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Le sport comme philosophie politique : entre activation et accompagnement

B. Prolégomènes épistémologiques Sport et assistance : de la vertu au vice

Le sport et l'assistance ont ce point commun d'être communément assimilés à des pratiques vertueuses. Il convient, cependant, de se prémunir de quelques représentations illusoires : celles des vertus intrinsèquement attachées au sport, d'abord, faisant de celui-ci un espace social éducatif, socialisant et intégrateur, celles concernant la « naturalisation » du sport qui est, pour paraphraser Bodin et Debarbieux (2001), en même temps naturalisation des assistés qu‟il conviendrait d‟activer, de « réactiver » ou de « redresser », ensuite, et celles, enfin, de l'assistance purement philanthropique que Simmel, déjà, avait su déconstruire. La mise à distance de ces poncifs du sens commun constitue un impératif avant d‟entamer l‟analyse sociologique de la convocation du sport dans le rapport d‟assistance. Et bien qu‟elles appartiennent effectivement au sens commun, il convient également de rappeler en quoi ces conceptions ont été et continuent d‟être diffusées de façon intéressée.

1. Resituer l‟assistance

 La pauvreté relative

Affirmer que la pauvreté est relative n‟a rien d‟une provocation facile et inutile. Il ne s‟agit pas de dire que la pauvreté n‟est pas vécue. Une telle négation n‟aurait aucun sens dans le cadre de cette thèse qui, justement met au centre les vécus. Plus précisément, il est important de rappeler que la pauvreté et la souffrance qu‟elle peut engendrer naissent socialement et qu‟un niveau de ressources objectif ne peut correspondre à un niveau de pauvreté tout aussi objectif. L‟idée d‟une assistance purement philanthropique est corrélative d‟une idée substantialiste de la pauvreté. Aussi, la sociologie des politiques sociales d‟assistance est insécable d‟une sociologie de la pauvreté qui, dès sa naissance, s‟est constituée contre l‟idée d‟une essence de la pauvreté : « À la différence d‟une approche descriptive et substantialiste des pauvres, une sociologie de la pauvreté entend privilégier l‟analyse des modes de construction de cette catégorie sociale et caractériser les relations d‟interdépendance entre elle et le reste de la société » (Paugam, 2005, p. 21).

Paugam est l‟un des auteurs qui a rendu compte de la naissance de cette sociologie, notamment à travers les écrits de Tocqueville1, de Marx2 et de Simmel.

Tocqueville est un de ceux qui jeta les bases d‟un relativisme culturel à propos de la pauvreté en dissociant les notions de misère et d‟indigence. La première peut être généralisée dans une société sans qu‟aucun de ses membres ne soit pauvre ou indigent dès lors qu‟il ne se distingue pas de l‟ensemble. Une société opulente peut donc compter davantage de pauvres qu‟une société misérable. Par conséquent, un pauvre est pauvre relativement à la culture de la société, au niveau de besoin qu‟elle génère. Tocqueville déduit ce relativisme d‟observations faites en Amérique et en Europe. Il s‟étonne par exemple de rencontrer au cours de ses voyages des populations à la fois heureuses et misérables, objectivement pauvres et subjectivement normalement dotées :

« On rencontre encore quelques fois, dans certains cantons retirés de l‟ancien

monde, de petites populations qui ont été comme oubliées au milieu du tumulte universel et qui sont restées immobiles quand tout remuait autour d‟elles. La plupart de ces peuples sont fort ignorants et fort misérables ; ils ne se mêlent point aux affaires du gouvernement et souvent les gouvernements les oppriment. Cependant, ils montrent d‟ordinaire un visage serein, et ils font souvent paraître une humeur enjouée.

J‟ai vu en Amérique les hommes les plus libres et les plus éclairés, placés dans la condition la plus heureuse qui soit au monde ; il m‟a semblé qu‟une sorte de nuage couvrait habituellement leurs traits ; ils m‟ont paru graves et presque tristes jusque dans leurs plaisirs.

La principale raison de ceci est que les premiers ne pensent point aux maux qu‟ils endurent, tandis que les autres songent sans cesse aux biens qu‟ils n‟ont pas » (Tocqueville, 1986, p. 520).

