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P ROBLEMATIQUE DE THESE PAR RAPPORT AU CONTEXTE MALIEN ET HYPOTHESES SPECIFIQUES

2 L E PROJET ALIMI

Les résultats présentés dans cette thèse sont issus d’une plus vaste enquête réalisée dans le cadre du projet ALIMI. Ils se concentrent sur les données récoltées sur les trois échantillons maliens sélectionnés pour cette étude.

2.1 Présentation du projet ALIMI

Financé par l’Agence Nationale de la Recherche de janvier 2009 à décembre 2012, le projet ALIMI visait à étudier « la culture alimentaire { l’épreuve de la migration [et les] conséquences pour les politiques alimentaires » à travers les approches complémentaires de différentes disciplines : sociologie, anthropologie, économie, géographie, et nutrition. Plusieurs partenaires ont été mobilisés en France pour participer à ce projet :

- L’EHESS-CNRS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales – Centre National de la Recherche Scientifique)/Centre Edgar Morin à Paris ;

- Le CIRAD (Centre de Coopération Internationale de Recherche Agronomique pour le Développement)/UMR Moisa (Marchés, organisations, institutions et stratégies d'acteurs) à Montpellier ;

113 - L’Université de Toulouse/UMR Certop (Centre d’études et de recherche Travail,

Organisation, Pouvoir) à Toulouse ;

- L’IRD (Institut de Recherche pour le Développement)/UMR Nutripass { Montpellier.

L’objectif général du projet ALIMI était d’identifier les changements alimentaires liés { la migration des campagnes vers les villes d’une part, et du pays d’origine vers la France d’autre part.

Deux pays ont été retenus pour ce projet : le Mali et le Maroc. Le choix de ces pays résultait { la fois d’éléments de contexte – les migrants en provenance du Maghreb et d’Afrique subsaharienne représentant une part importante des immigrés en France et les migrations en provenance du Mali étant plus récentes que celles venant du Maroc – et de facteurs plus pragmatiques – des relations préexistantes avec des partenaires locaux facilitant la compréhension des problématiques et la réalisation des enquêtes au sein de ces pays.

Pour chacun de ces pays, trois enquêtes ont été réalisées : une au sein d’une grande ville du pays, une dans une région de « départ » des migrants, et une auprès d’immigrés de cette origine en France. La présente thèse porte sur les résultats du Mali et les enquêtes réalisées à Bamako (pour la zone « urbaine »), dans la région de Kayes (pour la zone « rurale ») et auprès de migrants maliens vivant en région parisienne (France).

La comparaison entre les zones urbaine et rurale au sein de chaque pays devait rendre possible l’analyse, pour des environnements socioculturels relativement proches, des effets du changement de styles de vie et de moyens d’accès { l’alimentation et aux revenus sur les styles alimentaires (pratiques, représentations et normes) et le bien-être (nutritionnel, psychologique, social). La comparaison entre les groupes du pays d’origine et des immigrés en France devait quant à elle permettre, de façon complémentaire, d’analyser les effets d’un changement de l’environnement socioculturel.

En 2009-10, une première phase du projet ALIMI a consisté à réaliser des enquêtes qualitatives sur les différents terrains pour investiguer les champs de recherche à creuser, les hypothèses { valider et tester un certain nombre d’outils méthodologiques envisagés pour mesurer la satisfaction alimentaire. La deuxième phase du projet s’est ensuite concentrée sur l’élaboration d’un questionnaire commun pour la réalisation d’enquêtes quantitatives, fin 2010 et début 2011, auprès d’échantillons raisonnés de population des différents terrains d’étude sélectionnés.

114 Au Mali, la réalisation des enquêtes qualitatives et quantitatives du projet ALIMI a été placée sous la responsabilité de l’organisation non gouvernementale Miseli, unité de recherche indépendante en sciences sociales88 ; en Ile de France, c’est le centre Edgar Morin89 qui a pris la direction de l’étude.

