• Aucun résultat trouvé

Analyse des dispositifs d’intégration de l’Histoire dans l’enseignement des mathématiques

IV.1. Les différents types d’intégration de l’Histoire dans l’enseignement des mathématiques

IV.1.2. Les projets de recherche 1 Description

Ce sont des sujets de recherche ou d’exposé sur l’évolution d’un concept mathématique, sur la biographie d’un mathématicien célèbre, sur la démonstration d’un théorème au fil des âges, sur des problèmes historiques ayant conduit à la naissance de nouveaux domaines mathématiques, etc.

Ces projets de recherche sont confiés à des groupes d’élèves pour leur permettre de découvrir une notion à étudier ou bien de consolider leurs acquis.

192 Pour arriver à un résultat acceptable, il semble nécessaire que les élèves qui vont exposer les résultats de leur recherche en classe, soient accompagnés dans l’indication des références historiques, dans l’exploitation des informations et dans l’élaboration du plan.

IV.1.2.2. Exemples

Comme projets de recherche, on peut proposer aux élèves de faire des investigations sur : - les différentes approximations du nombre 𝜋 qui est connu depuis l’antiquité avec comme valeur 3 +607 +36030 = 3,125 en 2000 avant J.-C. chez les Babyloniens et (169)2 ≈ 3,16 en 1650 avant J.-C. chez les Égyptiens (en réalité ce nombre n’est pas connu sous cette dénomination, mais plutôt l’équivalent de ce nombre dans les méthodes de calcul utilisées dans l’Antiquité). Le premier calcul des décimales de 𝜋 n’a réellement commencé qu’en 250 avant J.-C. avec l’algorithme d’Archimède et d’après Desrochers et al. (2005, p. 35), en 1999, grâce au calcul numérique sur ordinateur, les chercheurs avaient obtenu 206 milliards de décimales.Vingt ans plus tard, le record actuel (2019) comporte 160 fois plus de décimales soit 31 415 926 535 897 100, ce qui montre l’évolution extrêmement rapide des connaissances mathématiques grâce à l’utilisation de moyens de calcul de plus en plus performants.

- Le nombre d’or ou la proportion divine qui est depuis l’antiquité un nombre magique, une proportion privilégiée, la clef de construction géométrique que Nicolas (1983, p. 25) nous fait découvrir dans les équations avec la solution positive de l’équation 𝑥2 = 𝑥 + 1, dans les suites avec celle de la forme 𝑢𝑛+1 = √1 + 𝑢𝑛 appelée suite de Fibonacci, dans la nature avec les pétales d’une fleur, dans la peinture avec la représentation du corps humain, et dans l’architecture avec la façade du célèbre Parthénon.

- Les démonstrations du théorème de Pythagore à travers les différentes civilisations avec la plus ancienne, celle d’Euclide ; celle des Chinois utilisant le principe du rapiéçage ; celle du 20ème Président des États-Unis, James Garfield qui utilise l’aire du trapèze, etc.

- L’évolution de la notion de nombre, depuis la plus ancienne trace numérique datant de 35 000 ans avant J.-C. découverte en Afrique du Sud qui comporte 29 encoches taillées sur un os de babouin.

- L’Histoire des nombres négatifs utilisés en Chine dès le premier siècle, puis en Inde à partir du VIème siècle et reconnus en Occident qu’à la fin du XIXème siècle avec « la règle des signes

qui a été le chemin de croix dans l’enseignement des mathématiques. Les meilleurs s’y sont essayés aux XVIIIème et XIXème siècles, mais rien de satisfaisant n’en est sorti » selon Pont

(2015, p. 76).

- L’évolution des machines à calculer qui commence avec les dix doigts de la main, se poursuit avec les tables à calcul, les bâtonnets de Neper, les règles à calcul, la Pascaline, les calculatrices de poches et se termine aujourd’hui avec les ordinateurs.

- L’historique des mesures de distance : des mesures inspirées de la morphologie humaine (pouce, doigt, palme, pied, coudée) au mètre défini par l’Académie des Sciences, pour la première fois en 1791, comme la dix millionième partie du quart du méridien terrestre.

