• Aucun résultat trouvé

Le coût des transplantations d’organes en Afrique

Dans le document Td corrigé GUÉBO Josué Yoroba - BEC-UAC pdf (Page 119-122)

L’HUMANITÉ ? Victorien Kouadio EKPO

2. La facture des transplantations d’organes et la construction de l’humain

2.2. Le coût des transplantations d’organes en Afrique

Les transplantations d’organes ont des coûts de plusieurs natures : des coûts économiques, humain et psychologique. Du point de vue économique, l’intervention médicale a un coût financier qui porte à croire qu’il s’agit du prix à payer pour la vie. C’est le lieu de rappeler que

« contrairement à l’adage populaire selon lequel "la vie n’a pas de prix", dorénavant, dans le monde globalisé du capitalisme triomphant, rien n’échappe au calcul marchand » (C. Lafontaine, 2014, p. 11). Les compagnies d’assurance, les décideurs politiques disposent d’outils statistiques complexes permettant d’évaluer la valeur économique de la vie humaine. Lorsque nous jetons un regard sur le niveau de vie des individus, il est patent que leurs vies n’ont pas le même coût et par ricochet la même valeur monétaire. Même si nous acceptons le fait que la vie n’a pas de prix, il n’en demeure pas moins qu’elle a un coût. Chacun doit investir dans son capital biologique pour échapper à la maladie et dans une certaine mesure à la mort.

Par ailleurs, les transplantations d’organes peuvent conduire à une fracture de l’humain qui est désormais décomposé pour servir de pièces de rechange. Le prix à payer pour le donneur d’organe réside dans la perte définitive de l’organe mutilé et le risque qu’il court en acceptant l’intervention chirurgicale pour donner son organe alors qu’il n’est pas un patient.

Donner un organe non régénérable n’a pas le même coût vital que les produits du corps notamment le sperme et le lait qui ne coûtent presque rien à ceux qui les donnent en ce sens que leur don ne laisse pas de séquelles définitives. En fait, « le donneur retrouve en quelques heures son intégrité. La nature le rembourse entièrement » (F. Quéré, 1991, p.

155). Le corps comporte des organes uniques et des produits qui se renouvellent à mesure de leur disparition. Donner son sang n’a pas le même sens que céder son rein, puisqu’avec le don de rein la perte de l’organe est définitive, il ne peut plus, en tout cas dans l’état actuel de la

médecine, se régénérer. Il existe des organes dont la perte ou le don implique la mort de son « propriétaire » c’est pourquoi il y a des organes que l’on ne prélève que sur un mort et ceux qu’un vivant humain peut donner. Les prélèvements d’organes constituent une dette impayable pour le receveur. Cette dette peut être difficile à supporter d’autant que la perte de l’organe est définitive sans possibilité de retour. Outre le prélèvement de rein, par exemple, qui n’empêche pas le donneur de survivre, les prélèvements de cœur et de poumon, détruisent la vie de celui qui les offre, c’est pourquoi ces organes sont prélevés, surtout, sur des morts. Est-il éthique d’accepter qu’un individu vivant accepte de donner volontairement son cœur au prix de sa vie pour sauver un autre ? À qui profitent les prélèvements d’organes lorsque le demandeur est biologiquement vulnérable et économiquement bien loti pendant que le donneur se trouve dans la situation inverse ?

En ce qui concerne le plan psychologique, le donneur peut vivre le don comme une source d’éventuels dysfonctionnements de son corps et des maladies qu’il développera plus tard sans que cela ne soit scientifiquement démontré.

D’un point de vue éthique, le don d’organe par des personnes vivantes pose un certain nombre de questions. Le prélèvement d’un organe sur un donneur vivant constitue une atteinte à son intégrité corporelle et bien que les risques d’un tel don soient faibles, ils ne peuvent être totalement écartés. Le donneur s’expose aux risques inhérents à toute opération chirurgicale et à ceux liés aux conséquences à long terme du don d’organe » (N. Eggert& L. Benaroyo, 2008, p. 237)

Le prélèvement d’organe sur des donneurs vivants comporte des risques pour ceux-ci et leur satisfaction ne peut être que psychologique, affective ou monétaire suivant les cas. Le don est susceptible d’entraîner des attachements passionnés, des ressentiments ou du chantage de la part du donneur ou de ses proches s’il ne se fait pas dans l’anonymat. Le receveur aussi peut ne pas s’approprier l’organe transplanté en considérant la greffe comme un élément étranger à son être qui serait à l’origine d’une incohérence dans son identité. Il pourrait se sentir

redevable au donneur ou à sa famille même si le don se fait de façon anonyme.

Le droit à l’intégrité physique, interdisant des traitements inhumains, est l’une des caractéristiques du principe d’inviolabilité de la personne humaine38. Si le corps est inviolable comment concevoir les transplantations d’organes qui procèdent avant tout par des prélèvements qui violent la sacralité du corps du donneur ? Le droit à la vie du malade rentre en conflit avec l’inviolabilité du corps du donneur potentiel d’organe. Accepter de sacrifier un organe au profit d’une personne en détresse, n’est-ce pas rendre hommage à l’humain ?

Dans les sociétés traditionnelles africaines, l’arrêt des fonctions cardio-pulmonaires constituent le principal critère de mort ancré dans les habitudes depuis des siècles. Ces sociétés accepteraient-elles d’admettre la mort cérébrale, qui ouvre la possibilité de prélèvement d’organes sur le mort, comme véritablement équivalente à la mort de l’individu ? Les prélèvements d’organes ne seraient-ils pas préjudiciables à l’existence après la mort ?

La question de l’intégrité du corps humain, même mort, se poserait parce que dans la plupart des sociétés africaines le corps du défunt accède à un statut qui en fait une réalité sacrée, intouchable. L’éthique animiste omniprésente dans les cultures africaines « établit une correspondance entre la vie de l’au-delà et la vie ici-bas » (L. M. Poamé, 2001, p. 60). Elle considère la vie de l’au-delà comme la réplique de la vie sur terre. La mutilation délibérée de l’un des organes de l’individu, vivant ou mort, fera de lui un être handicapé, incomplet et sa vie dans l’au-delà risque d’en pâtir.

Le droit à la santé contribue au respect de la vie, car « veiller à la bonne santé du corps c’est donner plus de chance à la vie » (I. Gueye, 2012, p. 59). L’hommage à la vie vivifié par les transplantations d’organes doit façonner le profil de l’humain pour une humanité viable.

38 Il est évident que l’individu est libre de donner son consentement pour un prélèvement de ses organes, mais ce consentement ne suffit pas pour considérer le prélèvement comme éthique parce que le consentement peut être dénaturé, entre autres, par la misère et le niveau d’instruction du donneur.

3. Les transplantations d’organes en Afrique : quel humain pour

Dans le document Td corrigé GUÉBO Josué Yoroba - BEC-UAC pdf (Page 119-122)