Si le projet ALIMI a démarré en janvier 2009, j’ai pour ma part rejoint l’équipe au mois de mai de cette même année et assisté dès lors { toutes les réunions organisées jusqu’{ la clôture du projet, en décembre 2012. Après la rédaction d’un mémoire de recherche intitulé « De la sécurité au bien-être alimentaire » en 2009, mon implication au sein du projet fut totale et active à partir de janvier 2010, date du démarrage de ce travail de thèse.

Je me suis ainsi rendue { Bamako { plusieurs occasions. En mai 2010 tout d’abord, pour discuter des résultats obtenus par les chercheurs en charge de l’enquête qualitative au Mali, réfléchir au concept de bien-être alimentaire et commencer à tester les moyens de mesurer celui-ci ; de septembre { décembre 2010 ensuite, pour participer { la supervision de l’enquête quantitative { Bamako et assurer le codage et la saisie en binôme des données récoltées ; puis en avril-mai 2011 pour superviser la saisie des données collectées dans la région de Kayes ; et en février 2012 pour travailler sur l’analyse des données des deux enquêtes au Mali avec les chercheurs sur place.

Dans la répartition concrète des tâches du projet, l’élaboration, la correction et la gestion des bases de données des différents terrains d’enquête ont d’abord été placées sous la responsabilité d’une ou deux personnes directement impliquées sur le terrain. C’est ainsi que j’ai été en charge des bases « Mali rural » et « Mali urbain » mais que je n’ai pas directement participé { l’enquête réalisée en Ile de France. Après un travail de regroupement et fusion des différentes bases de données en une seule fin 2011, chaque équipe a pu entreprendre les analyses qu’elle envisageait sur les mesures et questions la concernant directement. Si les décisions d’analyse des questions qualitatives ont été prises de façon collective et les calculs des indicateurs répartis entre les différentes équipes, les analyses statistiques et économétriques présentées dans cette thèse relèvent de mon propre travail. Elles n’engagent donc en rien les autres membres du projet

88 Créée en 2006, l’ONG Miseli est une association malienne de recherche et de formation en anthropologie des dynamiques locales. Elle est basée { Bamako (Mali). Ses recherches s’articulent autour des domaines de la santé, du développement social, de la pauvreté et des questions de migration. http://www.miselimali.sitew.fr

89 Le centre Edgar Morin est une des cinq équipes de recherche qui composent l’Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (IIAC), fondé en 2006, et sous la tutelle commune de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Ses bureaux sont situés à Paris (France). http://www.iiac.cnrs.fr/CentreEdgarMorin/

115 ALIMI même si certaines ont pu faire l’objet de discussions au cours de différentes réunions d’équipe.

2.2 Zones d’enquête retenues pour l’étude ALIMI sur le

Mali

Bamako, capitale du Mali, et agglomération la plus peuplée du pays – 1,8 millions d’habitants en 200990 – a été choisie pour l’enquête en « zone urbaine ».

La région de Kayes, située { l’ouest du Mali, { la frontière avec la Mauritanie au nord et le Sénégal { l’ouest (Fig.3), est retenue comme « zone rurale » pour l’enquête. Le fait qu’une majorité des immigrés maliens en France soient originaires de cette région – même si la population immigrée malienne en France tend aujourd’hui { changer, avec des ressortissants qui viennent de plus en plus de toutes les régions du Mali – motivait ce choix. Pour pouvoir envisager de comparer les comportements des personnes de nos différents échantillons d’étude, il était en effet important de pouvoir « isoler » les effets éventuels de certaines caractéristiques socioculturelles pour s’assurer que ceux-ci ne soient pas les seuls facteurs explicatifs des variations des résultats observées.