1 Paugam s‟appuie essentiellement sur le Mémoire sur le paupérisme de Tocqueville que la revue Commentaire a

publié en 1983 dans les volumes 23 (p.630-636) et 24 (p. 880-888). Nous tirons les passages cités d‟une version publiée aux éditions Allia en 1999 et plus simplement titrée « Sur le paupérisme ».

Deux choses sont remarquables dans cet extrait. D‟une part, le caractère culturellement relatif de la pauvreté. Tocqueville fait le constat paradoxal d‟une population richement dotée de façon objective mais néanmoins soucieuse de sa condition et d‟une population misérable dans l‟absolu qui semble pourtant ne rien percevoir de son indigence. Ce qui peut sembler encore plus intéressant est la description qu‟il fait de son observation. Ce qui surprend Tocqueville, ce sont les visages sereins des plus démunis et la gravité manifeste, même dans le plaisir, des mieux dotés. Les sentiments paradoxaux qu‟il attribue aux deux populations qu‟il distingue se manifestent corporellement à ses yeux. C‟est en observant les uns et les autres au cours de ses pérégrinations que l‟auteur déduit cette relativité culturelle de la pauvreté. Ainsi, Tocqueville découvre quelques deux cents ans avant Kaufmann (2005) le « baromètre sensoriel » de la norme. Les indiens qu‟observent Tocqueville ont un visage détendu car leurs ressources leur paraissent atteindre un niveau normal. En revanche, des individus disposant de plus de ressources, mais les estimant insuffisantes au regard du niveau normal, ont un visage plus triste et plus tendu. La détente du visage et plus largement l‟aisance corporelle est parfois l‟indicateur d‟une conformité à la norme. La situation des indiens ne génère pas de besoin (ou d‟espérance dirait Tocqueville) susceptible de les frustrer et de leur faire prendre conscience de leur condition misérable qui serait bien alors de l‟indigence. Aussi, cette relativité culturelle donne une première explication plausible à la situation actuelle de nos sociétés contemporaines capables de cumuler l‟abondance et la pauvreté subjectivement perçue. On y trouve peut- être aussi une explication du lien manifeste entre l‟état de pauvreté (qui n‟est pas un état proprement dit mais qui est perçu comme tel) d‟un individu et ce que les travailleurs sociaux nomment les « problématiques de santé ». Nous y reviendrons plus longuement mais disons simplement, pour le moment, que les problématiques sanitaires désignent des rapports au corps difficiles (anorexie, alcoolisme, obésité, agoraphobie, etc.) vécus par une large partie des personnes rencontrées dans les stages de sport. Poursuivant, cette réflexion, le constat d‟un rapport au corps qui ne va plus de soi, qui est appréhendé réflexivement par l‟individu, bref qui n‟est plus naturel pourrait peut-être s‟expliquer, au-delà des conditions de vie défavorables, par cette distance à la norme et par cette conscience de l‟indigence. Mais quoi qu‟il en soit de ce propos sur lequel nous reviendrons, Tocqueville, sans le formuler de façon explicite, observe déjà un lien entre le sentiment d‟indigence et l‟aisance corporelle en notant la sérénité du visage et la vitalité des plus démunis (objectivement) et la jouissance qui n‟est jamais totale chez les plus nantis. Il en déduit un nouveau paradoxe

qui est celui de l‟effet pervers d‟une société démocratique aspirant à toujours plus d‟égalité entre les individus. Voilà, selon lui, une chimère qui ouvre la voie à « des espérances et désirs (…) souvent déçus » (Tocqueville, op.cit., 523) et finalement à la conscience de l‟indigence qui la fait réellement exister. D‟où la conclusion déconcertante selon laquelle « quand l‟inégalité est la loi commune d‟une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l‟œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C‟est pour cela que le désir de l‟égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l‟égalité est plus grande » (Ibid., 522).

