.

140 Jeannene M. Przyblyski, « Revolution at a Standstill: Photography and the Paris Commune of

1871 », Yale French Studies, n° 101 (2001), 'Fragments of Revolution', p. 55.

141 Alphonse Bertillon (1853-1914). Inventeur de diverses méthodes de classification des détenus dans

le cadre de son travail à la préfecture de police de Paris, Bertillon mit au point le « bertillonage », système de fichage systématique des criminels sur la base de caractéristiques physiques distinctives et utilisa pour ce faire la photographie et les prises d'empreintes digitales.

des principales capitales de l'Europe. Allons ! Voilà — grâce à cela — la société sauvée142.

Les observateurs contemporains les plus sceptiques, comme Zo d'Axa, préfèrent y voir une entreprise lucrative, plutôt qu'un moyen de réfréner la criminalité. Peu effrayé à l'idée d'être fiché et immortalisé aux fins de sa propre répression, Zo d'Axa témoigne dans « De Mazas à Jérusalem » de la prise de son portrait photographique, mentionnant sa grande curiosité à l'idée de voir « de près l'officine du réputé docteur Bertillon143 »:

Les détails s'inscrivent sur une fiche. La fiche va dans un casier; avec la photographie, tout à l'heure ce sera complet. Les récidivistes ne peuvent plus, une fois qu'ils sont passés ici, nier leur identité. Voilà l'avantage apparent. Il y en a d'autres: M. Bertillon fait des affaires. Ce Monsieur qui cède aux journaux, pour quelques lignes de réclame, les portraits d'assassins célèbres, laisse vendre ces mêmes portraits fort cher à des amateurs144.

Quoique son utilité pour assurer la sécurité publique soit remise en question, le portrait photographique est indispensable pour la propagande révolutionnaire. Ces documents photographiques, répandus depuis la Commune, demeurent fort populaires comme propagande révolutionnaire sous la Troisième République, illustrant des

142 Coupure de journal contenue dans les archives d'Augustin Hamon, IISG, n° 268. 143 Zo d'Axa, Endehors, Paris: Champ Libre, 1974, pp. 100-104.

144 Ibid., p. 100. La description faite par Zo d'Axa de la stratégie de vente aux amateurs, laisse penser

que les producteurs des portraits connaissent la valeur symbolique de ces portraits pour la propagande révolutionnaire et en modulent la valeur monétaire en conséquence.

textes théoriques ou d'actualité dans un nombre grandissant de périodiques145. Ce

choix contextuel montre que les anarchistes se portent naturellement vers une documentation déjà mobilisable dont la réception peut être modulée en fonction de leur nouveau contexte de publication.

Les contacts établis avec les sphères littéraires et artistiques donnent l'occasion aux anarchistes de produire des images originales, mais ils peinent à dépasser cette conception commémorative de l'image de propagande, trouvant sa forme de prédilection dans le portrait. En effet, des portraits à l’eau-forte de Michel Bakounine146 [Fig. 3], Pierre-Joseph

145 Voir Mil-huit-cent-soixante-et-onze. Enquête sur la Commune de Paris. Paris: Éditions de la Revue

blanche, s.d. L'ouvrage est illustré de 15 portraits faits par Félix Vallotton.

146 Michel Bakounine (1814-1876). Révolutionnaire russe impliqué dans des activités subversives en

Russie, en Allemagne, en Italie et en France. Théoricien du socialisme libertaire qu'il opposa au socialisme autoritaire de Karl Marx, Bakounine inspira la constitution spontanée d'une Internationale anti-autoritaire dans le sillage de l'échec de la Première Internationale. Ses écrits, pratiquement tous inachevés, témoignent d'une opposition définitive à l'État et à la religion.

Fig. 3. William Barbotin, « Portrait de Bakounine », c1890.

Proudhon147 [Fig. 4] et Carlo

Cafiero148 furent gravés par

William Barbotin149, le gendre

d'Élisée Reclus150 et vendus

avec succès au profit de la propagande anarchiste. Félix Dubois, qui reproduit les portraits de Bakounine et Proudhon dans son ouvrage « Le Péril anarchiste » en les accompagnant de la mention « image de propagande » , a n a l y s e l e u r p o r t é e révolutionnaire en tant qu’elles

147 Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865). Socialiste et économiste français dont les écrits eurent une

influence durable sur le mouvement anarchiste français. Il s'impliqua dans un certain nombre de journaux au milieu du XIXe siècle et publia de nombreux textes sur l'économie, l'organisation sociale. 148 Carlo Cafiero (1846-1892). Militant anarchiste-communiste italien, Cafiero fut proche de Friedrich

Engels avant de quitter l'Internationale pour rejoindre les partisans de Bakounine. Il prit position en faveur de l'insurrection armée et publia un abrégé du Capital de Marx.

149 William Barbotin (1861-1931) Peintre, sculpteur et graveur, il contribua à l'illustration de nombreux

ouvrages dont la Géographie universelle d'Élisée Reclus. Il gagna aussi plusieurs médailles au Salon des artistes français ainsi que le Prix de Rome de gravure en 1883.

150 Élisée Reclus (1830-1905). Géographe, participant à la Commune et militant dans la Fédération

jurassienne, Reclus est le co-fondateur du journal Le Révolté avec Kropotkine. Il publia la Géographie

universelle et devint professeur à l'Université-libre de Bruxelles en 1890.

Fig. 4. William Barbotin, « Portrait de Pierre-Joseph Proudhon », c1892.

seraient de « saintes images de l’anarchie151 » inspirées prétendument par Kropotkine

dont les origines slaves seraient garantes d’un esprit tourné vers le mysticisme.

Loin d’être dû à l’initiative de Kropotkine, le portrait de révolutionnaire