La région de Kayes n’est pas représentative de l’ensemble du « rural malien », en particulier parce qu’elle est fortement marquée par l’émigration de sa population. D’après les résultats de l’enquête approfondie sur la sécurité alimentaire et la vulnérabilité (CFSVA) réalisée en 2005, 66% des ménages de la région de Kayes avaient au moins un membre en migration au moment de l’enquête, contre 57% au niveau national. Les migrants sont principalement des hommes actifs dont l’objectif premier est de trouver des sources de revenus. Les migrations de la région de Kayes se font beaucoup plus hors d’Afrique que celles des autres régions : 33% des ménages de cette région ont un membre hors d’Afrique, contre 10% au niveau national (Ballo, 2009). Ces variations des lieux de destination des migrants expliquent que les transferts monétaires retours reçus par les ménages de la région de Kayes soient, de loin, les plus élevés du pays : ils sont estimés à 337 512 FCFA/ménage/an (soit environ 514 €) en moyenne pour tous les ménages ayant un membre en migration, contre moins de 50 000 CFA/ménage/an (soit environ 76 €) dans les autres régions (Ballo, 2009). L’émigration a des répercussions importantes sur la région de Kayes. Elle implique des changements d’organisation dans les villages – en partie dépourvus de leur main d’œuvre et majoritairement occupés par les femmes et les plus âgés en attente des envois et des retours des migrants – et ses impacts économiques jouent sur le développement

116 des infrastructures religieuses, sociales et productives (Daum, 1998). Les résultats de l’EDSM-IV (2006) en termes de santé et de malnutrition montrent cependant que la région de Kayes n’est pas plus épargnée que les autres, voire même qu’elle présente des chiffres plus alarmants que dans tout le reste du pays. En termes de vaccination des enfants par exemple, 29% des enfants de 12 à 24 mois seulement ont une couverture vaccinale complète dans la région de Kayes, contre 48% { l’échelle nationale (et 59% { Bamako). La prévalence des diarrhées y est aussi plus alarmante que partout ailleurs puisque l’EDSM-IV indique que 21% des enfants de moins de cinq ans de la région de Kayes en ont été atteints au cours des deux semaines précédant l’enquête contre 13% { l’échelle nationale (et 8% à Bamako). En termes de sous-nutrition, la prévalence des retards de croissance sévères des enfants de moins de cinq ans est de 15% dans la région de Kayes, soit légèrement mieux que pour le reste du pays (19%) mais moins bien que Bamako, qui affiche 10%.

Ainsi, même si la région de Kayes n’est pas « typique » du « milieu rural » au Mali, elle ne peut pas être considérée comme beaucoup plus développée que les autres régions du pays et connaît une situation plus proche, en termes de santé et de nutrition, des autres régions rurales que de la capitale Bamako. Retenir la région de Kayes pour y organiser l’enquête ALIMI semblait donc tout à fait approprié.

Enfin, pour ce qui est des migrants maliens interrogés en France, l’enquête ALIMI s’est concentrée sur la région de l’Ile de France, où ils sont majoritairement installés et regroupés.

Sur la base de la description des situations alimentaires des différents milieux au Mali que nous avons présentée précédemment, nous faisons l’hypothèse que les niveaux d’insécurité nutritionnelle de l’échantillon des personnes interrogées dans la région de Kayes devraient être plus importants que ceux de l’échantillon des personnes interrogées { Bamako, eux-mêmes plus alarmants que pour les immigrés maliens enquêtés en Ile de France. La comparaison des niveaux de bien-être alimentaire subjectif des trois échantillons de personnes interrogées devrait donc nous permettre d’étudier comment se traduit l’amélioration des situations nutritionnelles en termes de ressenti des individus par rapport à leur expérience alimentaire dans toutes ses dimensions.

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CHAPITRE 4 : DEMARCHE DE LENQUETE

Le chapitre 4 est divisé en quatre parties : la première partie présente un certain nombre d’éléments de méthode retenus pour l’enquête ALIMI ; la seconde partie récapitule les variables et questions du questionnaire ALIMI que nous utilisons pour notre analyse ; la troisième partie s’attarde sur l’échantillonnage – critères et sélection des personnes interrogées – pour chaque terrain d’enquête ; et la quatrième partie décrit enfin les étapes du déroulement de l’enquête quantitative pour chacune des zones d’étude.