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Le projet Sankofaà la lumière du vécu phénoménologique 2.1- Définition du projet Sankofa

DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE EN TANT QUE LIEU D’EXPÉRIENCE PHÉNOMÉNOLOGIQUE

ATTOUMBRÉ YOBOUA JACQUES Docteur en Philosophie

2- Le projet Sankofaà la lumière du vécu phénoménologique 2.1- Définition du projet Sankofa

L’oiseau Sankofa, Symbole du projet

Ce symbole est l’association de deux autres symboles. La couleur blanche et la couleur noire forment le premier symbole. Le blanc est, en effet, la lumière que le fondateur de l’Ordre des Prêcheurs (Saint Dominique) représente. Il est une lumière qui illumine le monde obscur représenté par la couleur noire. À dire vrai, il est le symbole de tous les dominicains. Mais précisons que notre objet d’étude n’est pas ce symbole.

Ce que nous voulons montrer ici, c’est le deuxième symbole, l’oiseau du nom de Sankofa, le symbole proprement dit du projet de développement des dominicains en Côte d’Ivoire. Sankofa, à l’origine, est une lettre de l’alphabet Adingra. C’est l’alphabet de la langue du royaume Ashanti au Ghana. En fait, dans la langue Akan, langue qui tire son origine toujours du peuple Ashanti au Ghana, « Sankofa veut dire retour aux sources.» (P.

Anzian, 2014, 153). Le mot Sankofa dérive des mots « san (retourne), ko (va), fa (prends) ». Cette expression exprime la quête akan de la connaissance, quête basée sur l’examen critique, l’investigation intelligente et patiente. C’est le symbole d’un oiseau mythique qui vole vers l’avant, ayant la tête tournée vers l’arrière. Cela reflète la croyance akan selon laquelle « le passé sert de guide pour préparer le futur » ou encore « la sagesse qui permet de tirer les leçons du passé construit l’avenir. » (P. Anzian, 2014, 153), En fait, les Akans pensentqu’il faut avancer avec le temps, mais que tout au long du chemin, il faut cueillir les

« trésors », les « perles » du passé, pour qu’ils nourrissent le futur. On pourrait, ainsi, affirmer que le temps qui traverse le passé, le présent et le

futur est unique. Dans l’aujourd’hui de l’Ashanti, le présent est en même temps passé et futur. Le temps devient éternel et se fait présence comme flux. Dans le système militaire akan, ce symbole signifiait l’arrière-garde, la section dontdépend la survie même de la société et la défense de son héritage. Que dit le fond de ce symbole ?

2.2- Contenu du projet Sankofa

Ce projet Sankofa abrite un centre de recherche en théologie et développement, puis un centre agricole. Le centre de recherche en théologie et développement offre l’opportunité aux chercheurs dominicains et invités de réfléchir à tous les aspects du développement dans le contexte africain, dans une perspective théologique. Dans le centre agricole les populations environnantes et ceux qui le désirent sont formés à l’usage rationnel des ressources locales disponibles en vue d’une production optimale en agriculture et élevage, à la création et la gestion d’unités de production.

Ce projet s’inscrit dans la philosophie de la lettre encyclique Populorumprogressio du pape Paul VI sur le développement des peuples où l’homme est mis au centre du développement intégral, comme acteur principal de son propre développement et de toute transformation de la société. Ce projet Sankofadont l’objectif est de sortir d’une logique de la pauvreté, en inculquant l’idée d’une prise en charge de l’homme africain par lui-même, s’inscrit dans une dynamique de développement prôné par la mission de l’Église. Les questions majeures au cœur du Centre Sankofa de Théologie et de Développement C.S.T.D sont les suivantes : comment annoncer Jésus-Christ à des hommes et femmes qui meurent de faim ? Comment annoncer la Bonne Nouvelle aux personnes sans distinction d’âges ? Aux malheureux ? Aux sans-voix ? Aux sans-abris et aux rejetés de la société ? Le C.S.T.D se veut un lieu d’Église où le dire et l’acte se joignent, conformément à l’Évangile selon Saint Luc, Chapitre 9, versets 10-17 : « Donnez-leur vous-mêmes à manger.» L’esprit du projet est non seulement de réfléchir, mais d’apprendre à mettre en commun et à développer les ressources humaines, spirituelles et matérielles locales.

Une telle prise de conscience pourrait conduire les personnes et les communautés à mobiliser les énergies et les ressources disponibles pour bâtir un développement authentiquement africain.

2.3- Penser le développement de l’Afrique avec Sankofa en tant que vécu phénoménologique

Le développement de l’Afrique est le rêve de ses fils et filles. C’est un rêve réalisable à partir du vécu phénoménologique. L’Afrique peut être développée comme le continent Européen. Notre intention, c’est de voir une Afrique développée comme l’Europe aujourd’hui et maintenant. À cet effet, l’intuition est que l’Afrique sous-développée devrait se donner comme une Europe développée. Ce vocable nomme à la fois le site de l’expérience unique qui unit l’une à l’autre, l’expérience relationnelle et la profondeur de l’affectivité humaine. Avec Husserl, la description phénoménologique consiste à quitter ce qui est naturel. Elle construit, mais à travers une dé-construction. On veut voir l’Afrique développée comme résultat. Or, ce que je veux voir rend possible ce que je vois. C’est l’essence du phénomène. Je vois la chose, dans sa donation originaire, dans le fond intérieur. Et, pour que je voie la chose dans sa vérité, il faut que moi-même je sois dans la vérité. La chose se donne à moi selon l’expérience que je fais de la chose qui se présente à moi. L’expérience radicale des choses se donne dans le silence. Le langage phénoménologique, c’est de voir la possibilité de ce qui est impossible.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, Dominique Assalé nous montre comment scientifiquement la phénoménologie transcendantale husserlienne peut, au titre d’une théorie de l’expérience dite péritiatique générale, répondre à la question des conditions de possibilité de l’expérience humaine. Il prend donc l’exemple des chercheurs américains en sciences cognitives qui se sont appuyés sur l’œuvre de Husserl pour entreprendre des recherches dans le domaine de la psychologie de la représentation pour l’intelligence artificielle. Selon Assalé « dans l’application de la phénoménologie de Husserl au champ mental humain, ils interprètent trois grandes théories husserliennes : les théories de la

réduction, de l’intentionnalité et du noème.» (A-B. D. Assalé, 2009, p. 431).