100https://fr.ubergizmo.com/2019/03/18/emma-haruka-iwao-google-record-calcul-pi.html consulté le 17 août

193

IV.1.3. Les textes historiques

IV.1.3.1. Description

Les textes historiques ou sources premières sont constitués d’anciens ouvrages, d’articles, d’essais, de mémoires, de cours, de journaux, de correspondances, de problèmes célèbres, d’instruments scientifiques, produits ou publiés par des mathématiciens à une époque de l’Histoire. L’utilisation de ces textes en classe se fait à travers des activités en rapport avec le cours, où on en propose à l’élève des extraits en lui demandant en fonction du contenu :

- de commenter l’extrait ;

- de retrouver des définitions ou d’analyser la manière dont certaines notions mathématiques y sont énoncées ;

- de reprendre la démonstration proposée dans l’extrait en langage moderne ; - de reprendre le calcul ou la construction avec les techniques et règles actuelles ; - de résoudre le problème posé dans l’extrait ;

- de reprendre avec d’autres exemples la méthode, la technique ou la procédure utilisée dans l’extrait ;

- etc.

Les sources premières, d’après Desrochers et al. (op.cit. p. 14) peuvent créer un effet de surprise qui ouvre des portes à des discussions, qui amène l’élève à se poser des questions, à réfléchir et à s’informer davantage. Ce qui peut être intéressant et enrichissant pour lui.

Barbin (1997, p. 22) abonde dans le même sens comme nous l’avons déjà indiqué au Chapitre I (Section I.2.1.3.) en suggérant que :

« La lecture des textes anciens produit un “ choc culturel ˮ qui peut satisfaire aux fonctions vicariantes et dépaysantes de l’Histoire. A condition cependant que la lecture ne soit pas téléologique, c’est-à-dire de ne pas analyser les textes uniquement d’après nos conceptions actuelles, une telle lecture peut entraîner des interprétations erronées, l’auteur utilisant telle ou telle notion selon une conception différente de la nôtre. […] La lecture des textes anciens doit être contextualisée, c’est-à-dire lue dans le contexte de l’époque. Cela suppose d’étudier le contexte scientifique mais parfois aussi philosophique ou social dans lequel l’auteur a écrit. »

Toutefois ces sources sont rares, écrites dans une autre langue et donc difficilement accessibles. D’où l’importance d’orienter aussi la recherche vers la mise à disposition et la traduction de ces textes.

IV.1.3.2. Exemples

Des textes historiques comme le papyrus de Rhind, la tablette Plimpton 322, Le Précis sur le calcul d’al-jabr et al-muqabala d’Al-Kwârizmî, les Éléments d’Euclide, etc., sont très riches en enseignements.

194

Le papyrus de Rhind, du nom de son

acheteur Alexander Rhind, est le plus important document mathématique qui nous soit parvenu de l’Égypte ancienne. Il a été écrit vers 1550 avant notre ère par le scribe Âhmès, qui considère le corpus des écrits mathématiques du Papyrus de Rhind comme un « bon exemple pour aller au fond des choses, pour apprendre à connaître tout ce qui est, tout ce qui est obscur, percer tous les secrets ». Par

l’abondance des problèmes traités

(arithmétique, géométrie et problèmes divers) le papyrus nous donne selon Goichot (2016)101 un bon témoignage de l’art égyptien du calcul et de la géométrie. Le papyrus de Rhind est conservé au British Museum (à Londres) depuis 1865.

Figure 4.6. Extrait de

http://www.ankhonline.com/revue/adjamagbo

_pa_cercle_sphere.htm Consulté le 25 août

2019.

La tablette, connue sous le nom de Plimpton 322, fut découverte au début des

années 1900 au sud de l’Irak par l’archéologue Edgar Banks.

Cette tablette d’argile vielle de 3700 ans a été identifiée comme étant la table trigonométrique la plus ancienne.

Elle comporte quatre colonnes et 15 lignes de nombres écrites en script cunéiforme de

l’époque dans un système de base 60. Figure 4.7. Extrait de

https://fr.wikipedia.org/wiki/Plimpton_322

Consulté le 25 août 2019.