La réserve que l‟auteur cultive vis-à-vis de l‟égalitarisme radical se manifeste clairement dans le réquisitoire qu‟il dresse face au projet du droit à l‟assistance. Il cible d‟abord le risque d‟oisiveté et finalement l‟avènement d‟une inégalité contre l‟égalité escomptée : « J‟ai dit que le résultat inévitable de la charité légale était de maintenir dans l‟oisiveté le plus grand nombre des pauvres et d‟entretenir leurs loisirs aux dépens de ceux qui travaillent » (Tocqueville, 1999, 39). Mais il pose surtout, par anticipation, la question du statut social de l‟assisté : « Le pauvre qui réclame l‟aumône au nom de la loi est donc dans une position plus humiliante encore que l‟indigent qui la demande à la pitié de ses semblables au nom de celui qui voit d‟un même œil et qui soumet à d‟égales lois le pauvre et le riche » (Ibid., 37). On voit déjà apparaitre les liens ténus qu‟il y a entre une sociologie de la pauvreté et une sociologie des politiques d‟assistance sociale. Avant même que celles-ci ne soient réellement fondées, les écrits de Tocqueville relativisent et désubstantialisent la pauvreté en la présentant comme une perception relative à la norme égalitaire (Tocqueville n‟utilise pas ce terme), celle-là même qui conduit, selon lui, au risque de voir s‟ériger un droit accordé à la charité publique imputable à chacun. Avant que Simmel ne consacre la sociologie de la pauvreté et celle de l‟assistance, leurs prémisses les orientent donc déjà vers une vision désenchantée de la philanthropie organisée.

 L’assistance est socialement utile

Mais Simmel déplace et pousse davantage la critique de l‟assistance publique dans un texte qui apparaît dans son ouvrage volumineux intitulé Sociologie1. D‟abord il se situe dans la

continuité de Tocqueville en refusant l‟appréhension essentielle de la pauvreté. Il qualifie sa définition de sociale par opposition à une définition individuelle qui mettrait l‟accent exclusif sur les caractéristiques du pauvre alors que « l‟individuel est établi par la façon dont la totalité qui l‟entoure se comporte par suite envers lui » (Simmel, 2009, 80). À partir de cette remarque, Simmel renverse le rapport de causalité généralement perçu entre la pauvreté et l‟assistance. Pour schématiser, l‟assistance n‟est plus une réponse mais la cause de la pauvreté dans la mesure où c‟est l‟action vers la pauvreté qui la fait exister. Cette définition se construit sur une volonté d‟envisager la pauvreté comme une relation sociale à l‟intérieur d‟un tout social dont elle dépend et qu‟elle sert à la fois. Cette perspective n‟est pas sans quelques congruences avec le concept de configuration d‟Elias (1991a) et sa métaphore de la société en forme de filet. La relation d‟aide est une relation de l‟individu à l‟ensemble du tout social marquée par l‟interdépendance des deux parties. En effet, si la pauvreté est culturellement définie par le niveau de ressources d‟une société à partir duquel l‟aide est jugée légitime, cette relation d‟aide assure également une fonction sociale. Estimant ne pas parvenir à décrire et à rendre tout à fait intelligibles les phénomènes d‟entrecroisement et d‟interdépendance, Elias propose cette métaphore du filet qu‟il juge néanmoins bien insatisfaisante, quelque peu déconcerté par l‟absence d‟instruments suffisamment maniables :

« Un filet est fait de multiples fils reliés entre eux. Toutefois, ni l‟ensemble de ce réseau, ni la forme qu‟y prend chacun des différents fils ne s‟expliquent à partir d‟un seul de ces fils, ni de tous les différents fils en eux-mêmes ; ils s‟expliquent uniquement par leur relation entre eux. Cette relation crée un champ de forces dont l‟ordre se communique à chacun des fils et se communique de façon plus ou moins différente selon la position et la fonction de chaque fil dans l‟ensemble du filet. La forme de chaque fil se modifie lorsque se modifient la tension et la structure de l‟ensemble du réseau. Et pourtant ce filet n‟est rien d‟autres que la réunion de différents fils ; et en même temps chaque fil forme, à l‟intérieur de ce tout, une unité en soi ; il y occupe une place particulière et prend une forme spécifique. » (Elias, 1991a, 70-71).