De fait, il souligne bien que « si la réduction met à découvert l’état mental en tant qu’il se rapporte au type d’objet qui lui est corrélatif, le noème dans la version la plus élaborée de l’intentionnalité représente la structure abstraite grâce à laquelle l’esprit renvoie à des objets. » (A-B. D. Assalé, 2009, p. 432).

Il s’agit de saisir l’essence de l’objet tel qu’il est en lui-même, tel qu’il est vraiment et non seulement tel qu’il parait être. Ainsi, la noèse est-elle l’acte de penser, la visée et le noème, l’objet de penser, le visé, ne font qu’un. C’est comme s’il est un flux entre la visée et le visé. On n’a donc pas besoin d’attendre des siècles pour voir une Afrique prospère.

C’est dans l’aujourd’hui que tout se passe. Dans cette immédiateté, l’Afrique sous-développée est développée. On pense dans la quotidienneté, la possibilité de ce qui est impossible. C’est en cela qu’intervient la réduction phénoménologique qui est désignée aussi par le terme épochè. Selon l’expression husserlienne reprise par Kalinowski, il s’agit de :

Une mise entre parenthèses de l’existence du monde réel extérieur, mise entre parenthèses neutralisant la conviction naturelle que ce monde existe. Nous en faisons abstraction : Ce n’est qu’une abstraction : nous ne nions pas l’existence du monde, mais nous ne l’affirmons pas non plus. » (G. Kalinowski, 1992, p.12).

Autrement dit, il est question dans la réduction phénoménologique de saisir l’essence de l’objet tel qu’il est en lui-même, tel qu’il est vraiment et non seulement tel qu’il parait être. L’évidence qui correspond à l’Afrique développée est une expérience externe. Mais bien qu’elle soit externe donc non-concevable, on peut aussi la rendre évidente, quand « cette espèce d’évidence possède nécessairement un horizon d’anticipations non

‘‘remplies’’ encore, mais ayant besoin de l’être, donc qu’elle englobe des contenus qui ne sont objets que d’une intuition signifiante, qui nous renvoie à des évidences potentielles correspondantes. » (E. Husserl, 2014, p.108). Bien vrai, l’être du monde est transcendant. Mais, comme le fait remarquer Husserl, « ceci ne change en rien au fait que toute transcendance se constitue uniquement dans la vie de la conscience. » (E.

Husserl, 2014, p.109). Si tel est le cas, alors les fondements de cette Afrique développée sont jetés. Cette Afrique développée prise dans son immédiatement est un objet réel à partir d’aujourd’hui. Ainsi, comment les Dominicains de l’Afrique de l’Ouest avec leur expérience arrivent-ils à entrer dans cette dynamique de cette Afrique développée ?

Le projet Sankofase fixe comme objectifs d’être un lieu de recherches sur les questions de développement, de lutte contre la pauvreté, de réflexion et de promotion des droits de l’homme, dans les contextes d’Afrique, un lieu d’études et de recherches en théologies contextuelles, plus précisément, sur les questions théologiques liées au second et troisième cycle et, enfin, un centre de ressourcement spirituel pour tous ceux qui, prêtres, religieux ou laïcs, le désirent. L’enjeu ici est d’arriver à se développer à partir de ses potentialités intellectuelles ou matérielles. L’action des dominicains à Sankofa rentre bien dans ce cadre.

Leur préoccupation première est d’aider les communautés villageoises environnantes à se prendre en charge à partir de leurs réalités quotidiennes.

CONCLUSION

Malgré son histoire entrelacée de souffrances et de misères, l’Afrique continent dit sous-développé est capable de développement meilleur et durable. Cedéveloppement prend en compte les réalités de l’homme africain. Avec la phénoménologie d’Edmund Husserl, ce développement est pour le maintenant et l’aujourd’hui. La Lebenswelt, le monde de la vie, où l’universel et le particulier se rencontrent, est un monde favorable pour cette Afrique qui aspire au développement. C’est donc sur ce chemin que les Dominicains de l’Afrique de l’Ouest essaient de poser résolument leurs pas à partir du projet Sankofa.

Références bibliographiques

- ANZIAN Pierre OP, 2014, Développement intégral et pastorale pour la libération de l’homme africain, Paris, L’Harmattan.

- ASSALÉ Aka-Bwassi Dominique, 2009, L’idée d’une logique de l’expérience dans la phénoménologie de Husserl, Paris, L’Harmattan.

- FARGES Julien, 2006, « Monde de la vie et philosophie de la vie.

Husserl entre Eucken et Dilthey», Études Germaniques, 242, p. 191-217.

- HUSSERL Edmund, 2012, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, trad. Gérard Granel, Paris, Gallimard.

- HUSSERL Edmund, 2014, Méditations cartésiennes : Introduction à laphénoménologie, trad. Gabrielle Peiffer et EmmanuelLevinas, Paris, Vrin.

- KALINOWSKI Georges, 1992, Expérience et phénoménologie : Husserl, Ingarden,Scheler, Paris, Éditions Universitaires.

- LALANDRE André, 2010, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF.

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