101

195

Le Kitab al-jabr wa’l-muqabala, (livre

sur le calcul par la restauration et la comparaison), est écrit aux environs de 830 par Al-Khwârizmî. Ce livre peut être considéré comme le traité de base de l’Algèbre en langue arabe. Il a fortement influencé, par ses nombreuses traductions latines, toute la science occidentale du Moyen Age. Notre mot algèbre y prend d’ailleurs sa source. Dans l’introduction, Al-Khwarizmi présente l’ouvrage comme un résumé englobant les plus fines et les plus nobles opérations du calcul, dont les hommes ont besoin, pour la répartition de leurs héritages et de leurs donations, pour leurs partages et pour leurs jugements, pour leurs transactions commerciales et pour toutes les opérations qu’ils ont entre eux relatives à l’arpentage, à la répartition des eaux des rivières, à l’architecture ainsi qu’à d’autres aspects. Le traité d’Al- Khwârizmî montre comment résoudre les équations du premier et du second degré à coefficients numériques. Son algèbre est entièrement rhétorique et il n’emploie aucun symbole, même pour les nombres.102

Figure 4.8. Extrait de

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abr%C3%A9g% C3%A9_du_calcul_par_la_restauration_et_la

_comparaison. Consulté le 25 août 2019.

Les Eléments d’Euclide composés de 13

livres comportant selon Najjar (2005, pp. 7-11) :

- d’une part les principes premiers posés comme tels et constitués des définitions (qui posent la signification des termes) ; des notions communes (appelées aussi axiomes) et des postulats géométriques (au nombre de cinq) ;

- d'autre part, 465 propositions démontrées à partir de ces principes et des résultats établis précédemment dans l'ouvrage.

Qu’elles soient géométriques ou

arithmétiques, les démonstrations

Figure 4.9. Photographie de la page 1 des

« quinze livres des Eléments géométriques d’Euclide, traduits en français par D. Henrion,

Paris, M.DC.XXXII ».

102 Accessible sur https://www2.mat.ulaval.ca/fileadmin/Cours/MAT-3900/Mathematiciendujour5.pdf. Consulté

196 d’Euclide suivent toujours un même

"rituel", composé d’une suite d’étapes toujours identiques, dont Proclus (un commentateur grec d'Euclide du Vème siècle de notre ère) nous a gardé les noms : Protasis, Ekthesis, Diorismos, Kataskeuè, Apodeixis, Sumperasma (voir les détails ci-dessous).

Les étapes Exemple : Proposition 37, livre 1

1) L'énoncé (protasis) : il s'agit d’énoncer la proposition à démontrer ou la construction à effectuer.

Les triangles, construits sur la même base et entre les mêmes parallèles, sont égaux.

2) L'exposition (ekthesis) : il s’agit de désigner un exemple générique pour présenter la démonstration de la proposition.

Que les triangles ABC, DBC soient sur la même base BC et entre les mêmes parallèles AD, BC. 3) La détermination (diorismos) : il s'agit de

réitérer l'énoncé de la proposition à propos de l'exemple introduit dans l'ekthesis.

Je dis que le triangle ABC est égal au triangle DBC.

4) La construction (kataskeuè) : il s'agit d'effectuer une construction graphique qui illustre l’exemple introduit dans l’ekthesis et de lui ajouter les éléments nécessaires à la démonstration.

Prolongeons de part et d'autre la droite AD

Figure 4.10. Extrait de Najjar (2005, p. 9). 5) La démonstration (apodeixis) : il s'agit de

prouver, sur l'exemple introduit dans l’ekthesis la véracité de l'énoncé.

Les figures EBCA, DBCZ sont des parallélogrammes, et ces parallélogrammes sont égaux (proposition 35) car ils sont sur la même base.

6) La conclusion (sumperasma) : il s'agit de reformuler la proposition comme résultat ("donc ... "), en toute généralité, en ajoutant l’expression "ce qu'il fallait démontrer".

Donc, les triangles, construits sur la même base et entre les mêmes parallèles, sont égaux. Ce qu’il fallait démontrer.

IV.1.4. Les instruments historiques