Pourtant la métaphore est utile pour éclairer la situation de la relation d‟assistance dans l‟ensemble du tout social. Elle rend compte de l‟impossibilité d‟appréhender « un ordre qui ne peut pas s‟étudier sur les différentes unités prises isolément » (Idem.) comme de l‟impossibilité de comprendre la pauvreté par les seules caractéristiques du pauvre. Si cette définition de la pauvreté que formule Simmel permet d‟en faire un objet sociologique pertinent, une pierre d‟achoppement se dresse devant la sociologie de la pauvreté. Elle est liée, encore une fois, à la question problématique de la catégorisation sociale car, si la pauvreté est ce qui fait l‟objet d‟une aide publique et administrative, alors la réalité du phénomène est clairement définie par les registres de catégorisation institutionnels en dépit des expériences subjectives. Aussi, la centration sur les registres administratifs conduirait à fermer les yeux sur tous ceux qui refusent ou qui n‟osent pas réclamer par crainte de l‟humiliation (pourtant relevée Simmel) ou par simple méconnaissance des droits. Mais cette centration sur la pauvreté comme processus de désignation à travers l‟assistance apportée, s‟explique chez Simmel par une posture qualifiable de fonctionnaliste. Fonctionnaliste dans la mesure où la pauvreté et l‟assistance, qui se confondent presque finalement (l‟une n‟existant pas sans l‟autre), assurent selon lui une fonction sociale. Loin de l‟idée des « inutiles au monde » (Castel, 1995), le pauvre, consacré comme tel par l‟assistance, serait une partie de l‟organisation du tout. D‟abord, l‟aide allouée aurait une fonction de régulation économique en préservant la société du risque d‟abaissement des salaires que le pauvre pourrait engendrer en acceptant de travailler pour trop peu. Par exemple, le secours apporté aux chômeurs par les syndicats anglais « a moins pour but de soulager la misère individuelle que d‟empêcher que le chômeur n‟en vienne, par nécessité, à travailler trop peu cher, entraînant ainsi une baisse du salaire standard pour tout le corps professionnel » (Simmel, op.cit., 17). Plus désenchantant encore, l‟assistance participerait en quelque sorte à l‟homéostasie d‟une structure sociale chargée d‟inégalités. L‟assistance ne vise pas, selon lui, à égaliser les conditions de chacun, ni même à lutter contre l‟expérience de la pauvreté : « Son but est précisément d‟atténuer certaines manifestations extrêmes de la diversité sociale de manière à maintenir la société sur les bases d‟une telle diversité. » (Ibid., 18). Puis il poursuit dans un réalisme déconcertant et éloignant tout risque de représentation philanthropique de l‟assistance sociale : « Si l‟aide était fondée dans l‟intérêt du pauvre en tant qu‟individu, on ne trouverait aucune limite de principe à la répartition des biens en sa faveur jusqu‟à ce que l‟égalité soit atteinte. Mais […] elle n‟a

pas de raison de subvenir aux besoins de la personne au-delà de ce qu‟exige le maintien dans son statu quo de cette totalité » (Idem.). Quoi de plus efficace pour mettre à distance les représentations de l‟assistance comme pratique vertueuse et purement altruiste que de s‟en remettre à la vision désenchantée du fondateur de la sociologie de la pauvreté et de l‟assistance. Toutefois, l‟évolution et l‟actualité des politiques d‟assistance n‟invalident- elles pas de telles considérations ? En partie, oui. À l‟époque, Simmel observe l‟absence de réciprocité des droits et devoirs : si l‟assistance était bien définie comme un devoir de la société envers le pauvre, celui-ci ne pouvait revendiquer de droit à l‟assistance : « L‟État a l‟obligation d‟aider le pauvre mais il n‟existe pas de véritable droit du pauvre à être aidé. […] Il se trouve pour son compte exclu de la réciprocité des droits et devoirs qui est au fondement des sociétés » (Simmel, op.cit., 19) Ce n‟est plus le cas aujourd‟hui. Néanmoins, il est fort probable que de tels ayants-droits se manifestent aisément au risque de la stigmatisation sociale d‟une part. Sans compter le frein que constitue la méconnaissance de ce droit juridique d‟une partie d‟entre eux. Mais surtout, le principe homéostatique de l‟aide minimale est incontestablement présent. Le RMI est-il autre chose ? Et le RSA ne consiste-t-il pas à faire correspondre ce revenu minimum à la situation financière la moins enviable de toutes afin que l‟exercice d‟une activité professionnelle, aussi précaire soit-elle, demeure avantageuse ? Il s‟agit bien d‟aider le pauvre en vue de trouver un équilibre entre la non-assistance qui ferait du pauvre une menace par le bas (accepter de travailler pour trop peu) et l‟assistance excessive qui ébranlerait la valeur travail.

 Assistance, assurance et chômage

D‟un point de vue institutionnel, le terrain auquel nous nous intéressons dans cette partie renvoie à l‟assistance et non au chômage en tant qu‟indemnisation relevant du système d‟assurance. Ceci est indéniable mais le point de vue défendu ici n‟est pas celui de l‟institution et le terme de chômage est maintenu en dépit de ce constat. Il convient toutefois de justifier ce choix.

La distinction entre assurance et assistance tient d‟abord à une distinction de leurs modes de financements. Le système de l‟assurance sociale vise à prémunir l‟individu du risque d‟interruption d‟activité professionnelle en maintenant un niveau de revenu provisoirement. L‟indemnisation est donc proportionnelle au revenu. En revanche,

l‟assistance est apportée sous condition de revenu et se dit non contributive. Elle a trait à la logique du besoin alors que l‟assurance préserve d‟une rupture liée à un préjudice subi. Assistance et assurance, quelles que soient les différentes configurations nationales de protection sociale très variées en Europe comme l‟a montré Paugam (2005), sont néanmoins toujours imbriquées. De ce fait, l‟assurance participe indirectement à la constitution de la pauvreté. En effet, on peut dire que schématiquement, lorsque les conditions d‟accès à l‟assurance se réduisent, le nombre d‟individus qui basculent dans l‟assistance s‟accroît. Le mécanisme est variable d‟un pays à l‟autre ou d‟une période à l‟autre. « Le nombre de pauvres relevant de l‟assistance est donc en grande partie lié à la capacité du régime d‟État-providence à retenir dans le filet général de la protection sociale les franges les plus vulnérables de la population. » (Ibid., 83).

Mais assurance et assistance sont d‟autant plus liées que la conjoncture économique place une large partie des chômeurs au titre de l‟assurance dans une situation qui dépasse les critères légitimes de la définition institutionnelle du chômage. Dès lors, peut-on continuer d‟associer le chômage au régime d‟assurance de façon exclusive. Le fait même que la plupart des assistés rencontrés dans les stages de sport convoquent spontanément le terme de chômage pour décrire leur situation est explicite. En réalité, cela renvoie à ce qui a déjà été décrit dans la première partie, à savoir cette forme de dilatation des catégories institutionnelles de traitement social. L‟inflation de la catégorie de chômeurs de longue durée en est un symptôme certain. La formule introduit clairement une contradiction au regard de la version institutionnelle initiale du chômage qui le définit comme provisoire. De la même façon, la catégorie récente des « travailleurs pauvres » dénotent d‟une interpénétration entre les catégories de l‟assurance, et par extension du travail, et de l‟assistance. Les politiques sociales ont aujourd‟hui à traiter une myriade de situations socio-professionnelles particulières qui ne relèvent ni complètement de l‟assistance, ni de l‟assurance. Aussi, voit-on apparaître depuis quelques années de nombreux dispositifs qui tendent vers l‟individualisation et qui se situent dans des intermédiaires variables entre l‟assistance et l‟assurance. Les stages de redynamisation par le sport semblent relever de ce type de dispositif hybride et impossible à rattacher de façon exclusive à l‟une des deux catégories.

Finalement, le monde social du chômage couvre l‟ensemble de ces situations et de ces catégories. A l‟intérieur de celui-ci, le défaut d‟opérativité des catégories institutionnelles donne lieu à des négociations entre différentes conceptions du chômage. Au sein même de